Les odeurs de palier à Orléans : Jacques Chirac
en campagne (électorale) 1981 ou 1986. « Les assistés. Comment la France les fabrique. Peut-on vivre sans
travailler ? Les riches qui en profitent. Le grand délire des allocations »,
affichage grand format de la couverture du Point
cette semaine.
Incitation à la haine, la haine de l’autre quand il
nous est différent si peu que ce soit ou beaucoup. Symptôme d’un pays qui
meurt, le réflexe du « petit blanc » : la défensive,
l’accusation, le bouc émissaire. Le racisme et les slogans du genre « les Français d’abord ! »
ont peut-être été ré-essayés par le Front national, dans la France contemporaine, après tant d’autres
époques de notre histoire quand se répand la conscience de perdre et d’être
dépassé par les événements sans pouvoir se comprendre ni comprendre l’actualité
et la leçon des circonstances (nos années 30), mais les véhicules ont été
nombreux et se sont multipliés, à telle enseigne qu’un passé du genre de
Drancy, voire les camps dits de rétention administrative pendant la guerre
d’Algérie, en métropole-même, aujourd’hui condamnés sans qu’aient jamais été
dites exactement les responsabilités, n’interdisent toujours pas et le fait et
plus encore le discours les « justifiant » : Brice Hortefeux,
Claude Guéant, Manuel Valls… un président de la République, en Juillet 2010, à Grenoble.
Autant de salutations depuis plus de trente ans à ce qui, par ailleurs quand il
s’agit de comptabiliser les voix ou de légitimer les alliances pour en empêcher
d’autres, est ostracisé. Deux bienséances différentes sur un même thème, pour les mêmes
faits.
La base en morale politique étant si molle, médias et
dirigeants de partis, gouvernants aussi sont forcément désarmés pour comprendre
le Front national, l’admettre à l’élection, le combattre en psychologie et en
sociologie. Car la manière dont ce qui est prétendu l’apanage ou le
« fonds de commerce » des lepénistes, a été en fait reprise par une
partie de l’U.M.P. et par l’actuel ministre de l’Intérieur, les uns en paroles
après avoir exercé le pouvoir, l’autre en ressemblance (même si elle n’est pas
voulue ?) avec ses prédécesseurs immédiats, coupe la parole à tout
adversaire politique du mouvement dit d’extrême-droite.
Les législations et réglementations françaises –
nationalité, avantages sociaux, droit d’asile – seraient à étudier dans leurs
évolutions en fonction de deux questions : accompagnement des calendriers
électoraux, contamination par les simplismes sinon les « bobards » du
Front national accueillis par une part de plus en plus grande de la population française,
peu informée des conditions d’accueil et de pérennisation des personnes
d’origine étrangère et pas davantage de l’accès de celles-ci aux droits
sociaux. Le préjugé général est que ce qui est donné à d’autres est enlevé aux
nationaux, quand il n’est pas – anecdotes à l’appui – assuré que la préférence
non seulement n’est pas nationale, mais au contraire donnée aux étrangers [1].
Les thèses Front national ont donc été contagieuses,
leur propagation n’est pas en déclin, elles sont explicatives de presque tous
les maux publics : déficits budgétaires, tension sur le marché de
l’emploi, et pas seulement des problèmes d’insécurité. Elles dominent
l’ambiance parce qu’elles sont simples, de portée générale, d’application à
tous les sujets et que la stratégie électorale de la formation extrêmiste étant
le renvoi dos à dos des deux principaux partis à vocation gouvernementale et à
représentation parlementaire, elles passent surtout pour être sans étiquette politique.
Elles portent donc un critique globale, non de la société, mais de ce que la
politique fait de la
société. La contagion du propos, la tolérance à ce propos
sont du même ordre qu’à certaines de nos tristes époques l’antisémitisme.
D’ailleurs, l’antisémitisme est un des fonds du Front national à sa fondation
mais un filon bien plus productif a été trouvé avec l’immigration.
La République, et donc les partis qui la respectent et
en procèdent – y compris ceux qui soutiennent la proposition capétienne d’un
autre mode de recrutement pour sa présidence, même s’ils sont bien peu nombreux
et aucunement notoire maintenant – ont traditionnellement de la difficulté à
s’opposer avec les partis extrêmistes. Elle ne peut les dissoudre sans
contredire sa propre source spirituelle
et idéologique, la somme de ses valeurs humanistes et libertaires, sauf
groupuscules sans conséquence comme en 1968-1969 ou cet été. Le Parti
communiste naguère, le Front national aujourd’hui, même si les positions du
premier à la déclaration de guerre en Septembre 1939, ou les graves écarts de
langage de ses chefs depuis des années pour le second, semblent exclusifs d’une
vie publique respectueuse des acteurs autant que respectées par ceux-ci.
