Alexandre Douguine.
Biographie
Naissance |
7 janvier
1962 (60 ans) |
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Nom dans la langue maternelle |
Александр Гельевич Дугин |
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Époque |
|
Nationalités |
Russe |
Formation |
Académie
d'État de Novotcherkassk (d)
(licencié (d)) |
Activités |
Philosophe, géopolitologue, politologue, professeur, sociologue, écrivain, homme politique |
Conjoint |
Evguenia Debrianskaïa (en) |
Enfant |
Autres informations
A travaillé pour |
Université d'État de Moscou (2008-2014), université nationale d'Eurasie (en) (2003), université internationale indépendante d'écologie et de sciences politiques (d) (2000-2001), université fédérale du Sud, université de Téhéran, université Fudan |
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Chaires |
Professeur titulaire (en), professeur d'université (d), chaire universitaire |
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Partis politiques |
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Membre de |
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Dir. de thèse |
Viktor Verechtchaguine (d) |
Influencé par |
Martin Heidegger, Halford John Mackinder, Lénine, Friedrich Nietzsche, Joseph Staline, Max Weber, Oswald Spengler, Aleister Crowley |
Site web |
Œuvres principales
Fondamentaux de géopolitique, La Quatrième théorie politique (d) |
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Alexandre Guelievitch Douguine (en russe : Александр Гельевич Дугин), né à Moscou le 7 janvier 1962, est un intellectuel et théoricien politique nationaliste russe. Il est l'auteur de nombreux essais.
Il a mis sur pied le Parti national-bolchévique (PNB), puis le Front national-bolchévique et enfin le Parti Eurasie. Il a été le conseiller du président de la Douma d'État Guennadi Selezniov, ainsi que de Sergueï Narychkine, membre dirigeant du parti Russie unie, pour les questions stratégiques et géopolitiques.
Il estime que la Russie est culturellement plus proche de l'Asie que de l'Europe. Sa théorie du néo-eurasisme et ses ouvrages de géopolitique en ont fait un intellectuel influent dans les cercles nationalistes et il est parfois considéré comme un des inspirateurs de la politique étrangère de Vladimir Poutine.
Biographie
Formation et fonctions
Il est polyglotte, parlant dix langues1.
En 1979, Douguine commence des études d’ingénieur à l’Institut d’aviation de Moscou2. Il fréquente des cercles intellectuels moscovites traditionalistes (« cercle Ioujinski »), versés dans l’ésotérisme et le mysticisme et hostiles aussi bien à la culture officielle soviétique qu’à l’« Occident décadent »3. Les trois membres les plus importants de ce groupe étaient le poète Evgueni Golovine (ru), le philosophe orthodoxe Iouri Mamléïev4 et le mystique musulman azéri Gueïdar Djemal (qui fonda le Parti de la renaissance islamique de Russie en 1991)4. Douguine fut très influencé par ces trois hommes, qu’il décrivit plus tard comme les « vrais maîtres de l’élite ésotérique de Moscou ». « L’une des activités du cercle consistait à lire et à traduire en russe les livres (empruntés à la Bibliothèque Lénine) d’auteurs étrangers comme René Guénon, Julius Evola et Ernst Jünger3 ». Membre actif de ce groupe, Douguine fait une traduction d’Impérialisme païen de Julius Evola, qu'il diffuse, dès 1982, sous forme de samizdat3. Evola eut aussi une grande influence sur Douguine, en lui transmettant une vision-du-monde centrée sur la « Tradition » et sur les « racines hyperboréennes »5.
Il obtient un doctorat de sciences politiques en 2005, puis un doctorat de sociologie en 20116.
En 2014, alors qu'on lui avait offert le poste de directeur du département de Sociologie des Relations internationales à l'Université d'État de Moscou, il perd ce poste à la suite de ses déclarations incendiaires sur le conflit avec l'Ukraine7.
En 2015, il est nommé rédacteur en chef de la chaîne de télévision Tsargrad TV, dès sa fondation par Konstantin Malofeïev8
Éditeur et traducteur
En 1988, Douguine fonde la maison d'édition Eon et écrit son premier livre, Misterii Evrazii [Les Mystères de l’Eurasie], distribué en samizdat. En 1989, des textes de Douguine sont publiés pour la première fois sous son nom dans une revue soviétique3.
En 1989, il voyage en Europe de l’Ouest, où il rend visite à des intellectuels de la mouvance néo-droitiste et traditionaliste tel Alain de Benoist, ce qui l'amène à fonder la revue Elementy, revue-sœur de celle de Benoist (Éléments)9. Il rencontre aussi Claudio Mutti et Jean Thiriart. L’idée d’une alliance rouge-brun, « fédérant identitaires, tiers-mondistes et ex-soviétiques – allait avoir un écho grandissant en Europe »10.
Dès ce moment, selon son traducteur, « son hostilité envers l'Occident s'accroît et il se rapproche du courant « national-communiste », en rencontrant le leader communiste Guennadi Ziouganov. Il publie, cette même année, un nouveau livre : Puty Absoljuta (Les Voies de l’Absolu)11. »
En 1990, les éditions Eon prennent le nom révélateur d’Arctogaïa (Terre du Nord)4. En 1991, il traduit en russe La Crise du monde moderne de René Guénon12.
Parcours politique
Premiers pas en politique
Après la chute du communisme, Douguine s'oppose au régime pro-occidental de Boris Eltsine. Dès 1991, il écrit dans Dyen [Le Jour], dirigé par l’écrivain et journaliste Alexandre Prokhanov, proche du Parti communiste et opposé au régime13. Douguine, qui entre dans le comité de rédaction de Dyen, lance lui-même plusieurs journaux, dont le premier fut Giperboreyets (L’Hyperboréen). Il publie l’almanach Mily Angel (Cher Ange)4, essentiellement consacré au mysticisme orthodoxe. La même année, Douguine fait de nouveaux voyages en France pour participer aux colloques du GRECE et de l’association Politica Hermetica13.
Au printemps 1992, il organise la venue à Moscou d'Alain de Benoist, Robert Steuckers et Jean Laloux, qui participent à diverses réunions et rencontres dont une table ronde largement médiatisée avec Prokhanov et le député nationaliste Sergueï Babourine14,15. En août 1992, une délégation du Front européen de libération, menée entre autres par le Belge Jean Thiriart et composée en majorité de Français et d'Italiens, se rend à Moscou16. Elle rencontre Douguine et Prokhanov, mais aussi Egor Ligatchev et Guennadi Ziouganov16,13.
Parti national-bolchévique
En octobre 1993, Douguine et Édouard Limonov créent le Parti national-bolchévique, avec Limonov comme figure charismatique et Douguine comme idéologue. Le but est de promouvoir une alliance « rouge-brun », réunissant les rouges (communistes) avec les bruns (fascistes) contre le système capitaliste, comme tentait alors de le faire en France Jean-Edern Hallier avec L'Idiot international17. D'après Stephen Shenfield, bien que Limonov fût le leader suprême du PNB, le programme idéologique du parti était largement déféré à Douguine, qui n'implémente toutefois pas certains éléments de sa pensée, comme son mysticisme religieux18.
Des liens sont établis avec la mouvance de la contre-culture rock/pop et le parti se dote d’un bimensuel du nom de Limonka. En 1995, Douguine se présente comme candidat du PNB dans une banlieue de Saint-Pétersbourg, mais malgré l'appui bruyant de la star de l'underground Sergueï Kouriokhine, qui donne à cette occasion un concert gratuit, il n'obtient que 0,85% des suffrages exprimés. Ce fut sa seule incursion dans le domaine électoral18,19.
Frustré par la simplification de ses idées par le programme du PNB, Douguine quitte le parti en mai 1998 et emporte avec lui une poignée de sympathisants18.
Rapprochement avec le Kremlin
Après son départ du PNB, il transforme la maison d'édition Arktogeïa en association historico-religieuse. En 1998, Douguine devient conseiller à la Présidence de la Douma pour les questions stratégiques et géopolitiques, poste qu'il exerce toujours en 2015. Présenté comme la presse occidentale comme le "Raspoutine de Poutine"20,21 du fait de son physique, George Barros, chercheur spécialisé sur la Russie et l’Ukraine , dans un article à la revue Providence en juillet 2019, nuance cette influence auprés des élites du Kremlin en déclarant « les journalistes occidentaux ont attribué à Douguine une grande influence qui n'existe tout simplement pas » en le considérant comme « un type de diplomate informel de l'extrême droite occidentale » tout en admettant une popularité auprés de groupes intellectuels qui poursuivent leurs propres réflexions néo-eurasistes22.
Rôle dans l'annexion de la Crimée puis l'invasion de l'Ukraine
Dès la deuxième guerre d'Ossétie du Sud en 2008, Douguine appelle à l'annexion de la Crimée23.
Lors de l'annexion de la Crimée par la Russie en 2014, il est en contact avec les groupes séparatistes du Donbass et de Luhansk. Il leur donne des instructions politiques et conseille personnellement la séparatiste Ekaterina Goubareva24. En 2014, il va jusqu'à appeler à l'extermination des Ukrainiens25. En conséquence de quoi, en 2015, il est visé par les sanctions américaines1,26. En juin 2015, le gouvernement canadien ajoute à son tour Alexandre Douguine et le parti Union de la jeunesse eurasienne à la liste des individus et organismes sanctionnés27.
Lors de l'invasion de l'Ukraine par la Russie en 2022, il appelle à l'annexion de l'Ukraine tout entière par la Russie28. D'après l'historien Nicolas Lebourg, Alexandre Douguine participe à la propagande de guerre de Vladimir Poutine, qui justifie la guerre du Donbass en 2014 par une politique eurasiste niant la réalité géographique et historique des deux continents et passant sous silence l'origine de la création du Rous de Moscou29.
Dans la nuit du 20 au 21 août 2022, sa fille Daria Dougina meurt, tuée par un engin explosif placé dans son véhicule, à Bolchiïe Viazomy, près de Moscou, dans ce qui apparaît comme un attentat visant son père30. Celui-ci devait prendre ce véhicule, mais s'est ravisé.
Positionnement idéologique
Néo-eurasisme et rêve impérial
Alexandre Douguine est l'un des principaux théoriciens du néo-eurasisme5. D'après l'historien et sociologue Mischa Gabowitsch, l'interprétation de l'eurasisme faite par Douguine diffère radicalement du mouvement conçu vers 1920 par des intellectuels russes de l’émigration, tels N. Troubetskoï, P. Savitski, N. Alekseïev, etc.31. Le néo-eurasisme de Douguine s'approprie la théorie de Mackinder opposant « thalassocratie » et « tellurocratie », en la renouvelant dans les termes d'une guerre de civilisations32. Au pouvoir maritime et atlantiste de l'Occident, il oppose « la puissance de la terre eurasienne, dont la Russie constitue le cœur33. » À terme, l'Eurasie devrait englober toute la masse continentale, allant du Portugal au Détroit de Béring, ce qui n'est pas sans analogie avec 1984 de George Orwell, dans lequel le continent Eurasia pratique le néo-bolchevisme25.
Douguine rejette « la prétention à l’universalité du modèle occidental et la « modernisation exogène », prétextes à l’esclavage, au colonialisme et au racisme » et leur oppose la tradition33. Il est influencé par le traditionalisme d'auteurs comme René Guénon et Julius Evola5.
En avril 2001, Alexandre Douguine fonde le Mouvement social politique pan-russe Eurasia, qui s’appuie fortement sur les religions traditionnelles. Parmi ses dirigeants figurent le moufti suprême de Russie Talgat Tadjouddine, ainsi que des officiels bouddhistes et juifs (notamment le rabbin hassidique Avraam Chmoulevitch, dirigeant du mouvement Beat Artzein). Des figures militaires font aussi partie des organes de direction d’Eurasia, par exemple le général Klotokov et l’ancien conseiller d'Eltsine, D. Riourikov. Le mouvement bénéficierait aussi selon certains d’un appui discret du Patriarcat orthodoxe5. Il se rapproche dans le même temps de Vladimir Poutine12. En novembre 2003, le parti Eurasia devient le Mouvement eurasiste international dont le « Conseil supérieur » comprend un certain nombre de personnalités, tels le ministre de la Culture Vladimir Sokolov, le vice-ministre des Affaires étrangères Viktor Kalioujny et le conseiller présidentiel Alsambek Aslakhanov12.
Influencé par les idées slavophiles de l'Église orthodoxe russe, Douguine considère Moscou comme la « troisième Rome »12. Le néo-eurasisme est décrit par le politologue Andreas Umland comme « une forme particulièrement extrême d'impérialisme russe » et comme anti-démocratique34. Membre permanent du Club d'Izborsk, Douguine aspire à la fondation du « Cinquième Empire », — « après la Rus' de Kiev (du IXe au XIIIe siècle), le royaume moscovite, l’empire pétersbourgeois des Romanov et l’URSS » — dont l'Ukraine fait nécessairement partie 35.
Il perçoit son mouvement néo-eurasiste comme l'héritier d'un « Ordre d'Eurasie » secret qui aurait existé pendant une centaine d'années, et qualifie ainsi le SS Reinhard Heydrich d'« eurasiste convaincu ». Bien que s'étant plusieurs fois distancié des crimes d'Adolf Hitler, Douguine a durant les années 1990 exprimé de manière récurrente son admiration pour certains aspects du nazisme, qu'il tient pour la plus complète et totale réalisation de son projet. Depuis 2000, il modère sa rhétorique et se fait passer pour un antifasciste, mais admet pourtant en 2006 avoir pour modèles les frères Otto et Gregor Strasser34.
Dans la Russie du début du troisième millénaire, il apparaît que les idées eurasistes ont une influence certaine, et qu’elles séduisent de larges franges du personnel politique et militaire, ainsi que des membres de l’entourage immédiat de Vladimir Poutine33,36. Le président du Kazakhstan, Noursoultan Nazarbayev, est de même un partisan déclaré de l’eurasisme comme l'indique le fait que, dans sa capitale Astana, il a fait renommer l’université : « Université Lev-Goumilev ». Le vocabulaire eurasiste est aussi largement utilisé par les élites russes et même par certains dirigeants européens. En 2001, le président Poutine a lui-même déclaré : « la Russie a toujours été un État eurasien »37.
Douguine collabore aussi à la revue plurilingue Eurasia, fondée en 2004 par l'Italien Claudio Mutti16.
Rejet du libéralisme
Douguine définit le libéralisme comme une volonté de liberté individuelle qui va jusqu'au rejet de toute forme d'identité collective : « la lutte contre toutes les manifestations de l'identité collective est le devoir moral des libéraux, et le progrès est mesuré par les victoires dans cet affrontement38. » « Les libéraux ont libéré l'être humain de son identité nationale, religieuse et autre. La dernière forme d'identité collective étant celle du genre, le libéralisme veut l'abolir en la rendant arbitraire et optionnelle1. » Au lieu de considérer la société comme un ensemble d'individus égaux en droits, il veut s'en tenir à l'ancienne conception de celle-ci comme un corps organisquen 1.
Douguine classe le libéralisme parmi les trois théories politiques de la modernité aux côtés du fascisme et du marxisme. Selon lui, le libéralisme est une forme d'esclavage, car « il tente l'homme à l'insurrection contre Dieu, contre les valeurs traditionnelles, contre la morale et contre les valeurs spirituelles de son peuple et de sa culture ». Il n'hésite pas ainsi à utiliser une rhétorique marxiste afin de critiquer le libéralisme.
À l'universalisme atomisant de l'Occident, Douguine oppose un autre universalisme qui s'exprime dans l'idée politique d'empire, qui est pour lui une valeur suprême et sacrée : « Pas une nation, mais un empire. Pas le monde bourgeois westphalien, mais l'ordre sacré de la grande étendue39. » Il rejette l'idée que la démocratie et les droits humains sont des valeurs universelles : ce sont simplement des notions occidentales qui ne devraient pas être imposées à d'autres sociétés et aires culturelles40.
Comme les États-Unis sont le fer de lance des valeurs libérales et de la mondialisation, il est essentiel de travailler à en affaiblir la puissancen 2. Dans ses Fondamentaux de géopolitique (1997), un ouvrage qui a eu un énorme retentissement et qui est utilisé comme manuel dans les écoles militaires russes1, il recommande :
« de faire en sorte d'introduire du désordre géopolitique dans les activités intérieures des États-Unis, en encourageant toute forme de conflit ethnique et racial, en soutenant les mouvements dissidents, extrémistes, racistes et sectaires afin de déstabiliser le pays40. »
En 2016, il a accueilli avec enthousiasme l'élection de Donald Trump1 parce que celui-ci incarne une rupture idéologique à l'intérieur du libéralisme38.
La Quatrième théorie politique
Dans son livre La Quatrième théorie politique — publié en 2012 et préfacé par Alain Soral —, Douguine insiste sur la fracture idéologique et civilisationnelle entre l'Eurasie et l'Ouest. Selon lui, « Des trois théories qui ont précédé la sienne, deux, communisme et fascisme, ont échoué. Reste le libéralisme, triomphant mais qui ne représente ni la « fin de l’histoire » ni celle des idéologies. Il propose alors sa propre conception, celle d’un conservatisme actif ». Cet ouvrage développe plusieurs thèmes notamment : « critique de la rationalité, refus du principe démocratique (c'est la spiritualité qui fait l'élite), mépris du libéralisme, rejet du progrès et justification de l'État fort dans le fil de la pensée du philosophe Carl Schmitt33. »
Son rejet de la notion de progrès va jusqu'à recommander le bannissement de la chimie et de la physique, ainsi que de l'Internet. La modernité est jugée mauvaise dans toutes ses productions : science, valeurs, philosophie, art, société, modes, etc.1.
Influence de Heidegger
Dans Martin Heidegger: The Philosophy of Another Beginning (2014), Douguine présente la pensée de Heidegger comme un substrat philosophique à son entreprise de destruction de la tradition occidentale. Il se réclame particulièrement du concept géo-philosophique de Dasein qui « advient dans le combat des membres d’une génération dont le destin pré-orienté n’est pas celui d’individus aux parcours différenciés, mais est uniquement le destin de ceux-là qui, au sein d’une génération, ont déjà dépassé le paradigme libéral de l’individualisme, et forment une communauté organique41. »
Heidegger lui permet ainsi de justifier son projet d'empire eurasien, ainsi que le montre l'analyse de François Rastier : « À l’Europe démocratique, supranationale et plutôt cosmopolite, il faut opposer un projet identitaire, tel qu’il s’exprime dans le concept heideggérien et plus généralement nazi de Gemeinschaft (Communauté)42 ».
Conspirationnisme
D'après les politologues Stéphane François et Olivier Schmitt, Alexandre Douguine est l'un des principaux théoriciens du conspirationnisme en Russie. Dans les années 1990, il développe la conspiratologie, « terme pseudo-scientifique désignant une construction théorique issue de l'enquête et visant à démasquer les comploteurs, donc une théorie du complot qui s'abrite sous un vernis d'esprit critique ». Son discours néo-eurasiste voit la théorie du complot comme une clé permettant la compréhension du monde et de ses changements12.
Relations avec l'extrême droite française
Selon l'historien Nicolas Lebourg, Alexandre Douguine est une influence pour les nationalistes-révolutionnaires et la Nouvelle droite en France29.
Douguine publie en 2013 L’Appel de l’Eurasie, un livre d’entretiens avec Alain de Benoist33. En 2014, une réunion ayant pour thème « l'avenir des valeurs fondamentales de la civilisation chrétienne en Europe » rassemble des représentants de partis nationalistes européens, le 31 mai à Vienne, organisée à l'initiative du milliardaire Konstantin Malofeïev43. Outre Alexandre Douguine, se trouvaient parmi les invités Aymeric Chauprade et Marion Maréchal-Le Pen44.
En octobre 2014, Alexandre Douguine rencontre à Moscou Jean-Marie Le Pen, alors président d'honneur du Front national45,46. L'homme politique français a également rencontré à cette occasion un oligarque proche de Vladimir Poutine, Konstantin Malofeïev, qui dirige le fonds d'investissement Marshall Capital Group et soutient les idées eurasianistes de Douguine47. Pour Nicolas Lebourg, le concept d'Europe boréale de Le Pen est influencé par l'Eurasie de Douguine29. Conformément à la vision eurasiste de Douguine, les dirigeants politiques d'extrême-droite en Union européenne sont activement courtisés et soutenus par Poutine48.
L'éditeur et militant nationaliste-révolutionnaire Christian Bouchet est un ami personnel d'Alexandre Douguine. Il a fait traduire et éditer plusieurs de ses textes. Il a aussi organisé dans plusieurs villes françaises des conférences pour faire connaître la personne et les théories de Douguine. Bouchet affirme que le théoricien eurasiste aurait ouvert « des perspectives immenses sur l'islam, l’orthodoxie, le judaïsme, sans oublier les liens entre la Tradition et la géopolitique »49.
En mars 2016, la chaîne française web de ré-information TV Libertés diffuse un entretien avec lui49.
D'après Le Monde, Alexandre Douguine assure la promotion d'Alain Soral sur Internet et lui met à sa disposition ses réseaux. En septembre 2014, Douguine et Soral tiennent une conférence commune au Brésil. En juin 2016, il fait inviter Soral à Moscou, lors d'un forum sur les médias : celui-ci dénonce « l’effondrement de la France », « l’impérialisme américain » et ses relais « judéo-franc-maçonniques »50.
Conceptions religieuses
Alexandre Douguine est un orthodoxe vieux-ritualiste russe51. Il reconnait donc l'autorité du patriarche de Moscou.
Vie privée
Alexandre Douguine est le père de Daria Douguina, analyste politique et rédactrice en chef d'un site nommé United World International (UWI)52,53. Selon l'agence Tass, celle-ci est morte le 20 août 2022 dans l'explosion de son véhicule en banlieue de Moscou, dans ce qui pourrait être une tentative d'assassinat contre son père54,55. Alexandre Douguine devait se trouver dans le véhicule avec sa fille avant de changer d'avis au dernier moment.
Œuvres
Il a publié une grande masse d'écrits, livres, articles, ouvrages collectifs, sur des thèmes issus des sciences politiques et de la géopolitique russe, de la sociologie ou encore de la philosophie de la tradition. L'essentiel de ses écrits sont en russe et non traduits dans d'autres langues. Parmi ses ouvrages traduits en français:
L’Empire soviétique et les nationalismes à l’époque de la pérestroïka, in ..., Nation et Empire, GRECE, 1991.
Fondamentaux de géopolitique (1997)
« La Révolution conservatrice russe », Eurasia, vol. 2, 2006
Le prophète de l'eurasisme, Dublin, avataréditions, coll. « Heartland », 2006, 352 p. (ISBN 978-0954465278, lire en ligne [archive])
La grande guerre des continents, Avatar Éditions, coll. « Les cahiers de la radicalité », 2006, 100 p. (ISBN 978-0954465261)
La Quatrième théorie politique : La Russie et les idées politiques au XXIe siècle (préf. Alain Soral), Éditions Ars magna, 2012, 336 p.
Pour une théorie du monde multipolaire, Éditions Ars magna, 2013, 240 p. (ISBN 978-2912164858)
L'appel de L'Eurasie, Avatar Éditions, coll. « Heartland », 2013, 222 p. (ISBN 978-1907847189), conversation avec Alain de Benoist
(en) Martin Heidegger: The Philosophy of Another Beginning (trad. Nina Kouprianova), Washington, Radix, 2014
Vladimir Poutine, le pour et le contre : Ecrits eurasistes 2006-2016, Éditions Ars magna, 2017, 490 p. (ISBN 979-1096338276)
Pour le Front de la Tradition, Éditions Ars magna, 2017 (ISBN 979-1096338313)
Les racines de l'identité (Écrits eurasistes - 2012-2015), Éditions Ars magna, 2019
Le retour des Grands Temps (Écrits eurasistes - 2016-2019), Éditions Ars magna, 2019
Contre le Great Reset : Le Manifeste du Grand Réveil, Éditions Ars magna, 2021
Notes
Dans une entrevue accordée en 1999 à la revue polonaise Fronda, Douguine s'explique ainsi : « In Russian Orthodox christianity a person is a part of the Church, part of the collective organism, just like a leg. So how can a person be responsible for himself? Can a leg be responsible for itself? Here is where the idea of state, total state originates from. » Source: «Czekam na Iwana Groźnego» [I'm waiting for Ivan the Terrible]. 11/12 (en polonais). Fronda, 1999, p. 133.
« In his magnum opus, ‘The Foundations of Geopolitics: The Geopolitical Future of Russia,’ published in 1997, Dugin mapped out the game plan in detail. Russian agents should foment racial, religious and sectional divisions within the United States while promoting the United States’ isolationist factions. In Great Britain, the psy-ops effort should focus on exacerbating historic rifts with Continental Europe and separatist movements in Scotland, Wales and Ireland. » Source : David Von Drehle, « The man known as ‘Putin’s brain’ envisions the splitting of Europe — and the fall of China », The Washington Post, Washington D.C., 22 mars 2022 (lire en ligne [archive], consulté le 24 mars 2022).
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Voir aussi
Sur les autres projets Wikimedia :
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Bibliographie
Marlène Laruelle, L’Idéologie eurasiste russe ou comment penser l’empire, L’Harmattan, 1999.
Marlène Laruelle, « Alexandre Dugin : esquisse d’un eurasisme d’extrême-droite en Russie post-soviétique », Revue d’études comparatives Est-Ouest, vol. 3, 2001
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Didier Chaudet, Florent Parmentier, Benoît Pélopidas, L'empire au miroir. Stratégies de puissance aux États-Unis et en Russie, Genève, Droz, 2007.
Charles Clover, Black Wind, White Snow: The Rise of Russia's New Nationalism, Yale University Press, 2016.
Le traducteur, « Avant-propos », dans Alexandre Douguine, Le prophète de l'eurasisme, Dublin, avataréditions, 2006 (lire en ligne [archive]), p. 11-19
Articles connexes
Liens externes
:
Stéphane François, « L'œuvre de Douguine au sein de la droite radicale française » [archive], sur Diploweb, 22 septembre 2008
(en) Aleksandr Dugin’s transformation from a lunatic fringe figure into a mainstream political publicist, 1980–1998: A case study in the rise of late and post-Soviet Russian fascism, Andreas Umland, Journal of Eurasian Studies, 2010, vol. 1, n°. 1, pp. 144–152. lire en ligne sur sciencedirect.com [archive]
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