mardi 23 avril 2013

intervention française au Mali - unanimité des votes exprimés à l'Assemblée Nationale pour la prolonger

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Séance du lundi 22 avril 2013


SOMMAIRE

Présidence de M. Claude Bartolone
Présidence de M. Claude Bartolone
M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à dix-sept heures cinq.)
1

Déclaration du Gouvernement
sur l’autorisation de la prolongation
de l’intervention des forces françaises au Mali, débat et vote sur cette déclaration

M. le président. L’ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement sur l’autorisation de la prolongation de l’intervention des forces françaises au Mali, suivie d’un débat et d’un vote, en application de l’article 35, alinéa 3, de la Constitution.
La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur le président, monsieur le ministre des affaires étrangères, monsieur le ministre de l’intérieur, monsieur le ministre de la défense, monsieur le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement, monsieur le ministre délégué chargé du développement, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, madame la présidente de la commission de la défense, mesdames et messieurs les députés, avant même d’aborder la question malienne qui nous réunit aujourd’hui, vous comprendrez que je veuille d’abord partager avec vous et, à travers vous, avec l’ensemble du peuple français, l’immense bonheur de la libération, vendredi, de la famille Moulin-Fournier. Nos compatriotes ont vécu deux mois de détention particulièrement éprouvants, qu’ils ont pu surmonter grâce à leur solidarité personnelle exemplaire.
Je veux remercier les autorités camerounaises et nigérianes, qui ont mobilisé, en liaison étroite avec le ministre des affaires étrangères et le ministre de la défense, tous leurs moyens pour œuvrer à cette libération. La coopération et la confiance entre nos pays ont été des atouts décisifs.
Cette libération doit être une lueur d’espoir pour nos compatriotes encore retenus en otage au Sahel, et bien évidemment un message d’espoir pour leurs familles. Nous mettons tout en œuvre et nous mettrons tout en œuvre, sans relâche, pour qu’ils recouvrent eux aussi la liberté. La France n’abandonne jamais ses ressortissants.
Mais je veux le rappeler avec la même force : la France ne transige pas avec les terroristes. Elle ne leur concède rien. Et cela me conduit à notre débat sur le Mali.
Le 11 janvier dernier, le Président de la République décidait de répondre à l’appel au secours lancé par les dirigeants du Mali, dont l’ensemble du territoire menaçait de tomber sous l’emprise de groupes terroristes. Fallait-il rester sourds aux appels de nos amis maliens ? Fallait-il laisser Mopti, Sévaré et Bamako tomber aux mains des djihadistes ? Le Président de la République a immédiatement répondu : « Non ! ».
Fallait-il rester attentistes face au risque de voir le Mali devenir un sanctuaire pour le terrorisme ? Fallait-il accepter que ces terroristes menacent la stabilité de toute une région, et la sécurité de la France et de l’Europe ? Le Président de la République, qui, dès son élection, avait œuvré à la mobilisation de la communauté internationale sur ce sujet, a fermement répondu : « Non ! ».
Voilà pourquoi l’opération Serval a été déclenchée. Et trois mois après, je viens vous dire solennellement que Serval est une réussite, dont chaque Français doit être fier.
Réussite politique, tout d’abord, parce que la décision du Président de la République d’engager la France a profondément changé la donne du combat contre les groupes terroristes. Immédiate, elle a permis de briser net l’offensive terroriste sur Bamako. Déterminée, elle a permis qu’avec l’aide de la France, l’État malien recouvre sa souveraineté sur l’ensemble de son territoire. Les villes qui étaient aux mains d’AQMI, d’Ansar Eddine et du MUJAO ont été, une à une, libérées. La vie y reprend progressivement son cours, pour le plus grand soulagement des populations. Et l’administration malienne est désormais de retour.
L’opération Serval, c’est aussi – c’est bien sûr – une réussite militaire. La reconquête du territoire malien conduite par nos troupes, alliées aux forces armées maliennes et aux soldats tchadiens et nigériens, a été remarquablement menée. Comment ne pas exprimer notre admiration devant les opérations menées dans l’Adrar des Ifoghas, comme dans les régions de Tombouctou et de Gao ?
Les combats y ont été souvent très difficiles. La quantité et la dangerosité des armes et des matériels trouvés et détruits montrent à quel point nous avions affaire à un ennemi organisé et déterminé. Aujourd’hui, sa capacité à constituer une menace importante est très significativement réduite. Mais notre objectif, désormais, est d’en empêcher toute reconstitution.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, toutes ces avancées, nous les devons à l’engagement, au courage exceptionnel, au professionnalisme de nos soldats. Cinq d’entre eux sont tombés au combat. Je voudrais les citer à nouveau : le chef de bataillon Damien Boiteux, l’adjudant Harold Vormezeele, le caporal-chef Cédric Charenton, le maréchal des logis Wilfried Pingaud, le caporal-chef Alexandre Van Dooren. Avec vous, je salue à nouveau leur mémoire. Nos pensées vont aussi à leurs familles et à leurs camarades blessés au combat. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et observent une minute de silence.)
Au Mali aujourd’hui, comme hier en Libye, en Côte d’Ivoire ou en Afghanistan, nos armées font honneur à la France. La rapidité et la précision de la manœuvre, l’engagement au combat et l’exceptionnel courage de nos soldats, salués par les états-majors du monde entier, forcent le respect. Notre pays est fier d’eux, fier de ses armées.
Oui, j’ai été fier, et je sais que vous l’avez été aussi, de voir le peuple du Mali accueillir nos soldats avec des cris et des larmes de joie. Oui, j’ai compris que quelque chose d’historique se déroulait lorsque les drapeaux français et maliens se croisaient au passage du Président de la République lors de sa visite, le 2 février dernier.
Mesdames et messieurs les députés, chaque fois que la France s’unit dans l’épreuve, chaque fois qu’elle trouve un dessein fédérateur, chaque fois qu’elle puise dans ce qu’elle a de meilleur – le courage, l’esprit de solidarité – alors oui, elle réussit et elle est respectée.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, en intervenant au Mali, la France était tout simplement à sa place et à la hauteur de ses responsabilités. Elle a joué son rôle, elle a tenu son rang, comme elle continuera de le faire en maintenant son effort de défense et en l’adaptant à l’évolution des enjeux stratégiques.
En intervenant, la France a contribué aussi au déploiement de la MISMA, la force africaine que le Conseil de sécurité des Nations unies avait autorisée par sa résolution 2085. Plus de 6 000 hommes originaires d’une dizaine de pays sont aujourd’hui présents au Mali. Les militaires tchadiens ont combattu à nos côtés dans l’Adrar des Ifoghas. Ils ont payé un lourd tribut et je souhaite que nous leur rendions l’hommage qu’ils méritent. Les troupes africaines prennent maintenant progressivement le relais de nos forces pour assurer le contrôle des zones du nord, comme les contingents nigérien, sénégalais ou burkinabé à Ménaka, à Gao ou à Tombouctou.
En s’engageant au Mali, la France a lancé un signal fort à ses partenaires européens, et ce signal a été entendu. Nous n’avons pas été seuls, dans cette campagne malienne. Nos partenaires européens et nos alliés ont répondu présent, dans des domaines cruciaux pour la réussite des opérations. Ils ont assuré une très large part des missions d’appui logistique. Ils ont apporté et apportent encore un concours précieux en matière de renseignement. Je voudrais ici, mesdames et messieurs les députés, les remercier chaleureusement.
De même, une mission européenne de formation de l’armée malienne est opérationnelle. Vingt-trois États membres et 550 militaires sont mobilisés. Cette mission instruira un bataillon tous les trois mois, avec l’objectif de former environ 2 600 hommes, qui viendront renforcer les capacités de l’armée malienne.
Aujourd’hui, les progrès réalisés sur le terrain nous permettent d’entrer dans la dernière phase de l’opération Serval. Le moment est bientôt venu, en effet, de passer le relais à nos amis africains. C’est l’engagement que j’avais pris, ici, devant la représentation nationale. C’est l’engagement que nous sommes aujourd’hui en mesure de tenir.
Le Président de la République l’a déjà annoncé, le retrait de nos forces est amorcé, selon un calendrier clair. Nous passerons sous la barre des 4 000 hommes, fin avril ; au mois de juillet, il n’y aura plus que 2 000 soldats français au Mali ; et à la fin de l’année, un millier de soldats seulement seront sur place.
Cette évolution interviendra en bonne intelligence avec le Gouvernement malien. Nous conserverons également des forces prépositionnées dans les pays voisins, pour intervenir si nécessaire. Nous apportons ainsi un soutien qui doit permettre aux autorités maliennes et aux forces sous mandat international de prendre, dans les meilleures conditions de sécurité, la pleine responsabilité, qui leur revient désormais, de la situation sur le terrain.
Cette évolution s’inscrit en effet dans le cadre de la transformation de la MISMA en Mission de stabilisation des Nations unies au Mali, ou MINUSMA. Le Conseil de sécurité devrait autoriser la création de cette mission dans les tout prochains jours. Il s’agit une étape importante, qui permettra de conforter la présence africaine au Mali, avec le financement et l’appui logistique dont bénéficient les opérations de maintien de la paix des Nations unies, et une approche globale, incluant l’accompagnement dans la transition politique et l’aide à la reconstruction et au développement.
Cette opération sous casques bleus pourra commencer à se redéployer sur le terrain à partir de début juillet. Il lui faudra quelques mois pour atteindre sa pleine capacité, bien sûr. La France y apportera sa contribution. D’abord, par sa participation directe, notamment au sein de la chaîne de commandement ; ensuite, par des moyens d’appui aériens et de renseignement ; enfin, par le soutien que nos forces restées présentes au Mali ou prépositionnées dans les pays voisins pourront fournir en cas de danger grave et imminent pour la MINUSMA.
L’autre rendez-vous majeur, dans la période qui s’ouvre, c’est naturellement le rendez-vous démocratique. Parce qu’il n’y aura de paix durable au Mali que si le pays se dote d’autorités à la légitimité renouvelée. En d’autres termes, il est essentiel que l’élection présidentielle puisse se tenir comme prévu en juillet prochain. C’est l’engagement qui a été pris par les autorités maliennes. D’ailleurs, depuis quelques semaines, les forces politiques s’organisent et les préparatifs pour les élections se poursuivent. Avec nos partenaires internationaux, nous devrons tout mettre en œuvre pour contribuer au respect de ce calendrier, mais aussi au bon déroulement du scrutin.
Mais tout ce processus, mesdames et messieurs les députés, ne s’inscrira dans la durée qu’à une seule condition : que le Mali se réconcilie avec lui-même. Vous l’imaginez bien, cette réconciliation nationale ne se décrète pas, elle se construit pas à pas. Une commission nationale du dialogue a été mise en place. Ses membres ont été nommés en respectant les équilibres régionaux. Il est d’une impérieuse nécessité pour cette commission de débuter ses travaux dans les meilleurs délais.
S’agissant du MNLA, ce mouvement armé qui est toujours présent à Kidal, il faut appliquer un principe simple. Dans un pays démocratique et jouissant de sa pleine souveraineté, il ne peut y avoir deux armées. Il faudra donc que tous les groupes, y compris le MNLA, renoncent à leurs armes. Cet objectif peut être atteint par le dialogue, qui nécessite une acceptation par tous de l’intégrité territoriale du Mali.
M. Pouria Amirshahi. Très bien !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Reste l’enjeu du développement économique. Un enjeu absolument crucial, car, à l’évidence, la stabilité passe par l’espoir pour nos amis maliens d’une vie meilleure.
La France a d’ores et déjà repris sa coopération bilatérale. Elle se mobilise dans la perspective de la conférence des donateurs, que le Président de la République coprésidera, le 15 mai prochain, avec les responsables de l’Union européenne.
Ce rendez-vous permettra de rassembler les financements et de fixer les priorités stratégiques pour les années 2013-2014. Il sera le point d’orgue d’une préparation intense, qui aura permis d’associer les acteurs non étatiques, qu’il s’agisse des collectivités territoriales – et Laurent Fabius a récemment présidé une réunion à ce sujet, à Lyon – mais aussi des organisations non gouvernementales ou des diasporas maliennes.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, le succès de notre intervention au Mali n’aurait pas été possible sans l’unité constante de notre nation. Je veux en remercier chacune et chacun d’entre vous.
Durant ces quatre mois, j’ai tenu à ce que le Parlement soit associé en permanence aux prises de décision. Dès le lendemain de la décision du Président de la République, je vous en ai informé, comme le veut notre Constitution. Un débat, le 16 janvier, m’a permis de vous exposer les raisons et de vous détailler les objectifs de l’intervention de nos forces armées.
Depuis lors, le dialogue a été constant dans l’hémicycle, en commission, dans les réunions régulières que j’ai eues avec les responsables des deux assemblées à Matignon, au travers de l’information que vous ont fournie le ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, et le ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian, dont je tiens à saluer le travail constant, mais surtout la disponibilité permanente auprès de vos représentants.
La mission que vous allez conduire, madame la présidente Patricia Adam, au nom de la commission de la défense – avec peut-être la commission des affaires étrangères –, marque l’attention que vous apportez à cette intervention et l’importance que vous y attachez.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, vous l’avez compris, notre mission doit se poursuivre. Elle doit se poursuivre, c’est vrai, sous d’autres formes, mais avec la même détermination. Parce que nous mesurons l’ampleur des défis qu’il reste à relever, parce qu’il est nécessaire de consolider le succès obtenu et parce qu’il faut conjurer la menace terroriste qui, au-delà du Mali, pèserait sur la sécurité de la région et, je l’ai dit, sur celle de la France et de l’Europe.
La France doit désormais aider le Mali à gagner la paix !
En conséquence, conformément à l’article 35 de la Constitution, j’ai l’honneur de vous demander l’autorisation de prolonger l’intervention des forces françaises au Mali. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier.
M. Jean-Jacques Candelier. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, mesdames les présidentes de commission, chers collègues, j’ouvre le feu (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)…
M. Christian Jacob. On ne tire pas sur une ambulance !
M. Jean-Jacques Candelier. …après vous avoir écouté avec beaucoup d’attention, monsieur le Premier ministre.
Les députés communistes et du Front de gauche ont répondu à l’appel du peuple malien. Nous avons soutenu le principe d’une intervention militaire au Mali, menée à la demande de l’État malien, avec le soutien de la communauté internationale.
La guerre est l’ultime recours quand tout le reste a échoué. Tout le reste, c’est la lutte contre la misère, c’est la lutte pour l’éducation, c’est la lutte pour la démocratie et la souveraineté des peuples. J’y reviendrai.
Toujours est-il que nous avons pris nos responsabilités. Nous ne pouvons abdiquer devant des groupes barbares qui utilisent la violence pour imposer le fondamentalisme islamiste.
Nous abordons ce débat aujourd’hui avec ce même esprit de responsabilité. En vertu des obligations constitutionnelles, nous allons nous prononcer sur la question de la poursuite de l’intervention des forces françaises au Mali.
Autant le dire tout de suite, les incertitudes sont grandes. Les objectifs opérationnels sont-ils atteints ? La mission de restauration de l’intégrité du territoire s’achève-t-elle avec succès, comme on l’entend dans la bouche du Gouvernement ? Si tel est le cas, pourquoi vouloir maintenir absolument une présence française pérenne dans ce pays, indépendante de tout commandement de l’ONU ? Pourquoi l’ONU ne peut-elle prendre entièrement la conduite des opérations ?
Cela n’enlève rien, bien évidemment, à l’excellent travail accompli par nos forces jusqu’à présent, et nous avons bien sûr, comme vous, monsieur le Premier ministre, une pensée pour les soldats tués ou blessés.
Nous sommes conscients que nos forces ont été, en quelques heures, envoyées pour couper la route du sud aux terroristes. Nous sommes conscients que nous avons repris peu à peu les villes, avec l’appui des forces africaines, et le peuple malien nous est reconnaissant pour le devoir accompli.
Même si cela s’est fait avec des concours extérieurs en matière de logistique et de renseignement – je pense notamment aux drones américains –, nous avons été en mesure d’intervenir, preuve que nous disposons encore d’un outil de défense relativement performant.
Il est urgent, néanmoins, de mettre fin à notre isolement sur ce théâtre. Nous ne pouvons supporter seuls la charge des opérations, les dépenses de notre propre contingent mais aussi, en partie, celles des 2 000 soldats tchadiens.
Les armées africaines ne sont toujours pas en mesure d’apporter un soutien militaire décisif, et encore moins prêtes à prendre le relais de l’armée française. Je ne porterai pas de jugement ici sur la MISMA mais, on l’aura compris, il devient urgent que le relais soit organisé sous l’égide des Nations unies, tant pour des raisons financières qu’opérationnelles.
Ce relais conditionne notre départ du théâtre malien, qui doit, selon nous, être complet, car notre armée nationale ne peut avoir vocation à s’installer de manière pérenne hors de nos frontières.
Si notre départ a déjà commencé, c’est d’une manière purement symbolique – une centaine de soldats, je crois. Il est prévu que nos forces soient divisées par deux d’ici l’été, pour atteindre environ 2 000 hommes. Par contre, nous avons appris – et c’est problématique – que fin 2013, il restera entre 800 et 1 000 militaires français, d’une manière plus pérenne.
M. François Loncle. Heureusement !
M. Jean-Jacques Candelier. Qu’est-ce que cela signifie ? Nous craignons fort que, même avec un mandat de l’ONU, l’installation d’une force parallèle aux Casques bleus marquerait l’impuissance des Nations unies à régler de manière collective les problèmes du monde.
Le Mali n’est pas l’affaire de la France, même si, en tant qu’ancienne puissance coloniale, nous avons une responsabilité.
Parlant de responsabilité, il est important de dire que la déstabilisation du Mali découle en grande partie de la déstabilisation de la Libye. Il serait également utile de faire toute la lumière sur le rôle trouble du Qatar, officiellement allié de la France.
Cela étant, nous sommes, pour sortir de cette situation, partisans du multilatéralisme le plus large possible. À ce titre, nous nous réjouissons que le Gouvernement ait présenté un projet de résolution pour transformer la MISMA – Mission internationale de soutien au Mali, sous conduite africaine – en Mission des Nations unies de stabilisation au Mali, ou MINUSMA.
Une résolution du Conseil de sécurité est attendue avant la fin du mois : c’est une très bonne chose. Nous avons toujours promu la légitimité supérieure de l’Organisation des Nations unies pour la paix et la sécurité internationale. Mais nous sommes dans l’expectative, car la résolution est annoncée depuis des mois, et nous ne connaissons pas la teneur du mandat qui sera décidé par le Conseil de sécurité. Quel sera le contenu de cette opération de maintien de la paix ? Quelle sera sa composition ?
On sait juste que la transformation de la MISMA en MINUSMA pourrait alors être effective à partir du mois de juillet, comme vous l’avez dit, monsieur le Premier ministre.
