Des milliers de personnes se sont réunies dans
le pays, samedi 1er octobre, notamment devant le Parlement à Varsovie,
contre une « loi barbare ».
LE MONDE | 01.10.2016 à 18h07 | Par Jakub Iwaniuk
(Varsovie, correspondance)
1/6
Les manifestants protestent contre un projet de loi visant à rendre passible
d’une peine de prison la pratique de l’avortement. Varsovie, le 1er
octobre 2016.
WOJTEK RADWANSKI / AFP
Elles sont venues habillé en noir, pour beaucoup d’entre elles munie d’un
cintre - symbole de l’avortement clandestin - crier leur colère et dénoncer les
« fanatiques », devant le Parlement polonais, samedi 1er octobre.
Depuis que la majorité ultraconservatrice du PiS (Droit et Justice) a décidé de
renvoyer en commission parlementaire, le 23 septembre, un
projet de loi citoyen visant à l’interdiction totale de l’avortement dans le
pays, la mobilisation, notamment via les réseaux sociaux autour du mot-clé
#CzarnyProtest (« Protestation noire »), ne faiblit pas.Le rassemblement a été moins important que ne l’espéraient les organisations féministes : 3 000 à 5 000 personnes à Varsovie, quelques milliers de plus dans toute la Pologne. Les manifestants n'en étaient pas moins déterminés à défendre leurs droits, dans un pays où la législation sur l’IVG fait déjà partie des plus restrictive d’Europe.
Ils ont profité de l’événement pour défendre à nouveau le projet de loi citoyen à l’initiative du collectif « Sauvons les femmes », qui avait recueilli 250 000 signatures. Visant à libéraliser l’avortement dans le pays, il a été rejeté. Celui initié par les organisations « pro vie » avait lui recueillis 450 000 signatures, et sera examiné prochainement par la Commission de Justice du Parlement.
Lire l’Editorial du Monde sur le sujet : En
Pologne, un projet obscurantiste sur l’avortement
« Solution extrémiste »
« Faites l’amour, pas des lois ! » ; « Nous voulons des médecins, pas des missionnaires ! » scandaient notamment les protestataires à Varsovie. Beaucoup sont venus dénoncer l’influence de l’Église sur la vie politique, alors que l’épiscopat polonais avait appelé, en avril, à durcir la législation actuelle.« Nous ne voulons pas de cette loi barbare, qui enlève aux femmes la possibilité de choix, s’indigne Kinga Jurga, 32 ans. Notre mouvement ne vise à convaincre personne que l’avortement est une bonne chose, mais que personne ne limite la liberté des autres, surtout sur des sujets ou la santé des femmes est en jeux ! » Actuellement en Pologne, l’IVG est autorisé dans trois cas seulement : en cas de viol ou d’inceste, de graves pathologies du fœtus, ou de risques avérés pour la vie ou la santé de la mère. Trois exceptions que le projet de loi examiné vise à supprimer.
Mais toutes les manifestantes ne sont pas de cet avis. « Je suis personnellement favorable au compromis actuel. Je trouve que c’est un bon juste milieu, qu’il faut défendre, affirme Klaudia Kielbasa, 22 ans. Mais je manifeste, car je suis contre toute solution extrémiste, qui ne fera qu’augmenter l’avortement clandestin. » À l’image de Klaudia, 70 % des Polonais sont pour le maintient du statu quo actuel, selon les dernières études d’opinion des instituts de sondage nationaux.
« Colère et peur »
« Ce projet aura des conséquences très négatives sur la médecine prénatale en Pologne, et sur tous les soins aux femmes enceintes, souligne pour sa part Anna Wieczorek, 32 ans. Les médecins ne voudront procéder à des opérations sur fœtus, car le risque sera trop grand. Ils auront les mains liées. » Le projet de loi prévoit des peines jusqu’à 5 ans de prison pour les femmes, les médecins, ou toute personne aidant à l’avortement. « Cette loi criminalise les médecins et les femmes. Toute perte de l’enfant, même en fausse couche, sera suspecte. Cette loi ne défend pas la vie, mais la menace. Elle est complètement contre-productive » ajoute Ewa Domardzka, 32 ans.« Je crains que les choses aillent dans la mauvaise direction, et que la prochaine étape pourrait être l’interdiction de la contraception, ajoute Julia Sznajwajs, 32 ans. On voit déjà des mouvements dans ce sens. Ce serait un retour au moyen âge ! » Le gouvernement projette notamment de rendre accessible la « pilule du lendemain » uniquement sur ordonnance, et a décidé de ne plus rembourser la fécondation in vitro.
