Déclaration de M. Emmanuel Macron, président de la République, sur les Harkis, à Paris le 20 septembre 2021.
Intervenant(s) :
Emmanuel Macron - Président de la République
Circonstance : Réception consacrée à la mémoire des Harkis
Texte intégral
Merci à tous les quatre et à vous, Madame la ministre.
Je
ne suis pas sûr que ce que je veux dire soit exactement un hommage
aux Harkis. Donc, je vais retirer cette plaque. Vous avez rendu
hommage vous-mêmes, à vos pères, vos frères. Je vais essayer
qu'ensemble, on passe une étape collective. Donc à dessein, je vais
enlever cette plaque. Et si j'ai voulu que vous soyez tous et toutes
ici réunis, c'est justement parce que je suis convaincu que cette
page de notre histoire vaut mieux qu'un hommage, un jour chaque
année, qui lui est réservé.
Madame la Ministre, merci
beaucoup pour votre travail et vos mots aujourd'hui,
Mesdames et
Messieurs les Députés,
Mesdames et Messieurs les
Sénateurs,
Monsieur le Grand Chancelier de la Légion
d'Honneur,
Mesdames Messieurs les Elus,
Messieurs les
Officiers généraux,
Madame la directrice générale de
l'Office national des anciens combattants et victimes de
guerre,
Mesdames et Messieurs les Présidents de fondations et
associations mémorielles ou d'entraide, Mesdames et Messieurs les
Universitaires, Historiens et Experts, cher Benjamin en particulier,
Mesdames et Messieurs,
L'histoire des Harkis est
grande et douloureuse. Elle est grande parce que c'est une histoire
de soldats, une histoire d'honneur, une histoire de Françaises et de
Français et l'histoire des Français. Elle est douloureuse, et vos
mots à tous les quatre l'ont montré, parce que c'est l'histoire de
déchirures. Déchirure entre deux pays, déchirure avec votre terre
natale, déchirure avec vos familles restées en Algérie, vos amis,
vos langues, vos cultures et traditions, mais toujours déchirure
entre Français. C'est la tragédie d'une fidélité bafouée
plusieurs fois par les massacres en Algérie, par l'exclusion en
France, puis par le déni et refus de reconnaissance.
Votre
histoire, c'est la nôtre et elle est désormais bien établie. Elle
a été dite, écrite par vous-mêmes, par les témoins, par les
historiens, mais elle reste trop mal connue des Français. C'est
pourquoi j'ai fixé ce rendez-vous. Ce n'est pas un rendez-vous avec
les Harkis, c'est un rendez-vous avec la vérité, avec la France,
avec une part de nous. Je le dis aujourd'hui, avant la journée du 25
septembre, parce que je sais combien ce que nous sommes en train de
nous dire va réveiller de débats multiples édictant notre histoire
avec la guerre d'Algérie.
J'assume pleinement que la
France reconnaisse la multitude de ces mémoires et de ces destins
avec cette guerre. Ces histoires sont parallèles. Elles sont parfois
irréconciliables. Elles sont pour certaines incomparables les unes
entre les autres. Il nous faut les assumer tous et reconnaître
chacune pour pouvoir avancer et vivre ensemble. Je ne jugerai pas
devant vous aujourd'hui le choix des dirigeants d'alors, ce n'est pas
le rôle d'un président de la République. C'est le rôle des
historiens et c'est leur rôle de pouvoir le faire librement. Et je
ne sais pas dire ce que j'aurais fait à leur place. Cette guerre
d'indépendance pour les uns, civile pour les autres, a bousculé en
profondeur notre pays et tant et tant de générations. Il s'est
passé alors, entre Françaises et Français, ce décret, entre
Athènes et Sparte, celui du silence et du devoir d'oubli pour
pouvoir simplement continuer de vivre ensemble, ne plus dire, refuser
de se souvenir, d'ouvrir chaque sujet. Vos histoires que vous avez
rappelées et vos colères qui s'expriment et continuent de
s'exprimer disent combien ces moments, aujourd'hui, nous devons avoir
le courage de les rouvrir, de dire et d'assumer, mais sans que cela
enlève quoi que ce soit aux autres mémoires, et sans que cela nous
conduise à devoir comparer les destins ou avoir un système
d'équivalence. Mais chacun doit maintenant savoir s'écouter,
reconnaître et donner une place, la place qui lui revient, à chaque
mémoire dans la vie de notre nation.
Vos aïeux avaient
servi la France pendant la Première Guerre mondiale. Vos
grands-pères et vos pères l'avaient servi pendant la Seconde. Vous,
ici, parmi nous, cher Serge, ou vos pères, l'ont servi durant la
guerre d'Algérie. Et quelles que soient les raisons de leur
engagement sous notre drapeau, les Harkis ont prêté leurs forces,
ont versé leur sang, ont donné leur vie pour la France, entre 1914
et 1918, 39 et 45, 54 et 62. Ils furent près de 200 000 à porter
nos couleurs. Ils étaient interprètes, éclaireurs, pisteurs,
guerriers, montaient la garde, tenaient des positions, sécurisaient
des points stratégiques, parfois des villages entiers ou des espaces
immenses. Ils combattaient. Dans l'Atlas, dans les Aurès, en
Kabylie, en ville comme à la campagne, partout en Algérie, les
Harkis ont rendu des services éminents à la France. Ils ont servi
la France. Ils ont tout risqué, leurs biens, leurs vies, celles de
leurs familles, et beaucoup ont tout perdu. La France a des devoirs à
l'égard de ceux qui la servent et la défendent.
Les
Harkis ont été, ont toujours été et sont des Français, par le
sang versé, les combats choisis et leur naissance, à chaque fois.
Or, après la guerre d'Algérie, la France a manqué à ses devoirs
envers les Harkis, leurs femmes, leurs enfants. Le 19 mars 1962,
c'était la fin des combats, le soulagement pour beaucoup, l'angoisse
pour tant d'autres, le début du calvaire pour les Harkis, la cruauté
des représailles, l'exil ou la mort. La plupart n'eurent pas le
choix, même s'il est des officiers qui ont tenu leur serment de
fidélité à l'égard de leurs hommes. Ce fut le cas du Général
François MEYER que j'élève aujourd'hui à la dignité de
Grand'croix de la Légion d'honneur, qui désobéit afin de faire
embarquer pour la France des dizaines d'hommes et de familles. Du
lieutenant Yves DURAND, qui accompagna sa Harka jusqu'à Ongles dans
les Alpes-de-Haute-Provence, ou d'André WURMSER, qui défendit les
Harkis toute sa vie. J'adresse le salut de la France à ces hommes
lucides et fidèles. Ils eurent la grandeur d'âme et la bonté de
coeur qui manqua alors à notre pays.
Entre l'hiver et le
printemps 1962, la France, elle, a tergiversé pour ouvrir ses portes
aux Harkis avec un premier oui pour une poignée d'entre eux, une
dizaine de milliers, puis un refus par peur d'infiltration terroriste
d'un bord ou de l'autre, avec interdiction à quiconque de les aider.
Enfin, et c'est l'honneur de Georges POMPIDOU, la décision formelle
de les accueillir. Il ne s'agit pas ici, comme je le disais, de juger
les décideurs d'alors. Ça n'est pas mon rôle. C'est le travail de
mémoire et d'histoire, des universitaires et des historiens. Mais
les faits sont là. Têtus, cruels. Cet accueil ne fut pas digne et
la moitié des Harkis rapatriés fut reléguée, parfois des années,
dans des camps et des hameaux de forestage. Il y eut même des
familles de Harkis parqués dans des prisons, oui, des prisons. Ils
avaient dû quitter une terre qui était la leur et celle de leurs
ancêtres, la terre qui abritait leurs maisons, leurs biens, leurs
traditions, la terre où ils avaient construit leur vie et forgé
leur espérance parce qu'ils avaient porté les armes de la France.
Et voilà qu'ils trouvaient dans ce pays qu'ils avaient servis, notre
pays, leurs pays, non pas un asile, mais un carcan, non pas
l'hospitalité, mais l'hostilité. Les barreaux et les barbelés, les
couvre-feux, le rationnement, le froid, la faim, la promiscuité, la
maladie, l'exclusion, l'arbitraire et le racisme, au mépris de
toutes les valeurs qui fondent la France, au mépris du droit, au
mépris de toute justice. Les portes de l'école de la République
fermées à leurs enfants, à vos enfants, à vous, au mépris de
l'avenir. Ce dont je parle, étaient les années 1960 et 1970 et
c'était en France. Ce fut le terrible sort des Harkis : exclus,
assujettis, empêchés, français, toujours bannis de leur sol natal,
bafoués sur leur sol d'accueil.
Pour vous et pour vos
familles, ce fut un abandon, un abandon de la République française
reconnue depuis 2001, vous l'avez rappelé un instant, et jusqu'aux
responsabilités reconnues en septembre 2016. Tous mes prédécesseurs
se sont exprimés depuis 2001 sur ce sujet. Et je vous le dis pour la
France, la France des Lumières et des droits de l'Homme, ce fut
pire. Un manquement à elle-même, à ce qu'elle veut être, à ce
qu'elle doit être. Oui, en privant les Anciens combattants, leurs
femmes, leurs enfants de leurs libertés fondamentales, en n'offrant
pas à leurs enfants la même éducation qu'à tous les jeunes
Français, en ne voulant pas reconnaître, malgré vos combats,
malgré le travail d'Histoire et tant de lettres dictées. La France
leur a lâché la main et leur a tourné le dos. Face à ceux qui
l'avaient loyalement servi, notre pays n'a été fidèle ni à son
Histoire ni à ses valeurs.
C'est pourquoi aujourd'hui, au
nom de la France, je dis aux Harkis et à leurs enfants, à voix
haute et solennelle, que la République a alors contracté à leur
égard une dette. Aux combattants, je veux dire notre reconnaissance.
Nous n'oublierons pas. Aux combattants abandonnés, à leurs familles
qui ont subi les camps, la prison, le déni, je demande pardon, nous
n'oublierons pas.
Depuis, la République s'est ressaisie,
elle a reconnu les sacrifices consentis et les souffrances infligées.
Le temps des non-dits, le temps du déni étaient révolus. La France
s'est engagée au côté des Harkis sur la voie de la vérité et de
la justice ; elle a agi, voté des lois, aidé, soutenu, entamé un
travail de mémoire que nous avons intensifié ces dernières années.
Elle honore les Harkis et leurs enfants, leur histoire, leur
résilience, leur combat.
Et aujourd'hui encore, je
remettrai dans quelques instants les insignes de nos ordres nationaux
de la Légion d'honneur et du Mérite à Monsieur Salah ABDLEKRIM,
qui a versé son sang pour la France et qui a été cité deux fois
au combat, à Madame Bornia TARALL, fille de Harkis qui s'est engagée
sans relâche pour la diversité, l'égalité des chances et
l'identité.
Il s'agit désormais de réparer autant qu'il
est possible ces déchirures : déchirures de l'histoire, que vous
portez dans votre chair. Le souvenir des Harkis, l'honneur des Harkis
doit être gravé dans la mémoire nationale. Cette histoire, nous la
racontons, nous l'enseignons, et nous continuerons d'en panser les
plaies tant qu'elles ne seront pas refermées, par des paroles de
vérité, des gestes de mémoire et des actes de justice.
C'est
pourquoi le Gouvernement portera, avant la fin de l'année, un projet
visant à inscrire dans le marbre de nos lois la reconnaissance et la
réparation à l'égard des Harkis. Je m'y engage. Cette loi n'aura
pas vocation à dire ce qu'est l'histoire ou la vérité, parce que
je crois profondément que ce n'est pas le rôle d'une loi, c'est le
travail des historiens, une fois encore.
Je vous entends
depuis tout à l'heure, Madame, parler à voix haute, y compris quand
celles et ceux qui défendent vos causes sont là. Et c'est pour cela
aussi… Je sais que les colères sont irréconciliables, mais si
vous m'autorisez… Madame, ce que ce je veux vous dire… Mais vous
êtes là. Mais je sais. Mais ce dont nous parlons aujourd'hui …Mais
dans ce que vous exprimez, Madame, ce qu'exprime Monsieur. Oui, mais
je ne fais pas de promesses en l'air, mais il y a quelque chose.
