Mercredi 25 Mai 2011
Prier en action de grâce si décontenançant soit le présent… [1]. De même que le sarment ne peut pas porter du fruit par lui-même s’il ne demeure pas sur la vigne, de même vous non plus, si vous ne demeurez pas en moi. Pas un lien de dépendance, pas une recette d’efficacité et de fécondité, quoique pratiquement il y ait de cela, mais une commune, une mutuelle demeurance, qui caractérise le royaume des Cieux, notre participation à la vie trinitaire. Cette insistance du Christ sur la nature de son rapport au Père, et par analogie ou tout simplement parce que le principe de la vie – le réel, au sens le plus global, total, accompli, entendu du terme – est là : demeurer l’un dans l’autre, les uns dans les autres. Réalisation de l’unité. Parabole que nous donne l’étreinte sexuelle, union et fécondité comprise. Ambition de tout bonheur, jamais solitaire mais jamais non plus anéantissant. En dehors de moi, vous ne pouvez rien faire. L’être a pour attribut le faire. Jean philosophe, évidemment, mais c’est question de vie et c’est la tranquille compréhension de ce qu’a montré le Seigneur, avec aussi cette entreprise de Dieu sur nous : qui ne porte pas de fruit, mon Père l’enlève ; tout sarment qui donne du fruit, il le nettoie pour qu’il en donne davantage… Les sarments secs, on les ramasse, on les jette au feu, et ils brûlent. Comment réaliser et maintenir cette union au Christ ? de tous à tous ? Il y a le dessein – la Création permanente – le dessein de Dieu : ce qui fait la gloire de mon Père, cest que vous donniez beaucoup de fruit : ainsi vous serez pour moi des disciples. Il y a la prière quelle que soit sa forme, quel que soit son appellation : si vous demeurez en moi et que mes paroles demeurent en vous, demandez tout ce que vous voudrez et vous l’obtiendrez. Nous serons en effet dans le dessein de Dieu, selon son dessein. Type d’intelligence, d’exposé, d’expression de Jean : elle est en partie marquée par une époque, sans doute par l’hellénisme, c’est l’affaire de l’écriture de cet évangile tardif, mais elle est surtout faite d’une osmose pas seulement affective avec le Christ. Ce dernier parle en parabole, s’exprime et se fait comprendre ainsi. La redite, la repasse, une forme de commentaire nous élevant à la théorie, à l’abstraction – pourrions-nous croire – sont le génie et l’inspiration johannique. En fait, si parfait et ingénieux que cela soit, ce n’est finalement que le balbutiement humain avant de tomber dans la prière et le silence. Ils rapportèrent tout ce que Dieu avait fait avec eux.
après-midi
Six mois intenses, des événements qui sont tous des conséquences. Le plus important est sans doute la contagion en cours des révoltes arabes contre des dictatures tolérées par tous, et surtout par les démocraties, contagion maintenant en Europe : conjonction des résultats subis de gestions mauvaises et de la sensation forte que les dirigeants n’ont aucun contact avec ceux qu’ils dirigent, qu’ils n’e partagent ni les souhaits, ni les conditions de vie, ni l’expérience. La mondialisation était des marchandises, de la spéculation financière, des dogmatiques et des idéologies partagées entre dirigeants et cooptés, elle peut devenir une sorte de télépathie universelle, application de l’intuition de Teilhard de Chardin sur la « noosphère », illustration d’un bien commun entre les religions et les morales : la communion du vivant avec tout le vivant. Bref, la révolte peut gagner l’Europe, la France et prendre des formes inédites et donc peu réductibles par les moyens habituels de rétablissement de l’ordre ou le verdict des urnes. L’Espagne depuis dix jours : exemplaire, après Tunis et Le Caire.