Photo Instagram de la manifestation à Varsovie, le 1er octobre :
Une photo
publiée par Areta Szpura (@areta) le 1 Oct. 2016 à 6h42 PDT
« C’est un mélange de colère et de peur que nous ressentons. Cette
loi est vraiment sadique, elle provoquera beaucoup de souffrances,
s’inquiète Zofia Waslicka, 32 ans. Les femmes ayant des grosses
extra-utérines mourront. Des mineures violées par leur père seront forcées à
accoucher. Vous imaginez le cauchemar ! »« Ce qui se passe avec cette loi n’est qu’une partie d’un contexte plus général, où les libertés citoyennes sont chaque jour grignotées par un pouvoir autoritaire, souligne pour sa part Ewa, qui souhaite rester anonyme. « Je suis enseignante à l’école primaire. Si je dévoile ma participation à cette manifestation, je n’ai aucune chance de garder mon travail » soupire-t-elle. La plupart des manifestantes interrogées disent vouloir poursuivre leur mobilisation lundi, journée où de nombreuses femmes polonaises seront en grève pour descendre dans la rue.
- Jakub
Iwaniuk (Varsovie, correspondance)
Journaliste au Monde
Vos réactions (19) Réagir
A.W. 03/10/2016 - 14h59
Kaczynski et son parti au pouvoir testent les reactions de la population
polonaise. Je pense que cette loi sur l'avortement ne passera pas. Kaczynski
comme Orban en Hongrie essaient de demander au peuple un ''plebiscite''. Orban
a echoue et le referendum n'est pas valable, il est affaibli. Kaczynski avec le
tribunal const, fiscalite.et l'avortement est en train de ''pietiner'' sur les
reformes souhaitees.La demagogie populiste avec ses mensonges commence a porter
les fruits du desenchantement.
Z.. 03/10/2016 - 13h09
"Lundi noir " aujourd'hui , un peu partout en Pologne : certaines
et certains font grève . Tous ceux qui participent , grévistes ou pas, sont
vêtus de noir . On verra quelle est l'ampleur du mouvement , mais je pense que
cela ne s'arrêtera pas là , car 70 % des Polonais sont pour le statu quo . Il y
a eu une période de surprise , d'incompréhension , mais il y aura sûrement des
suites , on voit déjà des initiatives . Et le PiS a ouvert plusieurs fronts :
mouvements en tous genres à prévoir ?
Z.. 02/10/2016 - 19h35
Il y a des manifs en Pologne actuellement . Il y a une semaine à Varsovie ,
manif des personnels de santé et du KOD ( Comité de défense de la
Démocratie):peu d'échos en France . Le PiS suscite par ses décisions la
réaction de nombreuses catégories professionnelles , comme celle des
enseignants et notamment les historiens . La loi abolissant l'avortement a
suscité des manifs dé ce week-end et une grève est annoncée pour lundi . Pour
le moment les oppositions sont dispersées , mais demain ?
Z 02/10/2016 - 20h34
Selon Gazeta Wyborcza , plusieurs milliers de manifestants contre la loi ce
dimanche à Lodz . Hier il y a eu des manifs ailleurs qu'à Varsovie : à Wroclaw
notamment . Situation politique étrange : Kaczynski semble lui-même avoir été
surpris du vote de son propre parti , et sa nièce ( autorisée par son oncle ? )
s'est prononcée contre la loi . Il y a probablement un effet de surprise , la
population étant à 70 % pour le statu-quo . Une situation confuse , en
évolution : dans quel sens ?
algo moyo Hier
Les chimpanzés de l'est ou de l'ouest progressent, pas la civilisation ...
Noodlefr Hier
Pauvres Pologne ! Les polonais ont commis une erreur terrible en mettant au
pouvoir des extrémistes néo fascistes. Que ceux qui s'apprêtent à voter pour le
FN de MLP en tirent les leçons qui s'imposent et reviennent à la raison. L'UE
doit se saisir de la question de l'ivg en imposant une directive interdisant en
Europe toute mesure d'interdiction. L'interdiction de l'ivg est une atteinte grave
au droit des femmes à disposer d'elles même et par là une atteinte grave aux
droits de l'homme.
Z.. 02/10/2016 - 23h31
La plaie , un peu partout ce sont les abstentionnistes : 51% en Pologne qui
ont laissé par désenchantement , dépolitisation , inconscience ou légèreté ,
une minorité ( 18% de l'électorat ) s'emparer du pouvoir et menacer les acquis
démocratiques . Sur le forum consacré à la Hongrie ou l'abstention a été très
forte ce dimanche , un intervenant préconise la solution du vote obligatoire
comme en Belgique . Pourquoi pas ? Afin que les électeurs ne se défilent pas et
soient responsables d'un choix .
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire