Au Conseil de sécurité de l’ONU, seul le
Venezuela soutient la Russie sur le dossier syrien. Pourtant, Moscou multiplie
les gestes agressifs.
LE MONDE | 10.10.2016 à 10h30 • Mis à jour le 11.10.2016 à
18h37 | Par Marc Semo et Isabelle
Mandraud (Moscou, correspondante)
Alors qu’il reste maître du jeu sur le terrain militaire, jamais le Kremlin n’a été aussi isolé diplomatiquement sur la Syrie. Mais loin de l’inciter à infléchir ses positions, cet isolement ne le rend que plus agressif à l’égard des Occidentaux. Parmi les quinze membres du Conseil de sécurité de l’ONU, seul le Venezuela a soutenu la Russie, samedi 8 octobre, dans son veto au projet de résolution français qui exigeait l’arrêt immédiat des bombardements sur Alep.
A cinq reprises déjà, la Russie avait bloqué des textes sur la Syrie au Conseil de sécurité, mais cette fois, même la Chine, son habituel soutien, a préféré s’abstenir pour ne pas sembler couvrir ce que le ministre français des affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault, et son homologue américain, John Kerry, ont clairement défini comme des « crimes de guerre ». « Nous avons tous en mémoire Guernica, Srebrenica, Grozny. Ce qui se déroule à Alep est la répétition de cette tragédie », avait lancé le ministre français. L’impasse diplomatique est totale, comme en témoigne aussi le rejet, par l’écrasante majorité des membres du Conseil, du projet de résolution russe, qui était muet sur ses bombardements contre les civils.
« Russophobie »
Jamais, depuis la fin de la guerre froide, l’escalade verbale avec les Occidentaux n’est allée aussi loin. Dimanche 9 octobre, dans un entretien d’une heure sur Pierviy Kanal, la première chaîne russe, le ministre des affaires étrangères Sergueï Lavrov a dénoncé « un changement fondamental dans la russophobie agressive, qui est aujourd’hui à la base de la politique des Etats-Unis envers la Russie ». « Il ne s’agit pas seulement de rhétorique russophobe, mais de mesures agressives qui concernent nos intérêts nationaux et menacent notre sécurité », a-t-il accusé.Montrer la grande solitude de la Russie dans sa politique syrienne était l’un des objectifs de la diplomatie française en poussant son projet de résolution, même si, jeudi encore, en se rendant à Moscou, Jean-Marc Ayrault espérait arriver à un compromis. Paris veut maintenir la pression « morale » sur Moscou. François Hollande a ainsi envisagé publiquement une annulation ou à tout le moins un report de la visite à Paris de Vladimir Poutine, prévue le 19 octobre pour l’inauguration d’une nouvelle cathédrale orthodoxe dans le septième arrondissement parisien. « Je me suis posé la question (…). Est-ce que c’est utile ? Est-ce que c’est nécessaire ? », s’est interrogé François Hollande samedi dans une interview sur TMC, ajoutant à propos des bombardements sur Alep : « Si je le reçois, je lui dirai que c’est inacceptable. Que c’est grave, même, pour l’image de la Russie. » « On ne peut pas faire maintenant, après ce veto, comme si de rien n’était », note un haut diplomate français. Si, aux yeux de Paris, Moscou reste un partenaire aussi essentiel que difficile, nul ne voit dans un tel climat ce que l’on peut attendre de discussions sur la Syrie ou sur d’autres dossiers chauds, dont celui de l’Ukraine et des accords de Minsk, toujours enlisés.
Le blocage, par la Russie, du projet français de résolution et sa poursuite de l’offensive sur Alep marquent en effet un tournant. Ils scellent l’acte de décès de l’accord bancal conclu le 9 septembre à Genève entre John Kerry et Sergueï Lavrov, mais aussi, probablement, de tout le processus lancé à Vienne sous parrainage russo-américain il y a un an, après le début de l’intervention armée de Moscou en Syrie. Ce processus de Vienne prévoyait, selon la résolution 2254 du Conseil de sécurité de décembre 2015, une trêve, l’acheminement de l’aide humanitaire, puis la relance des négociations de Genève en vue d’une transition politique.
« Les Russes se sont assumés pleinement comme partie au conflit, intervenant massivement pour sauver le régime alors que les Occidentaux se posaient en médiateurs, privilégiant la lutte contre l’Etat islamique », note un diplomate. Aujourd’hui, après leurs continuels atermoiements pour créer une zone d’exclusion aérienne, mener des frappes contre le régime et aider réellement la rébellion modérée, les Occidentaux sont dépourvus de moyens pour changer la donne sur le terrain, sauf à prendre le risque d’un conflit généralisé.
Le ciel syrien est verrouillé par l’aviation et les missiles russes. Renforcer les livraisons d’armes, notamment de missiles portatifs sol-air, au profit de la rébellion serait un pari d’autant plus dangereux que les groupes les plus radicaux ont pris le dessus à la faveur de l’inaction occidentale. Toujours plus critiqué outre-Atlantique pour sa « naïveté » vis-à-vis de son homologue russe, qui l’a longtemps baladé, le secrétaire d’Etat américain John Kerry se déclare en faveur de mesures fortes. Le patron de la diplomatie russe a réitéré dimanche la menace proférée, quelques jours auparavant, par le ministère russe de la défense, de « protéger les intérêts de la Russie en Syrie si les Etats-Unis décident de bombarder les bases » de Bachar Al-Assad. Les rumeurs de nouvelles sanctions envisagées à Washington et Berlin contre la Russie ont encore attisé l’ire de Moscou, déjà déchaînée après les déclarations de John Kerry réclamant l’ouverture d’une enquête pour crimes de guerre sur les bombardements russes et syriens, délibérés selon lui, sur les hôpitaux d’Alep.
