lundi 31 octobre 2016

présidentielle française : la "Valls" hésitation - Le Point



Entre insolence et révérence, Manuel Valls savonne la planche du président Hollande. Une "défillonisation" qui fait des dégâts...

Modifié le 31/10/2016 à 16:51 - Publié le 31/10/2016 à 11:59 | Le Point.fr
Pour des soutiens du Premier ministre, tel le député Philippe Doucet, « Manuel Valls a un devoir de candidature. On ne peut pas finir dans la Berezina de Hollande. »

Pour des soutiens du Premier ministre, tel le député Philippe Doucet, « Manuel Valls a un devoir de candidature. On ne peut pas finir dans la Berezina de Hollande. » © AFP/ Geoffroy Van Der Hasselt
Manuel Valls a finalement adopté la stratégie d'Emmanuel Macron : un pas de côté pour montrer sa différence, puis un pas en arrière pour réaffirmer sa loyauté. Un pas vers la gauche pour se poser en « rassembleur », puis un genou à terre pour réaffirmer sa révérence à celui qui l'a nommé à Matignon. « C'est une stratégie d'empêchement, Valls ne va plus s'arrêter ! » s'alarme un proche du président, qui ne comprend pas pourquoi Hollande ne s'est pas débarassé de Manuel Valls à la suite du fiasco de la déchéance de nationalité. Maintenant, c'est trop tard : Hollande s'affaiblirait encore plus à provoquer un changement de gouvernement, tandis que Manuel Valls n'aurait rien à gagner à une démission après avoir tenu la posture du « père courage » qui ne fuit pas devant la difficulté du pouvoir.
Pourtant, la semaine a été chaude et le bruit d'une démission a traversé les rangs du gouvernement. À la suite de l'entretien donné par Manuel Valls par France Inter, mercredi 26 octobre, l'effroi s'empare des cabinets ministériels. « Je pense que l'exercice du pouvoir, c'est l'intimité, c'est le respect de la confidence, c'est le respect, bien sûr, du secret », déclare ce jour-là le Premier ministre. Une remontrance non dissimulée qui provoque un émoi palpable. Plusieurs directeurs de cabinet ministériel passent alors la consigne : « Ne vous éloignez pas de vos téléphones portables, il se pourrait que le gouvernement saute. »

« Les recadrages de Hollande sont égal à zéro » (un ministre)

Deuxième alerte, vendredi 28 octobre au soir. À l'Élysée, le président Hollande cherche à joindre Manuel Valls de toute urgence. Le Premier ministre, en visite en Gironde, vient de prononcer deux mots fâcheux : d'abord en disant publiquement sa « colère » à propos du livre Un président ne devrait pas dire ça... par qui le scandale arrive, puis en traduisant le sentiment de « honte » ressenti par les socialistes à propos des confidences inconsidérées du président aux journalistes Gérard Davet et Fabrice Lhomme. Valls est monté d'un cran dans l'insolence. Chez François Hollande, jamais de grosse colère. Seulement une demande d'explication. Au téléphone, Valls ne s'est pas déjugé, estimant qu'il avait un devoir de « franchise » dans cette période où la candidature Hollande ne suscite pas, chez les siens, un grand enthousiasme au regard des sondages catastrophiques. Puis il a redit sa « loyauté » au chef de l'État. Plusieurs fois, les deux hommes vont échanger au cours du week-end alors que Manuel Valls, en tournée en Afrique, peaufine son image de présidentiable. Un jeu de dupes ? « De toute façon, les recadrages de Hollande sont égal à zéro », lâche un ministre, affolé par le climat gouvernemental.
« Qu'il continue comme ça, il nous rend service. Il va finir par rendre Hollande sympathique », chuchote un proche du président. En tout cas, la mise en scène de la « colère » de Manuel Valls permet au Premier ministre de se démarquer d'un président au plus bas dans les sondages et de jouer la carte du « recours ». Même s'il ne parvient pas à empêcher Hollande, il aura au moins obtenu de se « défilloniser », selon l'expression de Jean-Christophe Cambadélis. « En effet, ce sera d'abord la défaite de Hollande, plutôt que celle de Valls », reprend ce même ministre. Le livre de Davet et Lhomme est donc tombé à pic. Le Premier ministre était à ce moment-là en plein voyage au Canada. Selon nos témoins, à la table de Valls, les premiers échos bruyants du bouquin sont plutôt accueillis avec de larges sourires. « Cela ressemblait à ces banquets dans Astérix, quand on festoie tandis que le barde Assurancetourix est ligoté et bâillonné pour l'empêcher de chanter », confie-t-on. Le barde, c'est Hollande, en l'espèce.

