samedi 21 mars 2009

Inquiétude & Certitudes - samedi 21 mars 2009

Samedi 21 Mars 2009

Prier [1] … dialogue d’oreiller avec ma femme, je lui dis ne pas m’aimer à aucun égard. Aurais-tu aimé te rencontrer ? je n’ai pas évoqué le curé de Lumbres, diabolique et fantastique rencontre avec un double, ou avec soi. Alors, comment expliques-tu qu’on t’aime ? je ne me l’explique pas, ce sont les autres qui m’intéressent, pas moi, je me subis. Il y en a surtout qui me détestent et ce fut fréquent et toujours pour de mauvaises raisons, pas celles que j’aurais a priori, la peur que je prenne leur place s’ils me tendent la main pour m’aider. Je ne lui dis pas mon antiportrait que je sais : dangereux, encombrant, inconséquent, superficiel. Elle dirait sans doute son accord… car l’amour aime et ne fait pas du noir et blanc pour peindre le visage et chercher l’âme, il prend tout et aime tout parce que cela fait partie de l’aimé, le détail est une façon d’arriver ou d’entrer, ce n’est pas voir. Elle me fait pourtant réfléchir, je suis mon chemin vers les autres, et il en est de même pour chacun. « Notre » pharisien, monté au Temple : je ne suis pas comme les autres hommes, a un double qu’il ignore, précisément, celui qui reste au seuil, et que lui-même pourrait être. Prends pitié du pécheur que je suis. Connaissance de soi, évaluation de soi-même, forcément erronnées, même en psychologie humaine. De lucidité sur soi qu’en regardant, qu’en tâchant de regarder Dieu. Effet de ce regard, de la prière la plus simple, contemplation et supplication, sans autre mots : c’est lui qui était devenu juste et pas l’autre. Dans l’Ecriture, la « justice » d’un homme est une appréciation, un regard de Dieu sur lui, généralement le critère est la foi. Qui supplie « a » la foi, il est de bonne foi, il se reconnaît dans son besoin. Pourtant, le pharisien a tenté à sa manière, il a plaidé son comportement. Le publicain l’emporte parce qu’il ne fait aucun procès : surtout pas le sien. A mesure que je vais (le psaume : tout ce qui va son chemin…), je discerne toujours plus mon besoin de Dieu et mes limites à tous égards, cœur et corps. C’est l’amour que je désire… échange de prière avec Dieu Lui-même, ce qu’Il attend de nous, c’est ce que, bien moins clairement que Lui, nous attendons de Dieu… et Celui-ci répond par cette connaissance de Lui qu’il nous donne. Fats que nous sommes si nous croyons pouvoir dire ou même transmettre cette connaissance. Au mieux, nous poussons notre prochain à être en présence (mais nous-mêmes savons-nous avancer ainsi ? le publicain, lui, se tenait à distance et n’osait même pas le ver les yeux vers le ciel). La prière du soir pas simple ces mois-ci à « faire faire » par notre petite fille. Adultes ! votre amour est fugitif, comme la brume du matin, comme la rosée qui s’évapore à la première heure. C’est pourtant la seule réponse à la mort et le sens de celle-ci : après deux jours, il nous rendra la vie, le troisième jour il nous relèvera et nous vivrons en sa présence. Osée ne prophétise pas tant la passion et la résurrection du Christ, que la nôtre à sa suite et par adoption mutuelle.


La polémique autour des propos de Benoît XVI. Contagion de l’indignation, notamment parmi les catholiques de France, exactement comme la semaine dernière à propos des excommunications hâtives prononcées par l’archevêque de Recife, « recadré » par la conférence épiscopale du Brésil. Ces réactions sont un événement nouveau : la catholicité ne s’aligne plus, quelle que soit l’autorité. Il semble que l’Eglise de France soit en pointe à deux points de vue, les « fidèles » réagissent spontanment, les conversations d’après la messe ou les circulaires courriel, la conférence des évêques de France réagit à ces réactions, et tâche, avec de l’embarras, de faire le lien entre les propos incriminés et le sentiment commun de ses ouailles. J’ai ainsi reçu – via des destinataires de mes propres envois spirituels ou politiques – d’un site ou d’un média, se prétendant l’un des rares « encore indépendants » le verbatim de ce qu’a dit Benoit XVI dans l’avion l’amenant en Afrique (Cameroun) [2] . Il saute aux yeux que les propos pontificaux – que Le Monde a même titré comme en recul par rapport à ceux de Jean Paul II, lui-même « intégriste » sur les sujets de morale sexuelle et de contraception – ne sont pas choquants et dans leur fond, tout à fait rigoureux. L’expérience du couple humain, à laquelle je crois – à ma propre expérience (tardive) – qu’on ne peut accéder que par l’amour durable, décidé explicitement et consacré si possible, donc le mariage… montre bien que la conscience sait bien que l’avortement est dramatique, elle sait bien que l’abstinence parce qu’elle est le fruit d’un dialogue conjugal est le meilleur aiguillon du désir-même et qu’en somme bien des enseignements de l’Eglise sont de profonde intuition humaine. Le problème est de savoir s’il faut « légiférer » à partir d’une expérience de l’âme qui n’a pas toujours sa possibilité conbcrète, et s’il faut interférer dans des histoires personnelles : éclairer, aider, mais certainement pas condamner. Sur le sujet-même – mon journal d’il y a quarante ans : dans ce blog, à la date du 7 Novembre 2008 – j’ai beaucoup médité et propagandé, à son époque, l’encyclique Humanae vitae, qui parut peu après le vote de la « loi Neuwirth ».

Restent deux choses. La première est que Benoît XVI ne contrôle pas son image. Or, il doit savoir que même son si populaire et charismatique prédécesseur était aussitôt critiqué et brocardé quand il levait la langue à propos de contraception et de morale sexuelle. Est-il donc indispensable de consacrer tant de propos et de temps à ces sujets ? Alors que, deuxième considération, il y a des sujets quasi-consensuels mais certainement pas traités comme l’Eglise – seule – peut le faire : évidemment les questions économiques et sociales, la démocratie. En Afrique, il y a à dire et de la « morale » à faire aux pays riches et censément bien gouvernés.

Atroce : un employé de gîte d’accueil des sans-logis et des gens de la rue, torture, mûtile et viole un des visiteurs de ce centre, pendant six heures, au prétexte que celui-ci lui doit depuis quelque temps… quinze euros !

[1] - Osée VI 1 à 6 ; psaume LI ; évangile selon saint Luc XVIII 9 à 14

[2] - Philippe Visseyrias, France 2 : Saint-Père, parmi les nombreux maux dont souffre l’Afrique, il y a en particulier la propagation du sida. La position de l’Eglise catholique sur les moyens de lutter contre le sida est souvent considérée irréaliste et inefficace. Allez-vous aborder ce thème durant votre voyage ?
Benoît XVI : Je dirais le contraire. Je pense que l’entité la plus efficace, la plus présente sur le front de la lutte contre le sida est justement l’Eglise catholique, avec ses mouvements, avec ses réalités diverses. Je pense à la communauté de Sant’ Egidio qui fait tellement, de manière visible et aussi invisible, pour la lutte contre le sida, je pense aux Camilliens, à toutes les sœurs qui sont au service des malades… Je dirais que l’on ne peut vaincre ce problème du sida uniquement avec des slogans publicitaires. S’il n’y a pas l’âme, si les Africains ne s’aident pas, on ne peut résoudre ce fléau en distribuant des préservatifs : au contraire, cela risque d’augmenter le problème. On ne peut trouver la solution que dans un double engagement : le premier, une humanisation de la sexualité, c’est-à-dire un renouveau spirituel et humain qui implique une nouvelle façon de se comporter l’un envers l’autre, et le second, une amitié vraie, surtout envers ceux qui souffrent, la disponibilité à être avec les malades, au prix aussi de sacrifices et de renoncements personnels. Ce sont ces facteurs qui aident et qui portent des progrès visibles. Autrement dit, notre double effort pour renouveler l’homme intérieurement, donner une force spirituelle et humaine pour un comportement juste à l’égard de son propre corps et de celui de l’autre, et notre capacité à souffrir, à rester présent dans les situations d’épreuve avec les malades. Il me semble que c’est la réponse juste, l’Eglise agit ainsi et offre par là même une contribution très grande et très importante. Remercions tous ceux qui le font.

Verbatim des déclarations de Benoît XVI lors de la conférence de presse dans l’avion vers l’Afrique
Source : salle de presse du Saint-Siège (traduction La Croix)

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