Venez, venez. Non, asseyez-vous. Ce que je voudrais vous faire
comprendre, c'est que, y compris entre vous, ce que vous avez… Mais
je sais. Vous êtes là, Madame, et je suis là devant vous. Ce que
je voudrais vous faire comprendre, à vous, parce que je vous entends
depuis tout à l'heure, madame, vous vous exprimez à chaque fois que
l'un de vos collègues s'expriment. Vous ne m'écoutez pas tellement
et vous dites votre colère. Et je vous connais aussi. Mais oui, mais
je peux. Je vais finir et je le fais avec beaucoup d'affection et
beaucoup de respect. Mais ce que je voudrais vous dire …
Ce
qu'il s'est passé et que nous décrivons depuis tout à l'heure qui
a été dit que j'essaie d'exprimer avec les mots qui sont les miens,
c'est la singularité de ce que vous avez vécu dans l'histoire de
France et de la République. Mais cette singularité, elle a été
aussi marquée par des divisions profondes. Et le fait, cela m'a
frappé à chaque fois que je suis allé au contact de vous sur le
terrain, le fait que vous ne vous reconnaissez pas les uns les autres
dans vos combats. Mais ce faisant, je le dis très sincèrement et
c'est vrai de tous les combats mémoriels qui ont été menés par
plusieurs qui sont là et qui portent aussi d'autres mémoires,
d'autres combats d'oublis. Chaque histoire est singulière. Ce que
vous décrivez, madame, et qui est bouleversant est singulier. Mais
est-ce plus respectable… Non, mais, est-ce plus respectable, plus
important, plus fort, plus juste que la douleur de votre voisin de
devant ou que celle de Serge CAREL, qui s'est battu et a été
abandonné sur le terrain, que d'autres pour justifier de crier plus
fort ? Pas forcément. Votre force est aussi dans le respect des
mémoires des uns des autres. Et donc, ce que je voudrais vous faire
aussi toucher du doigt, c'est qu'il y a quelque chose d'épuisant
pour certains qui mènent vos propres combats et vous défendent de
considérer que plus fort que la reconnaissance ou le chemin que nous
faisons ensemble et qui ne répare pas ce qui s'est passé et qui ne
pourra pas le réparer. Il y a aussi la capacité, à un moment
donné, d'essayer d'accepter collectivement que la colère se
projette en goût de l'avenir. Il n'y a aucun mot qui réparera vos
brûlures et ce que vous avez vécu. Mais il n'y a aucun, madame,
vous avez raison. Mais il y a par contre, je ne pourrai rien y faire
à cela, par des mots, réparer 40 ans, que dis-je, 60 ans de la vie
de notre nation. Mais nous devons tous ensemble faire ce chemin, de
là où nous sommes, avec les injustices subies pour essayer de
réconcilier et d'avancer et donc pour poursuivre. Je disais que nous
porterons, le Gouvernement portera, et madame la Ministre en
orchestrera les travaux avec le travail, et je sais que nos députés
et sénateurs qui sont ici présents y oeuvreront : un texte de loi
de reconnaissance et de réparation.
Je le disais, ce
texte n'a pas vocation à dire ce qu'est l'histoire, ce n'est pas le
travail d'un texte de loi. Cela fut parfois fait. Je pense que ce
n'est pas le rôle d'une loi. Et parce que je ne veux pas non plus
qu'on rentre dans une concurrence mémorielle sur ce sujet. Pourquoi
? Parce que je sais très bien ce que vont me dire les rapatriés,
les appelés, nos militaires. Ce n'est pas à une loi de… en
quelque sorte venir ici faire le lit de l'histoire, ce n'est pas ça
le rôle d'une loi. Ce qui est vrai, c'est qu'il y a une singularité
pour ce qui est des Harkis. C'est l'abandon militaire et c'est
ensuite l'abandon et la maltraitance des familles sur notre sol. Ça,
c'est une spécificité. Et donc, la reconnaissance de ces deux
faits, qui sont des caractéristiques historiquement établies qui
sont des singularités de la question harki doivent être mises dans
cette loi, et cette loi aura vocation, c'est son objet principal et
c'est ce qui justifie un texte de loi, à mettre en place une
commission nationale adossée au service de l'Office national des
anciens combattants et victimes de guerre et qui supervisera le
processus de recueil de leurs témoignages et de réparation.
Sur
ce sujet, je serai clair : il s'agit de réparer d'abord pour la
première génération et de pouvoir revaloriser les allocations pour
les anciens combattants et leurs veuves, c'est un devoir. Pourquoi ?
