Jeudi 29 Novembre 2012
D’un anniversaire à l’autre, hier ma chère Maman, aujourd’hui le Frère Claude. Comme en Juin 2011, intense fatigue ces jours-ci. Je me suis couché dès notre retour de Noyal Muzillac. Chroniquement, mal au bas du dos, presqu’en permanence, très sensible à mon lever. Mais la soirée a été belle au moins pour moi à regarder vivre et se donner ma chère femme et notre fille, leur tendresse, leur piété, notre union à la messe. Le grand tableau du rosaire rétabli au-dessus de l’autel, charme et ferveur de cette chapelle de très bonnes dimensions intimistes avec une élévation priante, haute de plafond, plan trapézoïdal. – Prier… ce que Dieu m’a donné de responsabilité envers mes aimées, envers celles et ceux que je rencontre ou qui me rencontrent, peut-être envers ces deux pays qui me sont si présents, la France , mon pays, la Mauritanie , ce pays d’adoption et de sollicitude depuis quarante sept ans… mon vieillissement, ma fatigue, mes découragements, ma colère devant le gaspillage et le mépris dont notre société, mise à l’encan, est victime parce que mal dirigée, mal connue, mal aimée, pas vécue par ceux qui sont censés en être chargé… tout cela posé au bas de l’autel, puis mes genoux et mon front à terre… Ert cette foule reprit : « la fumée de l’incendie s’élève pour les siècles des siècle ». Un ange me dit alors : « Ecris ceci : Heureux les invités au repas des noces de l’Agneau ! »… [1] Oui, le Seigneur est bon, éternel est son amour, sa fidélité deleure d’âge en âge. L’enseignement sur les temps derniers ne nous apprend qu’une chose : il y a une fin et ce que nous vivons ou vivrons n’est ni l’éternité ni la mort. Pourquoi ? et comment ? la sollicitude de Dieu. C’est à notre Dieu qu’appaartiennent le salut, la gloire et la puissance car ses jugements sont vrais et justes… Deux attitudes devant les faits et devant la révélation qui leur est concomitante : les hommes mourront de peur dans la crainte des malheurs arrivant sur le monde, car les puissances des cieux seront ébranlées. … Quand ces événements commenceront, redressez-vus et relevez la tête, car votre rédemption est proche. Ainsi soit-il, ô mon Dieu, notre Dieu. Visage de mort de mes morts, expérience de leur tranquillité ultime, le retour. Ma mère dont les photos prises ensuite quand je revis ce qu’étaient devenus son corps et son visage, avait la grâce humble mais souffrante d’un enfant qui a tout vu et qui a traversé, qui est là. Quant à notre cher Frère Claude, vers la mémoire duquel nous allons tout à l’heure dans son monastère de vœux et de vie, il y eut ce regard semi-vivant, semi éteint qu’il tourna vers moi après des heures de coma. Des psaumes et des lettres qu’il m’avait écrites et dont je lui avais fait la lecture, il avait tout entendu et la conclusion il me la donna ainsi. Je voudrais ne manquer à personne et entraîner tout le monde, quand… mon tour sera là de ne plus bouger la main ni changer de regard.
D’abord la mort du directeur du Monde – que je considère toujours comme « mon » journal, d’abord parce c’est celui que je lis depuis mes dix-sept ans, ensuite parce que je l’ai conservé et collectionné depuis lors, instrument de travail, de réflexion et de mémoire, également méthodique en ses trois registres, mais parce que j’y ai collaboré à une époque précise de ma vie, avec toutes les apparences de l’influence et d’une gloire alors reconnue. Il semble bien qu’Erik Izraëlewicz, au talent certain d’éditorialiste, bonne plume, et surtout jugement équilibré, ce qui a toujours été la force du Monde, à l’exception de mon cher JF – sans doute ce pour quoi il m’admit si bien et durablement dans ses colonnes – qui prit parti parce qu’il était scandalisé, tout bonnement, tout brutalement, qu’Erik E. était l’homme qu’il fallait. Il avait semble-t-il aussi, car je ne l’ai pas connu personnellement, l’envergure voulue pour tenir tête aux capitalistes et pour animer, maintenir l’équipe de rédaction. Je le regrette beaucoup pour le journal, et j’aurais dû chercher à le rencontrer puisqu’il avait commencé rue des Italiens pas loin de l’époque où j’étais encore publié.
On parle tellement de nationalisation pour Florange, c’est-à-dire pour rendre l’affaire acceptable et rentable au cas d’intérêt d’un repreneur, et donc ne pas se contenter des seuls haut-fourneaux, commercialement dépendant des laminoirs et du reste des installations qui, selon Mittal, resteraient au trust… qu’il faut passer aux actes, à l’acte. En principe, le délai imparti par Arcelor expire demain soir. Je ne vois pas pourquoi l’Etat s’est laissé intimer ce délai et pour quelle contre-partie ? Communication qui continue d’être désastreuse et travers qui devient plus qu’une habitude : l’Elysée au centre de la négociation, tempérant manifestement Montebourg avec des conseillers qui font savoir qu’il y a d’autres solutions peut-être et que les délais, aussi, sont négociables. Résultat : l’Elysée autant mêle-tout et recours, bientôt unique instance de décision que sous Sarkozy, la distance avec un membre du gouvernement les plus notoires est affichée. Si le pouvoir recule devant Mittal, après s’être complètement embourbé et dédit en face de PSA, il perd toute crédibilité, parce qu’il n’aura pas su gérer une négociation forte et parce que des procédés lui font peur. Il est sidérant d’entendre l’éditorialiste des Echos opposer le droit sacré de la propriété à la nationalisation qui n’a économiquement jamais marché et au contraire oppressé le contribuable. Cet argumentaire suppose que les Français n’ont ni mémoire ni culture, car la gloire industrielle et économique de la France entre 1936 et 1980, c’étaient les entreprises publiques ou nationales : renault, EDF, SNCF, GDF, pour ne citer que le plus exemplaire. Qu’évidemment Parisot pousse des cris d’ophraie n’étonne pas, mais qu’il y a des amnésies historiques et des unilatéralités d’analyse économique telles, est douloureux à entendre. Enième intervenant, le ministre déégué au Budget, Cahuzac, c’est plat quoique de bon sens, c’est aussi le renvoi au bain des gens des Chantiers d’Atlantique lançant dans les six mois l’objet de leur dernière commande. Remarque d’évidence et qui n’est pas articulée, donc encore moins commentée : Arcelor, Chantiers de l’Atlantique, l’investisseur indien, monopoliste destructeur, l’investisseur sud-coréen.
Verdict en appel pour la catastrophe du Concorde d’Air France : tout le monde est relaxé au pénal, ce que je peux concevoir, mais au civil ce n’est qu’un dédommagement d’un million pour nuisance à l’image d’Air France… alors qu’il y a eu 113 morts, et – dans un autre ordre d’idées, mais auquel je tiens – le prétexte tout trouvé pour mettre fin à l’exploitation du chef d’œuvre franco-britannique, jusques là insubmersible commercialement malgré la haine, la jalousie et tous les empêchements du monde, surtout de la part des Etats-Unis.
Ce qui me frappe de plus en plus, c’est l’incapacité du nouveau pouvoir à ne se distinguer de l’ancien que par une certaine moralité et un certain souci de cohérence, l’incapacité à gérer la vie, c’est-à-dire des négociations, des écoutes, l’incapacité à se concentrer sur le seul sujet : le chômage, la désindustrialisation du pays, l’amenuisement de son patrimoine, une véritable hémorragie en continu. Tout le reste peut attendre et est des babioles des débats sur la transition énergétique à la neuvième demi-journée d’éducation scolaire pour le primaire. Indécision, mauvaise communication, pas de charisme malgré les tentatives et les appétits de Valls et de Montebourg. La pièce est-elle jouée. On va le savoir dans les quarante-huit heures : transfert à un repreneur de l’ensemble Florange, de bon gré par Mittal, ou de force par la nationalisation. Si cela ne s’opère pas, le pouvoir n’en aura pas été un.
Il y a un côté Astérix mimant la potion magique alors que celle-ci n’est pas dans la louche : l’Autorité palestinienne admise comme Etat observateur non membre aux Nations Unies. Ni proclamation unilatérale de l’indépendance (à la manière d’Israël en 1948), ni admission comme Etat souverain. Pas de quoi pavoisé. Avec un cynisme chaque jour plus affirmé, Israël, par son ambassadeur à Paris, fait savoir que cette admission au rabais – Tel Aviv plus sensible à l’admission qu’au rang modeste donné au nouvel admis – ne changera rien à rien sur le terrain. Sans doute, est-ce une progression, si lente soit-elle, vers un changement de statut.
[1] - Apocalypse de Jean XVII 1 à 23 passim & XIX 1 à 9 passim ; psaume C ; évangile selon saint Luc XXI 20 à 28
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