jeudi 19 mai 2011

Inquiétude & Certitudes - jeudi 19 mai 2011

Jeudi 19 Mai 2011

Prier s’il est possible, que de déblais à opérer mais c’est l’existence humaine que d’avoir à déblayer et remblayer…
[1] et avancer vers l’autel de l’oraison est joie, chaleur, lumière. Paul invité à prendre la parole à la synagogue d’Antioche de Pisidie, cf. le Christ à Nazareth, il est lecteur de surcroît et « tombant sur Isaïe »… culture de Paul, il connaît l’Ancien Testament comme Jésus sans doute le fit re-parcourir aux disciples qu’il avait rejoint sur la route d’Emmaüs, et il a travaillé avec soin la tradition des Douze dont il donne à propos du Précurseur le décisif témoignage : vécu. Au moment d’achever sa route, Jean disait : ‘ Celui auquel vous pensez, ce n’est pas moi. Mais le voici qui vient après moi, et je ne suis pas digne de lui défaire ses sandales. Devant l’Aréopage, le discours sera différent : l’auditoire n’est pas de même culture religieuse. Devant nous, devant moi, qu’est-ce qui « mord » ? comme discours, comme témoignage ? Je ne parle pas pour vous tous. Moi, je sais quels sont ceux que j’ai choisis. Suis-je Judas ? parfois ? souvent ? recevoir celui que j’envoie, c’est me recevoir moi-même (le système diplomatique français devrait en prendre pour son compte, le mépris ambiant des services parisiens, au Quai d’Orsay, pour les ambassadeurs en poste) et me recevoir, c’est recevoir celui qui m’envoie. Par le Christ, la pétition divine. Le raisonnement cartésien : idea Dei, Deus est a sa force philosophique, il n’est pas chrétien. Il nous faut l’envoyé. C’est d’ailleurs le trait commun aux trois rameaux de la descendance spirituelle d’Abraham. Dieu a suscité David pour le faire roi et il lui a rendu ce témoignage : ‘ J’ai trouvé David, fils de Jessé, c’est un homme selon mon cœur ; il accomplira toutes mes volontés.’ Et comme il l’avait promis, Dieu a fait sortir de sa descendance un sauveur pour Israël : c’est Jésus, dont Jean Baptiste a préparé la venue… Révélation divine par le truchement des hommes, redoublement de l’Incarnation. Il me dira : Tu es mon Père, mon Dieu, mon roc et mon salut !

matin

Aux bons soins de notre ambassadeur à Washington et de notre consul général à New-York, j’écris à Dominique Strauss-Kahn et à Anne Sinclair… ne connaissant pas leur adresse. Ma femme signe avec moi, notre fille de six ans et demi aussi. J’explique à celle-ci que celui à qui nous écrivons est en prison, parce qu’on lui reproche des choses graves qu’il n’a peut-être pas faites. – Et il est puni, déjà ? – Oui, et beaucoup plus grave que ce qu’il a fait, s’il l’a fait.

Je re-courielle à l’Elysée (le préfet, directeur du cabinet, que je connais – un peu – de rencontres quand il était directeur adjoint des stages à l’E.N.A. tandis que j’étais en second au Poste d’expansion économique à Lisbonne, puis directeur en titre quand j’étais en chef au Brésil).


----- Original Message -----
From:
Bertrand Fessard de Foucault
To:
Christian Frémont, directeur du cabinet du président de la République
Sent: Thursday, May 19, 2011 11:30 AM
Subject:
deux considérations, si vous le voulez bien


Permettez-moi, cher Préfet, cher ami, de revenir encore vers vous. Tant que le Président est dans l'exercice de ses fonctions, tout peut toujours se faire et se rattraper. C'est son intérêt électoral sans doute, c'est surtout l'intérêt de notre pays.

1° vous ne devez pas vous méprendre sur le sens de la persistance dans l'opinion française de la "thèse du complot" ayant abattu Dominique Strauss-Kahn. Ce qui est regretté, en profondeur, n'est pas tant l'homme quoiqu'il soit ainsi devenu sympathique même à ceux et celles qui ne l'aimait guère ni en personne ni en idées (c'est mon cas et celui de ma femme, dès que nous avons appris "la" nouvelle), mais bien le challenger capable, très probablement, de battre le président sortant. C'est dire que la sympathie ou l'analyse majoritaires chez les Français sont un anti-plébiscite du Président.

2° une stratégie d'union nationale. Je vous l'ai déjà couriellée. Le Président faisant un gouvernement d'union nationale dès maintenant, le Premier ministre issu d'un consensus entre les partis. A défaut, le former en cas de victoire au second tour de 2012 que l'adversaire ait été un candidat ou une candidate socialiste, ou Marine Le Pen. Nous ne pouvons plus être gouvernés par un seul parti l'emportant au cheveu en début de mandat et n'étant plus représentatif dès la première année, ni avec un président constamment sous 50% de confiance des Français.