Prier en action de grâce si décontenançant soit le présent… [1]. De même que le sarment ne peut pas porter du fruit par lui-même s’il ne demeure pas sur la vigne, de même vous non plus, si vous ne demeurez pas en moi. Pas un lien de dépendance, pas une recette d’efficacité et de fécondité, quoique pratiquement il y ait de cela, mais une commune, une mutuelle demeurance, qui caractérise le royaume des Cieux, notre participation à la vie trinitaire. Cette insistance du Christ sur la nature de son rapport au Père, et par analogie ou tout simplement parce que le principe de la vie – le réel, au sens le plus global, total, accompli, entendu du terme – est là : demeurer l’un dans l’autre, les uns dans les autres. Réalisation de l’unité. Parabole que nous donne l’étreinte sexuelle, union et fécondité comprise. Ambition de tout bonheur, jamais solitaire mais jamais non plus anéantissant. En dehors de moi, vous ne pouvez rien faire. L’être a pour attribut le faire. Jean philosophe, évidemment, mais c’est question de vie et c’est la tranquille compréhension de ce qu’a montré le Seigneur, avec aussi cette entreprise de Dieu sur nous : qui ne porte pas de fruit, mon Père l’enlève ; tout sarment qui donne du fruit, il le nettoie pour qu’il en donne davantage… Les sarments secs, on les ramasse, on les jette au feu, et ils brûlent. Comment réaliser et maintenir cette union au Christ ? de tous à tous ? Il y a le dessein – la Création permanente – le dessein de Dieu : ce qui fait la gloire de mon Père, cest que vous donniez beaucoup de fruit : ainsi vous serez pour moi des disciples. Il y a la prière quelle que soit sa forme, quel que soit son appellation : si vous demeurez en moi et que mes paroles demeurent en vous, demandez tout ce que vous voudrez et vous l’obtiendrez. Nous serons en effet dans le dessein de Dieu, selon son dessein. Type d’intelligence, d’exposé, d’expression de Jean : elle est en partie marquée par une époque, sans doute par l’hellénisme, c’est l’affaire de l’écriture de cet évangile tardif, mais elle est surtout faite d’une osmose pas seulement affective avec le Christ. Ce dernier parle en parabole, s’exprime et se fait comprendre ainsi. La redite, la repasse, une forme de commentaire nous élevant à la théorie, à l’abstraction – pourrions-nous croire – sont le génie et l’inspiration johannique. En fait, si parfait et ingénieux que cela soit, ce n’est finalement que le balbutiement humain avant de tomber dans la prière et le silence. Ils rapportèrent tout ce que Dieu avait fait avec eux.
après-midi
Six mois intenses, des événements qui sont tous des conséquences. Le plus important est sans doute la contagion en cours des révoltes arabes contre des dictatures tolérées par tous, et surtout par les démocraties, contagion maintenant en Europe : conjonction des résultats subis de gestions mauvaises et de la sensation forte que les dirigeants n’ont aucun contact avec ceux qu’ils dirigent, qu’ils n’e partagent ni les souhaits, ni les conditions de vie, ni l’expérience. La mondialisation était des marchandises, de la spéculation financière, des dogmatiques et des idéologies partagées entre dirigeants et cooptés, elle peut devenir une sorte de télépathie universelle, application de l’intuition de Teilhard de Chardin sur la « noosphère », illustration d’un bien commun entre les religions et les morales : la communion du vivant avec tout le vivant. Bref, la révolte peut gagner l’Europe, la France et prendre des formes inédites et donc peu réductibles par les moyens habituels de rétablissement de l’ordre ou le verdict des urnes. L’Espagne depuis dix jours : exemplaire, après Tunis et Le Caire.
On serait donc dans l’imprévisible souhaitable tant les impasses sur tous les sujets sont criantes. Mais il y a deux sortes d’accident. Celui dans la sphère des dirigeants, dans la politique et les relations internationales classiques : par exemple, les crises financières et économiques du XXème siècle ou celle datée d’Octobre 2008 et dont chacun – au contraire de l’expérience des victimes, des chômeurs, etc. – crie et commente à l’envie qu’elle est déjà derrière nous. Les guerres sont de cette sorte, quand elles ne sévissent pas chez nous. Même la Yougoslavie, à nos portes, est demeurée, il y dix-quinze ans, une question de cours ou d’actualité mais pas un problème vécu : nous n’avons été ni Ruandais ni Bosniaque, nous ne sommes pas davantage libyens. Mais – accident inédit – nous pourrions être tunisien ou cairote, en avoir marre. Ce qui n’est pas du tout un « remake » de Mai 68, où l’on voulait autre chose. Aujourd’hui, c’est n’en plus pouvoir soit matériellement soit esthétiquement, soit les deux.
