Françaises, Français !
Il y a vingt-cinq
ans, lorsque la France roulait à l'abîme, j'ai cru devoir assumer la charge de
la conduire jusqu'à ce qu'elle fût libérée, victorieuse et maîtresse
d'elle-même. Il y a 7 ans, j'ai cru devoir revenir à sa tête pour lui éviter la
guerre civile, lui épargner la faillite monétaire et financière et bâtir avec
elle des institutions répondant à ce qu'exigent l'époque et le monde moderne.
Depuis lors, j'ai cru devoir exercer les pouvoirs de chef de l'État afin quelle
puisse accomplir au profit de tous ses enfants une étape sans précédent de son
développement intérieur, recouvrer la paix complète et acquérir dans l'univers
une situation politique et morale digne d'elle. Aujourd'hui, je crois devoir me
tenir prêt à poursuivre ma tâche, mesurant en connaissance de cause de quel
effort il s'agit, mais convaincu qu'actuellement, c'est le mieux pour servir la
France.
Car ainsi,
notre pays se voit offrir le meilleur moyen de confirmer par ses suffrages le
régime stable et efficace que nous avons ensemble institué. Que l'adhésion
franche et massive des citoyens m'engage à rester en fonction, l'avenir de la
République nouvelle sera décidément assuré. Sinon, personne ne peut douter
qu'elle s'écroulera aussitôt et que la France devra subir, mais cette fois sans
recours possible, une confusion de l'État plus désastreuse encore que celle
qu'elle connut autrefois.
Françaises,
Français ! c'est dire que suivant votre choix, notre pays pourra ou non,
continuer la grande oeuvre de rénovation où il se trouve engagé. Or, qu'il
s'agisse de son unité, de sa prospérité, de son progrès social, de sa situation
financière, de la valeur de sa monnaie, de ses moyens de défense, de
l'enseignement donné à sa jeunesse, du logement, de la sécurité, de la santé de
sa population, l'avance qu'il a réalisée depuis sept ans apparaît comme éclatante.
Certes, il y a encore, il y aura toujours beaucoup à faire. Mais comment y
parviendrait-on si l'État livré aux partis retombait dans l'impuissance ? Au
contraire, quel élan nouveau prendra notre République quand celui qui a
l'honneur d'être à sa tête aura été approuvé par vous dans son mandat national
!
En même temps,
se trouvent en jeu la situation et l'action de la France dans un monde
au-dessus duquel planent d'incommensurables dangers. L'indépendance reprise
sans renier nos amitiés ; la coopération pratiquée avec des peuples où notre
colonisation était devenue anachronique et souvent sanglante ; l'union de
l'Europe occidentale poursuivie de telle sorte qu'elle s'organise dans des
conditions équitables et raisonnables, que la France y reste elle-même et qu'au
plus tôt tout notre continent puisse s'accorder pour marcher en commun vers la
paix et vers le progrès ; le rayonnement de notre culture, vivifié et
grandissant ; la considération et l'audience des autres peuples obtenues
justement par nous en soutenant partout la cause de la libération, du
développement et de l'entraide dont dépend le sort de la communauté humaine. Eh
bien, voici que le monde entier regarde vers vous pour savoir si vous allez par
votre vote ratifier ou effacer ce que nous avons accompli au dehors, appuyer ou
empêcher ce que nous sommes en voie d'y réussir.
Une grande
responsabilité nationale incombera donc dans un mois à vous toutes et à vous
tous ; c'est là d'ailleurs la raison d'être de la loi constitutionnelle qui
s'appliquera pour la première fois et en vertu de laquelle le peuple français
tout entier désignera le chef de l'État, garant du destin de la nation. En
élisant le président de la République, il vous sera donné de fixer en
conscience, par-dessus toutes les sollicitations des tendances partisanes, des
influences étrangères et des intérêts particuliers, la route que va suivre la
France. A moi-même, que vous connaissez bien, après tout ce que nous avons fait
ensemble dans la guerre et dans la paix, chacune de vous, chacun de vous aura
l'occasion de prouver son estime et sa confiance. Ainsi, devant tous les
peuples, le scrutin historique du 5 décembre 1965 marquera le succès ou le
renoncement de la France vis-à-vis d'elle-même. Françaises, Français, j'espère,
je crois, je sais qu'elle va triompher grâce à vous !
Vive la
République !
Vive la France
!
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