La future MINUSMA pourrait compter un peu plus 11 200 militaires, 1 440 policiers ainsi que des experts civils.
Le mandat serait d’aider les autorités maliennes à stabiliser le pays et à rétablir l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire.
La mission devrait également appuyer les autorités maliennes pour organiser les élections et mener à bien le dialogue national. Sur ce point, nous voulons vous mettre en garde, pour que ce processus ne constitue pas une parodie électorale qui servirait à légitimer tel ou tel pouvoir.
Une élection présidentielle peut-elle réellement se tenir en juillet, alors que le pays n’est pas sécurisé et que les conditions ne sont pas réunies pour le bon déroulement des opérations électorales ?
Il existe un gouffre entre élection et démocratie.
La future mission devrait, en outre, superviser les efforts pour restructurer les forces de sécurité maliennes, en étroite coordination avec la mission de l’Union européenne de restructuration de l’armée malienne.
C’est, encore une fois, un objectif louable, car nous ne pensons pas que la reconstitution de la seule armée malienne suffise pour assurer la sécurité d’un pays.
Il faut à tout prix éviter la militarisation des relations intérieures, alors que de nombreux observateurs estiment que tous les ingrédients sont réunis pour une guerre durable.
Nous nous interrogeons donc fortement sur l’opportunité d’une présence française autonome permanente, dont le statut n’est, à ce jour, pas clairement défini. On parle d’« accompagner le passage de la force africaine sous Casque bleu ». On parle surtout d’apporter un « soutien à la future opération en cas de besoin, selon un mandat prévu par la future résolution ». En clair, cela voudrait dire que nous continuerions à mener des actions de guerre au Mali, pendant des mois, voire des années.
Or, nous ne pensons pas que la logique de guerre soit la solution aux problèmes du Mali.
M. François Loncle. Nous non plus.
M. Jean-Jacques Candelier. Nous l’avons dit : le terrorisme, l’islamisme, le fanatisme prospèrent largement sur la misère humaine.
Par conséquent, la réponse militaire ne suffit pas et ne peut-être que passagère. Le recours à la force armée signe toujours l’échec du politique. Pour le Mali, c’est l’échec de certaines pratiques néocoloniales, qui s’accommodent de l’abandon de larges parties du monde tant que certains intérêts économiques sont satisfaits.
Les politiques folles d’ajustement structurel du FMI sont en cause : elles ont encouragé la privatisation des services publics et participé au délitement de l’État malien. Il faut changer de politique.
Si la France et les organisations internationales avaient promu, depuis quelques dizaines d’années, une véritable politique de développement pour le continent africain, nous n’en serions pas là !
Il faut donc gagner le développement, gagner la paix au Mali, une paix qui ne soit pas une paix des vainqueurs.
À ce titre, nous nous inquiétons de l’existence de règlements de comptes interethniques. Dans le nord du pays, selon des médecins et militaires maliens, des soldats français et un journaliste de l’AFP, des unités de l’armée malienne auraient eu recours à la torture et au meurtre contre les suspects de soutien aux groupes islamistes armés.
Certaines ethnies seraient particulièrement touchées par les exactions.
Un journaliste de l’AFP a pu voir quatre « peaux blanches », comme sont appelées les communautés arabe et touareg, à Gao et Tombouctou, portant des traces de torture : brûlures de cigarettes, à l’électricité, à l’acide, os brisés, marques de coups et de strangulation, balles dans le corps, etc. Les femmes seraient victimes de violences à caractère sexuel.
On le voit, les questions de réconciliation et de développement au Mali sont primordiales pour assurer une paix durable. Il n’y aura pas de sécurité sans développement, et réciproquement. Il n’y aura pas non plus de sécurité sans démocratie, une réelle démocratie, fondée sur un État de droit, sans précipitation des puissances étrangères.
Nous pensons notamment que les droits des femmes, le respect des minorités doivent s’imposer avec force.
M. François Loncle. Il fallait le dire avant.
M. Jean-Jacques Candelier. Notre ligne de conduite doit être de permettre au peuple malien d’exercer sa pleine souveraineté.
Quant au développement, nous ne sommes pas complètement dupes des motifs qui guident et continueront à guider les États. Nous connaissons l’importance des enjeux sur les ressources naturelles du Mali et aussi, plus largement, d’Afrique. Notre optique n’a jamais été d’imposer des critères commerciaux et des parts de marchés pour les firmes multinationales. Nous pensons que tout doit être remis à plat pour des coopérations mutuellement avantageuses pour les peuples.
S’agissant des moyens, nous voulons avoir des précisions sur la conférence internationale des donateurs, qui se tiendra le 15 mai à Bruxelles. Quels seront ces généreux donateurs ? Quelle sera la part de la France ? On parle aussi d’une contribution du secteur privé : pour quel retour sur investissement ?
Nous savons juste que l’Union européenne a annoncé une aide de 250 millions d’euros. Ce serait un réveil bien tardif de la part d’une institution qui a abandonné sa stratégie pour la sécurité et le développement au Sahel.
Surtout, l’effort devra être employé à bon escient et profiter le plus directement possible à la population.
En lien avec les orientations définies par les autorités maliennes, quelle sera la part affectée à la lutte contre la corruption, les trafics et le terrorisme ?
Comment seront ventilés ces crédits ? Serviront-ils à construire des écoles ou à former des soldats ?
Nous l’avions dit au moment de la ratification du traité d’amitié et de coopération avec l’Afghanistan : c’est toute l’aide au développement qui doit être repensée. Toute coopération doit être mutuellement avantageuse, sous peine d’être rejetée, tôt ou tard, par les populations.
Nous savons que, dans le cadre de notre aide bilatérale, l’Agence française de développement travaille à la sélection des projets qui seront financés avec les 150 millions d’euros gelés après le coup d’État de mars 2012.
Le montant de cette aide pourrait être rapporté aux centaines de millions de surcoûts qu’engendrerait une présence pérenne et permanente de nos troupes. Surtout, il faut rappeler qu’en dix ans, la coopération française au Mali s’est montée à 162 millions d’euros, soit seulement 4 % de notre aide publique pour l’un des pays les plus pauvres de la planète. Et pour quels résultats ?
Aujourd’hui, non seulement le Gouvernement reste muet sur le rôle et la responsabilité du FMI et de la Banque mondiale dans la situation économique et sociale malienne, mais l’Agence française de développement agit en commis voyageur des multinationales. Pierre Moscovici a clairement mis en avant, le 9 avril dernier, l’idée que « nos financements doivent servir à nos entreprises ».
C’est dans ce cadre qu’il a été décidé de créer un fonds d’expertise à l’AFD, « qui permettra de positionner l’expertise française, son savoir-faire et surtout ses normes, en amont des projets d’infrastructures dans les pays de notre coopération ».
Au contraire de cette conception que je n’hésite pas à qualifier d’impérialiste, et comme l’avait souligné notre collègue François Asensi, il est urgent de réorienter notre aide publique au service du développement endogène des pays les plus pauvres. Il n’est plus possible que l’aide publique au développement accordée à l’Afrique aboutisse à asservir, à déresponsabiliser les pays africains, à entretenir la dépendance, le sous-développement et l’endettement des États.
M. François Loncle. Caricature !
M. Jean-Jacques Candelier. Dans un souci de transparence et d’efficacité, nous pourrions commencer par supprimer de la comptabilisation de l’AFD les dépenses non liées aux activités de développement qui gonflent artificiellement les budgets, et envisager une taxe sur les transactions financières génératrice de moyens répondant aux besoins, afin de briser la spirale infernale de la survie, pour répondre durablement aux droits fondamentaux humains.
Il est tout aussi urgent d’annuler ce qui reste de la dette malienne.
Un mot, enfin, de la coopération décentralisée. La coopération franco-malienne est considérée à juste titre comme l’une des plus actives, peut-être même la plus active en Afrique de l’Ouest, avec près de 200 collectivités engagées. Nous ne pouvons que nous réjouir de ce lien d’amitié, tout en espérant que cette aide civile reprenne au plus vite.
Toutefois, les vibrants appels à la coopération décentralisée, comme à la conférence de Lyon le 19 mars, entrent en contradiction avec la réduction drastique des dotations aux collectivités territoriales ! L’État doit jouer tout son rôle et ne peut se décharger sur les collectivités, même si elles peuvent jouent un rôle important pour la reconstruction.
Pour conclure, nous pensons que beaucoup d’intelligences et d’énergies sont disponibles pour l’avenir du Mali.
S’agissant de l’aspect purement militaire, qui nous réunit ici, les réserves que nous avions émises lors de l’entrée en guerre ne sont pas levées, loin de là.
Il n’est pas possible d’accorder aujourd’hui un blanc-seing au Gouvernement.
Plusieurs députés UMP. Ah !
M. Lionnel Luca. Carton rouge !
M. Jean-Jacques Candelier. Vous l’avez compris, nous souhaitons que notre contribution soit apportée dans le seul cadre de la future force qui sera mise en place sous l’égide de l’ONU. Les événements survenus en Côte d’Ivoire et l’ingérence de l’armée française doivent servir de leçon. L’opération Serval ne doit pas devenir une opération Licorne bis !
M. François Loncle. Lamentable !
M. Jean-Jacques Candelier. Je conclurai mon intervention, monsieur le Premier ministre, en vous faisant part de ma stupéfaction d’avoir pris connaissance de l’interdiction de séjour prise à l’encontre d’Aminata Traoré, militante altermondialiste et ancienne ministre de la culture du Mali. Une telle décision nous éloigne des belles intentions démocratiques affichées à Bamako et Tombouctou par le Président François Hollande. J’ose espérer que sa situation sera très rapidement régularisée. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux.
M. Bruno Le Roux. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, ils sont cinq : Damien Boiteux, Harold Vormezeele, Cédric Charenton, Wilfried Pingaud et Alexandre Van Dooren. C’est d’abord à eux que je veux rendre hommage. À eux et à leurs familles, dont nous partageons la douleur, et peut-être aussi la fierté. À eux et à tous leurs compagnons d’armes, français ou alliés, maliens, tchadiens, nigérians, qui se sont mobilisés au Mali, qui se sont battus pour faire face à l’agression terroriste qui menaçait toute l’Afrique de l’Ouest. À eux qui sont engagés dans cette opération pour sauvegarder l’intégrité territoriale d’un pays ami et pour lutter contre le terrorisme.
Cet hommage que je rends, au nom de mon groupe, aux soldats français, marque aussi notre reconnaissance pour la mission exceptionnelle qui a été remplie par nos forces, par les forces maliennes et africaines, sur ce terrain particulièrement difficile.
Le chef des armées l’a dit lui-même, les opérations ont été conduites avec une technicité et une prouesse admirables.
L’accueil qui a été réservé au Président de la République par le peuple malien, à Gao, à Tombouctou, à Bamako, avec ces cris de joies, ces larmes de bonheur d’une population enfin libérée, c’est à toute la France qu’il était adressé. C’est à nos soldats, d’abord, qu’il était destiné.
Aujourd’hui, alors que nous allons voter l’autorisation de la prolongation de l’intervention des forces françaises au Mali, je veux faire deux constatations.
D’abord, cette intervention militaire s’est faite, depuis le premier jour, dans un respect scrupuleux de la transparence démocratique. Le Parlement a été informé en temps réel par le Gouvernement. Les présidents des groupes ont été reçus par le Premier ministre. Les ministres des affaires étrangères et de la défense ont été en contact, chaque semaine, avec la représentation nationale pour répondre à ses interrogations, en commission ou lors des questions au Gouvernement.
Mon groupe, le groupe socialiste, sans attendre les délais fixés par la Constitution et notre débat de ce jour, a accompagné cette exigence de transparence en inscrivant la situation au Mali à l’ordre du jour de la semaine de contrôle parlementaire, le mercredi 27 février 2013.
Je tiens ici à remercier le Gouvernement, qui a permis cette transparence et respecté le Parlement.
Ma deuxième constatation, qui est un nouvel hommage à nos forces combattantes, est essentielle : la feuille de route élaborée par le Président de la République le 11 janvier dernier est remplie.
Dès les premiers jours, l’avancée de groupes terroristes a été arrêtée net. Ces terroristes ont ensuite été refoulés vers le nord, et les grandes villes ont été libérées. L’unité territoriale du Mali est retrouvée, même s’il reste quelques poches difficiles.
Ces victoires militaires se sont faites en concertation avec le Mali et les États africains, Gao et Tombouctou étant reprises avec le concours des forces maliennes. Le Tchad a également participé à ces combats. La MISMA, force africaine, a été constituée et s’est déployée dans les zones reconquises.
Cette évolution positive sur le plan militaire s’accompagne d’avancées sur le plan politique. Les autorités maliennes ont annoncé que des élections se tiendraient à la fin du mois de juillet. Une commission de la réconciliation a été mise en place pour retrouver des compromis permettant de mettre un terme aux antagonismes entre les différentes composantes de la population malienne.
Et cette intervention s’est faite par nos forces, je veux vous le dire, monsieur le ministre de la défense, avec la plus grande maîtrise, et dans le respect absolu des populations civiles.
C’est donc un bilan positif qu’il faut tirer de cette intervention. La France a, une nouvelle fois, démontré sa capacité à intervenir sur un terrain extérieur difficile pour venir au secours d’un peuple qui le demandait et pour se défendre contre les terroristes et contre le terrorisme.
Mais, parce que ces deux enjeux sont tout aussi essentiels, nous devions bien entendu venir en aide au peuple malien et nous devions empêcher que se constitue, à cause de l’effondrement de l’État malien, un « Afghanistan sahélien », un sanctuaire terroriste en Afrique de l’Ouest qui aurait déstabilisé la région tout entière et donc menacé la sécurité de l’Afrique, mais aussi de l’Europe et du monde.
Si cette opération a été une telle réussite, c’est aussi parce que, si nous avons su assumer l’initiative de son déclenchement, nous avons ensuite pu compter sur le soutien des nations européennes et de la communauté internationale.
Je ne citerai pas ici la contribution du Royaume-Uni, de l’Allemagne, du Danemark, de la Belgique, de la Hollande, de l’Espagne, du Canada et des États-Unis avec leurs services de renseignements. Mais c’est, bien entendu, la France qui a conduit cette opération. C’est notre nation qui a fait l’essentiel de l’effort au service de la liberté d’un peuple et de la sécurité de la communauté internationale. Mais nous n’avons pas agi seuls. Cette opération a été réussie parce que, au-delà du seul respect de la légalité internationale, elle était soutenue par la communauté internationale et parce que d’autres États ont participé, chacun à leur manière – trop peu, peut-on penser – à cette intervention.
Mais notre intervention n’est effectivement pas encore terminée. Si le retrait de nos troupes a commencé, comme le Président de la République l’a souhaité, il reste encore du travail à faire pour aider le Mali à se reconstruire et à garder la maîtrise de son territoire. Voilà pourquoi, monsieur le Premier ministre, nous voterons cette autorisation.
La France doit aller au bout de son action, une action qui change de forme. Cela passe par le redéploiement des troupes françaises – il a commencé – qui doit se poursuivre jusqu’en juillet pour atteindre 2 000 hommes, soit la moitié des forces mobilisées. Un millier d’hommes constituera ensuite une force contre-terroriste en appui des Casques bleus, une fois ceux-ci déployés.
Les perspectives sont donc claires. Les engagements pris sont respectés. Le Président de la République l’avait dit, l’opération militaire que nous menons aura un terme. Ce sont les Maliens eux-mêmes qui assureront, avec un soutien international, la sécurité, l’indépendance et la souveraineté de leur pays. C’est ainsi que doivent être conçues les relations entre la France et l’Afrique, dans le respect de la transparence et avec la démocratie.
La France doit rester aux côtés des Maliens, et c’est une autre phase qui s’engage : celle de l’aide au développement et au redressement économique et politique de ce pays. Là encore, monsieur le Premier ministre, j’en suis sûr, la France sera au rendez-vous.
C’est un enjeu essentiel, celui de la reconstruction du Mali. Parce que l’opération militaire aura eu d’autant plus de sens quand les risques d’un retour du terrorisme au Mali seront réduits à néant.
Voilà pourquoi les députés de mon groupe voteront, bien sûr, l’autorisation donnée au Gouvernement de poursuivre l’intervention au Mali. Nous avons pleinement confiance dans l’action conduite par la France. Et nous avons pleinement confiance dans la capacité du Gouvernement à mettre en œuvre cette politique dans tous ses aspects : diplomatiques, militaires mais aussi celui, essentiel, du développement. Et nous savons que nous ne sommes pas seuls pour agir dans ce domaine.
Avant de conclure mon propos, je veux relever un dernier élément essentiel. Une leçon supplémentaire que je tire de cette intervention au Mali et qui a trait à la place de notre pays en Europe et à l’effort que nous faisons en matière de défense et de sécurité.
Cet effort, c’est pour nous – nous y sommes absolument attachés – une garantie de notre indépendance. C’est un engagement qui nous permet de décider et d’agir de façon autonome. C’est un effort essentiel pour garantir la place de la France et sa singularité dans le concert des nations. C’est aussi un effort qui permet à notre nation de respecter son histoire, de prendre ses responsabilités vis-à-vis du monde.
Car, oui, nous sommes la France. Ce n’est pas n’importe quel pays que le nôtre. Nous avons cette place particulière, ce rôle particulier dans la marche du monde. Être la France nous confère, c’est vrai, une responsabilité et un devoir.
L’opération française au Mali est une nouvelle démonstration de la place de la France dans le monde, de notre capacité à être à la hauteur de la responsabilité qui nous est conférée par notre histoire, par les décisions de nos prédécesseurs, par nos choix d’aujourd’hui.
Au Mali, la France a été là où elle devait être, monsieur le Premier ministre. Le Président de la République l’a dit, mieux encore, il l’a démontré. Il a dit : « Les terroristes doivent savoir que la France sera toujours là lorsqu’il s’agit, non pas de ses intérêts fondamentaux, mais des droits d’une population, celle du Mali, qui veut vivre libre et dans la démocratie. » Aujourd’hui, les terroristes qui avaient projeté de s’emparer de ce pays pour y faire régner leur terreur et pour essaimer partout en Afrique et dans le monde savent que l’engagement de la France a valu pour le Mali et qu’il vaudra demain pour tous les pays qui seront confrontés à ces opérations terroristes.
Rares sont les pays, au sein de l’Union européenne, capables d’assumer, comme la France l’a fait, une opération de cette ampleur dont les conséquences, pourtant, sont positives pour toute l’Europe. L’effort consenti par la France, quel autre État européen aurait pu le faire ?
M. Jean-Christophe Lagarde. Aucun !
M. Bruno Le Roux. C’est la France qui a décidé. C’est la France qui agit. Mais c’est toute l’Europe qui est aujourd’hui plus en sécurité qu’il y a quatre mois. Il y a donc bien là une démonstration de l’importance pour toute l’Europe des moyens mis en œuvre par un de ses États membres pour garantir sa sécurité et celle du continent.
C’est un effort, je le dis ici, qui doit être pris en compte par l’Union européenne et l’ensemble de ses États membres quand ils regardent notre pays. Il ne peut être neutre qu’un État fasse un effort massivement plus important que les autres pour garantir la sécurité de tous. Aussi, je souhaite réaffirmer ici que nous serions favorables à une prise en compte spécifique de ce type d’effort dans le calcul des déficits publics des États de l’Union européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) L’effort de notre pays, qui bénéficie à la France, à l’Europe et au monde, doit être pris en compte comme une spécificité de notre action.
M. Pouria Amirshahi. Bravo !
M. Bruno Le Roux. Monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, les députés du groupe socialiste sont fiers de l’action de la France au Mali. Nous avons pleinement confiance dans l’action du Président de la République et de l’ensemble du Gouvernement pour mener cette opération à son terme.
Notre collègue Pouria Amirshahi, député de cette belle région représentant les Français de l’étranger, me rappelait ce proverbe bambara : « On n’est pas orphelin d’avoir perdu père et mère, mais d’avoir perdu l’espoir ». Au Mali, mes chers collègues, l’espoir est revenu. C’est pour cela, monsieur le Premier ministre, que nous voterons l’autorisation de la prolongation de l’intervention des forces françaises au Mali. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Lellouche.
M. Pierre Lellouche. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, mesdames les présidentes, chers collègues, en vertu de l’article 35 de la Constitution, issu de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 – présentée à l’époque par François Fillon et que vous n’aviez pas votée, chers collègues de la majorité –, notre assemblée est réunie aujourd’hui pour autoriser la prolongation de l’intervention française au Mali.
Au nom du groupe UMP, je veux dire d’emblée que nous soutiendrons la prolongation de l’intervention française. Cette décision s’assortit cependant d’un grand nombre de questions graves, que ce débat nous donne l’opportunité de poser au Gouvernement, en toute transparence et en toute responsabilité devant les Français. Il est en effet toujours plus facile de décider d’une intervention militaire, d’engager la force armée, que de terminer un conflit et de se retirer dans des conditions honorables, une fois les objectifs accomplis, dans des théâtres d’opérations qui, dans la géopolitique de ce début de XXIe siècle, se révèlent immanquablement d’une extrême complexité.
Mais avant d’en venir à ces interrogations, qui sont autant de réserves essentielles à nos yeux, qu’il me soit permis de revenir brièvement sur au moins trois enseignements de l’intervention française au Mali, à ce stade.
Le premier tient à la décision d’engager nos forces. Cette décision, on le sait, a été soutenue par un vaste consensus politique en France : 6 000 Français et 1 000 Européens résident au Mali, 35 000 Français au bas mot au Sahel et 80 000 en Afrique de l’Ouest. Ce sont autant de raisons qui justifiaient l’intervention française.
En outre, ce qui se produisait au Nord-Mali depuis une bonne décennie et que nos forces ont découvert n’était rien d’autre que la constitution d’une base terroriste, d’un foyer terroriste puissamment armé aux portes de l’Europe, qui menaçait directement l’ensemble de la région sahélienne, mais, à terme, également le continent européen.
De ce point de vue, le premier des trois objectifs fixés par le Président de la République à notre intervention – à savoir l’arrêt de l’agression terroriste – a été atteint.
Le deuxième enseignement à tirer de cette crise tient à la remarquable efficacité de nos forces militaires, qu’au nom du groupe UMP, je tiens à féliciter chaleureusement, tout en ayant une pensée pour les cinq militaires français qui ont donné leur vie au cours de cette intervention, ainsi que pour nos blessés.
Face à un adversaire fanatisé, suréquipé et prêt à mourir, les forces françaises ont montré leur courage, une très grande capacité d’adaptation et un très grand professionnalisme.
Mais Serval a également démontré la persistance de lacunes capacitaires extrêmement préoccupantes dans bon nombre de domaines clés.
La projection et la logistique, d’abord : 75 % des affrètements aériens ont été fournis par nos alliés.
Il en va de même pour le ravitaillement en vol, ainsi que pour le renseignement, compte tenu de l’absence cruelle de drones en France.
Enfin, il est clair que l’intervention sur deux théâtres d’opération en même temps – l’Afghanistan et le Mali – a posé des problèmes majeurs de moyens, qu’il s’agisse d’hélicoptères de combat ou de véhicules blindés.
Dans ces conditions, s’il faut se réjouir que l’opération Serval ait amené le Président de la République à préserver, au moins à court terme, l’effort budgétaire de défense, alors même que des scénarios de coupes drastiques étaient envisagés ces dernières semaines par Bercy, le problème reste entier pour les années à venir.
La France ne doit pas être contrainte de choisir entre le maintien de sa dissuasion nucléaire, d’une part, et celui de ses forces de projection, d’autre part. En ce début de XXIe siècle, ces deux éléments de notre politique de défense sont indispensables et indissociables. Et il faudra que la nation accepte de prendre en charge sa sécurité, faute de quoi nous serions condamnés à l’impuissance, au déclassement et à l’inaction si une nouvelle situation de ce genre, telle que nous l’avons vécue au Mali, devait se reproduire.
Troisième enseignement : c’est ce qu’il faut appeler le constat de décès de la belle idée de défense européenne. La France était déjà intervenue en Libye avec le seul Royaume-Uni en 2011. En 2013, elle s’est trouvée totalement seule au Mali, alors même que cette intervention, on l’a vu, est clairement au service de la sécurité de l’Europe tout entière. Comme souvent, l’Union européenne est meilleure dans la préparation de documents – j’allais dire dans la paperasse – que dans l’action. C’est ainsi qu’en septembre 2011, elle avait rendu publique une « stratégie pour la sécurité du développement au Sahel » centrée sur le Mali, la Mauritanie et le Niger, avec un budget de 167 millions d’euros, et même une clause militaire de lutte contre le terrorisme. On a peine à voir, dans les faits, ce qu’a donné cette fameuse stratégie. La contribution de l’Europe à la formation de la MISMA et des forces maliennes représente à peine 50 millions d’euros, c’est-à-dire moins que ce que nous dépensons chaque mois pour notre intervention au Mali.
Comme mes collègues Jean-Pierre Chevènement et Gérard Larcher au Sénat, je m’étonne, moi aussi, qu’il n’y ait pas eu d’opération « EUFOR Mali », alors même que l’Union européenne dispose, il est vrai sur le papier, de groupements multinationaux pour différentes missions, incluant d’ailleurs des missions de lutte contre le terrorisme.
À tout le moins il conviendrait que le Gouvernement français interroge ses partenaires – j’ai entendu avec intérêt M. Le Roux – sur ce qu’il faut bien appeler un véritable vide stratégique européen, et un manque de solidarité. Au minimum, on pourrait espérer qu’à défaut d’intervenir physiquement sur le terrain en soutien de cet État, en l’occurrence la France, nos partenaires acceptent au moins de partager l’effort financier.
Monsieur Le Roux, je défendrai ici même, demain soir, une résolution, présentée au nom du groupe UMP, avec mes collègues Poniatowski et Mariani. Après vous avoir entendu cet après-midi, j’ose imaginer que vous allez la voter, ce qui aidera puissamment le Gouvernement à faire valoir ses arguments à Bruxelles.
J’en viens maintenant aux questions qu’il me paraît important de poser quant à l’avenir de l’intervention française au Mali.
Car une chose est de voter la prolongation de notre intervention, une autre serait de voter un chèque en blanc au Gouvernement dans les mois et les années qui viennent, ce que nous ne ferons pas. On touche là aux deux autres objectifs fixés par le Président de la République en janvier dernier, à savoir la sécurisation du Mali et la préservation de son intégrité territoriale. Ces objectifs-là, il faut en avoir conscience, ne peuvent pas être atteints uniquement par des moyens militaires et par la seule action de soldats, aussi brillante soit-elle. Comme j’ai eu l’occasion de l’indiquer à M. Le Drian lors d’une réunion de commission, ce que nous avons fait au Mali, c’est nous livrer à une grande opération de nettoyage, mais la question qui se pose aujourd’hui est la suivante : à qui allons-nous rendre les clés ?
On touche là à la première et principale difficulté qui nous attend, à savoir l’extrême faiblesse de l’État malien, dont mon collègue François Loncle et moi-même avons pu nous rendre compte lors d’une mission à Bamako, en décembre dernier, dans le cadre du groupe Sahel que je préside à la commission des affaires étrangères de notre assemblée. Sans entrer dans les multiples épisodes de l’histoire du Mali, ou même de la crise malienne depuis février et mars 2012 et le coup d’État, force est de constater que le Mali n’a jamais su créer une unité véritablement nationale, entre la partie sud du pays appelée « le Mali utile », dominé par l’ethnie bambara, et la partie nord, désertique, dominée par les Touaregs.
L’absence de réconciliation nationale entre les ethnies, l’inexistence de l’État et des services publics dans les territoires du nord, l’échec des politiques de décentralisation menées après les quatre insurrections touaregs depuis l’indépendance, tout cela constitue autant de symptômes du mal profond qui ronge le Mali. S’y ajoute l’extrême faiblesse de la classe politique malienne. Aujourd’hui, le Mali est encore gouverné par des autorités transitoires, aux termes d’un accord signé pour un an le 6 avril 2012. Un capitaine putschiste, curieusement promu, le 13 février dernier, c’est-à-dire un mois après l’intervention française, président du « comité militaire du suivi de la réforme des forces de défense et de sécurité », et ce, excusez du peu, par décret présidentiel, avec une solde de 6 000 euros par mois, continue de régner officieusement sur Bamako. Quant à l’armée malienne, inexistante, elle n’a pas pris part aux combats de libération dans le nord du pays. Et j’allais dire, heureusement, car, si elle l’avait fait, son action aurait sans doute davantage été déployée contre les Touaregs que contre les combattants d’AQMI.
Bref, une question centrale obère la suite de notre intervention, monsieur le Premier ministre, celle de la reconstruction d’un État malien viable. C’est cette question majeure qui conditionnera le retrait définitif de nos forces le jour venu, et qui se décompose en une série de défis aujourd’hui sans réponse.
D’abord, la réconciliation avec les Touaregs, sujet extrêmement épineux puisque, comme vous le savez, nous les Français sommes accusés à Bamako de jouer le MNLA contre les autorités locales. On notera que la commission de dialogue et de réconciliation, que vous connaissez bien, monsieur Fabius, annoncée le 29 janvier dernier, n’a toujours pas commencé à fonctionner. À ce jour, la composition de cette commission ne fait toujours pas de place à ceux avec lesquels il faudrait essayer de se réconcilier.
La deuxième interrogation porte sur le dérapage en cours du calendrier électoral. Vous avez l’air de croire, monsieur le Premier ministre, que cette élection va se tenir. La feuille de route adoptée par le Parlement malien le 29 janvier dernier prévoit en effet de nouvelles élections au mois de juillet. La date butoir du mois de juillet avait été adoptée, avant que la saison des pluies ne rende toute opération électorale impossible pendant de nombreux mois. Un calendrier électoral a même été publié par le ministre de l’administration territoriale, le colonel Coulibaly, prévoyant des élections présidentielle les 7 et 21 juillet et législatives les 21 juillet et 11 août. Le décret annonçant la date des deux tours doit être pris en conseil des ministres deux mois auparavant, c’est-à-dire le 8 mai. Or, à ce stade, tout indique que ce calendrier ne pourra pas être tenu – mais peut-être allez-vous, monsieur le Premier ministre, me détromper tout à l’heure. La sécurisation préalable des 25 000 bureaux de votes n’est pas encore acquise, les maires et les préfets ne sont pas de retour sur le territoire, le fichier électoral n’est pas réuni, le financement de l’opération pas davantage.
M. Jean-François Copé. Il a raison !
M. Pierre Lellouche. La troisième question, c’est celle du désarmement de la junte et des milices. Vous l’avez évoqué, monsieur le Premier ministre, mais la promotion du capitaine Sanogo ne va pas exactement dans la bonne direction.
Je mentionnerai en une phrase, monsieur le président, la quatrième question relative aux perspectives concrètes d’une future organisation territoriale de décentralisation dans le Nord-Mali.
J’insisterai davantage sur la cinquième question, qu’il est tout aussi indispensable de se poser, relative à l’internationalisation de notre intervention. Si le groupe UMP est favorable à la prolongation de cette intervention à court terme, il est pour nous hors de question de considérer que la France a vocation à rester indéfiniment au Mali. Il faut donc une présence onusienne. Or force est de constater que la préparation d’une résolution de l’ONU tarde à venir. Il est clair que le maintien à terme de forces françaises au Mali n’est pensable que dans le cadre de l’intervention de l’ONU, qui intégrerait la MISMA, tandis que la France conserverait sur place une force parallèle d’un millier d’hommes pour mener, comme on l’a dit, des missions contre-terroristes. Il sera donc très important que le Gouvernement français parvienne rapidement, dès la fin de ce mois, à obtenir de la communauté internationale ce « paquet » politique.
M. le président. Il faut conclure, monsieur le député.
M. Pierre Lellouche. Il y a enfin un volet économique fondamental. C’est la conférence des donateurs du 15 mai. Je me contenterai de rappeler à nos collègues, afin de prendre la mesure du travail qui est devant nous, que sur l’échelle de l’indice de développement humain, la Mauritanie est au 159ème rang, le Mali au 175ème, le Burkina Faso au 181ème, le Tchad au 183ème et le Niger au 186ème sur 187 pays. Voilà pour l’indice de pauvreté. Il faut savoir aussi que le Mali, qui compte aujourd’hui 15 millions d’individus, sera peuplé en 2050 de 50 millions de personnes. Voilà l’ampleur de la tâche de développement qui nous attend.
En conclusion, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres…
M. le président. Une conclusion rapide !
M. Pierre Lellouche. …s’il faut se féliciter de l’efficacité de nos forces dans la première phase de l’intervention militaire, il faut être conscient que les objectifs de l’intervention fixés par le Président de la République sont loin d’être acquis s’agissant de la reconstruction de l’État malien et de sa souveraineté nationale. Alors que l’Europe a confirmé dans cette affaire sa tragique inexistence sur le plan géopolitique et que la France agit jusqu’ici dans une dangereuse solitude, les risques qui sont face à nous sont considérables : celui d’un enlisement du processus interne politique au Mali, qu’il s’agisse du processus électoral ou du processus de réconciliation ; celui de voir perdurer les facteurs de fragilité de la région, à la fois politiques et militaires, qui font le lit du terrorisme : extrême pauvreté, mauvaise gouvernance, explosion démographique ; celui de voir se poursuivre l’égoïsme et l’indifférence de nos partenaires, qui se contenteront de voir la France se débrouiller seule dans cette mauvaise affaire.
Les mois qui viennent seront donc déterminants pour la suite d’une opération qui recèle, chacun le voit bien, des risques d’enlisement considérables. C’est à ces seules conditions – développement économique, résolution de l’ONU, internationalisation de l’opération – que nous pourrons juger si l’intervention de la France aura ou non réussi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Hervé Morin.
M. Hervé Morin. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, le Président de la République a décidé, le 11 janvier dernier, de répondre à l’appel au secours des autorités maliennes en engageant nos troupes sur le continent africain. Nous avons approuvé sa décision ici même le 16 janvier 2013 et n’avons pas changé d’avis. Voilà pourquoi l’UDI approuvera le maintien du déploiement français. Partir maintenant serait irresponsable et ruinerait les efforts que nous avons entrepris depuis quatre mois.
Comme disent les Américains, « the job has been done ». Oui, le travail a été fait et même bien fait par l’armée française. Elle a une fois de plus démontré l’étendue de son savoir-faire. Et je ne parle pas seulement du militaire stricto sensu, mais aussi de sa capacité à fédérer respectueusement les troupes africaines alliées, à gérer les populations civiles et à éviter les dommages collatéraux, et en définitive, en réussissant à ne pas apparaître en quelques semaines comme une armée d’occupation au service d’une politique néocoloniale. Permettez-moi, en tant qu’ancien ministre de la défense, d’avoir une pensée particulière pour les soldats qui ont combattu au Mali et qui y ont perdu la vie. Nous saluons leur mémoire et pensons à leurs familles.
L’essentiel militaire a donc été fait au Mali. Bamako ne sera pas un faubourg de Kaboul et Tombouctou ne l’est plus depuis sa libération. Je continue néanmoins à regretter, monsieur le Premier ministre, que nous soyons intervenus seuls, et je continue à penser que la faiblesse de notre action diplomatique à la suite du juste discours de François Hollande à la tribune des Nations unies y est pour beaucoup. Nous n’avons pas fait de la question malienne une priorité diplomatique et nous l’avons payé en janvier.
M. Jean-Christophe Lagarde. Très juste !
M. Hervé Morin. C’est maintenant de l’histoire ancienne, mais je crois qu’il est bon de le rappeler afin d’en tirer des leçons pour l’avenir.
La bataille pour l’intégrité du Mali est quasiment gagnée mais la guerre, elle, n’est pas terminée. Ceux qui voudraient nous faire croire à un retrait massif et rapide des troupes françaises nous racontent une fois de plus des histoires et se prennent pour des griots africains au pied de leur palmier dattier.
M. Régis Juanico. Quel talent !
M. Hervé Morin. Les forces africaines de la MISMA, il faut le dire, ne sont pas prêtes à prendre le relais, si tant est qu’elles le soient un jour. Il y a des problèmes de formation, de logistique, de nombre, d’équipement, mais aussi des questions politiques. L’engagement, pour quelques États faibles ou très faibles, voisins du pays, représente un danger pour eux-mêmes en cas d’investissement militaire trop marqué. Les événements de Centrafrique montrent d’ailleurs l’extrême fragilité de toute cette grande zone, où l’on additionne plutôt les maillons faibles que les noyaux durs.
Je disais dans mon intervention du mois de janvier que nous devons être en soutien à une opération africaine, et non l’inverse. Ce qui s’est passé depuis quatre mois nous montre clairement, même si nous le savions, qu’à l’exception du Tchad, du Sénégal et du Nigeria, il n’existe pas de pays capable de mener une opération militaire structurée, car leur armée n’existe tout simplement pas ou à peine.
Qui d’autre pourrait donc prendre le relais de l’armée française ?
Les Américains ? Ils ont fait ce qu’il fallait pour nous aider, mais d’une part ils n’ont pas envie de porter sans arrêt l’uniforme de gendarme du monde, conformément à la nouvelle politique de Barack Obama, d’autre part leurs priorités sont ailleurs, et notamment dans la zone Pacifique.
L’Europe ? Elle a montré une fois de plus, c’est un Européen convaincu qui le dit, son incapacité à avoir un rôle militaire et donc politique. À quoi bon d’ailleurs, monsieur le ministre de la défense, continuer à construire des forces européennes diverses et variées que nous préparons et organisons, puis les annoncer à grand renfort de communication pour in fine ne jamais s’en servir ? J’ai eu cent fois ce regret quand j’étais en fonction. Il faudra un jour poser cette question aux Européens.
L’OTAN ? Ce n’est ni son rôle ni son théâtre d’action.
L’ONU ? Elle sera présente pour occuper le terrain mais pas pour faire le coup de feu. Nos forces seront donc nécessaires pour être en quelque sorte la force de réaction rapide de l’ONU, un peu à l’identique de ce qui s’est passé en Côte d’Ivoire avec Licorne et l’ONUCI.
À l’évidence, il n’y a personne à qui passer la main, il faut regarder la réalité en face. Le seul élan est et restera français. Nous resterons donc aussi longtemps que le Mali ne sera pas capable d’assurer par lui-même sa sécurité, ce qui doit donc constituer la priorité absolue. Je rappelle à tous ceux qui l’ont oublié que nous sommes arrivés au Tchad en 1984 et que nous y sommes toujours.
La priorité, si nous voulons un jour réduire notre engagement puis y mettre fin, doit donc être la reconstruction de l’État malien, car, comme toujours le succès militaire est une chose mais la vraie victoire est politique. Rappelons que les djihadistes ne sont pas intervenus au Mali par hasard mais parce qu’ils avaient face à eux un État failli, un président sans légitimité, un État à l’abandon sous le contrôle d’un capitaine putschiste.
La reconstruction passe par le dialogue, en particulier entre l’État central et les Touaregs, lesquels, il faut le dire, nous ont apporté leur concours lors des premières semaines d’intervention. Rien ne serait pire pour la reconstruction du Mali que les Touaregs se sentent roulés dans la farine en étant les grands absents du processus de reconstruction démocratique.
M. Jean-Christophe Lagarde. Parfaitement exact !
M. Hervé Morin. La tâche politique sera aussi compliquée que notre mission militaire sinon davantage, n’en doutons pas, car bien entendu nous ne pourrons rien faire qui apparaisse comme une résurgence du colonialisme ou une mise sous tutelle du Mali. Nous ne devons pas moins avoir l’assurance que le Mali redevienne un État démocratique, qu’il retrouve une croissance économique durable et qu’il cesse d’être le paradis des terroristes et des narcotrafiquants.
Du point de vue économique, avec 80 % de la population sous le seuil de pauvreté, la politique d’aide au développement de l’Europe doit faire du Mali et de la région la priorité des priorités.
Mme Nicole Ameline. Absolument !
M. Hervé Morin. Si les Européens n’ont pas été là pour la reconstruction politique du pays, qu’au moins ils soient là pour sa reconstruction économique, et beaucoup plus qu’avec les quelques formateurs qu’ils nous ont envoyés et les quelques millions d’euros qui ont été promis de part et d’autre. Il faut un plan d’aide massif. C’est pourquoi j’appelle, au nom du groupe UDI, à une vaste conférence européenne et internationale pour la reconstruction économique du Mali et pour construire le dialogue politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)
Si nous ne le faisons pas, l’histoire se répétera. Le terrorisme repousse dans la région comme du chiendent, quels que soient les coups mortels portés à quelques centaines de djihadistes. Ne nous leurrons pas : la mort supposée des chefs terroristes est un non sujet, car ces groupes se moquent des frontières et évoluent dans la totalité de la zone sahélienne. Ils se font et se défont, se recomposent à l’infini et retrouvent des chefs à chaque fois que l’un d’eux disparaît.
Enfin, ce qui s’est passé au Mali et l’engagement à venir qui nous est demandé posent évidemment la question du budget de la défense. Nous connaissons nos faiblesses en transports, en drones, en renseignements et en ravitaillement.
Mme Patricia Adam, présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées. Surtout vous, monsieur Morin !
M. Jean-Paul Bacquet. Ah, les avions canadiens !
M. Hervé Morin. Tout seuls, sans les Américains, sans une Europe de la défense, nous ne pouvons plus grand-chose. La restructuration militaire à venir ne saurait s’accompagner d’une purge budgétaire. Elle devra en outre tenir compte des enseignements de l’expérience récente, en particulier le caractère stratégique de nos forces prépositionnées et l’importance du transport, de l’aéromobilité et aussi des forces conventionnelles capables d’assurer notre présence aux quatre coins du monde.
Il y aura des arbitrages vitaux à effectuer dans les mois qui viennent si nous voulons, tout simplement, encore exister comme puissance, et éviter que notre siège à l’ONU ne soit plus que le simple témoignage d’un passé glorieux. Le groupe UDI votera le maintien des forces françaises, mais il souhaite que nous soyons largement et rapidement en situation de pouvoir passer le relais aux forces africaines. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur quelques bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. François de Rugy.
M. François de Rugy. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, madame la présidente de la commission de la défense, mes chers collègues, le 11 janvier dernier, en réponse à la demande du président malien par intérim, le Président de la République française annonçait le déploiement de nos forces au Mali, dans le cadre de l’opération Serval. Aujourd’hui, conformément à l’article 35 de notre Constitution, le Gouvernement soumet à l’Assemblée nationale sa proposition de prolongation de l’intervention. Il s’agit donc, pour nous parlementaires, de dresser un premier bilan de ces quatre mois d’intervention.
Lors du débat au Parlement le 16 janvier dernier, le ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian, a rappelé les trois objectifs de l’intervention française au Mali : endiguer la dynamique de conquête territoriale des groupes terroristes ; restaurer l’intégrité et la souveraineté du Mali sur l’ensemble de son territoire ; protéger les ressortissants français et ceux de nos partenaires européens.
À chaque temps de l’intervention, ces objectifs ont été rappelés, et nous n’avons jamais dévié de la trajectoire qui avait été fixée. Dans le langage militaire, pour évoquer la capacité d’une armée à atteindre ses objectifs, on parle souvent de « contrat opérationnel ». Je crois que nous pouvons dire aujourd’hui que ce contrat est en passe d’être rempli. Malheureusement, cela s’est fait au prix de victimes, car la guerre « zéro mort », comme on dit parfois, n’existe évidemment pas.
Nos pensées vont à toutes les familles des victimes au Mali, ainsi qu’aux familles des soldats français qui ont payé de leur vie l’engagement militaire de la France. Je veux citer à nouveau les noms du chef de bataillon Damien Boiteux, tombé le 11 janvier 2013, de l’adjudant Harold Vormezeele, tombé le 19 février, du caporal-chef Cédric Charenton, tombé le 2 mars, du maréchal des logis Wilfried Pingaud, tombé le 6 mars, et du caporal-chef Alexandre Van Dooren, tombé le 16 mars.
Au cours des quatre premières semaines d’intervention, nos forces et celle de la Mission internationale de soutien au Mali – la MISMA –, sous conduite africaine, ont successivement repris toutes les villes du Nord-Mali : Douentza, Gao, Diabali, Tombouctou, ou encore Kidal, ont ainsi été libérées du joug des groupes djihadistes.
Depuis la cinquième semaine de combats, les armées française et africaine sont entrées dans une seconde séquence de ce conflit, moins intense, plus localisée, une séquence qui porte toutes les marques d’une guerre asymétrique. Ce second temps de l’intervention doit permettre, d’une part, de déloger les groupes armés de leur bastion – le massif de l’Adrar des Ifoghas – et, d’autre part, de consolider nos positions dans les villes où des éléments terroristes dissimulés au sein de la population continuent à mener des actions violentes, notamment à Gao et à Tombouctou. Dans les semaines qui viennent, le dispositif français sera allégé et les principales zones d’action – le nord et le centre – passeront sous responsabilité africaine, puis onusienne.
Aujourd’hui, l’État malien reprend peu à peu le contrôle de son territoire, de ses administrations et de ses services. De nombreuses populations déplacées commencent à envisager un retour dans leur ville ou dans leur village d’origine. Et si certaines zones restent exposées à l’insécurité, le rapport de forces n’est plus le même. Les groupes djihadistes ayant été lourdement affaiblis, le passage de témoin entre les forces françaises et africaines d’une part, et les forces onusiennes d’autre part, a toutes les raisons de se dérouler sous les meilleurs auspices.
En effet, l’armée française n’a pas vocation à s’éterniser au Mali, comme vous l’avez souvent dit vous-même, monsieur le ministre de la défense. Le retrait des premiers éléments avait été annoncé pour le mois d’avril. Les délais seront respectés : plusieurs dizaines de soldats ont déjà regagné le territoire national, de même que six avions de notre dispositif. Les députés écologistes saluent ce retrait progressif qui traduit une volonté jamais altérée de prêter main-forte à l’État malien sans entraver l’exercice de son autorité, ni se substituer à lui.
Nous avions dit à l’époque que nous ne souhaitions pas que la France entre dans une logique d’administration militaire du Mali. Il n’en a jamais été question, il n’en est toujours pas question aujourd’hui, et c’est tant mieux. Ce début de retrait apporte d’ailleurs le meilleur démenti qui soit à ceux qui craignaient, voire prédisaient un enlisement.
Dans les semaines qui viennent, le conflit devrait laisser place à une gestion de crise internationalisée. Une délégation onusienne s’est récemment rendue au Mali pour réaliser les premières évaluations nécessaires au déploiement d’une mission de type « Casques bleus ». Cela renforce notre confiance dans la stratégie du Gouvernement et nous conforte dans le sentiment que nous avons en commun une certaine vision des opérations extérieures. Elles ne sont pas – elles ne sont plus, ai-je envie de dire – des opérations de police internationale au service d’intérêts français privés ou d’intérêts politiques plus ou moins avouables.
En ce qui concerne l’évolution de la situation politique, le bilan est également positif. Le 29 janvier dernier, à peine deux semaines après le début du conflit, l’assemblée malienne a voté une feuille de route pour la transition. Celle-ci prévoit notamment la tenue d’élections législatives et présidentielle transparentes et crédibles, ainsi que la création d’une commission « dialogue et réconciliation », qui devra identifier les forces politiques et sociales concernées par le processus, recenser tous les cas d’injustice et de discrimination ethnique, et travailler à la restauration de la cohésion sociale et de l’unité nationale.
À n’en pas douter, le chemin de l’apaisement sera sinueux et difficile, et certaines voix s’élèvent déjà pour dénoncer les écueils de cette feuille de route. Si la tenue de l’élection présidentielle en juillet semble confirmée, le calendrier des législatives n’est pas encore arrêté. De même, le choix des interlocuteurs de la commission « dialogue et réconciliation » ne fait pas consensus, notamment en ce qui concerne la participation du MNLA, l’un des principaux mouvements touaregs. Dans ce difficile cheminement vers la sortie de crise, la France doit être un partenaire dynamique, une force de proposition, un interlocuteur disponible, et je sais qu’elle l’est.
Enfin, le troisième volet de notre stratégie, un volet fondamental à nos yeux, concerne l’aide au développement. En la matière, à la demande du Président de la République et du Premier ministre, le ministre du développement, Pascal Canfin, a élaboré une politique ambitieuse et solidement planifiée. Cette politique a pour objectif d’organiser le retour des populations déplacées, dans un climat de dignité ; de mettre en place une aide humanitaire adaptée aux besoins des communautés ; de restaurer les services de base tels que l’eau et l’électricité ; de garantir la sécurité alimentaire ; d’insuffler une dynamique de développement durable, économique et social, dans un souci d’équité entre les territoires ; d’appuyer la décentralisation.
Mobiliser pour cela les acteurs locaux, mais aussi les Maliens de France, est une bonne chose. Cet accompagnement dans la durée bénéficie d’une assise européenne. La reprise de l’aide française a d’ailleurs été décidée dans ce cadre, consécutivement aux Conseils des affaires étrangères des 17 et 31 janvier dernier. Le Fonds européen de développement s’est engagé à débloquer une enveloppe de 300 millions d’euros. La contribution française s’élève, quant à elle, à 150 millions d’euros. La stratégie choisie par les États européens est celle d’un versement échelonné de l’aide, en fonction de la progression de la feuille de route vers la transition politique. Nous soutenons cette démarche. La coordination des principaux bailleurs sera garantie par la présence à Bamako d’une délégation européenne. Enfin, une conférence internationale pour le soutien et le développement du Mali sera organisée à Bruxelles le 15 mai prochain. Elle permettra d’étendre l’aide à l’ensemble de la communauté internationale et d’associer tous les acteurs à l’élaboration et à la concrétisation du processus.
Comme certains de mes collègues l’ont fait avant moi, je veux dire un mot sur l’Europe. Certaines voix, provenant notamment de l’opposition, ont déploré à un certain moment le manque d’engagement des pays de l’Union européenne, évoquant même « l’isolement » de la France. La vérité commande de dire que la France est le seul pays à même de pouvoir intervenir rapidement dans cette région du monde. La vérité, et c’est un triste constat, c’est que l’Europe de la défense n’existe pas. Voir celles et ceux qui n’ont rien fait pour renforcer l’Europe politique ces dernières années – ou ont même tout fait pour l’affaiblir – s’en plaindre aujourd’hui a quelque chose d’assez indécent.
L’aide au développement sera, à n’en pas douter, un pilier de notre action au Mali. Car s’il ne peut y avoir de développement sans sécurité, il ne peut pas non plus y avoir de sécurité sans développement durable. Soutenir nos partenaires sans jamais basculer dans l’ingérence, étendre notre vision stratégique au-delà du cadre court-termiste de l’intervention, et poser les bases d’un dialogue pleinement coopératif, tels sont les fondements de cette intervention, et les raisons de notre soutien à sa poursuite.
Lorsque le pouvoir exécutif décide d’intervenir militairement, conformément à ses prérogatives, la responsabilité du Parlement est d’analyser cette intervention avec vigilance. Pour notre part, tout en étant fermes dans notre soutien, nous avons également été fermes dans l’exigence et la vigilance car, à nos yeux, les deux vont de pair.
Ce principe, le groupe écologiste se l’est appliqué, en ne taisant aucune question sur les conditions de l’intervention française et la situation au Mali, notamment la question des Touaregs. Mais lorsque la trajectoire d’une opération remplit les objectifs qui lui ont été assignés, respecte le cadre de la légalité internationale et se donne les moyens d’instaurer une coopération durable, alors il convient de saluer le travail accompli, et de témoigner d’un soutien renouvelé. C’est ce que je fais aujourd’hui au nom du groupe écologiste. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Moignard.
M. Jacques Moignard. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, madame la présidente de la commission de la défense, mes chers collègues, c’est au nom des députés du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste que j’interviens dans le contexte constitutionnel qui prévoit qu’au-delà de quatre mois d’intervention des forces françaises, le Gouvernement soumet au Parlement l’autorisation de sa prolongation.
Début janvier, le Président du Mali, Dioncounda Traoré, lançait un appel au secours en alertant le Conseil de sécurité de l’ONU et en demandant l’aide militaire de la France. En effet, une offensive des groupes armés islamistes contrôlant déjà le nord du pays et venant de s’emparer de la ville de Konna, au centre du pays, menaçait de progresser vers le sud et d’atteindre la capitale, Bamako. Dès lors, la France, unanimement soutenue par le Conseil de sécurité de l’ONU, décidait d’intervenir militairement aux côtés de l’armée malienne et de la Mission internationale de soutien au Mali.
Cette décision était légitime et nécessaire.
Légitime, car le Mali est un pays ami de la France. Jusqu’au coup d’État militaire du 22 mars 2012, nos deux pays ont entretenu des relations étroites. Rappelons que 6 000 de nos ressortissants résident au Mali, que nous avons une langue en commun, des systèmes publics proches, et des relations économiques intenses. La France est le troisième fournisseur économique du pays, derrière le Sénégal et la Chine, avec plus de 120 filiales et sociétés majoritairement basées à Bamako.
Cette décision était également nécessaire car, à défaut, tout un pays aurait été pris en otage. En effet, laisser progresser des groupes terroristes vers le sud aurait menacé l’intégrité territoriale, et donc la souveraineté du pays. Aux mains de terroristes contrôlant tout son territoire, le Mali, entouré de sept États, serait devenu un danger pour toute la région sahélienne, pour l’Afrique occidentale, ainsi que pour l’Europe et le monde.
Quatre mois après le début de l’intervention, l’opération Serval a atteint, pour l’essentiel, les objectifs fixés par le Président de la République. Premièrement, l’agression terroriste est stoppée. Dans le cadre de la mission d’information sur l’opération Serval – une mission à laquelle je participe –, les auditions devant la commission de la défense qui ont eu lieu régulièrement depuis le mois de janvier dernier, des auditions précises, techniques et franches, nous ont permis de constater l’efficacité de la lutte quotidienne sur le terrain. Ainsi, dès les premières semaines, les colonnes de combattants descendant vers Sévaré, dernier verrou militaire avant Bamako, étaient annihilées et les villes de Tombouctou, Gao et Tessalit étaient reprises.
La sécurisation du pays, deuxième objectif présidentiel, a pu se mettre en place, le potentiel de combat des groupes terroristes étant grandement réduit. La prise de l’Adrar des Ifoghas, le sanctuaire d’Al-Qaïda au Maghreb islamique, en témoigne. Elle aurait permis d’éliminer et de capturer des chefs terroristes, de détruire des dizaines d’ateliers de fabrication d’engins explosifs, de détruire également des moyens de communication modernes ainsi que plusieurs tonnes de munitions.
Les poches de résistance autour des villes de la boucle du Niger, de Léré à Ansongo en passant par Gao et Tombouctou, ont été nettoyées. Les réseaux djihadistes du Sahel, ainsi que leurs filières de commerce de la drogue – et, désormais, des otages – se sont ainsi trouvés très affaiblis. Le retour à l’intégrité territoriale du Mali est donc sur la bonne voie. Cette réussite, nous la devons à l’exceptionnelle qualité opérationnelle de nos forces armées, qui a impressionné jusqu’à la première puissance militaire mondiale.
Cette réussite, nous la devons à l’exceptionnelle qualité opérationnelle de nos forces armées, qui a impressionné jusqu’à la première puissance militaire mondiale. Fortes de 4 000 hommes, très bien préparées, nos troupes ont su réagir dans l’urgence, quelques heures seulement après la décision d’intervention du Président de la République. Pour éviter un enlisement tant redouté, elles ont su, par une guerre de mouvement habile, frapper rapidement et avec précision, démontrant, dans un pays immense, grand comme une fois et demie le nôtre, et dans des conditions climatiques extrêmes, toutes leurs qualités.
Les combats ont souvent été très violents. Les forces françaises ont eu affaire à des troupes bien entraînées et équipées, à des combattants aguerris et déterminés, agissant qui plus est sur un sol familier.
Dans le cadre de ces opérations difficiles, cinq de nos militaires sont tombés – monsieur le Premier ministre l’a rappelé tout à l’heure, et nous nous sommes levés pour leur rendre hommage – et plusieurs dizaines d’entre eux ont été blessés.
Malgré quelques faiblesses structurelles de notre défense, que cette intervention a révélées, en termes de ravitaillement en vol, de transport tactique de troupes, de matériel ou de renseignement, la France a montré qu’elle demeurait, militairement, une nation cadre. Par sa connaissance exceptionnelle de l’Afrique, elle reste la puissance de référence. Son siège permanent au Conseil de sécurité de l’ONU est de ce fait pleinement justifié.
Cependant, la France n’a pas vocation à rester indéfiniment au Mali. C’est la raison pour laquelle nous soutenons l’engagement du Président de la République de diminuer progressivement les effectifs de l’opération Serval, de 4 000 hommes actuellement à 2 000 en juillet et 1 000 en fin d’année.
Ce retrait progressif, déjà amorcé, doit être réalisé de façon pragmatique et en fonction de l’évolution de la situation, afin de continuer à sécuriser le territoire et d’éviter toute résurgence des groupes islamistes armés.
Ce désengagement progressif se justifie aussi par le fait que cette intervention présente un coût important pour le budget de la nation : il avoisine, il est bon de le rappeler, 200 millions d’euros depuis le début des opérations ; le surcoût budgété s’élève à 630 millions d’euros pour l’ensemble des opérations extérieures de l’année 2013.
À cet égard, on ne peut qu’être rassuré par la confirmation du Président de la République que le budget de la défense conservera en 2014 son niveau de 2013, tant il est vrai que notre défense ne doit pas souffrir d’une diminution de ses ressources. Il faut le dire : depuis la publication du précédent Livre blanc de la défense, en 2008, les menaces contre notre territoire, loin de diminuer, se sont au contraire rapprochées : le Sahel en est l’illustration.
La nouvelle loi de programmation militaire 2014-2019, prévue à l’automne, devra permettre de préserver, en maintenant l’effort budgétaire global, l’autonomie d’intervention de la France et sa capacité à conduire les opérations extérieures dans la durée. Cela est d’autant plus vrai que, dans ce conflit, la France a assumé presque seule l’effort militaire destiné à la défense d’intérêts en grande partie européens, y compris la protection consulaire des ressortissants de l’Union européenne présents au Mali ou résidant dans l’un des dix-sept États de la zone sahélienne. Cela méritait d’être souligné.
Certes, un consensus international s’est formé à propos de cette intervention, la France ayant su mobiliser tant la communauté internationale que les États africains et nos partenaires européens. De fait, plusieurs États de l’Union européenne – principalement le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Espagne, la Belgique et le Danemark – ont apporté, dans un cadre bilatéral, une aide appréciable à l’opération conduite par la France, en particulier s’agissant du transport logistique.
Toutefois, l’intervention au Mali a confirmé la difficulté de la mise en œuvre de la politique étrangère et de sécurité commune de l’Union européenne. La mécanique européenne a montré trop d’inertie pour qu’il soit possible d’organiser dans les temps une opération militaire combinée.
Par son intervention, une force européenne de terrain aurait pu apposer la marque diplomatique et militaire de l’Union : au lieu de quoi, les États-Unis sont devenus notre principal partenaire, en termes financiers et opérationnels. Le Conseil européen, à venir, de décembre 2013, consacré à la défense, ne devra pas faire l’économie de ce sujet.
Ce désengagement de nos troupes doit néanmoins être conditionné à une présence accrue de la communauté internationale, car les forces africaines ne sont pas prêtes, il convient de le remarquer, à prendre seules la relève.
Lorsqu’on sait que le territoire malien, grand comme une fois et demie la France – je l’ai précédemment évoqué –, n’est protégé que par 3 000 soldats en passe d’être opérationnels, force est de reconnaître la faiblesse de ce dispositif militaire. Comme cela a été confirmé, la mission européenne de formation de l’armée malienne, dont l’effectif est majoritairement français, a commencé à former – sa tâche devant durer quinze mois –, quatre bataillons de 650 hommes, le premier devant être opérationnel dès septembre 2013.
La mission internationale de soutien au Mali, la Misma, créée par une résolution de l’ONU et placée sous commandement de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, a opéré dès le 17 janvier un déploiement rapide et s’est révélée un appui important, en particulier par la présence de soldats tchadiens aux côtés de nos forces armées.
Cependant, beaucoup de bataillons africains sont arrivés sans équipement et sont restés démunis. Les promesses financières des donateurs, censées y remédier, n’ont pas encore été honorées, hormis – comme je l’ai dit précédemment –, celles des États-Unis.
Ce problème de financement des forces africaines rend par conséquent urgente l’adoption prochaine d’une nouvelle résolution de l’ONU, qui permettra de transformer la Misma en une mission des Nations Unies de stabilisation du Mali. Ce mandat, pour être efficace, devra être robuste, et assumer la mission de contenir les groupes islamistes, de sécuriser les centres urbains dans les secteurs pacifiés, tout en assurant la protection des civils.
La tâche est immense : les trois-quarts des Maliens vivent sous le seuil de pauvreté – cela a été dit précédemment –, l’insécurité alimentaire menace deux millions d’entre eux, le pays compte 260 000 personnes déplacées en son sein et 170 000 Maliens sont réfugiés dans les États voisins.
En soutien de cette future opération de l’ONU, la France a prévu – nous approuvons cette décision –, de maintenir une force parallèle et permanente, basée au Mali, composée d’un millier d’hommes et équipée pour lutter en priorité contre le terrorisme.
La sécurité rétablie devra laisser place à la démocratie et au dialogue, dans un après-guerre qui doit être celui des Maliennes et des Maliens, au cœur d’un État libre et indépendant.
Ainsi, la feuille de route adoptée par le parlement malien, en janvier dernier, telle que prévue par les résolutions de l’ONU de 2012, est un signal fort de la part des autorités du pays, en même temps qu’une étape décisive et très attendue du processus politique, car elle réunit toutes les conditions d’un retour à la souveraineté du pays.
Axée d’abord sur le rétablissement de l’intégrité du territoire national, elle doit permettre, en particulier, la lutte contre l’impunité et la mise en place de discussions avec les représentants légitimes des populations du nord – élus locaux, membres de la société civile et groupes armés non terroristes reconnaissant l’intégrité territoriale du Mali. Seul, ce dialogue nord-sud permettra de préparer le retour de l’État malien dans la région nord. Seul ce dialogue garantira, à long terme, l’efficacité de la lutte contre le terrorisme.
Cette feuille de route prévoit également l’organisation d’élections présidentielles et législatives en juillet prochain, qui permettront de redonner un souffle démocratique, perdu depuis le coup d’État de mars 2012.
Néanmoins, compte tenu de leur proximité, le doute demeure : les conditions peuvent ne pas sembler mûres pour la tenue d’élections libres, crédibles et paisibles. Ce processus politique capital doit donc être soutenu et accompagné par la France, l’Union européenne et l’ONU, afin que le Mali ne renoue pas avec l’instabilité.
Mesdames et messieurs les députés, parce qu’au Mali, la France a su ne pas sombrer dans l’ingérence ni, grâce à sa réaction militaire, dans l’indifférence, il est nécessaire qu’elle puisse continuer l’action entreprise depuis quatre mois pour la paix, dans la durée, aux côtés de la communauté internationale. De fait, je confirme le soutien des députés du groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Ameline.
Mme Nicole Ameline. Monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, madame la présidente de la commission de la défense, mes chers collègues, la France est engagée au Mali, courageusement.
Elle l’est au nom de la solidarité que nous devions à l’État malien.
Elle l’est au nom des principes qui fondent notre responsabilité dans le monde et notre conception de la sécurité collective.
Elle l’est également aux côtés des forces africaines dont nous avons tous salué ici la détermination.
Le Mali est un élément central de l’arc de crise qui, de la Somalie à l’océan Atlantique, se constitue aux portes de l’Europe.
Appuyé sur des États défaillants, le redéploiement de groupes armés alimentés par des trafics mafieux et criminels en tout genre, a créé une menace réelle qui, sans l’intervention de la France, aurait pris la forme d’une insurrection terroriste réussie au cœur du Sahel. Chacun en mesure rétrospectivement les conséquences pour la région, pour les deux rives de la Méditerranée, mais aussi pour l’Union européenne. C’est l’une des raisons qui motivent et légitiment notre soutien à cette intervention.
Si l’engagement militaire, activement soutenu par le Royaume-Uni et quelques États européens, porte ses fruits, force est de constater que, dans le cadre de la mise en œuvre de cette opération lourde, et, encore une fois, courageuse, les négociations conduites par la France auprès de ses alliés européens, ont démontré un isolement relatif.
Monsieur le Premier ministre, vous avez évoqué trois agendas, qui s’inscrivent dans un calendrier extrêmement contraint.
D’abord, l’agenda militaire. Je me contenterai, dans les quelques minutes qui me sont imparties, de vous poser quelques questions à ce sujet.
Le désengagement de nos forces est naturellement subordonné à la mise en place de la force internationale, par application de la résolution de l’ONU, dans le cadre du chapitre VII de la Charte, qui confère à la Minusma – chose essentielle au regard de l’urgence de la stabilisation des zones libérées – des facultés réelles d’intervention. Pouvez-vous nous indiquer aujourd’hui le calendrier de mise en œuvre de cette force internationale et nous apporter des précisions sur les conditions dans lesquelles la France s’apprête à participer à ce dispositif ?
Deuxième agenda – chacun en a souligné l’importance à cette tribune : la consolidation de l’état de droit. La tenue des élections est tout à fait essentielle, mais peut-on raisonnablement tenir des élections présidentielles et législatives compte tenu du nombre de personnes déplacées et réfugiées ?
Monsieur le ministre, vous m’avez apporté une réponse l’autre jour, mais permettez-moi de compléter ma question : pensez-vous qu’il serait concevable de dissocier les élections présidentielles et législatives ? En effet, le retour des réfugiés constitue un enjeu extrêmement important, au même titre que la restauration de l’administration locale et des services publics dans ces régions.
Troisième agenda : la mise en œuvre de la commission « vérité et réconciliation ». Qu’en est-il des critères clairement posés par les autorités maliennes, notamment s’agissant du désarmement du MNLA ?
Je ne saurai trop insister, vous le comprendrez, sur le rôle et la place des femmes, premières victimes des violences, mais aussi première force de paix au sein de ces dispositifs ô combien essentiels de réconciliation.
S’agissant de la réunion des donateurs prévue en mai, quels espoirs fondez-vous sur la solidarité financière européenne et internationale ? Peut-on espérer que l’Europe, très absente de l’acte I – si vous me permettez l’expression –, sera plus présente au stade de la reconstruction ?
À cet égard, je veux dire un mot de la solidarité européenne. Le Mali n’est pas seulement une question africaine : ce pays est porteur d’enjeux directs pour l’Europe. L’insuffisante prise en considération par l’ensemble des pays européens de leur responsabilité en matière de sécurité collective extérieure, au moment où les États-Unis redéploient leur stratégie en Asie, est source d’enseignements.
Si, grâce au courage de nos militaires, qui méritent, partout dans le monde, notre admiration, cette intervention est à ce stade réussie, qui peut imaginer que le danger terroriste dans cette zone soit éradiqué ?
L’Europe doit être consciente qu’à ses portes se concentrent des menaces réelles dont nous devons tous mesurer la portée. Quelles initiatives comptez-vous prendre, avec l’ensemble des pays de la région, pour soutenir la stabilisation du Sahel – très vaste territoire que ne peuvent appréhender seules les forces locales et nationales ? L’Union pour la Méditerranée peut-elle d’ores et déjà constituer un cadre adapté à une négociation et un dialogue politiques ?
Au moment où les budgets militaires diminuent, comment ne pas voir dans l’affaiblissement des capacités opérationnelles de l’Europe un risque majeur pour sa légitimité et sa crédibilité ?
Enfin, concernant la vision stratégique de l’avenir, le devoir de l’Europe et de la France ne s’arrêtera pas à la reconstruction – entreprise difficile, mais, nous l’espérons tous, couronnée de succès –, pas plus qu’il ne se limitait à la seule opération militaire. Le redéploiement de nos fonds d’aide au développement en direction de l’Afrique, sous la forme d’une stratégie beaucoup plus claire, d’une offre politique plus forte, s’impose : elle doit être notre priorité absolue. C’est un enjeu considérable. Ici encore, l’Europe resterait en deçà de son destin, tel un Gulliver empêtré malgré toute sa puissance, si elle ne parvenait à proposer ce dialogue constructif.
Pour terminer, monsieur le président, je citerai cette très belle phrase du député Victor Hugo, prononcée à cette tribune en 1848 : « ce que Paris conseille, l’Europe le médite ; ce que Paris entame, l’Europe le continue ».
Puissent les prochains mois contredire en partie cet adage et nous montrer que l’Europe peut être aussi réactive, aussi intelligente et aussi courageuse que nous le sommes nous-mêmes (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot.
M. Philippe Folliot. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, mesdames les présidentes de commission, mes chers collègues, le métier de militaire n’est comparable à nul autre parce qu’au bout de l’engagement il y a le sacrifice suprême, celui de la vie. Mes premiers propos seront donc pour nos soldats morts pendant ce conflit et pour leurs familles, car ils ont, par leur engagement et à l’instar de ceux qui sont tombés en Afghanistan, fait honneur aux armes de la France.
Il me semble important de souligner la nature de cet engagement et les conditions extrêmement difficiles dans lesquelles nos hommes ont combattu du fait de la chaleur, de l’isolement et de la nature de l’adversaire, qui n’a rien lâché. Nous pouvons affirmer qu’aucune autre force armée, ni en Europe ni même dans le monde, n’aurait été capable de faire ce qu’ils ont fait. Ils méritent à ce titre le respect de toute la représentation nationale.
L’opération engagée sur l’initiative du Président de la République a été dès le départ soutenue par l’UDI. En effet, lorsque nous sommes confrontés à des enjeux qui sont de nature à transcender les clivages et les divisions, il faut faire preuve d’unité, d’union nationale et de responsabilité. C’est ce que nous avons fait et nous ne le regrettons pas.
M. Michel Vergnier. C’est bien !
M. Philippe Folliot. Près de 6 000 de nos concitoyens étaient en effet sous la menace des groupes djihadistes qui fondaient sur Bamako. Cela méritait une réponse immédiate et forte ; notre pays l’a apportée.
Au-delà de cette réponse, c’est une action de reconquête de l’ensemble du pays qui a été engagée et il était important et essentiel que nous la menions jusqu’au bout. Cela a été fait avec réussite, professionnalisme, dynamisme et efficacité.
Nous pouvons constater qu’un certain nombre de pays nous ont apporté une aide importante. J’en citerai deux en particulier : l’Algérie, qui a su fermer sa frontière, quand son territoire aurait pu servir de base de repli aux djihadistes, mais aussi le Tchad, dont les forces ont montré une grande efficacité sur le terrain, notamment dans les actions menées dans l’Adrar des Ifoghas. Les soldats tchadiens ont payé le prix du sang et méritent de ce fait notre respect.
Aujourd’hui la situation militaire semble stabilisée et que les opérations ont été menées dans de bonnes conditions. Il est important maintenant de réfléchir sur la façon dont les choses vont se dérouler par la suite. La France apportera son soutien et sa contribution à la force internationale qui sera déployée dans le cadre de l’ONU, la MINUSMA. Elle maintiendra en outre sur place un certain nombre de troupes, qui stationneront le temps qu’il faudra pour mener cette opération à son terme dans de bonnes conditions.
Il est vrai que certains se sont fait l’écho des interrogations qui étaient les nôtres sur le peu d’empressement que nombre de nos partenaires européens ont montré pour nous accompagner sur le terrain au-delà des actions de formation. Il faudra que nous prenions la mesure de ces manquements. Ils montrent la nécessité de relancer la politique européenne de la défense et de faire en sorte d’avoir demain les moyens de continuer à intervenir ainsi.
La France a montré qu’elle pouvait aussi intervenir sur un plan tactique en faisant des opérations aéroportées, ce que nul n’avait fait depuis plusieurs décennies. Pour qu’elle conserve sa capacité à intervenir dans des opérations de ce type, il faudra que la programmation du budget de la défense pour les prochaines années intègre ces enjeux.
Un proverbe africain dit : « On n’est pas orphelin d’avoir perdu père et mère, mais d’avoir perdu l’espoir. » Alors que les Maliens avaient perdu souveraineté et intégrité face aux djihadistes, nous leur avons rendu l’espoir grâce à l’intervention que nous avons menée. Aujourd’hui, il reste à construire la paix et à promouvoir le développement, deux objectifs auxquels la France devra elle aussi contribuer, comme elle l’a fait pour la stabilisation du pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et plusieurs bancs du groupe UMP.)
M. Philippe Vitel. Bravo ! C’était limpide !
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires étrangères.
Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, à mon tour, je veux d’abord saluer le courage et l’endurance de nos militaires qui, depuis quatre mois, combattent dans un climat et un environnement éprouvants. Cinq de nos soldats sont morts, beaucoup ont été blessés. À cet instant, j’ai comme vous une pensée pour eux et pour leurs familles.
L’intervention militaire de la France, demandée en urgence par le président malien et autorisée par les Nations unies, a rempli ses objectifs. La France, grâce à une volonté politique affirmée et à l’action remarquable de ses forces, a sauvé le Mali du chaos. L’agression terroriste sur Bamako a été stoppée, les villes du nord ont été libérées et l’intégrité du territoire malien restaurée. J’ai pu constater lorsque j’ai accompagné le ministre des affaires étrangères à Bamako au début du mois d’avril à quel point les Maliens – non seulement les autorités politiques, mais aussi la population – nous en remercient.
Rapidité et fermeté de la décision du Président de la République, information régulière du Parlement par le Premier ministre et les ministres, que je veux remercier pour leur disponibilité, professionnalisme de nos soldats : l’intervention Serval est un succès dont nous pouvons être fiers et dont nous félicitent nos partenaires européens et internationaux.
Et maintenant ?
Nous devons autoriser la prolongation de notre intervention militaire au Mali pour pouvoir passer le relais dans de bonnes conditions à l’armée malienne et à la MISMA, car la relève implique une stabilisation durable. Or, la reconstruction de l’armée malienne n’est pas encore terminée, même si les soldats maliens se battent avec courage lorsqu’ils sont formés, équipés et encadrés. Les troupes qui composent la MISMA sont encore très hétérogènes et doivent monter en puissance. La mission de formation de l’Union européenne est opérationnelle depuis peu et accueille les premières unités maliennes.