Opinion et ambiance générales, concessions des
pouvoirs publics par leur production de textes et par leurs comportements,
objection démocratique ne trouvent cependant leur impact que par une
progression dans les urnes. Déjà en 1986, par un habile changement du mode de
scrutin, le Front avait embarrassé la droite parlementaire. Déjà en 1998, aux
élections régionales le Front sembla, en certaines régions, dont Rhône-Alpes,
arbitre de la suite. Déjà
en 2002, le Front dénatura l’élection présidentielle au point de faire plébisciter
un vétéran qu’aurait sans doute, dans une autre disposition des candidatures,
bousculé le Premier ministre sortant. Justement, chacune des avancées du Front
national a été facilitée par des manœuvres ou des fausses manœuvres de l’un ou
l’autre des deux partis d’expérience et de vocation gouvernementale. C’est à ce
point du questionnement des circonstances actuelles qu’il convient de
s’arrêter. Un mouvement, initialement protestataire selon des thèmes
d’expression précise mais d’application extensive, est devenu une menace pour
l’ensemble du système que les deux partis dominants ont érigé, au mépris
certain de l’esprit fondateur de la Cinquième République
et de ses institutions, et sans considération pour le vœu des électeurs.
U.M.P. et P.S. ne sont plus des partis d’alternance
ni, chacun selon ses traditions, ses précédents, ses origines idéologiques et
historiques, un creuset pour des solutions gouvernementales, tenant compte de
l’échec des précédentes et des souhaits formulés par les électeurs quand
ceux-ci favorisent l’un plutôt que l’autre. La vie gouvernementale française ne
marque plus aucun changement que de personnes à la suite d’aucune élection.
Seules, celles de 1981, 1986 et 1993 ont été suivies de changements
substantiels d'orientation. Depuis 1993, la ligne générale a été au démantèlement de l’Etat
et du service public, quelle que soit l’étiquette gouvernementale ou
présidentielle, les privatisations des services, structures et entreprises. Les réformes des régimes de
retraite spéciaux ou généraux, la troisième en dix ans, le creusement de la
dette publique, la croissance du chômage, la désindustrialisation du pays
atteignant maintenant l’ultime bastion : l’agro-alimentaire, la pénétration
de l’investissement étranger au cœur du ludique autant que dans nos
partenariats nucléaires, empêchent de différencier les tenants et l’exercice du
pouvoir en France depuis vingt ans. Les Français ressentent comme un bloc
intellectuel ou une soumission à l’air du temps, sinon à l’étranger et au
supranational, les politiques, la fiscalité et même l’offre de produits de
grande consommation qui leur sont imposées. Ils ne se reconnaissent plus dans
leurs gouvernants. L’antiparlementarisme, limitant aux élus la critique et la
caricature, est dépassé : le gouvernement, le président de la République
semblent ne plus être d’abord dévoués au pays, aux administrés et aux citoyens
mais appliqués à satisfaire des règles ou des intérêts débordant les Français. Le Front national
formule ce sentiment avec plus de vivacité : complicité des partis
dominants et abandon de leur fait, par l’Etat, d’une mission tutélaire !
Evidemment, quoique l’impact soit difficile à mesurer, que la mémoire ne soit
pas lointaine et que l’exceptionnel soit devenu ces années-ci une seconde
nature de la politique en France : la corruption et son application aux
financements des élections présidentielles depuis celle de 1995. Le scandale
d’une participation de pays étrangers eux-mêmes sous dictature, à ces
financements, ou le détournement de marchés à l’exportation ne sont pas distingués
du reste : affaire de mœurs… le discernement des cas, des montants, de la
place des bénéficiaires, personnes physiques ou personnes morales n’est pas
fait. La même approximation qui surcharge les rumeurs de fraude à la
nationalité et aux prestations sociales, banalise au contraire ce qui entache
gravement l’image de la France contemporaine.
La question se pose alors : s’agit-il pour le
pays de réduire un parti extrêmiste, de le confiner comme cela domina
dogmatiquement la vie française pendant un demi-siècle, à propos du Parti
communiste ? Ou s’agit-il de maux à éradiquer et qui sont
réversibles ? Exclusion ou assainissement ? Le Front a-t-il droit de
cité ? lui accorder non seulement l’élection, mais la représentativité et
à terme la participation à des gouvernements ? est-ce mettre en danger la
démocratie et le corpus des valeurs humanistes nationales ?
Assainissement ? mais comment ? Opération sur le corps politique dans
son entier pour qu’il retrouve la confiance populaire ? ou banalisation
d’une formation qui aurait, par ses succès électoraux et surtout la diffusion
de ses thèmes, changé l’attitude des Français et de leurs dirigeants en
viciant, voire en rendant impossible la relation entre sécurité et
liberté ? Le dilemme, pas clairement assumé dans le jeu de rôles
pouvoir/opposition, est posé dans un contexte périlleux : celui du chômage
et de la récession, celui du quant à soi d’une minorité fortunée dont les
rejetons se dénationalisent, tandis que la dialectique et la solidarité de conditions
sociales et de classe ont presque totalement disparu au profit d’une paradoxale
mais désastreuse combinaison de l’individualisme et du communautarisme. La
nation entière est en voie de fragmentation, les partis politiques
traditionnels – qui ces temps-ci, au pouvoir ou dans l’opposition,
n’ont plus, chacun, vraiment un chef, ce qui n’a pas de précédent – se sont à leurs propres dépens organisés un duopole qui doit
beaucoup au fixisme de nos institutions, les rapports de force et la
distribution des rôles se faisant tous les cinq ans. La représentation
nationale n’épouse donc pas les mouvements de l’opinion et l’exercice du
pouvoir exécutif ne répond pas aux souhaits de la population pas plus qu’il ne
maîtrise ou pallie les circonstances de plus en plus défavorables au pays.
Le traitement politique d’un parti extrêmiste a ses
précédents et recettes. François Mitterrand, ainsi qu’en d’autres domaines, a
été inventeur encore plus que fondateur. La stratégie de l’alliance pour
gouverner avec le Parti communiste a eu raison de la base électorale de
celui-ci sans qu’il puisse, au contraire, être reproché à la gauche, de trahir
l’histoire nationale par un programme commun de gouvernement contraire à sa
nature. L’instauration de la représentation proportionnelle pour l’élection à
l’Assemblée nationale n’a pas transformé ni réduit le Front national mais était
une occasion pour la droite parlementaire d’alors : le rassemblement pour
la République (R.P.R.) de se démarquer du Front. Nos institutions sont telles
que les prérogatives et la stabilité de l’exécutif ne seraient pas mises à mal
par un recrutement différent du scrutin majoritaire uninominal à deux tours.
L’Assemblée contrôlerait mieux le gouvernement, représenterait bien davantage
et fidèlement le pays. La participation à terme du Front national à un
gouvernement de l’U.M.P. s’inscrit dans la logique des fraternisations thématiques.
Jacques Chirac a manqué la grande opportunité d’un gouvernement d’union
nationale après sa fausse réélection de 2002, il y eût gagné une légitimité
qu’il n’aura historiquement jamais obtenue, puisqu’au premier tour de chacune
de ses candidatures présidentielles, il n’a jamais dépassé 20% des suffrages
exprimés. Nicolas Sarkozy et ses éventuels successeurs à la tête de l’U.M.P.
ont tort de refuser une coalition avec l’extrême droite « frontiste »,
même si ce serait reconnaître que, depuis le départ forcé par referendum du
général de Gaulle en 1969, les mouvements qui lui ont survécu et se sont
succéder pour un électorat de
plus en plus réduit et de plus en plus identifié seulement à droite, n’ont
plus rien de commun avec un quelconque legs de l’homme du 18-Juin. Cette
cohérence aurait un autre avantage, rendre de l’espace au centre et, ce qui
peut ne pas rester accessoire, donner par celui-ci une structure conforme à la
laïcité de l’Etat à une autre extrême-droite que le Front : la nébuleuse des
protestataires se disant catholiques, qu’ont mise en évidence les projets
gouvernementaux sur le mariage et la bio-éthique. Ces
protestataires sont d’ailleurs davantage accueillis et soutenus par la droite
parlementaire que par le Front.
Si la responsabilité de l’U.M.P. est de l’ordre de la
franchise : les thèmes sont communs avec le Front national, de même que la
politique économique, sociale, budgétaire tentée avec discontinuité et sans
méthode entre 2007 et 2012 est maintenant à l’œuvre avec ténacité sous signature
socialiste, et que le reconnaître à droite serait pour celle-ci le meilleur
moyen de miner son ennemi…, la responsabilité de la gauche est de réinventer un
gouvernement et une politique de son crû qu’intuitivement les Français, s’il
s’agit de gouvernement et non plus des obsessions sécuritaires sinon racistes,
attendent et formulent même.
Les changements institutionnels sont, pour le moment,
de la compétence de la
gauche. Et s’il fut de la responsabilité de Jacques Chirac de
créer le consensus en 2002, il est à la charge de François Hollande de proposer
les réformes rendant nos institutions et surtout l’expression de nos opinions,
conformes aux états d’esprit. La représentation proportionnelle devra éviter
l’écueil d’une toute-puissance des appareils de parti sur la composition des
listes. Celle-ci serait pire que le cumul des mandats et aurait encore moins de
justification. Les expertises de constitutionnalistes, de publicistes voire de
comparatistes sont nécessaires pour établir ces nouveaux modes de scrutin. En
revanche, pour donner à l’opinion protestataire la possibilité de s’exprimer
autrement que par l’abstention, difficile à classer, ou par le vote en faveur
du Front national que toute la classe politique veut contenir, le vote blanc
devrait être distingué du vote nul et avoir son efficacité en ce qu’un quorum
de suffrages exprimés par rapport aux inscrits et dont seraient retranchés les
bulletins blancs, serait nécessaire pour tout scrutin en toute assemblée ou au
suffrage direct national. Enfin, si les citoyens veulent du civisme chez leurs
élus et leurs gouvernants, ils seraient pris au mot en rendant leur vote
obligatoire, à peine de pénalités fiscales.
La rigidité actuelle de nos institutions tient en
grande partie à la coincidence des élections présidentielles et législatives, à
la durée égale des deux mandats et aux habitudes malheureusement prises
d’interdire les votes de conscience au Parlement, en sorte qu’aucun débat n’a
plus d’enjeu, que la contestation à l’intérieur de la majorité comme de
l’opposition est seulement médiatique. La concurrence pour l’exercice du
pouvoir n’est plus qu’une bataille entre machines dont des personnalités (sinon
des caractères) se disputent le contrôle, elle n’est plus depuis les années
1980 une comparaison des diagnostics et des remèdes et la question d’Europe,
pourtant mise en referendum en 1992 et en 2005, est traitée de façon aussi
puérile et peu informée que les enjeux nationaux.
La vie politique française répudierait les simplismes
et les invectives, les procès d’intention et les répétitions d’arguments
controuvés pour se consacrer à la renaissance du pays, à sa restructuration
économique et sociale si elle était appelée à choisir une telle mûe
institutionnelle. Celle-ci en entraînerait certainement une autre : la
remise en œuvre d’une planification, donc d’une concertation de tous les
partenaires, pour des durées que suggèrent celles des mandats du président de
la République et de l’Assemblée nationale (on ne serait d’ailleurs pas loin du
gouvernement de législature proposé par Pierre Mendès France par opposition,
en 1962, au nouveau mode d’élection à la tête de l’Etat). Donc un nouveau cadre
pour les forces sociales et les décisions économiques, au lieu du libre-arbitre
et des multiples rapports ou commissariats généraux. Donc des modalités de
participation pas seulement à la vie politique ou selon les procédures propres
à la vie des entreprises.
Les Français ne demandent qu’à être adultes. Si les
simplismes ou les extrêmes sans exutoire ont cours parmi nous, c’est que la
comédie des pédagogies gouvernementales, à droite puis à gauche, et ainsi de
suite pour un total immobilisme de la pensée et de la communication, celle des
diverses auto-justifications aussi, sans jamais l’aveu d’erreurs ou d’impasses
pourtant évidentes, nous infantilisent.
propagande (Jean-François
Copé, 10 Octobre . France 2) : le RSA
accordé aux étrangers sans minimum de séjour
réalité :
5 ans de présence régulière avec titre de séjour autorisant à travailler
propagande
(Jean-François Copé, 21 Octobre : France
Inter et Brice Hortefeux, 15 Octobre . RTL) : aide médicale d’Etat couvrant à 100% même les irréguliers,
alors que les nationaux ont une franchise de 50 euros à acquitter
réalité : justifier de trois mois de présence et de
revenus mensuels inférieurs à 716 euros ; les Français sous le même seuil de pauvreté,
sont couverts par la CMU-C remboursant mieux notamment l’optique et le dentaire
propagande
(Hervé Mariton BFM TV, après Marine
Le Pen, Laurent Wauquiez et Nicolas Sarkozy en 2012) : le minimum
vieillesse après quelques mois de résidence
réalité : dix ans de résidence et moyennant permis de séjour ayant autorisé
à travailler
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