BFM.TV 28/10/2017 à 14h43
La Chine veut pouvoir identifier des suspects au son de leur
voix. Pour cela, les autorités veulent créer une gigantesque base de données
biométriques. - Wang Zhao - AFP
La Chine veut créer la plus importante base de données vocale de la planète. Le projet consiste à permettre aux autorités de pouvoir identifier une personne à partir d’un enregistrement audio ou de conversations téléphoniques. Les entreprises étrangères installées sur son territoire devront fournir les données si le pouvoir l'exige.
Au départ, il s’agit de protéger la population en traquant plus efficacement les criminels et les terroristes. Pour cela, la Chine compte utiliser des méthodes biométriques qui inquiètent déjà les associations de défense des droits de l’homme. Le ministère de la Sécurité publique a annoncé son intention d’enrichir sa base de données biométriques (empreinte digitale, groupe sanguin) avec la reconnaissance vocale afin de pouvoir identifier une personne à partir d’un enregistrement audio ou de conversations téléphoniques prises à la volée sur les réseaux télécoms. Et pour être vraiment efficace, l’ensemble de la population ayant atteint la majorité, environ un milliard de personnes, devra laisser un échantillon de sa voix aux autorités.Ce projet de portrait biométrique multimodal aurait déjà démarré pour certaines catégories de la population, comme la communauté ouïgoure dans la province du Xianjiang. Selon l'association Human Rights Watch, ses membres doivent déjà enregistrer leur voix pour obtenir un passeport.
Protéger les internautes chinois et le business
Si l’ambition affichée de ce projet est d’ordre sécuritaire, la stratégie chinoise est aussi économique. Pour la reconnaissance vocale, le gouvernement collabore avec IFlyTek, une biotech cotée à la bourse de Shenzhen, mais le but est de booster la recherche en biométrie et inciter des start-up à se lancer dans la reconnaissance naturelle du langage afin de ne pas laisser les marchés aux Américains. Aux États-Unis, il existe au moins 250 entreprises spécialisées dans le domaine contre seulement 92 en Chine.Et pour limiter le potentiel des entreprises étrangères sur son territoire, la Chine a mis en place en juin dernier une loi pour encadrer l’utilisation des données personnelles. L’internaute chinois peut désormais décider ou non de laisser une entreprise collecter les informations le concernant. C’est un pas en avant sur le respect de l’usage des données privées qui devront être stockées en Chine, pour mieux les protéger, mais un pas en arrière pour la liberté des internautes comme l'a signalé au Monde Séverine Arsène. Cette chercheuse au CEFC (Centre d’études français sur la Chine contemporaine) et rédactrice en chef de la revue Perspectives Chinoises, précise que si "les individus et les données sont protégés vis-à-vis des entreprises" elles ne le sont plus "vis-à-vis de l’État". En effet, les sociétés étrangères qui ont développé des activités sur le territoire chinois sont désormais obligées de fournir les données au gouvernement s’il l’exige.
Avant l’adoption de ce texte, une cinquantaine d’entreprises et d’administration ont tenté de s’y opposer et ont adressé un courrier aux autorités que Reuters a pu consulter. Parmi elles, les Chambres de commerce de l’Union européenne et des États-Unis et la BSA (Business Software Alliances), une association d'éditeurs de logiciels qui a pour adhérents Apple, Microsoft, Cisco, Salesforce ou IBM. Ces groupes s’inquiètent des conséquences économiques de ces mesures. Pour les rassurer, le gouvernement leur a répondu qu’il ne s’agit pas de porter atteinte à leur business, mais seulement de renforcer la lutte contre les cybermenaces.
Pour ficher la voix de sa population, les autorités vont-elles demander aux entreprises qui ont développé des assistants intelligents à commande vocale de leur donner un coup de main?
Pascal Samama
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