Inquiétude
Revenue en force sur la scène internationale depuis son intervention militaire en Syrie il y a un an, ce qui lui avait permis de dépasser quelque peu le conflit ukrainien, la Russie retourne à son isolement. Ses relations ne se sont en effet pas seulement dégradées avec les Etats-Unis, mais aussi avec l’Union européenne. L’annonce, samedi, du déploiement de missiles balistiques Iskander (à capacité nucléaire) dans l’enclave russe de Kaliningrad a crispé les Européens, à commencer par la Lituanie, première concernée. « Battage médiatique », a répliqué Igor Konachenkov, le porte-parole du ministère russe de la défense. De déclarations tonitruantes en coups de menton, l’escalade verbale russe de ces derniers jours a fini par diffuser une sourde inquiétude, comme en témoigne cette plaisanterie qui a circulé le 7 octobre, jour anniversaire du président russe, sur les réseaux sociaux : « Poutine fête son anniversaire entouré d’amis, la Russie le célèbre encerclée d’ennemis. »- Marc Semo
Journaliste au Monde
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Vos réactions (106) Réagir
Stéphane 11/10/2016 - 20h11
J'étais à Alep fin 2010 et je peux vous dire que c'était un désastre. Les
quelques femmes en rue se déplaçaient en burqa, en rasant les murs. Un Syrien
m'a dit que la situation était devenue un enfer avec ces radicaux enragés qui
avaient pris le pouvoir dans la ville. Assad et Poutine ont des actions
temporaires à la hauteur de la situation apocalyptique qu'ils affrontent. Ils
sont la SEULE solution et le seul espoir de mettre tous ces malades de radicaux
à la porte. Les occidentaux sont nuls.
Vladimouille 11/10/2016 - 21h46
http://www.liberation.fr/planete/2015/04/16/le-kremlin-invente-l-usine-a-trolls_1243810
no pasaran Hier
Si Alep c'est Guernica, l'Irak de Bush c'est l'apocalypse? Ayrault aurait de
l'influence? Le ridicule des Mandraud & co fait peine à voir. La Russie
parle à la fois à l'Iran et aux amis Saoudiens de la France qui massacrent au
Yémen, parle intensément avec Israël, marginalise le gaz Qatar grâce à la
Turquie membre de l'OTAN, et développe avec la Chine une banque asiatique de
développement qui attaque le dollars et attire les BRICS& le Japon. Et
n'arme pas les terroristes qui tuent dans nos rues!
Cynique du Bon Sens et Raison 11/10/2016 -
19h36
Bush n'a fait raser aucune ville, ni bombarder des civils. J'ai visiblement
une plus haute idée du cri "no pasaran", ne serait-ce par égard pour
ceux qui le clamaient.
Nestor 11/10/2016 - 23h37
Vraiment du grand n'importe quoi Mr No pasaran... Effectivement, vous faite
honte à votre pseudo si je puis dire...
David Hier
« Nous avons tous en mémoire Guernica, Srebrenica, Grozny. Ce qui se déroule
à Alep est la répétition de cette tragédie » Gaza, par contre, rien à voir,
c'était la défense de la civillsation occidentale et donc la garantie pour M.
Ayrault qu'il serait toujours invité à ce fameux dîner, avec Valls, Hollande,
BHL, Finkie, etc.t
STAVROGUINE Hier
En Syrie , ii n'existe qu' une alternative : la victoire militaire Poutine -
Assad ou celle de l'Etat Islamique ....les djihadistes modérés n'existent pas ,
comme les talibans modérés afghans que les USA cherchent depuis des années!!!!
le malheur de ces pays c'est que les civils servent de boucliers à toutes les
parties en cause....si ALEP évacue ces civils , la ville tombera en quelques
heures....
Cynique du Bon Sens et Raison 11/10/2016 -
19h17
Pauvres Russes, faut-il toujours donner d'eux une image binaire ?
Pavlov 11/10/2016 - 23h38
C'est comme entre l'eau et la vodka: pas d alternative.... Et on devine à
quoi certains lecteurs carburent...
Pavlov 11/10/2016 - 23h38
C'est comme entre l'eau et la vodka: pas d alternative.... Et on devine à
quoi certains lecteurs carburent...
John morlar Hier
les russes ont proposé de créer des couloirs humanitaires pour évacuer les
civils d'Alep est. Refus des occidentaux. Ils ont alors proposé une trêve pour
permettre aux combattants "rebelles" (ceux qui font du "bon
boulot" )de quitter la ville et se replier plus loin. Même refus des
occidentaux. Donc finalement, nous nous accommodons très bien du fait que les
islamistes utilisent la population comme bouclier humain. Laissons les russes
faire le sale boulot et dégageons nous de ce bourbier.
Cynique du Bon Sens et Raison 11/10/2016 -
19h19
Toujours la faute aux Occidentaux... C'est bien sûr !
Vladimouille 11/10/2016 - 19h22
http://www.liberation.fr/planete/2015/04/16/le-kremlin-invente-l-usine-a-trolls_1243810
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