D.S.K. est l’archétype que nous pouvions chercher. Il est évident que la « punition » est disproportionnée, non débattue et appliquée par avance, que la part d’humiliation est sans commune mesure avec celle qu’il a fait subir à sa victime, mais il est indéfendable en tant qu’homme et d’abord par rapport à lui-même. Quand on a l’ambition d’être le président de son pays, on en prend l’emploi intimement, moralement, on est responsable non seulement de son propre destin mais de l’espérance lu des paris que tant de gens, des compatriotes font sur vous. Il y a une sorte d’obligation de perfection si possible vis-à-vis de ceux qui se fondent sur vous. Ce que je lui reproche – maintenant que posément les faits apparaissent, qu’il y a bien eu agression sexuelle et que c’est une vériable habitude ou manie chez lui, et donc qu’il ne se tirera des prisons américaines qu’en dédommageant grassement sa victime, qu’en l’achetant – ce que je lui reproche, c’est son inconséquence. Il a une ambition, il doit en être digne, bien avant de gagner et qu’il gagne ou pas. Tout se passe dans une psychologie – qui s’avère, là… malade – comme si le long terme, la perspective des responsabilités de chef d’Etat ne pesait pas davantage dans sa vie quotidienne que la satisfaction de ses pulsions, goûts et autres habitudes, et même pesait plutôt moins. C’est faire preuve d’une immaturité effarante ou d’un égotisme, d’un sans-gêne, d’une certitude d’immunité qui sont d’une grande naïveté et pas du tout estimables. Mais précisément c’est le type-même de beaucoup de dirigeants aujourd’hui, du moins en France (quoique La Vie ait pu donner un palmarès peu honorable des adultères et autres vilenies de Bill Clinton, avant et pendant sa présidence). L’ambition ne se paye plus de rectitude, de surveillance de soi-même. On manque à soi et aux autres, indépendamment de tout ce que l’on fait subir à ses victimes. Quand on sait ses faiblesses, ou bien l’on s’en garde ou corrige, ou bien on ne grimpe pas à l’échelle.
Nicolas Sarkozy est un autre archétype. Il reflète exactement l’évolution de la direction des grands groupes économiques et financiers. Il faut toucher à tout ce qui est lucratif, faire tous les métiers pourvu que ceux-ci rapportent même s’ils n’ont aucun rapport avec l’objet social originel. Il faut cumuler les centres de profit, ce qui en politique a été transposé depuis quatre ans par du touche-à-tout, de la brigue constante de marquer, refonder, reformuler tous les sujets proposés par l’actualité. Objectif : nullement remplir ses fonctions, mais se valoriser soi-même. Exactement comme ces dirigeants avides de « croissance externe », la règle d’accumulation-accaparement traduite par des salaires énormes, par des « retraites-chapeaux » et des gratifications en capital, le politique accumule des heures de présence, de discours, de réunions et surtout les fait savoir. Pour les dirigeants d’entreprises, pour tous – quel que soit leur statut personnel – qui veillent tellement et personnellement à leurs émoluments, à leurs retraites, c’est l’aveu terrible qu’ils se défient de la société, donc de leur propre œuvre puisqu’ils sont les principaux responsables des lacunes sociales et des dérèglements de l’économie. Leur comportement aussi captatatif des résultats d’entreprise dont ils ne sont que le premier préposé, accentue d’ailleurs cette désagrégation de la société. Nicolas Sarkozy transpose fidèlement : il a gangrené toute la discussions publique ces derniers mois en la faisant porter, depuis son discours de Grenoble, sur l’immigration. Il est arrivé, se maintient et croit l’emporter, malgré tous les sondages de ces derniers mois et jours, par des réseaux. Le réseau est aussi un aveu que la société se porte mal, qu’il faut la contourner ou s’en protéger. C’est la maçonnerie sans sa philosophie et sa relative ouverture.
De Gaulle incarne un tout autre type que Sarkozy ou Strauss-Kahn. Sans doute sans ambition autre que militaire, donc professionnelle, il s’adapte totalement en 1940 à ce que ceux qui le rejoignent, attendent de lui. Il n’est de Gaulle et son appel n’est entendu et suivi que parce qu’ils sont attendus par des gens de grande qualité, tout le contraire d’une coalition d’arrivistes se choisissant la meilleure « locomotive » sans regarder aux thèmes et aux moyens. Le général s’oublie donc lui-même, se maîtrise et se laisse instrumenter par la responsabilité qu’il a plus reçue des circonstances qu’il ne l’a cherchée. Son rapport à l’argent, à la notoriété-même est limpide : il en est détaché. Il a la passion de ce pour quoi il est désormais fait. Il se comporte en fonction de sa mission, donc selon une échelle de valeurs. Il n’attend du pouvoir aucune satisfaction, aucun confort, aucune gloire. Il est serviteur. Son parcours et sa vie le montrent à l’évidence.
D.S.K. est l’archétype que nous pouvions chercher. Il est évident que la « punition » est disproportionnée, non débattue et appliquée par avance, que la part d’humiliation est sans commune mesure avec celle qu’il a fait subir à sa victime, mais il est indéfendable en tant qu’homme et d’abord par rapport à lui-même. Quand on a l’ambition d’être le président de son pays, on en prend l’emploi intimement, moralement, on est responsable non seulement de son propre destin mais de l’espérance lu des paris que tant de gens, des compatriotes font sur vous. Il y a une sorte d’obligation de perfection si possible vis-à-vis de ceux qui se fondent sur vous. Ce que je lui reproche – maintenant que posément les faits apparaissent, qu’il y a bien eu agression sexuelle et que c’est une vériable habitude ou manie chez lui, et donc qu’il ne se tirera des prisons américaines qu’en dédommageant grassement sa victime, qu’en l’achetant – ce que je lui reproche, c’est son inconséquence. Il a une ambition, il doit en être digne, bien avant de gagner et qu’il gagne ou pas. Tout se passe dans une psychologie – qui s’avère, là… malade – comme si le long terme, la perspective des responsabilités de chef d’Etat ne pesait pas davantage dans sa vie quotidienne que la satisfaction de ses pulsions, goûts et autres habitudes, et même pesait plutôt moins. C’est faire preuve d’une immaturité effarante ou d’un égotisme, d’un sans-gêne, d’une certitude d’immunité qui sont d’une grande naïveté et pas du tout estimables. Mais précisément c’est le type-même de beaucoup de dirigeants aujourd’hui, du moins en France (quoique La Vie ait pu donner un palmarès peu honorable des adultères et autres vilenies de Bill Clinton, avant et pendant sa présidence). L’ambition ne se paye plus de rectitude, de surveillance de soi-même. On manque à soi et aux autres, indépendamment de tout ce que l’on fait subir à ses victimes. Quand on sait ses faiblesses, ou bien l’on s’en garde ou corrige, ou bien on ne grimpe pas à l’échelle.
Nicolas Sarkozy est un autre archétype. Il reflète exactement l’évolution de la direction des grands groupes économiques et financiers. Il faut toucher à tout ce qui est lucratif, faire tous les métiers pourvu que ceux-ci rapportent même s’ils n’ont aucun rapport avec l’objet social originel. Il faut cumuler les centres de profit, ce qui en politique a été transposé depuis quatre ans par du touche-à-tout, de la brigue constante de marquer, refonder, reformuler tous les sujets proposés par l’actualité. Objectif : nullement remplir ses fonctions, mais se valoriser soi-même. Exactement comme ces dirigeants avides de « croissance externe », la règle d’accumulation-accaparement traduite par des salaires énormes, par des « retraites-chapeaux » et des gratifications en capital, le politique accumule des heures de présence, de discours, de réunions et surtout les fait savoir. Pour les dirigeants d’entreprises, pour tous – quel que soit leur statut personnel – qui veillent tellement et personnellement à leurs émoluments, à leurs retraites, c’est l’aveu terrible qu’ils se défient de la société, donc de leur propre œuvre puisqu’ils sont les principaux responsables des lacunes sociales et des dérèglements de l’économie. Leur comportement aussi captatatif des résultats d’entreprise dont ils ne sont que le premier préposé, accentue d’ailleurs cette désagrégation de la société. Nicolas Sarkozy transpose fidèlement : il a gangrené toute la discussions publique ces derniers mois en la faisant porter, depuis son discours de Grenoble, sur l’immigration. Il est arrivé, se maintient et croit l’emporter, malgré tous les sondages de ces derniers mois et jours, par des réseaux. Le réseau est aussi un aveu que la société se porte mal, qu’il faut la contourner ou s’en protéger. C’est la maçonnerie sans sa philosophie et sa relative ouverture.
De Gaulle incarne un tout autre type que Sarkozy ou Strauss-Kahn. Sans doute sans ambition autre que militaire, donc professionnelle, il s’adapte totalement en 1940 à ce que ceux qui le rejoignent, attendent de lui. Il n’est de Gaulle et son appel n’est entendu et suivi que parce qu’ils sont attendus par des gens de grande qualité, tout le contraire d’une coalition d’arrivistes se choisissant la meilleure « locomotive » sans regarder aux thèmes et aux moyens. Le général s’oublie donc lui-même, se maîtrise et se laisse instrumenter par la responsabilité qu’il a plus reçue des circonstances qu’il ne l’a cherchée. Son rapport à l’argent, à la notoriété-même est limpide : il en est détaché. Il a la passion de ce pour quoi il est désormais fait. Il se comporte en fonction de sa mission, donc selon une échelle de valeurs. Il n’attend du pouvoir aucune satisfaction, aucun confort, aucune gloire. Il est serviteur. Son parcours et sa vie le montrent à l’évidence.
[1] - Actes des Apôtres XV 1 à 6 ; psaume CXXII ; évangile selon saint Jean XV 1 à 8
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire