mercredi 29 septembre 2010

lundi 1er Mai 1972 - Jean-Marcel Jeanneney me reçoit pour la première fois . notes prises le lendemain

premier entretien avec Jean-Marcel Jeanneney :
lundi 1er Mai 1972



une semaine après le referendum du 23 Avril 1972 – convoqué par Georges Pompidou, et portant sur l’entrée de la Grande-Bretagne dans le Marché commun
un mois après le début de ma publication par le journal Le Monde : du oui au non

dix-sept (17) pages manuscrites de mon journal – alors tenu en cahier d’écolier Clairefontaine 21 x 29,7 – les notes ont été prises le lendemain après-midi

j’ai juste vingt-neuf ans et il n’est âgé que de soixante-et-un ans

les notes en bas de page sont rédigées à la saisie – soit après le 23 Septembre 2010. Cet entretien, notamment, redouble mon regret de n’avoir pas exécuté le projet que j’avais depuis deux ans de tout mettre au net pour le soumettre à mon éminent ami, et donc le faire réagir autant par rapport à lui-même avec le recul du temps que pour compléter ou préciser certains points


Mardi 2 Mai 1972

17 heures

J’ai été reçu par hier, à son domicile du 102 rue d’Assas, de 14 heures 45 à 18 heures 15, par Jeanneney, d’une manière amicale et chaleureuse à laquelle je ne m’attendais pas tant. Entrevu sa fille Laurence à qui j’avais pensé pendant que j’étais assistant à Sciences-Po., en 1960, et qui est maintenant mère de deux enfants. Je lui en ai parlé bien simplement et il m’a refait le curriculum vitae universitaire de Laurence qui vit maintenant à Bruxelles, son mari étant avec Barre, et venant de faire une thèse sur un polémiste russe.

Notre entretien – dans son bureau – a commencé par des remarques sur mon article sur les ministres d’Etat [1] qu’il avait auparavant lu. Remarque de détail, mais fondée sur ce qu’il était directeur du cabinet de son père Jules Jeanneney, ce qui a permis de recréer un peu l’ambiance de l’époque
– Catroux, sûrement pas ministre d’Etat jusqu’en Novembre 1945, car a été nommé ambassadeur à Moscou. Peut-être nommé en Septembre 1944, comme je l’indique, mais ensuite a dû cesser de faire partie du gouvernement
– sur le titre. Dans la pensée du Général – il l’a dit clairement à Malraux en conseil des ministres, en Janvier 1959, la qualité de ministre d’Etat ne pouvait donner barre sur une administration avec direction du personnel et budget autonome. Ce n’était donc pas un ministère. Ainsi, Jeanneney aux Affaires sociales en 1966, n’est que ministre. Il s’agissait bien de constituer un ministère : de les « fondre », disait le Général en recevant Jeanneney, et en mimant cette fusion de ses deux mains liées. Ainsi, Jeanneney refuse à Pompidou (à prendre ou à lAisser) que lui soit alors adjoint un secrétaire d’Etat. Mais ensuite, lassitude du Général, qui à partir de 1967-1968, reste en pleine maîtrise de lui-même, intellectuellement et physiquement, mais ne se soucie plus de combattre ceux qui l’entourent : ainsi, Schumann garde son titre de ministre d’Etat, en devenant ministre des Affaires sociales. De même que recevant Jeanneney – quand Capitant, pour raison de santé, veut donner sa démission en Novembre 1968 – de Gaulle lui propose de prendre les Sceaux, en gardant : « si vous voulez » le titre de ministre d’Etat. Réaction symptomatique d’un certain abandon de doctrine par lassitude. En fait, Jeanneney répond : l’intéril, tant que vous voudrez, mais pas les Sceaux, je ne suis pas juriste (et puis pas l’impression qu’on puisse faire grand-chose dans ce domaine). Ce qui soulage de Gaulle qui a beaucoup d’amitié pour Capitant.

Je reconstitue ensuite l’entretien – peut-être pas dans un ordre rigoureux – mais dans ses thèmes.

Se déclare d’accord avec l’ensemble de mes papiers – dont le style le frappe.
Mais « tique » sur la participation des communistes au gouvernement. Je lui explique que, pour moi, il s’agit d’une récupération de forces stérilisées jusqu’à présent, et dont le rassemblement est nécessaire pour faire face aux échéances du monde de l’an 2000, pour parler d’une manière générale. Sous cet angle – qui implique encore une longue durée, il se montre d’accord. Ajoute que son père lui avait dit, avant de mourir en 1957 – qu’il faudrait réintégrer les communistes. Mais le problème est que le PC est une église (avec dogme, discipline, etc… et l’on n’abandonne pas à l’âge mûr ce qui a fait le combat et l’enthousiasme de sa jeunesse et d’une partie de son âge mûr) – qui n’a pas encore fait sa mutation comme l’Eglise l’a faite depuis les années 1960 (surtout la France, grâce à la séparation de l’Eglise et de l’Etat, et au mouvement œcuménique), et à un accident ou à une personnalité exceptionnelle, un vieillard qui n’a peut-être pas pressenti tout ce qu’il enclanchait : Jean XXIII (parenthèse sur l’agnosticisme de Jeanneney, depuis quatre générations, mais à la manière dont Malraux le définit samedi soir). Donc communistes, une église, dirigée de Moscou, et une église qui doit nourrir des gens. Le système communiste marche effectivement en URSS, montée incontestable du niveau de vie, spoutnik, etc… Mais système n’est pas possible sans contrainte. Il est incompatible avec la liberté.
Lui parlant franchement de mon entretien avec Andrieu [2](il est le seul à qui je le dise), je lui dis que – points d’accord avec le communiste : motivation contre le pouvoir de l’argent, générosité, etc… admiration pour de Gaulle et respect pour Couve de Murville – points de désaccord : ne croit pas à la troisième voie, conception manichéenne.
Jeanneney répond : évolution possible sur vingt-cinq ans, pas sur quinze ans (mais lui fixant les délais). De même, évolution dans un simple cadrew français paraît pour l’instant difficile. D’ailleurs, on joué contre de Gaulle, constamment.
J’ajoute : ne croit qu’à la négociation entre appareils. Et souvenir de leur alliance avec SFIO. Je répète l’analyse d’Andrieu : les socialistes avec les communistes font de bonnes choses, 36 et Libération (sans référence au Général pour cette dernière période), quand séparation, c’est Suez et l’Algérie.
Cette partie de l’entretien se termine sur l’accord de Jeanneney pour que des personnes comme moi (ou Alain Duhamel dont il fait l’éloge, et spécifie qu’il est très introduit, et a de bonnes relations personnelles avec plusieurs communistes en qui il a confiance, sans bien faire du renseignement – j’apprends ensuite qu’il prépare avec lui, un livre dans la collection Mitterrand, Edgar Faure, etc… que la bande magnétique a été faite l’été dernier, ce qui explique peut-être la sympathie de Jeanneney pour Alain Duhamel) disant se documenter et s’informer partout, mais mise en garde car peuvent servir de caution (vg. Lebrun, secrétaire général de la CGT).

Sur la troisième voie, Jeanneney en était toujours convaincu. La question est de savoir comment.
Mutation intellectuelle du général, ou prise de conscience aigüe et nouvelle (qui montre sa jeunesse d’esprit en 1968). A propos de mon papier (Le prix de l’habileté), Mai 1968 est à la fois qu’un accident : en ce que les choses ne seraient pas devenues ce qu’elles furent, si l’on n’avait pas commis des erreurs, notamment la réouverture de la Sorbonne (restée fermée, il ne se serait rien passé) et à la fois quelque chose de profond, puisque cela a montré l’ampleur du désarroi devant l’évolution économique, sociale et technique qui demande une novation des structures politiques (et, bien sûr, pas de distinction entre pouvoirs publics au niveau national et au niveau local. Jeanneney fait alors allusion à un livre de Victor de Broglie, aux pages admirables sur l’administration locale – je lui dis alors avoir lu ce livre, et être d’accord avec ce qu’il en dit).
Mais prise de conscience du Général date d’auparavant. En témoignent beaucoup de ses entretiens au printemps de 1968, et discours de Lyon sur la régionalisation. Mais prise de conscience ne donne pas forcément les moyens. Peut-être séduit par Loichot. En tout cas, croyait (au contraire de Jeanneney, à qui il avait fait ajouter à son discours à l’Assemblée nationale : « y contribue par la loi ») que participation pouvait être instituée. Pour Jeanneney, sans doute, on peut éliminer les obstacles juridiques. Mais participation est un état d’esprit. En tout cas, aujourd’hui fasciné par la tentative de Rocard ou la tentative de recherches sur l’auto-gestion. Quand ou si on arrive à mettre en France au poinbt un système d’auto-gestion, alors il est bien certain que l’on débauchera beaucoup de communistes, et que leur participatxion au gouvernement sera possible. (Au fond, dans ma rédaction, Jeanneney voudrait qu’on y inclut l’adjectif : anciens, participation au gouvernement d’anciens communistes). Désaccord avec Rocard sur le point de la violence, dont Jeanneney pense qu’on peut l’éviter, ou qu’en tout cas, il faut œuvrer pour l’éviter. Après Rocard (avec qui Jeanneney avait parlé à la suite d‘un débat triangulaire à Europe 1, sur les institutions, avec Habib-Deloncle, Rocard et lui, se trouvant d’ailleurs plus souvent d’accord avec Rocard qu’avec Habib-Deloncle), et ensuite dîner à deux, cnez lui, Jeanneney, un autre jour, à quoi Rocard (dont la campagne éllectorale avait été la plus gaullienne dans ses thèmes : croit à l’indépendance nationale, etc…), à quoi Rocard répond que ce n’est pas possible, mais ne déchiffrer Quand Jeanneney explique à Rocard qui est de Gaulle, il est difficile effectivement de répondre à Rocard qui demande – si de Gaulle est vraiment ce que vous dites, comment expkiquez-vous qu’il ait choisi Pompidou et Giscard ?

Le referendum.
S’il avait été fait à l’automne, il était gagné. Techniquement, pas possible dans la quinzaine qui suivait le 25 Novembre [3]. Mais Jeanneney proposait, dès Septembre, que la consultation eut lieu à l’automne. Ce qui fait que le hasard ( ?) l’aurait fait intervenir au moment de la crise monétaire. Certes, pas prêt à fournir à ce moment un texte sur la participation. Mais prêt sur la régionalisation, moyennant travail supplémentaire, avait d’ailleurs fait tenir une note à de Gaulle sur la régionalisation dès 1963. Le recours à la procédure référenaire : l’a justifié au Sénat d’une manière plus convaincante que Pompidou en 1962 devant l’Assemblée nationale, qui n’était guère convaincant. La question est que l’article 11 était à la fois trop précis et pas situé dans le titre sur la révision, ce qui donnait place à la critique [4]. Faute de Debré qui a mal rédigé le texte, ce que reconnaissait de Gaulle en 1962 quand Jeanneney, alors ambassadeur à Alger – période au cours de laquelle il le vit le plus souvent. A la suite des audiences sur l’Algérie, on parlait d’autre chose et Jeanneney avait alors dit que : certes d’accord pour le referendum, mais que vu la rédaction de Debré, l’opposition ne manquait pas d’arguments. De Gaulle répondait : oui, il n’a pas mis les choses à leur place.

Pour l’après-referendum, quand je parle de la succession et de Couve, Jeanneney réservé. On ne sait pas ce qui se serait passé. Lui avait le vent en poupe, au point que Poujade en Janvier lui avait dit : vous serez peut-être Premier ministre et je ne vous envie pas avec les troubles prévisibles en Mai-Juin 1969. A quoi Jeanneney répondait qu’il obiérait, mais que ce ne serait pas drôle.