Parce que, là aussi, ils furent moins bien traités que les autres
et c'est un fait établi. Ensuite, il s'agit de recueillir les
témoignages et de réparer pour la deuxième génération qui a eu à
vivre les camps, qui a eu à vivre les hameaux de forestage ou les
foyers dans des conditions de vie indignes et l'absence d'accès à
l'école pour les enfants. Et je le dis aussi là de manière très
claire : il ne s'agit pas d'établir des réparations pour d'autres
qui ont vécu dans d'autres situations parce que les cas sont aussi
individuels. Il ne s'agit pas d'établir des réparations pour les
générations suivantes ou pour des femmes et des hommes qui n'ont
pas eu à vivre les mêmes conditions. Parce que sinon, nous
ouvririons des situations qui, là aussi, en quelque sorte, ne
seraient pas justes par rapport à ce que la République a eu à
connaître. Je touche encore du coeur de la singularité aujourd'hui
de ce dont nous parlons. Par contre, je pense que cette commission de
réparation a vocation aussi à traiter de la question des enfants et
petits-enfants pour leur éducation et leur accès à l'égalité des
chances.
Vous l'avez dit, aucune réparation pécuniaire
ne réparera ce qu'il s'est passé, il y a des réparations à
établir parce qu'en l'espèce il s'agit de la République française.
C'est aussi une des singularités de la question Harkis. Ce n'est pas
une parenthèse de notre histoire, c'est la République qui a fait
tout ça, jusqu'à récemment, et donc elle doit en assumer les
conditions de réparation pour celles et ceux qui ont eu à le
connaître. Mais nous devons aussi accompagner dans la formation des
enfants et des petits-enfants, les familles qui le souhaitent et aux
côtés desquelles nous devons nous trouver.
C'est
l'honneur des Harkis que de s'être battus pour la France et de
s'être pleinement intégrés dans la communauté nationale par le
sang, par le travail, malgré les obstacles et les embûches, en lui
apportant les richesses, les talents qui sont les siennes. Une harka,
littéralement, c'est un groupe mobile. Le Harki, littéralement,
c'est celui qui avance.
Aujourd'hui, les filles et les
fils de Harkis sont officiers, sous-officiers, professeurs,
historiens, avocats, magistrats, cadres supérieurs, journalistes,
diplomates, maires, peintres, écrivains, cinéastes, artisans,
commerçants. Ce sont des destins français exemplaires et ils sont
notre fierté. Et à cet égard, que l'on m'entende bien ce matin,
partout dans le pays, quand on insulte un Harki, on insulte la
France.
Pendant des décennies, vous avez vécu dans un
pays où ce que vous êtes était une insulte et est encore une
insulte dans beaucoup d'endroits de la République. Et pendant des
décennies, vous avez quitté un sol où l'obsession des dirigeants
jusqu'à aujourd'hui était et est encore de ne pas vous laisser
revenir, y compris pour vous recueillir sur la tombe de vos parents
et grands-parents.
Il y a quelque chose de l'apatride
mémoriel et de justice dans ce qui est la condition des Harkis.
C'est ce qui fait cette singularité dans la République. Et c'est
aujourd'hui ce que je veux qu'ensemble nous puissions réparer. Nous
ne réparons pas chaque destin. Je le mesure, parce qu'il y a quelque
chose d'inconsolable dans ce que vous avez pu vivre chacune et chacun
d'entre vous. Mais nous avons à rebâtir pour vous même et pour ce
qu'est la nation Française, une justice qui redonne à chacun sa
place : la juste part de la mémoire, la réparation de ce qui a été
subi, et la juste fierté de ce que vous êtes.
C'est
pourquoi c'est l'honneur de la France de reconnaître et de réparer
ses manquements, d'accompagner et de soutenir ceux qui l'ont défendu,
d'accorder la vérité et la gratitude de la République française à
ses enfants qui l'ont servi et qui ont souffert. Enfin ! Mais ce
chemin, ce parcours de reconnaissance, continuera à prendre du
temps, je le sais. Et il nous faudra beaucoup d'humilité, mais par
cette loi, je veux que nous puissions écrire un moment qui permettra
enfin à des familles, des enfants, des petits enfants d'être
reconnus, restaurés dans leur dignité et fiers d'être ce qu'ils
sont, d'être français.
Vive la République et vive
la France !
Général François MEYER, au nom de la
République française, nous vous élevons à la dignité de
Grand'croix de l'Ordre national du mérite.
Monsieur Salah
ABDELKRIM, au nom de la République française, nous vous faisons
Chevalier de la Légion d'honneur.
Madame Bornia TARALL,
au nom de la République française, nous vous faisons Chevalier de
l'ordre national du Mérite.
Merci à vous.
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