3° programme. Il devrait être celui du Parti socialiste, on en est loin. Je vous en ai souvent entretenu Certains points dès la prise de fonctions du Président, par lettre aux bons soins de Claude Guéant.

Urgences ressenties vraiment par la tripe française. C’est criant pour une majorité des Français. :

. rétablissement de la démocratie par une pratique sincère de la collégialité dans l’exécutif et du parlementarisme,
. rétablissement du service public (la Charte du contribuable d’Octobre 2005 le considère explicitement en ouverture comme la valeur première de la République, le traité de Lisbonne comme s’en est enorgueilli le Président en le faisant adopter lui a rendu ses lettres de noblesse dans la geste européenne), y compris avec un secteur public industriel et commercial : la Poste, Renault, France-Télécom. ne sont pas fongibles. L’énergie et les chemins de fer peuvent être concurrentiels, mais cela n’empêche une entreprise publique. Culture du patrimoine industriel, agricole et commercial,
. nationalisation des banques pour un terme conditionné par la reprise économique et la remise en ordre du commerce et de la finance internationale (en particulier la question des dettes souveraines, des agences de notation et de la spéculation sur les obligations),
. « remise à plat » de la question des retraites et sans doute de l’ensemble des prestations sociales,
. restauration en « ardente obligation » de la politique d’aménagement du territoire et de la planification « souple à la française », lieu de toute concertation économique et sociale, instrument de la solidarité entre tous nos territoires.
. droits de l’homme : la France ne peut faillir même si Commission européenne et Vatican ont manifesté une indulgence étonnante après un premier mouvement de sévérité. Nos établissements pénitentiaires, les camps ad hoc pour sans-papiers, les « délits de faciès », le racisme ambiant dans le discours public.

Plusieurs contributions à la réorganisation internationale, aussi, mais que je reconnais plus sensibles et discutables :
. il n’y a plus de « processus de paix au Proche-Orient », depuis l’assassinat d’Itzahak Rabin. L’Etat palestinien n’est pas viable ni digne, au surplus Israël n’en veut manifestement pas. Un Etat unitaire laïc où les droits des Arabes et des Juifs ne seront pas garantis par la supériorité de l’Etat sioniste sur tout autre pays dans la région, mais par la Consitution et les tribunaux de cette Palestine pour tous. Jérusalem éventuellement sous statut multiconfessionnel, en sus de son rôle de capitale politique,
. redémarrage européen par l’élection du président de l’Union au suffrage de tous les citoyens européens considérés dans une circonscription unique, prérogative de ce président d’en appeler au referendum sur les sujets ressortissant des traités,
. re-sortie de l’O.T.A.N., militance pour une force permanente des Nations Unies (proposition de la France au moment où se négocia la Charte),
. propositions pour la représentation des peuples dans le système onusien et pas seulement des gouvernements et des Etats,
. protectionnisme entre zones chacune homogène socialement et fiscalement, le libre-échange que pour ce qui n’est trouvable ou produit dans chacune des zones,
. mondialisation humaine et culturelle (frontières, notamment européennes, fermées aux productions du dumping social et fiscal, voire de l’esclavage et de la spéculation, mais ouvertes aux idées, aux religions et surtout aux personnes – déclinaison internationale des droits de l’homme).

Bien cordialement, et bonne suite de journée.



Je vais essayer de compiler mes courriels et coresspondances vers l’Elysée, souvent « transférées » aux députés, et de les faire éditer. Titre ? à trouver

après-midi

Tractations qui ne grandissent personne à New-York. Les avocats de D.S.K proposeraient (mais c’était déjà dit lundi) un million de dollars comme caution, le bracelet électrronique, la résidence surveillée nuit et jour à Manhattan, l’engagement de ne pas tenter une procédure d’extradition (on avait affirmé qu’il n’y avait pas de convention franco-américaine en ce domaine…). Cela se ferait dans le bureau du procureur, lequel pourrait communiquer la décision du « grand jury » quant à la mise en accusation. Qu’un « jury » puisse décider, sans avoir entendu les avocats, sans que ceux-ci aient eu accès au dossier, et sans même avoir vu autrement que selon les médias, la personne dont le sort est à décider, me bouleverse.

Présidentielle… intentions de vote : Hollande précède de dix points Sarkozy au premier tour, la fourchette est plus juste si c’est Aubry, mais celle-ci l’emporte chez les sympathisants socialistes. Je ne comprends pas comment le retrait de D.S.K. élimine aussi Marine Le Pen, à moins de supposer que le directeur général du F.M.I. était un repoussoir plus fort que Sarkozy ?

Lars von Trier « chassé » du festival de Cannes : on l’a pris au sérieux. Lellouche pleure… il admire le cinéaste mais l’homme s’est suicidé, et il en parle donc au passé. Ce terrorisme pro-juif est – dans certains pays comme la France – une des causes me semble-t-il des communautarismes de tous bords. Quant à son « Israël me fait c… », Lars von Trier n’est certainement pas, et de loin, seul à le passer. Et d’abord les diplomates puisque cette question israëlo-arabe, pour l’empirement de laquelle d’année en année Israël porte de plus en plus de responsabilités, empoisonne les relations internationales depuis cinquante ans, et a provoqué une quantité de crises et de difficultés dont on ne sort toujours pas.



début de soirée

A vingt heures quinze, début de l’audience décidant d’une libération conditionnelle ou pas. Christine Lagarde, sauf rebondissement devant la Cour de justice de la République, devrait avoir la place de Dominique Strauss-Kahn. Je souhaite qu’elle ne l’ait pas, d’une part parce qu’elle a gravement fauté sur deux sujets : l’arbitrage Tapie, sa prise de participation pour minorer son imposition sur la fortune, et d’autre part pour que Sarkozy ne puisse s’enorgueillir que sa présidence du G 20 est tellement appréciée qu’on lui donne sa propre adjointe pour continuer… au second semestre.

milieu de soirée

Lamentable… libéré sous de telles conditions, avec sept chefs d’accusation, cinq millions de garantie, un million en cash, le bracelet électronique, un garde armé chez lui, une société de surveillance le surveillant à ses frais. Tout cela parce qu’il est présumé coupable d’avoir sauté sur une femme de chambre… dans un pays qui a Guantanamo comme lieu de non-droit en enclave à l’étranger… qui pratique la peine de mort… qui descend les gens sans vérification même d’identité.

Lamentable… le commentaire de presse. Des filles, dites journalistes et présentatroces, qui parlent sur le ton de la véhémence. La démagogie, plaire au téléspectateur français ? nous sommes encore plus humiliés par nos propres commentaires

L’évidence est que Dominique Strauss-Kahn a été piégé. On apprend que le frère de la plaignante n’en est pas un, on le savait déjà à ne rien faire que de l’informatique et du réseau social. Il y a l’observation la plus juste que j’ai lue (Le Canard de mercredi) de François Fillon : bizarre, bizarre que quelqu’un comme Strauss-Kahn ait eu à forcer une femme.

Tandis que se déroule depuis quatre jours cette scène accaparante – en tout cas qui m’a mobilisé passionnément – depuis dimanche soir, plusieurs scenarii continue : la campagne présidentielle américaine sur fond d’endettement des Etats-Unis et de dépendance d’Obama vis-à-vis de ses adversaires républicains, la campagne présidentielle française encore plus laborieuse avec la voix doucereuse net primaire d’un président sortant qui inaugure les commissariats de police et prend position sur la suppression des placards avertissant qu’il y a des radars sur nos autoroutes, la crise de la zone euro., l’enlisement dans tous les conflits où s’est engagée la « communauté internationale » : Afghanistan, Libye, Côte d’Ivoire, et d’autres que j’oublie, etc…

Un monde essoufflé et la démonstration d’un lynchage toujours possible. En viendrai-je dans un an d’ici à plaindre un Sarkozy quittant l’Elysée avec seulement un moïse dans ses bras ? J’ai honte de mon époque.

Ce soir, pourtant, cette libération, même si elle n’est pas belle. Je l’annonce à notre fille dans son semi-sommeil puisqu’elle a signé notre lettre à Anne Sainclair : elle me demande (six ans et demi) alors à quoi sert notre lettre ? Je lui réponds qu’il y a encore du chemin à faire. Elle se rendort. Dans cinquante ou soixante ans, racontera-t-elle ce soir, quoiqu’elle n’ait pas regardé comme ses parents, en à peine différé l’audience de New-York, sur fond – admirable – de ce film portugais sur « les mystères de Lisbonne »…

Télévision : l’ineffable Triard du Figaro qui passe ses soirées sur les plateaux, assure que Dominique Strauss-Kahn a quitté la vie politique, qu’il n’y a plus d’avenir et qu’il ne sera pas là en Avril-Mai 2012. Voire… si l’accusé s’en sort, il devient l’homme le plus populaire de France, fabriqué cette fois par le malheur et pas par le caviar.


[1] - Actes des Apôtres XIII 13 à 25 ; psaume LXXXIX ; évangile selon saint Jean XIII 16 à 20

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