Cet article concerne surtout l'histoire de la loi. Pour ses implications, voir Laïcité en France et Histoire de la laïcité en France.
Loi de séparation des Églises et de l’État
Présentation
Titre |
Loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État Archives nationales |
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Pays |
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Territoire d'application |
France, sauf :
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Type |
Adoption et entrée en vigueur
Législature |
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Gouvernement |
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Entrée en vigueur |
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Version en vigueur |
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La loi concernant la séparation des Églises et de l'État1,Note 1 est une loi française codifiant la laïcité. Adoptée le 9 décembre 1905 à l’initiative du député républicain-socialiste Aristide Briand, elle est un des actes fondateurs de la sécularisation de l’État, concluant un affrontement violent qui a opposé deux conceptions sur la place des Églises dans la société française pendant presque vingt-cinq ans.
Elle abroge le régime du concordat de 1801, qui est cependant resté en vigueur en Alsace-Moselle pour des raisons historiques (les élus alsaciens en faisaient une des trois conditions d’acceptation de leur rattachement à la France en 1919, sans quoi ils demandaient un référendum, que la France ne pouvait prendre le risque de perdre après une guerre si meurtrière)2. Les décrets Mandel de 1939 entérinent également l'absence de séparation dans les autres territoires où ne s'applique pas la loi de 1905 : Guyane, Polynésie française, Wallis-et-Futuna, Saint-Pierre-et-Miquelon, Nouvelle-Calédonie et Mayotte3.
Elle fut complétée en 1924 par l’autorisation des associations diocésaines, qui permit de régulariser, 18 ans plus tard, la situation du culte catholique.
Contexte : une séparation douloureuse
Genèse
À la suite de John Locke, les philosophes des Lumières relancent à travers l’Europe du XVIIIe siècle la question de la séparation de l’Église et de l’État4. En France, la première séparation est instaurée, de fait, en 1794, par la Convention nationale, par le décret du 2 sansculottides an II (18 septembre 1794), qui supprime le budget de l’Église constitutionnelle, et confirmée le 3 ventôse an III (21 février 1795) par le décret sur la liberté des cultes, qui précise, à son article 2, que « la République ne salarie aucun culte ». Cette première séparation prend fin avec la signature du concordat de 1801.
La République de 1848 est secouée par une guerre de classes très dure. En réaction à la peur sociale, la bourgeoisie libérale incarnée par Adolphe Thiers se réconcilie avec les conservateurs catholiques. La loi Falloux de 1850 instaure la liberté d’enseignement au bénéfice de l’Église ; les maîtres des établissements catholiques peuvent enseigner sans les titres exigés des autres, ce que Victor Hugo combat avec éloquence mais en vain. Ce succès encourage l’Église à s’opposer aux républicains tout au long du XIXe siècle attaquant sans relâche le monde moderne, le libéralisme, la démocratie et la République, dans ses nombreux journaux, dans les prônes dominicaux et dans les encycliques pontificales. L’Église s’inquiète et dénonce l’affaiblissement des convictions religieuses, la montée en puissance du positivisme et du scientisme, mais surtout la menace d’unification de l’Italie que le mouvement nationaliste italien fait peser sur les États pontificaux. La Troisième République est marquée par l'affrontement entre un cléricalisme qui va de pair avec un catholicisme fortement enraciné, un laïcisme agressif et un anticléricalisme parfois virulent mais circonscrit dans les grandes villes et qui se traduit par « une série de mesures laïques… qui parachèvent l'œuvre de sécularisation de la Révolution : laïcisation des hôpitaux et cimetières (1881), suppression des aumôneries militaires (1883), suppression des prières publiques et autorisation du divorce (1884)5 ». À partir des années 1890, un esprit de conciliation s'instaure sous l'influence des républicains « progressistes » (le ministre de l'Instruction publique, des Beaux-Arts et des Cultes Eugène Spuller prône, le 3 mars 1894, un « esprit nouveau de tolérance)6 et de la politique de Ralliement. « L'émergence d'une République plus modérée invite à l'apaisement… En autorisant une certaine ouverture, les autorités romaines et épiscopales contribuent à multiplier les initiatives pour tenter l'expérience d'une droite catholique conservatrice, renonçant à la monarchie et acceptant les institutions républicaines7 ». Cette politique de rapprochement avec les républicains laïcs, suscite une grande espérance dans les milieux ralliés, démocrates chrétiens et libéraux, mais se brise à la fin du XIXe siècle avec l'affaire Dreyfus qui fait réapparaître la fracture entre catholiques et laïques8.
Cabinet de Défense républicaine de Waldeck-Rousseau
Après Jules Ferry (années 1880), il se passe près de quinze ans sans véritable changement dans les domaines de la laïcisation. Avec l’affaire Dreyfus qui explose en 1898, la France se divise en deux camps : « dreyfusards » (parmi lesquels on trouve une partie de la gauche) et « antidreyfusards » (parmi lesquels on trouve de nombreux hommes de droite et une grande partie de la hiérarchie militaire). Il serait cependant erroné de ramener l’affaire Dreyfus à un affrontement entre gauche républicaine et droite cléricale et militariste (le premier défenseur de Dreyfus, le colonel Picquart, est un militaire catholique). La grâce présidentielle accordée à Dreyfus en septembre 1899 n’est qu’un compromis. L’affaire, qui a vu l’explosion de l’antisémitisme et la polarisation de la société, conduit à un regain d’anticléricalisme à gauche.
En juin 1899, Pierre Waldeck-Rousseau forme le cabinet de Défense républicaine, qualifié par le camp nationaliste de « cabinet Dreyfus ». Waldeck-Rousseau s’abstient toutefois de prendre des mesures sur le plan religieux, mais promulgue en 1901 la loi sur les associations. Celle-ci prévoit d’une part un régime de liberté pour la création des associations ; d’autre part un régime d’exception pour les congrégations religieuses, qui dispose que chaque congrégation doit être autorisée par une loi, qu’elle doit se soumettre à l’autorité de l’évêque ordinaire et qu’elle peut être dissoute par un simple décret, selon l’article 13 de la loi. La plupart des congrégations (environ quatre sur cinq) déposent leur demande d’autorisation. Celles qui s’y refusent sont dissoutes en octobre 1901, mais Waldeck-Rousseau informe le Vatican que les demandes d’autorisation seront examinées avec mesure. En janvier 1902, le Conseil d’État déclare que l’autorisation préalable nécessaire aux congrégations s’imposera désormais à toute école dans laquelle enseignent des congréganistes, quel que soit leur nombre.
Aux législatives de 1902, le Bloc des gauches, coalition républicaine, l’emporte et reprend l’œuvre entamée par Ferry. Émile Combes forme un nouveau gouvernement9.
Émile Combes
Article détaillé : Émile Combes.
Inspiré par Voltaire, Émile Combes s'apprête à trancher le nœud gordien entre l'Église (le pape) et l'État (Marianne) tandis qu'un moine cuve son vin. Caricature anonyme, Centre national et musée Jean-Jaurès.
Caricature parue dans Le Rire, 20 mai 1905. L’homme au milieu est Jean-Baptiste Bienvenu-Martin, ministre de l’Instruction publique du cabinet Rouvier.
Son premier passage au gouvernement en 1895 comme ministre de l’Instruction publique et des Cultes lui permet de mettre en pratique ses convictions anti-catholiques. En 1902, Émile Combes, surnommé « le petit père Combes », ex-séminariste devenu athée et adversaire déterminé de la religion, est porté au gouvernement par une poussée radicale, au terme d’élections qui se sont faites sur le thème : pour ou contre le fait d’appliquer la loi de 1901 avec une vigueur accrue ?
Combes ne cache pas dès son investiture sa volonté de mener une politique « énergique de laïcité ». Cette déclaration est suivie d’un durcissement des dispositions prises précédemment par Waldeck-Rousseau : les demandes d’autorisations sont refusées en bloc, pour assurer définitivement la victoire du laïcisme anticlérical sur le catholicisme. Ainsi, en juillet 1902, les établissements scolaires non autorisés (environ 3 000) des congrégations autorisées sont fermés : cette mesure donne lieu à de nombreux incidents, toutefois principalement limités aux régions les plus catholiques (l’Ouest de la France, une partie du Massif central), et 74 évêques signent une « protestation ». Le gouvernement réplique en suspendant le traitement (salaire) de deux évêques.
Une nouvelle étape est franchie en mars 1904 : toutes les demandes d’autorisation des congrégations masculines sont rejetées. En juillet 1903, les congrégations féminines avaient subi le même sort. Ceci provoque des désaccords au sein même de la majorité républicaine, Waldeck-Rousseau reprochant même à Combes d’avoir transformé une loi de contrôle en loi d’exclusion. De fait, religieux et religieuses sont expulsés de France. Ceux qui résistent en prétendant au droit de rester dans leurs couvents sont expulsés manu militari, tels les chartreux, que des gendarmes viennent tirer de leur retraite pour appliquer la loi d’interdiction. C’est ainsi que des milliers de religieux trouvent refuge dans des terres plus hospitalières : Belgique, Espagne, Royaume-Uni…
En fait, en 1902, huit propositions avaient été déposées, et Émile Combes, pour étouffer ces tentatives, crée le 11 mars 1904 une commission chargée d’examiner ces propositions et de rédiger un projet de loi.
Sourd aux critiques émanant de la droite, indifférent aux appels radicaux de Clemenceau, qui réclame la suppression pure et simple des congrégations, considérées comme prolongements du « gouvernement romain » en France, Émile Combes interdit l’enseignement aux congrégations par la loi du 7 juillet 1904 et leur enlève ainsi également la possibilité de prêcher, de commercer, étant entendu que les congrégations enseignantes doivent disparaître sous un délai de dix ans. Combes prépare ainsi une laïcisation complète de l’éducation.
Rupture des relations diplomatiques avec le Vatican (1904)
Émile Combes lui-même hésite à s’engager fermement pour la séparation des Églises et de l’État : en effet, les relations entre l’Église catholique et l’État sont toujours régies en 1904 par le concordat signé entre Napoléon Bonaparte et le pape Pie VII un siècle plus tôt, et les articles organiques permettent notamment au gouvernement de contrôler le clergé français en nommant les évêques. Combes craint de perdre ce contrôle sur l’Église en s’engageant pour la séparation, mais la suite des événements ne lui laisse guère d’autre solution :
d’une part, en juin 1903, une majorité de députés décide qu’il y a lieu de débattre d’une éventuelle séparation et constitue une commission dont Aristide Briand est élu rapporteur ;
d’autre part, le pape Léon XIII meurt en juillet 1903, et son successeur, Pie X, est beaucoup plus intransigeant : les incidents diplomatiques entre la France et le Vatican se multiplient.
L’interdiction de l’enseignement aux congrégations provoque un conflit avec le pape qui entraîne la rupture des liens diplomatiques entre le gouvernement français et la papauté. Et l’on sent bien désormais qu’il n’y a plus qu’un pas à franchir vers la séparation. De plus, le projet mûrit rapidement, car le pape, directement touché par les mesures sur les congrégations qui dépendent de Rome, s’attaque nommément à Émile Combes.
La visite du président de la République Émile Loubet au roi d'Italie Victor-Emmanuel III, dont le grand-père a annexé la ville de Rome, est la goutte d’eau qui fait déborder le vase : le Vatican envoie des lettres de protestation antifrançaises aux chancelleries européennes. Lorsque le gouvernement français en a écho, en mai 1904, il rompt immédiatement les relations diplomatiques avec le Vatican.
La fin des relations entre la République et la papauté rend le régime concordataire caduc : la séparation est donc urgente, et Combes s’y rallie : il propose un projet sans tenir compte des travaux de la commission Briand, mais il est déstabilisé et contraint à démissionner par le scandale de « l’affaire des fiches » : le ministre de la Guerre, le général André, avait utilisé des réseaux francs-maçons pour espionner les officiers, connaître leurs opinions religieuses et freiner l’avancement des officiers jugés insuffisamment républicains. C’est le successeur de Combes, Maurice Rouvier, qui va mener la séparation jusqu’à son terme.
Travaux préparatoires
Commission Buisson-Briand
La commission est composée de trente-trois membres, dont une majorité absolue de dix-sept députés ouvertement favorables à la séparation. Elle est présidée par Ferdinand Buisson et son rapporteur est Aristide Briand. Ferdinand Buisson, qui se revendique « protestant libéral », est le président de l’Association nationale des libres penseurs et est célèbre pour son combat pour un enseignement gratuit et laïque, à travers la Ligue de l'enseignement. Également grand commis de l’État, proche de Jules Ferry dont il fut le directeur de l'enseignement primaire et primaire supérieur, il a contribué, par son célèbre Dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire, à diffuser le substantif « laïcité » (voir cet article [archive] du Dictionnaire de pédagogie). Le terme n'est pas mentionné dans la loi de 1905 elle-même, mais le rapport de la commission, l'emploie, tout comme laïque à plusieurs reprises.. Le rapporteur de la commission, Aristide Briand, qui va jouer un rôle central et déterminant dans le contenu et le vote de la loi, a quarante-trois ans, il est député depuis trois ans, et est athée et tolérant. Parmi les trente-trois membres de la commission, on compte cinq membres exécutifs de l’Association nationale des libres penseurs, ce qui inquiète les députés modérés. C'est Jean Jaurès, dont il est alors proche, qui l'a poussé à être candidat à la commission «des trente-trois»10.
On y voit l’affrontement avec les partisans d’une destruction complète de l’Église, parmi lesquels Maurice Allard, Victor Dejeante ou Albert Sarraut, qui veulent contrôler l’Église par l’État, lui retirer ses biens et la jouissance des églises et des cathédrales (transformées en maisons du peuple, théâtres, bourses du travail), ou les gérer par un « conseil communal d’éducation sociale »11. Briand et Buisson comprennent qu’une loi de conciliation est nécessaire pour éviter un affrontement désastreux.
Briand prend même contact avec des ecclésiastiques, la chute du combisme donnant du poids à ses idées. Maurice Rouvier arrive à la présidence du Conseil ; peu au courant des questions religieuses, il reprend à son compte le projet de la commission pour trouver une solution. Aristide Briand présente le 4 mars son projet à la chambre. C’est un texte exhaustif qui comporte une longue partie historique, des études des situations des cultes catholique, protestants et israélite, une comparaison avec les législations d’autres pays et présente un projet synthétique. Il devient, après discussion, la loi française de séparation des Églises et de l’État.
Action décisive du rapporteur Aristide Briand
Le nouveau projet de loi déposé dès la formation du gouvernement Rouvier s’inspire beaucoup du travail de la commission dirigée par Aristide Briand, dont le rapport a été déposé le 4 mars 1905. D’emblée, Briand déclare la « séparation loyale et complète des Églises et de l’État » comme réponse indispensable aux difficultés politiques qui divisent la France.
La tâche d’Aristide Briand s’annonce complexe : il va devoir convaincre une partie de la droite catholique que cette loi n’est pas une loi de persécution de l’Église, sans toutefois se montrer trop conciliant aux yeux d’une gauche radicale ou d’une extrême gauche qui voudrait éradiquer le « bloc romain ».
Les intérêts et les enjeux sont compliqués, provoquant des débats houleux et passionnés : gauche et droite sont divisées, et il faut tout le talent oratoire d’Aristide Briand pour réunir tout le monde autour d’un texte, au prix de quelques compromis. La chance d’Aristide Briand est que beaucoup dans l’hémicycle semblent avoir compris que la séparation était devenue inéluctable, et sa première victoire est due au fait qu’une partie de la droite catholique - dont par exemple le député Constant Groussau, connu pourtant pour son intransigeance12 - accepte de faire avancer le débat, non pas en tant que partisan de la séparation, mais pour obtenir des concessions qui rendront la séparation moins douloureuse pour les catholiques.
Aristide Briand a, en effet, bien conscience que si faire voter la loi est une chose, la faire appliquer en sera une autre, et qu’une loi de séparation votée par la gauche et refusée par les catholiques serait inapplicable sur le terrain. C’est pourquoi il tient à montrer qu’on ne doit pas faire une loi « braquée sur l’Église comme un revolver », mais prenant en compte les remarques acceptables des catholiques.
Il convient de considérer[pourquoi ?] que Briand avait comme vieil ami Augustin Chaboseau, devenu son secrétaire particulier, qui fut le fondateur de l’Ordre Martiniste Traditionnel à la suite de Louis-Claude de Saint-Martin, dit le Philosophe inconnu.
Bataille de l'article 4
On peut considérer que la plus grosse pierre apportée à l’édifice de la séparation réside dans l’acceptation de l’article 4 de la loi, tant celui-ci aura été l’objet de craintes de part et d’autre de la Chambre des députés : c’est l’article qui doit dire à qui, dans le nouveau régime des cultes qu’est la séparation, reviendront les biens mobiliers et immobiliers de l’Église.
Les catholiques craignent que l’État ne veuille disloquer l’Église et provoquer des schismes, alors que les républicains refusent que le Vatican garde le choix des associations cultuelles aptes à bénéficier de la dévolution des biens de l’Église, et qui pourraient être basées à l’étranger. À force de compromis et notamment en déclarant que le pays républicain saura faire preuve de bon sens et d’équité, Aristide Briand accepte de revoir quelques formulations de l’article 4 proposé par Émile Combes. Le 20 avril 1905, il déclare à la Chambre :
« Nous n’avons jamais eu la pensée d’arracher à l’Église catholique son patrimoine pour l’offrir en prime au schisme ; ce serait là un acte de déloyauté qui reste très loin de notre pensée13. »
Alors que la première version de l’art. 4 prévoyait que les biens ecclésiastiques seraient dévolus à des associations de fidèles, sans précision, la nouvelle version, défendue à gauche par Briand et Jean Jaurès, dispose que ces associations cultuelles prévues par la loi se conformeront « aux règles d’organisation générale du culte dont elles se proposent d’assurer l’exercice. »
Le catholique Albert de Mun, député du Finistère, se félicite de ce « grand coup de pic donné à la loi »14, tandis que le sénateur Clemenceau bataille au contraire contre ce qu’il considère comme une soumission au gouvernement romain14. Il traite Briand de « socialiste papalin » et accuse la nouvelle formulation de l’article de « [mettre] la société cultuelle dans les mains de l’évêque, dans les mains du pape » ; « voulant rompre le Concordat, la Chambre des députés est demeurée dans l’esprit du Concordat […] au lieu de comprendre qu’elle aurait pour premier devoir d’assurer la liberté de tous les fidèles, sans exception14. » Malgré cela, il vota la loi avec la majorité de la Chambre.
L’article 6 fit également l’objet de vifs débats. La version originale prévoyait qu’en cas de conflit entre plusieurs associations cultuelles sur l’attribution des biens dévolus, les tribunaux civils trancheraient. Briand et Jaurès acceptèrent le souhait des anticléricaux de transférer l’arbitrage au Conseil d’État, plus dépendant du gouvernement, ce qui lui permet de décider arbitrairement de l’attribution des lieux de cultes. Cet article est devenu l'actuel article 8 de la loi.
Vote et promulgation de la loi
Enfin, et malgré des divergences assez fortes (l’esprit de compromis dont Briand a fait preuve n’ayant pas suffi à faire taire les craintes et les protestations des catholiques, et ayant même divisé une partie de la gauche radicale), la loi fut votée le 3 juillet 1905 par 341 voix contre 233 à la Chambre, et le 6 décembre 1905 par 181 voix pour contre 102 au Sénat.
Elle est promulguée le 9 décembre 1905 (publiée au Journal officiel le 11 décembre 190515) et entrée en vigueur le 1er janvier 1906.
Elle met fin à la notion de « culte reconnu » et fait des Églises des associations de droit privé. De plus l’article 4 organise la dévolution des biens des établissements publics du culte à des associations cultuelles.
La Sacrée Pénitencerie du Vatican confirme en 1908 que les députés et sénateurs ayant voté la loi encourent l’excommunication16.
Genèse
À la suite de John Locke, les philosophes des Lumières relancent à travers l’Europe du XVIIIe siècle la question de la séparation de l’Église et de l’État4. En France, la première séparation est instaurée, de fait, en 1794, par la Convention nationale, par le décret du 2 sansculottides an II (18 septembre 1794), qui supprime le budget de l’Église constitutionnelle, et confirmée le 3 ventôse an III (21 février 1795) par le décret sur la liberté des cultes, qui précise, à son article 2, que « la République ne salarie aucun culte ». Cette première séparation prend fin avec la signature du concordat de 1801.
La République de 1848 est secouée par une guerre de classes très dure. En réaction à la peur sociale, la bourgeoisie libérale incarnée par Adolphe Thiers se réconcilie avec les conservateurs catholiques. La loi Falloux de 1850 instaure la liberté d’enseignement au bénéfice de l’Église ; les maîtres des établissements catholiques peuvent enseigner sans les titres exigés des autres, ce que Victor Hugo combat avec éloquence mais en vain. Ce succès encourage l’Église à s’opposer aux républicains tout au long du XIXe siècle attaquant sans relâche le monde moderne, le libéralisme, la démocratie et la République, dans ses nombreux journaux, dans les prônes dominicaux et dans les encycliques pontificales. L’Église s’inquiète et dénonce l’affaiblissement des convictions religieuses, la montée en puissance du positivisme et du scientisme, mais surtout la menace d’unification de l’Italie que le mouvement nationaliste italien fait peser sur les États pontificaux. La Troisième République est marquée par l'affrontement entre un cléricalisme qui va de pair avec un catholicisme fortement enraciné, un laïcisme agressif et un anticléricalisme parfois virulent mais circonscrit dans les grandes villes et qui se traduit par « une série de mesures laïques… qui parachèvent l'œuvre de sécularisation de la Révolution : laïcisation des hôpitaux et cimetières (1881), suppression des aumôneries militaires (1883), suppression des prières publiques et autorisation du divorce (1884)5 ». À partir des années 1890, un esprit de conciliation s'instaure sous l'influence des républicains « progressistes » (le ministre de l'Instruction publique, des Beaux-Arts et des Cultes Eugène Spuller prône, le 3 mars 1894, un « esprit nouveau de tolérance)6 et de la politique de Ralliement. « L'émergence d'une République plus modérée invite à l'apaisement… En autorisant une certaine ouverture, les autorités romaines et épiscopales contribuent à multiplier les initiatives pour tenter l'expérience d'une droite catholique conservatrice, renonçant à la monarchie et acceptant les institutions républicaines7 ». Cette politique de rapprochement avec les républicains laïcs, suscite une grande espérance dans les milieux ralliés, démocrates chrétiens et libéraux, mais se brise à la fin du XIXe siècle avec l'affaire Dreyfus qui fait réapparaître la fracture entre catholiques et laïques8.
Cabinet de Défense républicaine de Waldeck-Rousseau
Après Jules Ferry (années 1880), il se passe près de quinze ans sans véritable changement dans les domaines de la laïcisation. Avec l’affaire Dreyfus qui explose en 1898, la France se divise en deux camps : « dreyfusards » (parmi lesquels on trouve une partie de la gauche) et « antidreyfusards » (parmi lesquels on trouve de nombreux hommes de droite et une grande partie de la hiérarchie militaire). Il serait cependant erroné de ramener l’affaire Dreyfus à un affrontement entre gauche républicaine et droite cléricale et militariste (le premier défenseur de Dreyfus, le colonel Picquart, est un militaire catholique). La grâce présidentielle accordée à Dreyfus en septembre 1899 n’est qu’un compromis. L’affaire, qui a vu l’explosion de l’antisémitisme et la polarisation de la société, conduit à un regain d’anticléricalisme à gauche.
En juin 1899, Pierre Waldeck-Rousseau forme le cabinet de Défense républicaine, qualifié par le camp nationaliste de « cabinet Dreyfus ». Waldeck-Rousseau s’abstient toutefois de prendre des mesures sur le plan religieux, mais promulgue en 1901 la loi sur les associations. Celle-ci prévoit d’une part un régime de liberté pour la création des associations ; d’autre part un régime d’exception pour les congrégations religieuses, qui dispose que chaque congrégation doit être autorisée par une loi, qu’elle doit se soumettre à l’autorité de l’évêque ordinaire et qu’elle peut être dissoute par un simple décret, selon l’article 13 de la loi. La plupart des congrégations (environ quatre sur cinq) déposent leur demande d’autorisation. Celles qui s’y refusent sont dissoutes en octobre 1901, mais Waldeck-Rousseau informe le Vatican que les demandes d’autorisation seront examinées avec mesure. En janvier 1902, le Conseil d’État déclare que l’autorisation préalable nécessaire aux congrégations s’imposera désormais à toute école dans laquelle enseignent des congréganistes, quel que soit leur nombre.
Aux législatives de 1902, le Bloc des gauches, coalition républicaine, l’emporte et reprend l’œuvre entamée par Ferry. Émile Combes forme un nouveau gouvernement9.
Émile Combes
Article détaillé : Émile Combes.
Inspiré par Voltaire, Émile Combes s'apprête à trancher le nœud gordien entre l'Église (le pape) et l'État (Marianne) tandis qu'un moine cuve son vin. Caricature anonyme, Centre national et musée Jean-Jaurès.
Caricature parue dans Le Rire, 20 mai 1905. L’homme au milieu est Jean-Baptiste Bienvenu-Martin, ministre de l’Instruction publique du cabinet Rouvier.
Son premier passage au gouvernement en 1895 comme ministre de l’Instruction publique et des Cultes lui permet de mettre en pratique ses convictions anti-catholiques. En 1902, Émile Combes, surnommé « le petit père Combes », ex-séminariste devenu athée et adversaire déterminé de la religion, est porté au gouvernement par une poussée radicale, au terme d’élections qui se sont faites sur le thème : pour ou contre le fait d’appliquer la loi de 1901 avec une vigueur accrue ?
Combes ne cache pas dès son investiture sa volonté de mener une politique « énergique de laïcité ». Cette déclaration est suivie d’un durcissement des dispositions prises précédemment par Waldeck-Rousseau : les demandes d’autorisations sont refusées en bloc, pour assurer définitivement la victoire du laïcisme anticlérical sur le catholicisme. Ainsi, en juillet 1902, les établissements scolaires non autorisés (environ 3 000) des congrégations autorisées sont fermés : cette mesure donne lieu à de nombreux incidents, toutefois principalement limités aux régions les plus catholiques (l’Ouest de la France, une partie du Massif central), et 74 évêques signent une « protestation ». Le gouvernement réplique en suspendant le traitement (salaire) de deux évêques.
Une nouvelle étape est franchie en mars 1904 : toutes les demandes d’autorisation des congrégations masculines sont rejetées. En juillet 1903, les congrégations féminines avaient subi le même sort. Ceci provoque des désaccords au sein même de la majorité républicaine, Waldeck-Rousseau reprochant même à Combes d’avoir transformé une loi de contrôle en loi d’exclusion. De fait, religieux et religieuses sont expulsés de France. Ceux qui résistent en prétendant au droit de rester dans leurs couvents sont expulsés manu militari, tels les chartreux, que des gendarmes viennent tirer de leur retraite pour appliquer la loi d’interdiction. C’est ainsi que des milliers de religieux trouvent refuge dans des terres plus hospitalières : Belgique, Espagne, Royaume-Uni…
En fait, en 1902, huit propositions avaient été déposées, et Émile Combes, pour étouffer ces tentatives, crée le 11 mars 1904 une commission chargée d’examiner ces propositions et de rédiger un projet de loi.
Sourd aux critiques émanant de la droite, indifférent aux appels radicaux de Clemenceau, qui réclame la suppression pure et simple des congrégations, considérées comme prolongements du « gouvernement romain » en France, Émile Combes interdit l’enseignement aux congrégations par la loi du 7 juillet 1904 et leur enlève ainsi également la possibilité de prêcher, de commercer, étant entendu que les congrégations enseignantes doivent disparaître sous un délai de dix ans. Combes prépare ainsi une laïcisation complète de l’éducation.
Rupture des relations diplomatiques avec le Vatican (1904)
Émile Combes lui-même hésite à s’engager fermement pour la séparation des Églises et de l’État : en effet, les relations entre l’Église catholique et l’État sont toujours régies en 1904 par le concordat signé entre Napoléon Bonaparte et le pape Pie VII un siècle plus tôt, et les articles organiques permettent notamment au gouvernement de contrôler le clergé français en nommant les évêques. Combes craint de perdre ce contrôle sur l’Église en s’engageant pour la séparation, mais la suite des événements ne lui laisse guère d’autre solution :
d’une part, en juin 1903, une majorité de députés décide qu’il y a lieu de débattre d’une éventuelle séparation et constitue une commission dont Aristide Briand est élu rapporteur ;
d’autre part, le pape Léon XIII meurt en juillet 1903, et son successeur, Pie X, est beaucoup plus intransigeant : les incidents diplomatiques entre la France et le Vatican se multiplient.
L’interdiction de l’enseignement aux congrégations provoque un conflit avec le pape qui entraîne la rupture des liens diplomatiques entre le gouvernement français et la papauté. Et l’on sent bien désormais qu’il n’y a plus qu’un pas à franchir vers la séparation. De plus, le projet mûrit rapidement, car le pape, directement touché par les mesures sur les congrégations qui dépendent de Rome, s’attaque nommément à Émile Combes.
La visite du président de la République Émile Loubet au roi d'Italie Victor-Emmanuel III, dont le grand-père a annexé la ville de Rome, est la goutte d’eau qui fait déborder le vase : le Vatican envoie des lettres de protestation antifrançaises aux chancelleries européennes. Lorsque le gouvernement français en a écho, en mai 1904, il rompt immédiatement les relations diplomatiques avec le Vatican.
La fin des relations entre la République et la papauté rend le régime concordataire caduc : la séparation est donc urgente, et Combes s’y rallie : il propose un projet sans tenir compte des travaux de la commission Briand, mais il est déstabilisé et contraint à démissionner par le scandale de « l’affaire des fiches » : le ministre de la Guerre, le général André, avait utilisé des réseaux francs-maçons pour espionner les officiers, connaître leurs opinions religieuses et freiner l’avancement des officiers jugés insuffisamment républicains. C’est le successeur de Combes, Maurice Rouvier, qui va mener la séparation jusqu’à son terme.
Travaux préparatoires
Commission Buisson-Briand
La commission est composée de trente-trois membres, dont une majorité absolue de dix-sept députés ouvertement favorables à la séparation. Elle est présidée par Ferdinand Buisson et son rapporteur est Aristide Briand. Ferdinand Buisson, qui se revendique « protestant libéral », est le président de l’Association nationale des libres penseurs et est célèbre pour son combat pour un enseignement gratuit et laïque, à travers la Ligue de l'enseignement. Également grand commis de l’État, proche de Jules Ferry dont il fut le directeur de l'enseignement primaire et primaire supérieur, il a contribué, par son célèbre Dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire, à diffuser le substantif « laïcité » (voir cet article [archive] du Dictionnaire de pédagogie). Le terme n'est pas mentionné dans la loi de 1905 elle-même, mais le rapport de la commission, l'emploie, tout comme laïque à plusieurs reprises.. Le rapporteur de la commission, Aristide Briand, qui va jouer un rôle central et déterminant dans le contenu et le vote de la loi, a quarante-trois ans, il est député depuis trois ans, et est athée et tolérant. Parmi les trente-trois membres de la commission, on compte cinq membres exécutifs de l’Association nationale des libres penseurs, ce qui inquiète les députés modérés. C'est Jean Jaurès, dont il est alors proche, qui l'a poussé à être candidat à la commission «des trente-trois»10.
On y voit l’affrontement avec les partisans d’une destruction complète de l’Église, parmi lesquels Maurice Allard, Victor Dejeante ou Albert Sarraut, qui veulent contrôler l’Église par l’État, lui retirer ses biens et la jouissance des églises et des cathédrales (transformées en maisons du peuple, théâtres, bourses du travail), ou les gérer par un « conseil communal d’éducation sociale »11. Briand et Buisson comprennent qu’une loi de conciliation est nécessaire pour éviter un affrontement désastreux.
Briand prend même contact avec des ecclésiastiques, la chute du combisme donnant du poids à ses idées. Maurice Rouvier arrive à la présidence du Conseil ; peu au courant des questions religieuses, il reprend à son compte le projet de la commission pour trouver une solution. Aristide Briand présente le 4 mars son projet à la chambre. C’est un texte exhaustif qui comporte une longue partie historique, des études des situations des cultes catholique, protestants et israélite, une comparaison avec les législations d’autres pays et présente un projet synthétique. Il devient, après discussion, la loi française de séparation des Églises et de l’État.
Action décisive du rapporteur Aristide Briand
Le nouveau projet de loi déposé dès la formation du gouvernement Rouvier s’inspire beaucoup du travail de la commission dirigée par Aristide Briand, dont le rapport a été déposé le 4 mars 1905. D’emblée, Briand déclare la « séparation loyale et complète des Églises et de l’État » comme réponse indispensable aux difficultés politiques qui divisent la France.
La tâche d’Aristide Briand s’annonce complexe : il va devoir convaincre une partie de la droite catholique que cette loi n’est pas une loi de persécution de l’Église, sans toutefois se montrer trop conciliant aux yeux d’une gauche radicale ou d’une extrême gauche qui voudrait éradiquer le « bloc romain ».