Nous attendons maintenant le vote d’une résolution du Conseil de sécurité qui permettra à la MISMA de devenir une mission des Nations unies. Monsieur le ministre, j’espère que vous pourrez nous apporter des précisions sur les perspectives d’adoption de ce texte.
De nombreux États africains ont fourni des troupes. Les Tchadiens ont subi de lourdes pertes. Ces efforts n’auraient pu se faire sans l’effet d’entraînement de l’intervention ferme et résolue de notre pays. Nous retirer précipitamment casserait assurément cette dynamique. Le rythme de retrait prévu par le Gouvernement me paraît donc adapté à l’évolution de la situation sur le terrain. On se demandera alors pourquoi il est nécessaire de maintenir une force d’appui de 1 000 soldats. Cette force a pour mission d’aider l’armée malienne à empêcher que les terroristes ne se regroupent à nouveau et ne menacent le fragile processus politique de réunification du pays et de rétablissement de la légitimité du pouvoir malien ainsi que la réconciliation nationale malienne.
Nous le savons : tout succès militaire doit déboucher sur une solution politique. À cet égard, deux questions s’imposent.
Il s’agit d’abord de la date et de l’organisation des élections. Pourrez-vous, monsieur le ministre, nous dire où en est le processus électoral ? Les élus et l’administration malienne se réinstallent-ils dans le nord du pays ? Les conditions techniques – listes électorales, cartes d’électeurs, etc. – et politiques sont-elles remplies ? Les élections prévues pourront-elles avoir lieu d’ici à la fin du mois de juillet ?
Ensuite, concernant la réconciliation nationale, nous savons que la reprise du dialogue entre les autorités maliennes du sud et certains groupes du nord, dont le MNLA, le Mouvement national de libération de l’Azawad, basé à Kidal, est difficile. Où en est-on du dialogue entre le nord et le sud du pays ? La commission nationale de dialogue et de réconciliation, dont la composition est enfin complète, a-t-elle avancé dans ses travaux ?
De même, nous savons que les versements promis par la conférence internationale des donateurs de janvier dernier arrivent lentement. Peut-on s’attendre à une accélération en la matière ?
Enfin, après le succès militaire, la stabilisation du pays dans la durée exige qu’une véritable politique de développement soit mise en place. Force est de constater que l’aide internationale conséquente qui a été apportée au Mali au cours de ces dernières années n’a pas permis de développer suffisamment ce pays. Il convient donc de revoir nos méthodes, de réévaluer nos priorités d’action mais aussi notre coordination avec les autres États, l’Europe et les institutions internationales. Vous nous direz, messieurs les ministres, ce que vous attendez de la réunion prévue à Bruxelles le 15 mai prochain.
C’est pour consolider l’éradication des groupes terroristes, la stabilisation politique, la réunification du pays et son développement économique et social que nous devons permettre à nos forces de rester au-delà de ces quatre premiers mois sur le sol malien. Il faudra ensuite tirer les enseignements de notre opération au Mali et formuler des propositions pour une solidarité européenne plus marquée. Le Conseil européen du mois de décembre sera un moment important pour un engagement, je l’espère, plus résolu et plus concret de l’Union européenne et pour un partage du fardeau dans le cadre de la défense européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. Jacques Moignard et M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées.
Mme Patricia Adam, présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, chère Élisabeth, chers collègues, à l’occasion de ce débat, notre première pensée s’adresse d’abord aux soldats, à ces Français qui nous ont quittés et, bien entendu, aux otages, sur lesquels notre attention reste fixée chaque semaine, chaque jour, à chaque instant.
Mais c’est aussi à l’avenir qu’il nous faut penser. Avant cela, nous devons tirer un bilan de ce qui s’est passé depuis le 11 janvier dernier.
La commission de la défense n’a aucun doute, dans son ensemble, sur le bien-fondé de cette opération. On peut même considérer que rarement une opération militaire aura été aussi opportune. La France est intervenue en urgence, au profit d’un pays ami dont l’existence même était remise en cause par un adversaire porteur d’un projet politique totalitaire. Nous avons au sein de la commission de la défense la certitude que la France défend une cause juste.
C’est la nature de l’ennemi, ainsi que le danger vital couru par le Mali qui expliquent l’unanimité du soutien que la France a recueilli auprès de la communauté internationale. Je dirais même, après avoir vu et entendu un certain nombre de nos collègues européens, que nos soldats et leur professionnalisme ont suscité l’admiration de beaucoup de pays européens.
L’opération elle-même a été un succès quant aux objectifs fixés, c’est-à-dire la libération des zones contrôlées par les djihadistes des diverses factions. Ce succès demande cependant quelques précisions.
Premièrement, c’est le fait d’avoir anticipé la dégradation de la situation sur place qui a permis aux équipages du 4e régiment d’hélicoptères des forces spéciales de bloquer l’avance djihadiste.
Deuxièmement, c’est l’existence des forces prépositionnées en Afrique qui a permis de renforcer le dispositif d’alerte avancée.
Troisièmement, c’est le système d’alerte « Guépard » qui a permis une montée en puissance sans heurt.
Enfin, c’est bien sûr le formidable niveau de professionnalisme de nos forces qui a permis de mener une mission difficile face à un ennemi beaucoup plus mordant qu’attendu et ce, à un rythme exceptionnel. De plus, je veux saluer aussi les pays qui nous ont apporté leur aide, que ce soit pour le ravitaillement, le transport ou par l’appui de drones.
Il est important d’évoquer aussi, dans ce débat, ce que sera la situation demain, si nous n’apportons pas ensemble, entre Européens, des réponses aux manques de la France mais aussi de l’Europe.
Pour être complète, je dresse un bilan extrêmement positif de l’information transmise au Parlement. Le Premier ministre a reçu les présidents de commission et les présidents de groupe à plusieurs reprises. Le ministre de la défense, à l’instar de M. Fabius, s’est déplacé chaque semaine pour faire un point de la situation devant notre commission. Je l’en remercie sincèrement au nom de celle-ci.
Faut-il prolonger la mission ? Oui, bien sûr. D’une certaine façon, ce qui a été fait n’est pas le plus dur ou le plus facile, mais certainement le plus dangereux. L’ennemi est soit en partie détruit soit dispersé. Les conditions de départ d’un processus de stabilisation sont donc réunies.
Le mandat des Nations unies devrait pouvoir débuter prochainement, et je sais que notre gouvernement y travaille sans relâche. La France y prendra sa part. La prolongation de l’opération est nécessaire à ce titre. Il est en effet indispensable que notre pays puisse à la fois participer aux côtés de ses voisins européens aux activités de formation déjà entamées et maintenir une force de réaction rapide capable de faire face aux situations imprévues, qui ne sont pas à exclure.
Je conclurai mon intervention en rappelant une vérité première : si la guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens, la fin de la guerre est quant à elle toujours un acte politique. S’agissant du Mali, il est indispensable que le processus en cours débouche sur une solution qui garantisse à la fois l’intégrité territoriale du pays et la satisfaction des justes revendications des populations du Nord. C’est à l’émergence et à la réalisation de ce projet politique que devra concourir l’ensemble de la communauté internationale.
Demain, nous partons quelques-uns de mes collègues et moi-même pour une mission au Mali, à l’issue de laquelle nous rendrons un rapport. Nous nous attacherons à consolider l’action menée pour l’avenir démocratique du Mali à travers les diverses rencontres que nous aurons. Notre rapport, comme nous l’avons décidé en commission, sera axé sur une question principale, celle des avancées que l’Europe pourra venir conforter en termes de normes ou de partage des capacités et des moyens. Cela permettra peut-être de rendre plus constructif le débat du Conseil européen de décembre, que beaucoup ont déjà évoqué.
Demain soir, nous irons devant les militaires témoigner, en votre nom, chers collègues, du respect plein et entier de la représentation nationale pour l’action qu’ils ont menée et leur faire part du soutien que j’espère unanime de notre assemblée. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.
M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères. Monsieur le président, après le Premier ministre, à la suite de vos interventions, mesdames, messieurs les députés, je voudrais à mon tour rendre hommage à nos armées. C’est un hommage parfaitement justifié, auquel, je pense, nos soldats seront sensibles.
Je veux aussi vous remercier toutes et tous de votre soutien à la proposition du Gouvernement de prolonger la mission qui est la nôtre au Mali, même si j’ai compris qu’un groupe faisait exception – il a du reste annoncé la couleur dès la première phrase puisque son orateur, M. Candelier, a commencé son intervention par : « J’ouvre le feu ». Le fait que l’Assemblée nationale à présent et le Sénat tout à l’heure apportent un soutien quasi-unanime à l’action de la France au Mali est un élément important dans le succès de cette opération.
Après moi s’exprimeront mes collègues Jean-Yves Le Drian et Pascal Canfin. Je voudrais pour l’heure répondre, en les remerciant, aux orateurs qui sont intervenus et évoquer trois sujets principaux.
Premièrement, essayons – parce qu’il faut commencer par là – de comparer, la mémoire étant parfois défaillante, la situation où nous sommes aujourd’hui avec la situation dans laquelle nous nous trouvions au début du mois de janvier de cette année. Il y a quatre mois à peine.
Au début du mois de janvier, voilà que trois groupes terroristes – Aqmi, Mujao, Ansar Dine – décident de faire mouvement vers Bamako pour prendre le contrôle de l’État malien, action imprévisible car si deux de ces groupes terroristes avaient fait connaître de longue date leurs intentions, le troisième était censé pouvoir entrer en négociation et aller dans le bon chemin. Pas du tout, en réalité. Quand les trois groupes, ayant fait alliance, marchent sur la capitale, le président Traoré s’adresse au président français en des termes qui signifient : si la France n’intervient pas immédiatement, demain, dans la meilleure des hypothèses j’irai en prison ou bien je serai mort. Le président français a donc eu quelques heures pour prendre sa décision.
Dès lors, l’argument soulevé par tel ou tel d’entre vous – argument que je comprends parfaitement – selon lequel il aurait été opportun qu’une discussion ait lieu à l’échelle européenne en vue d’une intervention de plusieurs pays européens est malheureusement sans objet. Nous avons suivi tout cela avec mon collègue et ami Jean-Yves Le Drian : c’était la décision de la France.
Vous avez bien voulu rendre hommage au fait que grâce à nos armées, les groupes terroristes ont été repoussés puis décimés. Et aujourd’hui, même si toutes les actions nécessaires sont loin d’être accomplies – soyons lucides et objectifs –, il faut voir, premièrement, que les groupes terroristes sont repoussés, deuxièmement, que les villes sont dans leur quasi-totalité sous contrôle, troisièmement, que l’intégrité territoriale du Mali est rétablie et enfin, quatrièmement, que la communauté internationale va se prononcer vraisemblablement cette semaine pour que la situation passe sous le contrôle des Nations unies.
Réaliser un tel changement en quatre mois, je pense que c’est un résultat dont nous tous qui avons soutenu ce mouvement pouvons légitimement être fiers, même si aucun d’entre nous ne peut s’en satisfaire car le processus n’est pas terminé.
Deuxièmement, j’évoquerai les trois volets selon lesquels nous avons pris l’habitude – légitime, je pense – d’aborder les questions qui se posent au Mali : la sécurité, le développement, la démocratie. Nous sommes en effet tous d’accord pour dire que ce sont ces trois volets qu’il faut réunir pour parvenir à une solution durable.
Au plan de la sécurité – question sur laquelle M. le ministre de la défense reviendra plus en détail – je voudrais dire quelques mots sur l’opération de maintien de la paix, qui nous intéresse tous.
La France a présenté il y a de cela plusieurs semaines un projet de résolution. Il est actuellement en voie de finalisation et selon toute vraisemblance – mais restons prudents, il peut toujours y avoir des retards –, il devrait être adopté mercredi ou jeudi à l’unanimité aux Nations unies. Voilà qui apporte une nuance aux reproches relatifs à l’isolement de la France : quand la totalité des membres du Conseil de sécurité – dont on connaît la diversité des positions – soutient la position de la France, on peut dire que celle-ci est assez entourée dans son isolement.
Cette opération de maintien de la paix, placée sous le chapitre VII, devrait donc être décidée. Elle prévoit une substitution de la MINUSMA – nouveau sigle qu’il va nous falloir apprendre – à la MISMA, à hauteur de 12 000 hommes environ, l’accompagnement des opérations de stabilisation – puisque c’est de cela qu’il s’agit – et un accompagnement du processus électoral, tout cela sous le contrôle d’un représentant spécial du secrétaire général des Nations unies.
Quel sera le rôle de la France ? Elle sera présente à la fois par sa participation à l’état-major directement rattaché à la MINUSMA et par l’intermédiaire d’éléments placés sous son propre commandement, dans une espèce de prolongement de l’opération Serval. Il est question, dans ce cadre, d’un millier d’hommes au total, qui, en termes clairs, pourront venir en soutien de la MINUSMA si cela est nécessaire, et qui pourront empêcher que les groupes terroristes ne reviennent. Car là est l’essentiel, mesdames et messieurs les députés. Au-delà de toutes les formulations juridiques que l’on peut avoir, gardons à l’esprit qu’il faut à la fois stabiliser la situation qui prévaut aujourd’hui au Mali et empêcher que les groupes terroristes ne reviennent. Les Nations unies agiront pour une part, mais nous nous situons dans le cadre de ce que l’on appelle une opération de maintien de la paix et – on peut le regretter ou pas –, certains éléments ne peuvent être mis en action qu’en dehors de cette opération.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. En effet !
M. Laurent Fabius, ministre. La France fournira donc ce que nous préférons appeler une force d’appui plutôt qu’une force parallèle – parallèle à quoi, d’ailleurs ? –, qui agira à travers les unités stationnées au Mali même et, le cas échéant, à travers les troupes prépositionnées afin qu’en aucun cas, les groupes terroristes ne puissent revenir.
Le vote interviendra donc ces jours-ci et trouvera à s’appliquer deux mois plus tard. Au début du mois de juillet, si tout se passe comme cela est souhaité et prévu, la substitution pourra donc avoir lieu.
S’agissant du développement, M. Canfin, qui suit ces questions avec beaucoup de compétence et de précision, expliquera ce qui a déjà fait – la reprise de l’aide – et ce qui est prévu dans le cadre de la conférence du 15 mai. L’un d’entre vous – M. Morin, je crois – insistait sur le fait qu’il faudrait une conférence consacrée à l’aide au développement économique du Mali. C’est précisément l’objet de cette conférence qui sera présidée à Bruxelles à la fois par le président Barroso et le Président de la République française.
Il faut assurer la sécurité, il faut prévoir les conditions du développement, mais il faut aussi avancer sur la voie de la démocratie. Cela recouvre au Mali deux éléments : d’abord la commission Dialogue et réconciliation, ensuite les élections.
La commission Dialogue et réconciliation, même si elle a pris un peu de retard, a été constituée : elle compte trente-trois membres, un président, une vice-présidente et un vice-président que Mme Guigou et moi-même avons rencontrés. Leur tâche, comme vous le savez, est d’établir le dialogue, non pas en trois mois seulement même s’il leur faut très vite commencer, mais bien au-delà des élections présidentielles et législatives. D’après ce qui nous a été expliqué, il y aura des déclinaisons locales. Il s’agit non pas seulement d’organiser des discussions entre Bamako et les Touaregs ou le MNLA mais de mettre en place un processus d’ensemble qui n’a pas pu jusqu’à présent voir le jour, ce qui est l’une des causes des difficultés actuelles.
Ce que nous pouvons souhaiter, non pas simplement nous, Français, mais, nous, communauté internationale, c’est que les engagements ayant été pris, la commission mise sur pied se mette effectivement au travail. C’est ce que nous avons demandé aux autorités maliennes.
J’en viens au deuxième élément : les élections. La commission électorale a été constituée, l’Assemblée nationale malienne a adopté une feuille de route à l’unanimité indiquant que les élections présidentielles, et si possibles législatives, devraient avoir lieu au mois de juillet. Lors de mon dernier déplacement à Bamako, j’ai moi-même rencontré les chefs des principaux partis politiques. S’ils ont des avis quelque peu divergents concernant les élections législatives, ils sont tous d’accord pour que l’élection présidentielle ait lieu au mois de juillet. Les dispositions techniques sont prises – nous nous en sommes assurés – pour que cela soit possible.
Il est indispensable que les élections aient lieu à cette période. Car que se passerait-il si elles étaient retardées ? Nous savons que certains le souhaiteraient au Mali, mais nous ne devons pas rentrer dans le jeu de ceux qui voudraient que le processus qui a été initié échoue. S’il y avait un retard, alors, de plus en plus de gens se demanderaient si le président n’est pas un président de transition et si l’assemblée a une légitimité aussi durable que ce l’on dit. Et, de proche en proche, alors que désormais le calendrier et la feuille de route sont clairs, se créeraient des difficultés, dont certains – avec un « s », même si d’aucuns supprimeront peut-être le pluriel – pourraient essayer de profiter. Or, il n’en est pas question !
Par conséquent, il est bon que les principaux partis politiques commencent dès maintenant leur campagne et que certains candidats se soient déjà fait connaître, car il est très important qu’une légitimité nouvelle soit établie au mois de juillet. Non sans humour, le président Traoré, président de transition, nous faisait d’ailleurs remarquer, à Mme Guigou et à moi-même, qu’il n’était pas si fréquent – et donc remarquable – qu’un président de transition souhaite que des élections se tiennent rapidement alors qu’elles signifieront la fin de son mandat. Poursuivons donc dans ce sens, et faisons en sorte que ces élections se déroulent à la date convenue et dans de bonnes conditions.
Troisième élément, sans vouloir être trop long, concernant la question posée par plusieurs d’entre vous au sujet de notre isolement et de notre enlisement supposés.
Isolement : je ne le crois pas, même si je peux regretter, comme vous l’avez fait, que sur tel ou tel point, la politique de défense et de sécurité européenne ne soit pas plus avancée qu’elle ne l’est. Même si cela aurait été souhaitable, il aurait sans doute été un peu miraculeux que cette politique, limitée comme nous le savons, soit tout d’un coup capable d’aller aussi loin que certains l’espèrent concernant le Mali.
Par ailleurs, rappelons-nous que c’est à l’unanimité du Conseil de sécurité que la résolution 2085 a été votée au mois de décembre, tout comme le sera également, très probablement, la nouvelle résolution votée dans quelques jours.
De plus, vous l’avez tous remarqué lors de vos déplacements en Afrique, l’ensemble des pays de l’Union africaine soutiennent de manière unanime l’opération française. De même, lors du sommet du Dialogue « 5+5 » entre le Nord et le Sud de la Méditerranée auquel la France a participé, tous les pays présents ont rendu hommage à l’opération française.
Même si, encore une fois, l’on peut regretter certaines lacunes ou certains retards, cet isolement n’existe pas : politiquement et diplomatiquement, le travail a été fait.
Cela étant, j’ai entendu les suggestions de M. Le Roux et d’autres de ses collègues, souhaitant que l’Europe prenne en considération l’effort spécifique de la France. Cet effort étant, il est vrai, très important, je pense que cette demande n’est pas illégitime.
Concernant la question de l’enlisement, je ne suis pas d’accord : le Président de la République a dit très clairement, dès le début – au risque de heurter certains Maliens –, que nous n’étions pas là pour l’éternité, qu’il était très important que nous fassions le travail que nous avons à faire, mais qu’ensuite il y aurait une décrue progressive et pragmatique de nos troupes ; et c’est ce que nous faisons.
Le relais sera pris par les troupes africaines, puis par les Maliens. L’Europe est d’ailleurs en train de former l’armée malienne dans des conditions très efficaces, sous l’autorité d’un Français, le général Lecointre, formant tous les deux mois et demi un nouveau bataillon.
Si la France fait preuve de ténacité, il n’y a évidemment pas d’enlisement. Il y a un rassemblement à l’initiative de la France, mais pas d’isolement.
Pour terminer, j’aborderai trois sujets. Premier point : pourquoi la communauté internationale apporte-t-elle un tel soutien, et notamment – mais pas seulement – la communauté africaine ? C’est que tous les pays d’Afrique ont compris qu’aucun développement ne serait possible pour ce continent d’avenir si les questions de terrorisme et de narcoterrorisme n’étaient pas maîtrisées. Tous les pays – j’insiste : tous les pays – peuvent être sujets à ce mal terrible.
Dans les grottes des Ifoghas où ont pénétré nos armées, ont été trouvés des documents montrant de la façon la plus claire qu’une grande partie des terroristes de Boko Haram au nord du Nigeria étaient formés au Nord-Mali. Nous constatons malheureusement qu’il existe partout des groupes qui, si l’on ne bloque pas leur expansion, seraient capables d’endiguer totalement le développement de l’Afrique et de mettre en coupe réglée et dramatique les populations.
Si l’action de la France a été soutenue à un tel point, c’est parce que tous ces pays ont compris que si nous n’avions pas agi comme nous l’avons fait, non seulement le Mali serait devenu un État terroriste, mais ce risque aurait également pesé sur les États circonvoisins.
Deuxième point, même si ce n’était absolument pas le but de notre intervention, chacun peut se féliciter que celle-ci ait renforcé d’une façon singulière la puissance d’influence de la France.
Quand désormais nous parlons de ce que nous entendons faire ou de ce que nous sommes capables de faire sur tel ou tel point, je sens – et je ne crois pas me tromper – que la France est entendue d’une façon tout à fait particulière, tant par les États-Unis d’Amérique que par la Turquie, les pays d’Amérique du Sud, les pays d’Afrique ou la Russie. Le fait que la quasi-totalité de l’Assemblée nationale ait soutenu et s’apprête de nouveau à soutenir cette intervention renforce encore cette puissance d’influence.
Enfin, troisième et dernier point, nous avons réalisé en quatre mois, tous ensemble, un travail utile pour le Mali, pour l’Afrique et, d’une façon générale, pour la communauté internationale. La guerre, assurément, est en voie d’être gagnée ; mais, ainsi que le rappelait le Premier ministre au début de son propos, il reste à gagner la paix.
Vous avez posé des questions parfaitement légitimes : nous essayons d’y répondre et, tous ensemble, de gagner la paix. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la défense.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je souhaite dire quelques mots en complément de ce que vient de dire le ministre des affaires étrangères.
Tout d’abord, en tant que ministre de la défense, je tiens à rendre un hommage à nos forces, et à vous remercier pour l’hommage que vous avez leur avez vous-mêmes rendu. Leur professionnalisme, leur courage, leur efficacité sont reconnus par tous. Chacun s’accorde à constater que le contrat opérationnel a été rempli ; chacun reconnaît le succès de l’intervention.
Je vous remercie d’avoir bien voulu évoquer la mémoire des cinq soldats français morts au cours de l’intervention. Avec votre permission, je souhaite associer également les trente-six soldats tchadiens qui ont trouvé la mort dans le combat commun que nous avons mené, et que nous menons encore, ainsi que les soldats maliens morts à Mopti, à Sévaré et à Konna : telle est en effet la réalité de ces combats qui, au début de l’intervention, ont fait ces victimes.
La détermination dont ont fait preuve nos armées a été grandement encouragée par le soutien unanime de la nation, et notamment des groupes au Parlement : c’était une des conditions du succès que nous avons remporté.
Concernant les forces armées, je souligne que ces opérations, couronnées de succès, se sont déroulées dans des conditions très éprouvantes, ainsi que certains d’entre vous l’ont rappelé. En effet, nous n’avions pas un seul adversaire, un seul ennemi au Mali : nous affrontions bien entendu les groupes armés djihadistes, mais également la distance et le climat ; ce point est un peu trop souvent oublié lorsque l’on prend acte des succès.
Ainsi, concernant la distance, engager une opération de largage de parachutistes sur Tombouctou depuis le Gabon peut être comparé à un largage de parachutistes sur Moscou au départ de Paris ; or, c’est précisément ce que nous avons fait.
L’autre adversité tenait au climat : l’on a souligné à de nombreuses reprises les conditions extrêmement difficiles que nos soldats ont dû subir. Dans l’Adrar des Ifoghas, il fallait chaque jour vingt tonnes d’eau pendant l’opération, acheminées par gros porteurs, pour assurer les dix litres d’eau par homme et par jour nécessaires pour continuer les opérations.
Les contraintes étaient donc extrêmement lourdes, et le succès dû à une manœuvre menée avec habileté pour la rendre compatible avec les contraintes logistiques : c’est tout le sens de l’action initiée grâce à la compétence des chefs qui ont mené ces opérations.
En un peu plus de quatre-vingt dix jours, nos forces armées ont anéanti une redoutable machine militaire terroriste très structurée. Les pertes de l’adversaire ont été très significatives ; mais plus que le nombre des djihadistes neutralisés, l’important est que nous avons détruit les principaux fondements d’une puissance militaire en gestation. Des stocks d’armes, de matériels, de munitions, par centaines de tonnes, ont ainsi été éliminés, de même que des zones de ravitaillement et des camps d’entraînement.
Le bilan est donc positif : les deux objectifs fixés par le Président de la République à l’opération Serval – d’abord stopper l’offensive AQMI, puis libérer le territoire malien – sont aujourd’hui quasiment atteints avec les dernières opérations que nous menons dans l’extrême nord-ouest du pays.
L’ensemble du territoire malien est libéré de la menace, celle-ci étant aujourd’hui réduite à des opérations suicidaires asymétriques dans quelques zones, qu’il convient encore de surveiller de près.
Nous avons donc franchi un pas très important dans la stratégie de libération du Mali et d’éradication des terroristes. Nous ne l’avons pas fait seuls : au-delà du soutien politique, nous avons également reçu très rapidement un soutien logistique de la part des pays européens, en particulier des Britanniques, des Belges, des Allemands, des Danois, des Espagnols et des Néerlandais : ils nous ont ainsi permis d’assurer la logistique, élément très important de l’opération menée au Mali.
Nous n’agissons pas seuls, parce que dans la mission de reconstruction de l’armée malienne, l’effort européen dépasse très largement les deux tiers de la participation au sol d’instructeurs et de protecteurs. Cette mission essentielle a ainsi commencé, permettant à l’armée malienne de prendre à terme le relais de la future MINUSMA.
Même si l’on peut considérer que l’Europe de la défense a montré qu’elle n’existait pas fondamentalement aujourd’hui – ce que nul n’ignorait –, il n’empêche que la solidarité a joué et que, dans le domaine de la logistique, du ravitaillement et du renseignement, l’appui de nos alliés et de nos amis européens a été essentiel.
Aujourd’hui, la mission des forces armées poursuit trois objectifs concrets : tout d’abord, maintenir la pression sur les groupes terroristes afin d’éviter qu’ils ne se recomposent ; ensuite, accompagner et appuyer la force de l’ONU qui va bientôt prendre le relais de notre action dans sa mission de stabilisation au Mali, ainsi que l’indiquait tout à l’heure Laurent Fabius ; enfin, accompagner la reconstruction et l’engagement opérationnel de l’armée malienne.
L’ensemble de ces trois missions concentre aujourd’hui l’action de nos forces armées. Or il n’est pas nécessaire, pour mener à bien ces missions, de conserver 4 000 hommes sur le territoire malien.
Conformément aux engagements pris, nous commençons donc une réduction progressive. Si nous avons compté jusqu’à 4 500 hommes au moment de l’opération dans l’Adrar des Ifoghas, nous avons maintenant, à la fin de la semaine, 3 850 hommes, et nous descendrons progressivement dans le courant de l’été en dessous des 2 000 hommes.
Nous conserverons une force d’environ 1 000 militaires français sur le territoire malien, qui seront présents dans la future MINUSMA, dans l’UETM Mali – la formation de l’armée malienne – et, pour l’essentiel, soit 750 à 800 militaires, dans ce que j’appellerai une « opération Serval adaptée », en accompagnement de la présence de la MINUSMA sur le territoire malien. Cet accompagnement consistera en apport, en soutien, en interventions potentielles, sur une durée qui restera à apprécier en fonction de la situation, et à laquelle il ne faut donc pas mettre un terme maintenant.
Cette force sera en outre accompagnée de forces prépositionnées tant à N’Djamena, à Niamey qu’à Ouagadougou, susceptibles d’intervenir en complément, grâce notamment à l’aéromobilité.
Telles sont les précisions que je souhaitais apporter eu égard aux questions qui ont été posées.
J’en viens aux leçons que l’on peut déjà tirer de l’opération Serval.
D’abord, la réactivité de nos forces a été très efficace et l’articulation entre la manœuvre terrestre et la manœuvre aérienne a été excellente.
Ensuite, le prépositionnement a montré ses avantages au tout début des opérations.
Mais il y a aussi des lacunes, et on les connaissait. Elles sont un peu historiques et ont été rappelées sur tous les bancs de cette assemblée. Il faudra certainement y remédier, que ce soit en matière de renseignement – nous manquons de drones –, de ravitaillement, de transport et s’agissant des hélicoptères de manœuvre.
M. Philippe Vitel. Très bien !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Tout cela forme un ensemble qui, j’en suis convaincu, fera l’objet de discussions et de débats entre nous dans l’avenir.
Je suis déterminé à ce que l’Europe de la défense puisse se construire. Certes, elle a montré ses insuffisances, mais cette opération a permis une prise de conscience et je suis convaincu que la décision, à la fin de l’année dernière, de réunir un Conseil européen de défense est liée à la montée de ces menaces et que, lorsqu’il se réunira à la fin du mois de décembre, il sera porteur de nouvelles orientations et d’une nouvelle crédibilité de l’Europe de la défense. En tout cas, c’est ce à quoi nous allons nous employer dès à présent.
Enfin, les succès militaires de nos forces armées ont permis de passer désormais dans une nouvelle phase, à la fois diplomatique, politique et de développement, qui concerne l’ensemble de la politique française. Le soutien que vous apportez au maintien de nos forces est un élément important pour la bonne réussite de l’intervention au sens global du terme, c’est-à-dire pour permettre au Mali de retrouver son intégrité et sa sérénité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP, et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du développement.
M. Pascal Canfin, ministre délégué chargé du développement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, comme l’a fait Laurent Fabius, je veux rappeler le triptyque qui structure notre action : le militaire, le politique et le développement. Pour ma part, je développerai davantage les modalités et les objectifs de notre politique de développement au Mali.
La première modalité concerne bien évidemment notre aide bilatérale. Nous avons annoncé la reprise de cette aide de 150 millions d’euros qui avait été gelée par le précédent gouvernement dans des conditions parfaitement légitimes dans le cadre européen. Cette somme permettra de financer des projets qui avaient été stoppés du fait de l’arrêt du financement. Je pense notamment à une station de pompage à Bamako qui permettra à 100 000 habitants d’avoir accès à l’eau potable dans les prochains mois.
D’autres exemples concrets reposent sur des réalités qui ont changé. Par exemple, il faut rétablir l’eau et l’électricité à Tombouctou. C’est aussi l’une des conditions de la sécurité puisque quand il fait nuit noire, il est plus facile de déstabiliser une ville. Il y avait zéro minute d’électricité à Tombouctou il y a quelques mois, contre six heures par jour maintenant grâce à notre aide publique au développement et à nos actions par le biais soit d’organisations non gouvernementales soit des Nations unies.
Le deuxième pilier, ce sont les collectivités locales. Nous avons organisé à Lyon, le 19 mars, une réunion à laquelle participaient plus de 100 collectivités locales. Au Mali, une ville sur six a un partenariat, une coopération avec une collectivité locale française. C’est un canal essentiel pour faire circuler notre aide publique au développement de manière efficace. Les collectivités locales visent d’abord les services publics locaux, la santé, l’éducation, au bénéfice direct et immédiat des populations.
Le troisième pilier, c’est la diaspora. Le 10 avril dernier, à Montreuil, nous avons réuni plusieurs centaines de représentants des diasporas maliennes en France, en Belgique, mais aussi ailleurs en Europe, au Canada et en Côte d’Ivoire, afin de voir comment mieux mobiliser les diasporas au service du développement du Mali. Vous le savez sans doute, l’argent des diasporas, des 120 000 Maliens ou Franco-maliens qui vivent en France est, dans certaines régions, bien supérieur aux flux financiers de l’aide publique au développement. C’est donc un enjeu majeur en termes de développement économique local.
Le quatrième pilier, c’est bien évidemment l’Europe. Je tiens à saluer le fait que, la semaine dernière, nous avons réussi à nous mettre d’accord sur une aide budgétaire de 225 millions d’euros qui vient compléter les aides d’urgence. Nous en sommes déjà aujourd’hui à un paquet de 300 millions d’euros qui provient de l’Union européenne et qui sera affecté très rapidement pour le retour de l’État, le déploiement des services publics et, bien évidemment, le développement économique du Mali.
Le dernier pilier auquel plusieurs d’entre vous ont fait référence, c’est la conférence qui aura lieu le 15 mai prochain, à Bruxelles. Nous avons souhaité, avec Laurent Fabius, que cette conférence ait lieu là-bas, pour bien montrer l’engagement de l’Union européenne sur la politique de développement. Cette conférence sera coprésidée par la France et par l’Union européenne, par François Hollande et José Manuel Barroso. Nous mobilisons aujourd’hui l’ensemble de la communauté internationale pour avoir le maximum d’ambition possible le 15 mai à Bruxelles.
J’étais, la semaine dernière, à New York, pour travailler sur la mobilisation de la Banque mondiale. Je serai, ce week-end, à Bamako, pour préparer cette conférence avec la société civile malienne, de façon que le plan de développement qui sera proposé et sur lequel nous nous mettrons d’accord le 15 mai recueille le consensus le plus large dans la société malienne, qu’il ne s’agisse pas uniquement d’un exercice technocratique ou bureaucratique mais bien d’un plan d’accord politique. L’objectif de cette conférence, c’est de se mettre d’accord sur le financement des deux prochaines années s’agissant des demandes des Maliens en matière de développement économique et de services publics, de lutte contre l’extrême pauvreté, d’agriculture, d’éducation, et de santé.
L’enjeu à Bruxelles est déterminant puisque nous pouvons réussir, grâce à cette conférence, la mobilisation de la communauté internationale en faveur du Mali pour les deux prochaines années.
Au-delà des aspects quantitatifs, il y a aussi les aspects qualitatifs. Il faut le reconnaître, nous n’avons pas toujours réussi, par le passé, à faire que cette aide publique au développement lorsqu’elle était quantitativement suffisante soit qualitativement pertinente. En matière d’agriculture et de lutte contre les effets du changement climatique, nous pouvons progresser s’agissant de la qualité de notre aide publique, et c’est ce que nous avons d’ores et déjà commencé à faire au niveau bilatéral.
Il faut veiller également à ce que cette aide aille bien aux populations locales. Il ne faut pas se cacher derrière son petit doigt, dans le passé toute l’aide internationale n’est pas forcément allée à ces populations ; il a pu y avoir des pertes en ligne parfois importantes. Il est de notre responsabilité, au-delà de la mobilisation de la communauté internationale, de faire en sorte que cette aide soit bien affectée aux populations. C’est pourquoi nous adopterons – nous sommes en train d’y travailler, nous l’annoncerons mi-mai – des solutions innovantes pour s’assurer de la traçabilité et du contrôle de l’aide publique. Nous le devons aux citoyens maliens, pour qu’ils voient le bénéfice de cette aide, mais aussi aux contribuables français parce que dans les temps de contraintes budgétaires que nous connaissons tous, il faut montrer en permanence l’efficacité, l’utilité, la légitimité de cette aide publique.
Je conclurai sur une équation qui a déjà été évoquée par certains et derrière laquelle nous pouvons tous nous retrouver : pas de développement sans sécurité, pas de sécurité sans développement. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC et RRDP.)

Explications de vote

M. le président. Nous en venons aux explications de vote.
Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que, sur l’autorisation de la prolongation de l’intervention des forces françaises au Mali, le vote donnerait lieu à un scrutin public.
La parole est à M. François Asensi, pour le groupe GDR.
M. François Asensi. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, il n’était pas acceptable que le Mali tombe sous la coupe des djihadistes qui détournent l’Islam pour asseoir leur volonté de pouvoir terroriste et leur dérive mafieuse.
L’enjeu était essentiel : empêcher que les Maliens se voient imposer un régime de terreur et préserver la stabilité du Sahel.
La France a entendu l’appel à l’aide de ce peuple ami. Pour cette raison, dès janvier, nous avons apporté un soutien clair au principe d’une intervention militaire sous l’égide de la communauté internationale. Nous avons également entendu sa demande de respect de sa dignité.
Notre soutien s’est ainsi assorti d’un certain nombre de réserves, mais incontestablement, nos troupes ont enregistré des succès importants sur le terrain.
À notre avis, le plus dur reste à faire. Cette première étape passée, il est urgent d’aller au fond.
Les succès militaires, par essence fragiles et provisoires, appellent un nouveau dialogue entre la France et le Mali, entre l’Europe et l’Afrique. Si nous n’ouvrons pas cette nouvelle page, les mêmes erreurs conduiront aux mêmes drames.
La déliquescence de l’État malien est la conséquence directe des politiques néolibérales imposées par le FMI et la Banque mondiale, avec malheureusement le soutien des pays développés. Privatisation des services publics, réduction de la dépense, dérégulation sauvage des échanges, ces ajustements structurels ont sapé les bases d’un État qui faisait pourtant figure de modèle démocratique.
Notre aide publique doit enfin soutenir les pays les plus en difficulté, et non appuyer les multinationales dans les pays émergents.
Ce qui est en jeu va au-delà de contrats juteux : il s’agit d’un développement partagé et soutenable de la sécurité et de la paix.
L’avenir du Mali appartient aux Maliens. Nous serons particulièrement vigilants sur le déroulement des futures élections maliennes, par ailleurs indispensables pour asseoir un pouvoir légitime et représentatif de la mosaïque malienne. Notre vigilance sera d’autant plus grande à l’égard du traité bilatéral de coopération militaire entre nos deux pays.
La France n’a pas vocation à maintenir une présence permanente au Mali.
Il est par ailleurs urgent de revoir de fond en comble notre politique d’immigration. Les accords de gestion des flux migratoires doivent être dénoncés.
J’en viens plus précisément à l’objet de notre débat.
Nous soutenons les efforts diplomatiques de la France pour obtenir une nouvelle résolution de l’ONU. La probable création d’une opération de maintien de la Paix, la MINUSMA, va dans le bon sens.
Le maintien d’une présence militaire internationale au Mali est à nos yeux indispensable. Nous n’avons pas le droit d’abandonner le peuple malien et de prendre le risque d’un retour des djihadistes.
Nous y sommes favorables, par pragmatisme également : l’armée malienne n’est pas formée et les troupes africaines demeurent mal armées et mal préparées malgré leur bravoure.
Mais soyons clairs sur la question qui nous est posée aujourd’hui : il ne s’agit pas de voter oui ou non au projet de résolution onusienne porté par la France pour mettre en place une force de maintien de la paix. Si telle était la question, nous voterions oui. Il s’agit de voter sur le maintien d’une présence militaire française, afin de lutter contre le terrorisme en marge de l’ONU mais pas sous le contrôle de l’ONU.
Autre point : la réforme de 2008 a rendu au Parlement le droit donné par la Constitution d’autoriser la guerre, mais une fois le vote d’aujourd’hui acquis, les parlementaires n’auront plus aucun droit de regard dans le futur. Or les conditions de la guerre peuvent évoluer, de même que le contexte diplomatique.
Quand pourra-t-on dire que nos troupes auront rempli leur mission ? Quels seront les objectifs réels de notre présence militaire ? Ces questions fondamentales ont reçu, à nos yeux, des réponses trop évasives. Nous n’accepterons pas une présence durable et permanente de la France au Mali.
Nos interrogations n’ont pas été totalement levées au cours de ce débat. Bien évidemment nous ne voterons pas contre la poursuite de la présence des forces françaises au Mali, mais nous nous abstiendrons. Les députés du Front de gauche réaffirment ici leur solidarité au peuple malien qui peut compter sur leur appui dans la lutte pour sa souveraineté politique et économique. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Nauche, pour le groupe SRC.
M. Philippe Nauche. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, sur la prolongation des opérations au Mali, le groupe socialiste, républicain et citoyen donnera, bien sûr, un avis favorable pour plusieurs raisons.
La première est d’ordre sécuritaire. Je rappelle, en effet, que c’est l’État malien, par la voix de son président, qui a demandé le soutien militaire de la France dans le cadre de la législation internationale pour repousser d’urgence une offensive des groupes armés terroristes contrôlant le nord du pays. Il s’agissait d’éviter une déstabilisation du pays, mais aussi de la région tout entière et par là même une menace sur la sécurité européenne et internationale.
Les objectifs fixés par le Président de la République ont été atteints. Durant le mois de janvier, l’offensive des troupes terroristes a été enrayée par les frappes aériennes et le déploiement des forces terrestres. Les villes du Nord ont été reprises. De février à mi-avril, les bases arrière des troupes terroristes ont été attaquées et, parallèlement à la sécurisation de la boucle du Niger, la MISMA est montée en puissance.
Depuis la mi-avril, nos troupes passent progressivement le relais aux forces africaines, poursuivant la sécurisation du Nord. La mission de formation de l’Union européenne se déploie et les forces françaises commencent leur désengagement.
La deuxième raison est donc de cohérence. La France a en effet déposé à l’ONU, comme cela a été rappelé, une proposition de résolution tendant à autoriser le déploiement d’environ douze mille casques bleus sous le mandat d’une « mission intégrée des Nations Unies de stabilisation multidimensionnelle au Mali », dite MINUSMA. Celle-ci devrait débuter en juillet.
Nous pouvons désormais considérer que, sur le plan stratégique, l’armée malienne commence à reprendre confiance. La quasi-totalité du territoire est libérée, le pays a recouvré sa souveraineté et son existence n’est plus menacée : il doit à présent s’organiser politiquement.
Sur le plan opérationnel, le Président de la République a arrêté un scénario de retrait progressif de nos forces, à mesure que montera en puissance la mission internationale de soutien au Mali, la MISMA, bientôt relayée par la MINUSMA.
Enfin, sur le plan politique, s’agissant de la réconciliation nationale que nous appelons de nos vœux et dont nous connaissons les difficultés, des éléments nouveaux laissent entrevoir plus qu’un frémissement : la Commission de dialogue et réconciliation se met en place et la tenue de l’élection présidentielle est prévue pour l’été prochain.
Je n’oublie pas non plus le rôle fondamental joué aux côtés de la France par l’Union africaine et son président pour mobiliser la communauté internationale en faveur du Mali. N’oublions pas non plus la place centrale du Mali sur le plan géographique et l’effet positif qu’aura sa stabilité sur l’Afrique de l’ouest et l’Afrique centrale, à l’heure où les plus vives inquiétudes se font jour concernant le Centrafrique.
Pour l’ensemble de ces raisons et dans le but d’assurer une phase de transition sécurisée avant le redéploiement des troupes françaises, la prolongation des opérations françaises au Mali doit être votée aujourd’hui. C’est cela qui permettra les évolutions politiques nécessaires et apportera la sécurité indispensable aux actions de développement, fondamentales pour l’avenir des Maliens.
Avant de conclure mon propos, je voudrais, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, rendre hommage aux soldats français qui ont laissé leur vie sur le terrain des opérations et adresser mes condoléances à leurs familles. Je forme également tous les vœux pour les blessés en cours de traitement.
De même, il me semble nécessaire qu’une pensée aille aux otages et à leurs familles, afin de les assurer de la détermination de la France à obtenir leur libération. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel, pour le groupe UMP.
M. Philippe Vitel. Quelques semaines avant que nous engagions notre intervention militaire, l’association de défense des droits de l’Homme Human Rights Watch dénonçait les graves exactions commises par les groupes armés islamistes qui contrôlaient alors le nord du Mali.
Ansar Dine, le MUJAO et Aqmi semaient la terreur et se livraient à des actes d’une extrême cruauté : amputations, flagellations, exécutions, utilisation d’enfants soldats de onze et douze ans, destruction du patrimoine historique, culturel et religieux. Autant de violations des lois internationales pour imposer leur interprétation stricte de la charia et forcer la population à adopter leur vision du monde.
Le reste du pays, lui, n’en finissait pas d’attendre le retour d’une normalité institutionnelle et politique, craignant chaque jour que lui soit réservé le même sort.
La prise du Nord-Mali, le risque d’extension du conflit dans les pays voisins et les motivations anti-occidentales de ces groupes terroristes, mais aussi une crise alimentaire, humanitaire et sociale sans précédent, rendaient nécessaire une intervention internationale.
C’est dans ces conditions que nos forces armées sont intervenues le 11 janvier pour soutenir les forces maliennes et mettre en œuvre, avec l’appui des forces multinationales africaines de la MISMA, la résolution 2085 du Conseil de sécurité des Nations Unies.
De nombreux pays alliés nous ont apporté leur soutien logistique et nous pouvons les en remercier.
Un peu plus de trois mois après le début de notre engagement et grâce à la remarquable action de nos troupes, nous pouvons considérer que la plus grande partie des groupes terroristes ont été neutralisés. J’ai en ce moment une pensée pour les cinq soldats qui y ont laissé la vie et pour ceux qui ont été gravement blessés.
Nous devons en premier lieu continuer à tout mettre en œuvre pour retrouver vivants les huit otages que nous avons encore dans la région.
Nous devons ensuite continuer à exterminer, jusqu’au plus petit groupuscule dormant, ces fanatiques criminels.
Toutefois notre action ne doit pas se contenter d’être militaire, mais doit aussi s’inscrire dans un cadre politique, afin de tenter d’apporter à ce pays ami une solution pacifique durable, au sein d’un véritable État de droit. Cela passe par la reconstruction d’un contrat social permettant à toutes les identités qui la composent de cohabiter.
Aussi devons-nous les accompagner dans leur démarche démocratique qui doit aboutir aux élections de juillet, en souhaitant que leur date puisse être confirmée.
Cela passe aussi par la mise en œuvre d’un processus de développement sur le long terme qui permettra de ne plus regarder cette région sous les seuls angles sécuritaire et humanitaire.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, le groupe UMP soutiendra par son vote la poursuite de l’opération Serval tant que celle-ci se révélera nécessaire.
Le chef de l’État évoquait le maintien sur place de deux mille soldats en juillet et de mille en décembre. Cette hypothèse est crédible, même si nous savons qu’il est toujours hasardeux de se lancer dans ce type de prévision, tellement l’incertitude stratégique – dont tient compte, dans ses fondements, notre politique de sécurité et de défense – est immense dans cette partie du monde.
Cela devra d’ailleurs nous conduire à ne pas obérer nos capacités par des réductions drastiques de nos budgets à l’occasion de la prochaine loi de programmation militaire.
Nous devons pouvoir, dans le contexte d’instabilité que nous connaissons et compte tenu du caractère imprévisible des menaces, continuer à nous appuyer sur une armée complète, capable d’intervenir à n’importe quel endroit de l’arc de crise, comme elle l’a fait si brillamment au Mali. C’est là le devoir, l’honneur et la fierté de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. Le scrutin public est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Francis Hillmeyer, pour le groupe UDI.
M. Francis Hillmeyer. Depuis le 11 janvier 2013, la France est engagée au Mali dans l’opération Serval.
Dès l’annonce du lancement de cette opération Serval, les députés du groupe UDI et leur président, Jean-Louis Borloo, ont apporté leur soutien sans réserve au Président de la République et au Gouvernement, dans un cadre de responsabilité et d’union nationale, face à cette situation d’extrême urgence et de danger tant pour la population malienne que pour les six mille ressortissants français de Bamako.
Il était en effet absolument nécessaire d’intervenir, suite à l’appel pressant du gouvernement malien, pour faire face à une attaque terroriste d’envergure.
Il est aujourd’hui tout aussi nécessaire de maintenir des effectifs en nombre suffisant au Mali, afin de continuer à assurer la sécurité de ce pays et de ses habitants dans de bonnes conditions.
Nos quatre mille militaires déployés au Mali y mènent une action exemplaire. Nous saluons leur bataille, ils sont la fierté de la France.
Qu’il me soit d’ailleurs ici permis, à mon tour, pour le groupe UDI, de rendre hommage à nos cinq hommes morts au combat depuis le début de l’opération Serval : le chef de bataillon Damien Boiteux, l’adjudant Harold Vormezeele, le caporal-chef Cédric Charenton, le maréchal des logis Wilfried Pingaud ainsi que le caporal-chef Alexandre Van Dooren.
Cet engagement de nos troupes, c’est avant tout l’engagement de la France pour la défense de la démocratie, de la liberté et de la lutte contre le fondamentalisme.
Il est de notre devoir de continuer ce combat, et de nous assurer que la paix et la démocratie demeurent au Mali.
Cet objectif demande du temps et un retrait trop rapide de nos troupes reviendrait très probablement à laisser le pays sombrer à nouveau dans le terrorisme.
La France a prouvé sa valeur dans ce combat, elle doit le poursuivre jusqu’au bout.
À ce titre, je tiens à rappeler que la France, à nouveau membre du commandement intégré de l’OTAN, n’a reçu aucune aide sur le champ de bataille.
Les avancées rapides de l’opération Serval et les succès rencontrés depuis le début de la mission au Mali ont ainsi, une nouvelle fois, prouvé la puissance militaire de notre pays, la qualité de nos hommes et de notre matériel.
Ceci est une preuve supplémentaire, si besoin en était, de la nécessité de maintenir le budget de la défense à un niveau suffisant pour les années 2014 et suivantes. Ce budget, qui contribue déjà de manière très significative au nécessaire effort de redressement de notre pays, ne peut pas devenir la variable d’ajustement d’une politique budgétaire.
Alors que la France est fière de défendre les valeurs universelles de liberté, de démocratie, des droits de l’Homme, réduire de manière drastique le budget des armées, comme cela a pu être évoqué, emporterait des conséquences dramatiques.
Il en va de la sécurité de notre pays et de tous les Français, mais aussi de la grandeur, du rayonnement et de l’honneur de la France.
Afin que le travail et les sacrifices de nos militaires au Mali, depuis le début de l’opération Serval, n’aient pas été faits en vain, les députés du groupe UDI estiment que l’engagement de la France doit se prolonger le temps nécessaire.
Nous appelons également le Gouvernement à poursuivre les efforts diplomatiques pour mobiliser politiquement l’Europe, afin de concentrer tous nos efforts sur le développement du Mali et, au-delà, de l’Afrique toute entière.
Ces relations diplomatiques, dans le cas du Cameroun, ont permis, et nous le saluons, la libération des otages, M. Moulin-Fournier, son frère, son épouse et leurs quatre enfants, enlevés dans l’extrême nord de ce pays en février 2013 par des ravisseurs se réclamant de la secte islamique Boko Haram.
L’Afrique est notre plus grand danger comme notre plus grande chance.
Le danger est devant nos yeux lorsque nous nous engageons au Mali, pour mettre un terme à une menace terroriste.
Nous devons également être conscients de la chance exceptionnelle que représente l’Afrique, notre voisine : des espaces naturels préservés, un formidable potentiel en matière d’énergies renouvelables, une population jeune...
Nous avons la responsabilité de mettre en place un grand plan de solidarité économique, éducatif, énergétique et climatique pour l’Afrique.
Les députés du groupe UDI voteront donc en faveur de cette déclaration et espèrent que le Gouvernement engagera à présent une réelle politique pour l’Afrique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)
M. le président. La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe écologiste.
M. François de Rugy. Il y a quelques minutes, j’évoquais la cohérence globale de l’action menée par le gouvernement français au Mali.
Le groupe écologiste a pleinement conscience de la distance qui nous sépare encore de la sortie de crise dans ce pays.
Le processus de réconciliation malien, comme l’avenir politique du pays, demeurent incertains. Nous devons donc rester mobilisés.
Dans la trajectoire que nous avons tracée avec les autorités maliennes, le respect du temps long de la transition est une nécessité.
Le calendrier fixé par le Président de la République prévoit que le contingent français soit ramené à deux mille hommes en juillet, puis à mille hommes pour la fin de l’année. Cette force pourrait ensuite être mise à disposition des Nations unies. La gestion de la crise devrait être internationalisée dans les mois qui viennent, rejoignant ainsi une vision conforme à la doctrine que nous, écologistes, défendons en matière d’intervention militaire extérieure.
Exiger aujourd’hui un retrait total et immédiat des armées françaises du Mali reviendrait à renouer avec la tradition d’une politique du coup par coup que nous souhaitons révolue.
Le travail qui a été réalisé depuis quatre mois ne doit pas être sacrifié. Il faut au contraire le faire fructifier. Les objectifs fixés par le Président de la République au lancement de l’intervention au Mali sont en passe d’être atteints : cela n’était évidemment pas garanti. Nous avions soutenu la démarche de la France le 16 janvier dernier, lors du débat dans notre assemblée. Nous le faisons aujourd’hui, à nouveau, en toute logique. Le groupe écologiste votera donc pour la prolongation de l’opération au Mali. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Moignard, pour le groupe RRDP.
M. Jacques Moignard. Quatre mois après le début de l’intervention, l’opération Serval affiche un bilan positif.
D’abord parce que la France a mené en amont un intense travail diplomatique, en faisant adopter par les Nations unies les résolutions légitimant une opération au Mali, en préparant la constitution d’une force interafricaine d’intervention et sa formation par l’Union européenne, en sensibilisant l’administration américaine au risque régional. Ainsi, dans les heures qui ont suivi le déclenchement de l’opération, la France a obtenu le soutien de l’Union africaine, l’approbation diplomatique de nos partenaires européens, l’appui logistique des États-Unis, de la Grande-Bretagne et d’autres pays, comme l’Algérie qui ouvrait son espace aérien aux avions français.
Le bilan de l’opération est positif grâce à l’exceptionnelle qualité opérationnelle de nos forces armées qui, sachant réagir dans l’urgence, ont su, par une guerre de mouvement habile, sur un terrain hostile, frapper rapidement et avec précision.
Par conséquent, les objectifs du Président de la République sont pour l’essentiel atteints. En effet, l’agression terroriste a été stoppée, la sécurisation du pays mise en place et l’intégrité territoriale retrouvée.
Cependant, un retrait immédiat de la France serait fatal et rendrait vain tout le travail accompli au Mali. Même si elle n’a pas vocation à y demeurer indéfiniment, après avoir perdu plusieurs hommes au combat et sachant que l’opération Serval représente un coût important pour le budget de l’État, la France ne pourra se détacher de ce pays tant que les forces africaines, seules, ne pourront pleinement prendre la relève pour sécuriser le territoire et que les forces de maintien de la paix de l’ONU n’y seront pas installées dans des conditions optimales.
Dans cette optique, la décision du Président de la République de diminuer progressivement les effectifs de l’opération Serval de 4 000 à 3 000 hommes, avec un objectif de 2 000 hommes en juillet puis de 1 000 en fin d’année, est justifiée. Ce retrait progressif, déjà entrepris et réalisé de façon pragmatique en fonction de l’évolution de la situation, permet en effet de continuer à sécuriser le territoire et d’éviter toute résurgence de groupes terroristes armés. De même, la présence en nombre de nos militaires au sein de la mission européenne de formation de l’armée malienne permettra de former quatre bataillons de 650 hommes en quinze mois.
Le maintien permanent, sur le territoire, d’une force parallèle, force d’appui, comme vient de le souligner le ministre des affaires étrangères, en soutien de la future opération de l’ONU, et composée d’un millier d’hommes équipés, servira en priorité à lutter contre le terrorisme.
Par conséquent, les députés du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste voteront l’autorisation de la prolongation de l’intervention des forces françaises au Mali. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RRDP et SRC.)

Vote sur la déclaration du Gouvernement

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix la déclaration du Gouvernement sur l’autorisation de la prolongation de l’intervention des forces françaises au Mali.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 352
Nombre de suffrages exprimés 342
Majorité absolue 172
Pour l’adoption 342
Contre 0
(La déclaration du Gouvernement sur l’autorisation de la prolongation de l’intervention des forces françaises au Mali est adoptée.)
(Applaudissements sur de très nombreux bancs.)
2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, mardi 23 avril à neuf heures trente :
Questions orales sans débat.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale,
Nicolas Véron

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