jeudi 21 février 2013

talent et investigation - l'élégance française aujourd'hui

 
----- Original Message -----
Sent: Friday, February 22, 2013 12:14 AM
Subject: littérature performante, enquête de terrain et élégance

Chers amis du Nouvel Observateur, bien cher Jean Daniel de toujours, cher et chaleureux Laurent Joffrin d'éditorial et aussi de débat matinal sur France-Infos.,
 
quelle est la définition de l'honneur ? du respect des gens ? du bon sens ? Ainsi va-t-on accueillir en librairie et dans vos colonnes autant de maîtresses qu'en  a eues Dominique Strauss-Kahn sous prétexte d'un talent de plume dont la France lettrée ne saurait se passer, sous prétexte de la vérité historique dont n'aurait pas eu raison une élection présidentielle promise à plus de 60% des votants au printemps de 2011 et dénouée à à peine 51% parce que le candidat n'est plus le même, sous prétexte que la cause des femmes doit être défendue en la personne de journalistes heureuses d'avoir obtenu un entretien avec une personnalité de premier plan dont elles savaient d'ailleurs tout en sonnant à sa porte, sous prétexte enfin et surtout qu'il faut d'une part vendre et d'autre part flatter le bas ventre du lecteur ?
 
Je ne crois pas exagérer.
 
Péguy a dit - il est vrai à propos d'un condamné à pire malgré une innocence reconnue part son juge-même - que quand un homme est tombé... tout le monde est dessus. Si en plus, cela rapporte en justice ou en tirage...
 
La France n'a plus même le repère de la révolution qui vient, en partie parce qu'il n'y a plus aucune différence de fond ni d'action et de moins en moins de forme entre le gouvernement actuel et celui qui l'a précédé et dont nous ne voulions plus. La France ne sait plus discerner - autrement qu'en conversations du Français moyen - les outils de son salut quoiqu'elle les plébiscite à chaque sondage les évoquant..., elle n'a pas les gouvernants nécessaires et cela depuis dix ou vingt ans. En bonne partie parce qu'elle n'a plus les médias qui, pour Mendès France ou face à de Gaulle, avaient haussé le commentaire et l'écriture au niveau des débats qui grandissaient aussi bien le pouvoir que vous souteniez que celui que vous combattiez, et ces pouvoirs qui ont fait la grandeur du pays et son salut quand les questions étaient dramatiques, sanglantes et difficiles, bénéficiaient d'une opinion - grâce à vous - exigeante, vraie.
 
Les Français désespèrent parce qu'il n'y a plus de bataille, leur bataille. Alors leur montrer des mimes et du cirque, du croustillant - me disait Maurice Grimaud à qui, dans la fonction qui l'illustra en Mai 68, les politiques de tous bords, le croyant à leurs ordres, demandaient écoutes, rapports et alcôves. Aujourd'hui, le pain et les jeux, faute de guerre contre le cynisme et le désastre de nos gestions économiques et sociales, ce seraient les "parties fines" et la fleur d'oranger qui, perdue ou risquée, inaugurent au féminin des carrières menant au plus en vue de la politique et donc des médias ? Les mères et les rédacteurs en chef poussant ainsi la jeune génération et celle-ci se rentabilisant avec le recul, puis la jurisprudence qui prolifère... raconter ce qui se commit, puisque d'autres... puis d'autres... La prouesse du pluriel.
 
Tout nous est donné pour nous distraire de ce qu'il nous arrive collectivement et menace chacun. Est-ce la vocation ? la ligne ou la mission, terme à choisir, de votre hebddomadaire ? Je ne le pense pas.
 
Dominique Strauss-Kahn, je n'en suis pas l'obligé au titre de ma carrière, il le sait. Anne Sinclair m'a ému quand elle interrogeait à la veille du second tour, d'un ton de minette, François Mitterrand... mais c'est embêtant, on dit que... réponse : mensonge ! elle fut longtemps asez inconnue pour que je doive, anonyme mais nanti d'un carton d'invitation, me porter fort d'elle devant le garde républicain filtrant les arrivants pour la réception du 14 Juillet 1986. Je crois - et beaucoup le savent - que quelle que soit la superficialité de l'ancien ministre des Finances et du directeur général du F.M.I., Dominique Strauss-Kahn avait acquis assez d'usage des réunions et des mécanismes de la finance internationale, avait montré dans son entretien télévisé d'Avril 2011 assez de compassion pour la Grèce et en aurait eu donc pour les Espagnols, les Italiens, et bientôt nous, cyniquement condamné au tonneau des Danaïdes du remboursement des dettes prétendues souveraines, des baisse de revenus, salaires et retraites et des hausses d'impôts, pour que son mandat présidentiel tourne autrement que l'actuel et considère en suffisante connaissance du sujet les avis quasi-unanimes des économistes de part et d'autre de l'Atlantique.
 
Dominique Strauss-Kahn a eu - paradoxalement - l'enfance et la pureté de continuer, malgré son ambition puis ses chances présidentielles, à préférer à cette gloire de l'Elysée la satisfaction éphémère d'une inextinguible soif de... sexe, volupté, plaisir, exhibitionnisme ... ou d'un sens presque mystique, se perdre dans le risque, se jouer lui-même dans le défi de ne jamais être pris. Paris perdus, notoriété que des vengeances d'adolescentes non repentantes rendent pornographique et qui - curieusement - nuit moins à l'image de la France, notamment aux Etats-Unis, que les protestations des ouvriers Good-Year d'Amiens pour ce Taylor patron de Titan et adepte de l'esclavage à la libérale, qui nuit moins à l'image du pouvoir politique dans notre opinion publique que l'impunité dont jouissent des candidats, vainqueurs ou vaincus, à des élections présidentielles qu'ils ont financées frauduleusement et même - rétrospectivement - au prix du sang (d'autrui).
 
Dominique Strauss-Kahn, représenté alors par un Pierre Moscovici qui - étonnamment - n'a pas perdu au change de candidat, n'a déçu que ceux qui ne le savaient pas vulnérable. A l'Elysée, où nous auraient donc conduits ses penchants analysés par tous les services de nos partenaires... puis flattés ? Félix Faure n'avait qu'une connaissance à qui l'escalier de service suffisait pour que la place fût nette.
 
Il est dommage que vous appreniez à l'opinion publique nationale qu'un hebdomadaire, si souvent témoin pour notre honneur, piétine quelqu'un qui a déjà pâti de lui-même, que vous le fassiez par procuration et entre guillemets, et qu'ainsi, par vous, un repère de plus disparaisse.
 
L'élégance est un repère, même si c'est de plus en plus rarement porté chez nous..
 
Avec sympathie cependant.
 
Je ne vois qu'avantage - pour vous - à ce que ce point de vue soit évoqué dans vos courriers de lecteurs, et dans ceux de vos confrères nationaux.

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