Les intérêts et les enjeux sont compliqués, provoquant des débats houleux et passionnés : gauche et droite sont divisées, et il faut tout le talent oratoire d’Aristide Briand pour réunir tout le monde autour d’un texte, au prix de quelques compromis. La chance d’Aristide Briand est que beaucoup dans l’hémicycle semblent avoir compris que la séparation était devenue inéluctable, et sa première victoire est due au fait qu’une partie de la droite catholique - dont par exemple le député Constant Groussau, connu pourtant pour son intransigeance12 - accepte de faire avancer le débat, non pas en tant que partisan de la séparation, mais pour obtenir des concessions qui rendront la séparation moins douloureuse pour les catholiques.
Aristide Briand a, en effet, bien conscience que si faire voter la loi est une chose, la faire appliquer en sera une autre, et qu’une loi de séparation votée par la gauche et refusée par les catholiques serait inapplicable sur le terrain. C’est pourquoi il tient à montrer qu’on ne doit pas faire une loi « braquée sur l’Église comme un revolver », mais prenant en compte les remarques acceptables des catholiques.
Il convient de considérer[pourquoi ?] que Briand avait comme vieil ami Augustin Chaboseau, devenu son secrétaire particulier, qui fut le fondateur de l’Ordre Martiniste Traditionnel à la suite de Louis-Claude de Saint-Martin, dit le Philosophe inconnu.
Bataille de l'article 4
On peut considérer que la plus grosse pierre apportée à l’édifice de la séparation réside dans l’acceptation de l’article 4 de la loi, tant celui-ci aura été l’objet de craintes de part et d’autre de la Chambre des députés : c’est l’article qui doit dire à qui, dans le nouveau régime des cultes qu’est la séparation, reviendront les biens mobiliers et immobiliers de l’Église.
Les catholiques craignent que l’État ne veuille disloquer l’Église et provoquer des schismes, alors que les républicains refusent que le Vatican garde le choix des associations cultuelles aptes à bénéficier de la dévolution des biens de l’Église, et qui pourraient être basées à l’étranger. À force de compromis et notamment en déclarant que le pays républicain saura faire preuve de bon sens et d’équité, Aristide Briand accepte de revoir quelques formulations de l’article 4 proposé par Émile Combes. Le 20 avril 1905, il déclare à la Chambre :
« Nous n’avons jamais eu la pensée d’arracher à l’Église catholique son patrimoine pour l’offrir en prime au schisme ; ce serait là un acte de déloyauté qui reste très loin de notre pensée13. »
Alors que la première version de l’art. 4 prévoyait que les biens ecclésiastiques seraient dévolus à des associations de fidèles, sans précision, la nouvelle version, défendue à gauche par Briand et Jean Jaurès, dispose que ces associations cultuelles prévues par la loi se conformeront « aux règles d’organisation générale du culte dont elles se proposent d’assurer l’exercice. »
Le catholique Albert de Mun, député du Finistère, se félicite de ce « grand coup de pic donné à la loi »14, tandis que le sénateur Clemenceau bataille au contraire contre ce qu’il considère comme une soumission au gouvernement romain14. Il traite Briand de « socialiste papalin » et accuse la nouvelle formulation de l’article de « [mettre] la société cultuelle dans les mains de l’évêque, dans les mains du pape » ; « voulant rompre le Concordat, la Chambre des députés est demeurée dans l’esprit du Concordat […] au lieu de comprendre qu’elle aurait pour premier devoir d’assurer la liberté de tous les fidèles, sans exception14. » Malgré cela, il vota la loi avec la majorité de la Chambre.
L’article 6 fit également l’objet de vifs débats. La version originale prévoyait qu’en cas de conflit entre plusieurs associations cultuelles sur l’attribution des biens dévolus, les tribunaux civils trancheraient. Briand et Jaurès acceptèrent le souhait des anticléricaux de transférer l’arbitrage au Conseil d’État, plus dépendant du gouvernement, ce qui lui permet de décider arbitrairement de l’attribution des lieux de cultes. Cet article est devenu l'actuel article 8 de la loi.
Vote et promulgation de la loi
Enfin, et malgré des divergences assez fortes (l’esprit de compromis dont Briand a fait preuve n’ayant pas suffi à faire taire les craintes et les protestations des catholiques, et ayant même divisé une partie de la gauche radicale), la loi fut votée le 3 juillet 1905 par 341 voix contre 233 à la Chambre, et le 6 décembre 1905 par 181 voix pour contre 102 au Sénat.
Elle est promulguée le 9 décembre 1905 (publiée au Journal officiel le 11 décembre 190515) et entrée en vigueur le 1er janvier 1906.
Elle met fin à la notion de « culte reconnu » et fait des Églises des associations de droit privé. De plus l’article 4 organise la dévolution des biens des établissements publics du culte à des associations cultuelles.
La Sacrée Pénitencerie du Vatican confirme en 1908 que les députés et sénateurs ayant voté la loi encourent l’excommunication16.
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