« On ne peut pas finir dans la Bérézina de Hollande » (Doucet)

Pour le camp vallsiste, l'occasion se présente, en effet, de supplanter le président. Mais ses conseillers ne sont pas tous sur la même ligne. Si Malek Boutih tire à boulets rouges sur le président, d'autres sont plus précautioneux... « Manuel ne se présentera jamais contre le président de la République. Il a trop de respect pour les institutions, jure le député Luc Carvounas, un vallsiste de la première heure. Il ne fait pas du Macron ou du Duflot. Mais la question se pose : qui est le mieux placé pour représenter la gauche de gouvernement dans une primaire ? François Hollande n'est pas le candidat naturel puisqu'il a admis le principe d'une primaire. Si on continue comme ça, nous allons trébucher et Montebourg va gagner la primaire. Des ministres de premier plan et de très nombreux parlementaires PS le pensent aussi. Je demande à François Hollande de revenir vers nous, la gauche de gouvernement, et d'entamer un dialogue. » D'autres soutiens du Premier ministre, tel le député Philippe Doucet, n'y vont pas par quatre chemins : « Manuel Valls a un devoir de candidature. On ne peut pas finir dans la Bérézina de Hollande. »
L'offensive des vallsistes n'a pas échappé à Jean-Christophe Cambadélis, le patron du PS, qui s'en inquiète auprès du Premier ministre. Les deux hommes se sont vus à Tours, le samedi 22 octobre, aux universités de l'engagement du PS. Manuel Valls a pris soin d'adapter son discours à son interlocuteur, jurant que la consigne qu'il avait donnée aux vallsistes était de « fermer leur gueule » et affirmant qu'il n'avait pas d'ambition pour lui-même en 2017... Éclat de rire des vallsistes ! « Bien sûr que Manuel Valls sera candidat dans la minute où Hollande se désiste ! » confie l'un de ses plus vieux amis rocardiens.  Ce serait même, à l'entendre, une question de survie politique. Ne pas aller à la primaire, c'est laisser à Macron tout l'espace du réformisme et à Montebourg les clés du Parti socialiste. Impensable pour un homme pressé et ambitieux !

« Montebourg se fait des illusions » (Cambadélis)

Problème : Valls a-t-il vraiment plus de chance de réussir que François Hollande ? Rien n'est moins sûr. « Il clive davantage que François Hollande. Au moins, le président a la légitimité de sa fonction », estime Benoît Hamon, l'un des candidats à la primaire. « Quel intérêt à avoir Valls plutôt que Hollande ? s'interroge Patrick Mennucci, le député de Marseille. Aucun. Ce n'est pas une solution. Il nous faut un candidat du centre du parti, capable de rassembler. » « Oui, mais c'est un raisonnement dans le système. Dans une primaire ouverte, les Français vont chercher un homme d'État », réplique l'un des soutiens de Valls. « Valls contre Montebourg, c'est une vraie affiche, un vrai choix. »
La primaire de la gauche devient dès lors un enjeu d'audience. « Notre intérêt, à moi comme à Arnaud Montebourg, reprend Hamon, c'est que cette primaire attire les déçus du hollandisme, donc que ces primaires soient attractives. Je conçois bien que Cambadélis et Hollande ont plutôt intérêt à ce que ces primaires soient trop moches, pour que les gens ne viennent pas voter. » Cambadélis fait ses comptes de son côté : « Montebourg se fait des illusions sur la participation. Nous aurons, au mieux, 800 000 à un million de votants. Dans ce cadre, Hollande bat Montebourg. Les électeurs communistes ont déjà leur candidat, c'est Mélenchon. Ils ne viendront pas à la primaire de la gauche. Et il est illusoire de penser que François Hollande puisse renoncer à être candidat. Donc, je ne comprends pas bien pourquoi toute cette agitation. » Même analyse de Pierre Moscovici interrogé, lundi matin, sur France culture : "Il ne peut y avoir de plan B, ce n'est pas digne d'y réfléchir (...). La logique de la Vème République, la logique de la politique, c'est que le président de la République soit candidat à un nouveau mandat. J'imagine mal le président passer six mois dans son palais pendant que tout le monde lui tape dessus. Après, nul doute que ce sera dans une situation compliquée..."
En attendant, les Français assistent à un spectacle hallucinant au point que Stéphane Le Foll, porte-parole du gouvernement, en soit venu, dimanche matin, à recadrer le chef du gouvernement... L'auto-destruction de la gauche est en marche.


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