Mercredi 10 Août 2011
Jésus matinal, se levant pour aller prier seul, à l’écart, la montagne, le lac. Prier comme Lui, par Lui… Dieu fait homme priait sans cesse. Prière de mutuelle présence à Dieu ? prière d’intercession pour cette humanité qu’Il approfondit chaque jour et chaque nuit davantage… jusqu’à en mourir. On dit souvent « se configurer au Christ », mais c’est d’abord Lui qui s’est configuré à nous… [1] Là où je suis, là aussi sera mon serviteur. – Expérience si fréquente qu’elle m’hallucine parfois : me préparant à cette lecture du matin, j’évacue comme je peux les soucis, les désespérances, les urgences à traiter, je convoque d’âme ceux et celles dont j’ai la charge et à qui je suis à charge, et la somme fait bouquet spirituel avec lequel j’arrive au livre et à l’autel. Or, ce bouquet est le plus souvent celui que détaille et illustre-expose la proposition liturgique du jour… à quoi aboutit une configuration mutuelle ? à l’essentiel mystère, à la réalité vie-mort, mort-vie : si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il donne beaucoup de fruit. … Matériau ? nous-mêmes, le Christ… Dieu qui fournit la semence au semeur et le pain pour la nourriture, vous fournira la graine : il la multipliera, il donnera toujours plus de fruit à ce que vous accomplirez dans la justice. Des premiers chapitres de la Genèse, le commandement initial : croissez et multipliez-vous… à la multiplication des pains ou à la Pentecôte, avec le « don des langues », une des dynamiques de l’Ecriture et de la vie est bien la croissance, la multiplication. L’évangile est, par nature, la recommandation de s’attacher au Christ, tandis que psaumes commentaires de l’Ancien Testament ou des apôtres disent la manière d’être, de faire, de vivre à cette fin. Homme de justice, de tendresse et de pitié, à pleines mains, il donne au pauvre. … Dieu est assez puissant pour vous donner toute grâce en surabondance, afin que vous ayez en toute chose et toujours tout ce qu’il vous faut, et que vous ayez encore du superflu pour faire toute sorte de bien.
matin
Le « social » relaie le financier… accalmie dans les bourses, et même rebond… tous les prévisionnistes de la catastrophe dimanche soir en sont pour leurs « frais » mais cette surprise conforte ceux, pratiquement tous les dirigeants au moins politiques, qui préfèrent rapiécer et ravauder, en tout cas ne rien toucher de fondamental. Après Londres, Manchester en Grande-Bretagne et Israël vit sa seconde mutation, la première ayant été au début des années 1960 avec le procès Eichmann le changement de socle mental pour la fondation et la persistance de cet Etat, la seconde serait à mon sens la pétition sociale, fracturant le pays et certainement le rendant vulnérable mais apte, dans la génération nouvelle, à fraterniser avec les Palestiniens. Ne plus être face à face, mais ensemble.
Le changement d’allure de la Russie et de la Chine – à beaucoup de points, cela se sent de plus en plus – nous ramène aux mauvaises et stériles époques d’un Occident acculé entre guerres coloniales et menace soviétique, et d’une coalition de deux puissances considérables, coalition circonstantielle. Elle ne s’est pas encore reconstituée, mais les hostilités actuelles – Poutine sautant sur l’occasion et Pékin se sachant en situation de dire enfin quelque chose dans le monde auquel la Chine accèda si tardivement, sinon la dernière – disent combien les anciennes avaient un fort fondement de psychologie collective. De même que nos racismes anti-immigrés, anti-Islam, voire anti-américais (la mise au pilori des agences de notation par le grand public alors que c’est la banque du coin qui fortifie celles-ci).
Reste la vraie question … mouvement de Mai 68 qui recommence ? Espagne, Chili, Angleterre… prolongements et en quel sens des « printemps arabes », en fait si mal élucidés, y compris par les acteurs de rue même quand le gouvernement a été renversé au « bénéfice » de l’âge : Ben Ali et Moubarak… insolite et non-interaction des mouvements actuels ? crise de 1929 ou mini-crise de 1987 ? Bouleversement après l’échec du communisme version soviétique et du capitalisme version spéculation érigée en système et libido des dirigeants tolérée par le grand nombre ?
soir
Je viens de commencer à lire – après l’avoir parcouru avant-hier – le livre de Jacques Nikonoff, paru en Mai dernier : Sortir de l’euro. Ce n’est pas ma thèse et ce qu’il expose peut faire bien aller à une Europe même élargie, qui pratiquerait les médications et les émancipations pratiques et doctrinales qu’il préconise pour la France. Mais la démonstration autant que sa proposition de lecture de l’histoire de ces soixante-dix dernières années sont convaincantes. Tout a été mis en œuvre pour que les salariés, notamment en Europe, soient les parents pauvres de la croissance et qu’au contraire les profits augmentent, relativement aux salaires, beaucoup plus. L’enjeu de ces trente dernières années a été pour les Etats-Unis de s’émanciper de toute règle internationale pour la gestion de leur monnaie et pour les Européens de camoufler les baisses de pouvoir d’achat tout simplement par le mythe d’une protection financière et sociale par l’euro.et d’une mondialisation, atout de chacun. Dans l’immédiat, il est évident que plus l’on mutualise les dettes souveraines, plus on affaliblit même les plus forts (l’Allemagne), et plus on montre aux « investisseurs » qui ne sont que des spéculateurs ce qu’on se prépare à leur payer. Il faut donc changer complètement de système, révolution qui se fera sans doute par la force, pas seulement la révolte sociale – qui ne se produit toujours pas d’autant que ce qu’il se passe en Grande-Bretagne, sans parole, et en Espagne, avec paroles mais sans mouvement irrésistible, n’est pas forcément une contestation du système, mais seulement des dirigeants – mais l’impossibilité de continuer. Il y a donc une gigantesque revanche du capital à partir de la fin des années 1970, au moment même où politiquement et idéologiquement le communisme fléchissait en Union soviétique et dans les pays de l’Est, et cette revanche ne s’est pas du tout traduite par un investissement réel mais par l’organisation des délocalisations et du dumping social. L’enjeu de ces jours-ci, de ces semaines-ci est peut-être une reprise du pouvoir par les salariés – qui psychologiquement ont dominé le capital et inspiré des politiques socialisantes, qu’elles soient de droite (les assurances sociales sont de Laval en 1928 chez nous, les régimes totalitaires fasciste et nazi) ou vraiment de gauche selon les élections entre 1902 et 1947 pour ce qui est de la France), ou du moins un retour à des négociations à peu près équilibrées entre travail et capital.
Ce bras de fer est inédit – autrement dit les « leçons de l’histoire » ne servent à rien, il n’y a pas de précédent – car si le système capitaliste complètement dévoyé et différent de ce qu’étudient les manuels d’économie ou le magistère de l’Eglise catholique, est à peu près identifiable (les banques et agences de notation ne sont que des symboles, mais pas des acteurs ni même des concepteurs), la partie adverse en doctrine et en force économique et social, est plus difficile à nommer. Il a lieu pour la plupart des grands Etats : Amérique, France, Allemagne, Russie, Chine, Italie, Espagne, et Allemaagne, dans un contexte d’élections difficiles pour les dirigeants en place. La crise les fortifiera-t-elles contre toute attente ? En France, c’est évidemment le jeu du plastron qui a si bien réussi à George Bush junior le 11 Septembre 2001 – he does the job, jolly well – et immédiatement celui de coincer les socialistes sur la révision constitutionnelle introduisant ce qui est maintenant communément appelé « la règle d’or ». Constitutionnaliser un élément de politique économique, qui est plutôt de l’ordre du résultat que de celui de l’outil, n’a aucun sens. On avait tenté déjà cela avec la constitutionnalisation de la caisse de remboursement, imaginée au temps de la crise et de Poincaré redevenu président du Conseil : la caisse autonome d’amortissement.
Dans la chronologie de ces jours et heures, il apparaît maintenant que tout s’est joué jeudi dernier, que la BCE n’avait pas les moyens de convaincre tandis que les Etats-Unis se faisaient dégrader. Comme Fitch n’a pas suivi Standard & Poors, rien que pour voir ce qu’il arriverait à sa concurrente, cette agence a voulu s’affirmer et se paye la zone euro, en dégradant Chypre. Il apparaît aussi que la conjugaison d’une rumeur – d’où a-t-elle pu venir – de déconfiture de la Société générale et de nouveaux efforts fiscaux français a fait anticiper une dégradation de la note française… en « organisant » une réunion à l’Elysée, cet après-midi, nonobstant ses vacances au Cap Nègre, Sarkozy a sans doute commis une erreur. Aujourd’hui, les bourses sont partout au plus bas. Plus personne ne pronostique, on enregistre. Coincidence avec l’impuissance financière américaine, la Corée du nord canonne celle du sud.
La parabole afghane vaut pour la crise boursière et financière : dix ans de présence militaire, des centaines de milliards, soixante-treize français tués, dont il apparaît qu’une bonne partie l’a été par erreur entre unités membres de la coalition OTAN, et je ne sais combien de morts sous d’autres drapeaux. Les tours de vis fiscaux, les démantèlements de toutes les protections sociales ne mettront pas fin à la crise parce que la spéculation est appelée par tout le système, toutes les législations, toute la dogmatique de « la liberté sans frontière ». Au moins en Afghanistan commence-t-on de se retirer, Français comme Américains, et aptrès d’autres déjà partis.
[1] - 2ème lettre de Paul aux Corinthiens IX 6 à 10 ; psaume CXII ; évangile selon saint Jean XII 24 à 26
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