Etre Premier ministre, sous Pompidou, c’est impossible. Ce que Chaban-Delmas supporte [5]. N’a aucun pouvoir. Sous de Gaulle, certes on souffrait. Mais c’était de Gaulle. Si le oui au referendum l’avait emporté à 51%, ce n’eût pas été une solution. Si les communistes avaient voté oui comme en 1962, alors 70% et il ne se serait rien passé. Mais de Gaulle avait contre lui tous les partis, tous les syndicats, les notables, les cadres et les grandes affaires. N’avait pour lui que le braves gens, et encore n’était-ce pas suffisant, car ces gens étaient ceux qui avaient regardé Mai de leur balcon, pas de ceux qui font les révolutions et descendent dans la rue. Les cadres et l’intelligentsia, c’est cela qui est le plus surprenant, leur hostilité à de Gaulle.

Pompidou. Effectivement, les deux fois où il a été maître de la marche en 1967 et en 1972, échec. D’ailleurs, l’élection de 1965, le premieer tour, est son œuvre. Jusqu’à la dernière minute, s’est maintenu sur la réserve, espérant être président de la République, et élection n’a été gagnée que quand de Gaulle a décidé de se battre, au lieu de ne pas se battre au 1er tour. Testament politique du Général : les entretiens avec Droit en Juin 1968 et en Avril 1969.

Pompidou ne croit pas à son étoile. D’où ses déclarations de Rome et de Genève. Mais optimiste, au sens épicurien et gourmet du terme et croyant à son habileté, à son astuce. L’avenir ? Il passe par la défaite de la majorité. Car, en 1976, si Pompidou dit : je me représente, tout le monde s’inclinera. Que la majorité manque de vingt sièges la majorité à l’Assemblée nationale, et alors Pompidou sera obligé de composer. Régime présidentiel alors ? Il faudrait une révision de la Constitution, et après le referendum du 23 Avril [6], il est douteux qu’il l’obtienne. Alors, le coup d’Etat ? il est trop maquignin pour s’y risquer. Mais (Jeanneney rêveur), on ne sait jamais après tout.

Debré, irrécupérable. Tient au pouvoir. Sa conc eption uniquement étatique, et sa conception de la nation, est complètement périmée. Ne peut saisir l’aspiration d’aujourd’hui. Qau fond, son système ne pourrait fonctionner que dans le fascisme. Jeanneney passant pour l’homme de Debré. En fait, après 1969, ne l’attaquant pas, et entrant dans le relire mais Debré n’a pas manqué une occasion de lui répondre publiquement. Quand entre au gouvernement : connaissait Debré, Burin des Roziers, etc… On lui a proposé le Commerce et l’Industrie. Jeanneney a alors dit à Debré : oui, mais je suis pour l’indépendance de l’Algérie. Debré a répondu que cela n’avait pas d’importance, pour participer au gouvernement.

Sur les ministres d’Etat. Soustelle, ministre délégué avec une petite annexe territoriale et ethnologique : le Sahara, a présidé (d’ailleurs fort bien) des comités interministériels en 1959, mais comme représentant du Premier ministre. Vieille amitié Debré-Jeanneney, fêlée quand Debré aux Finances, a constamment bloqué ce que cherchait à faire Jeanneney aux Affaires sociales. Ne le traitait peut-être pas comme quantité négligeable, mais bloquait, et faisiat étudier par ses services au lieu de le faire lui-même.
Période la plus structe en doctrine institutionnelle : du temps de Debré. Ensuite, lassitude du Général, pour combattre les siens, lassitude commence du temps de Pompidou (ce qui recoupe Les chênes qu’on abat… [7]). Nommé pour faire l’ouverture la plus large possible. N’y est pas arrivé. En 1959 et en 1958, très grande ouverture. En 1966, de Gaulle a jugé qu’entre lui et les centristes, les communistes et les socialistes, c’était la lutte à mort, et il avait raison. Mais en 1968-1969 n’a pas eu le battant qu’il eut en 1944 ou en 1958, pour prendre les contacts nécessaires.

Le succès de Chaban et du nouveau gouvernement, c’est en somme les relations de Delors. Mais attitude de Delors, engagé contre de Gaulle en 1968, à ce qu’on a rapporté à Jeanneney. Au fond, la gestion n’est pas lauvaise. Mais cela ne suffit pas, pour répondre aux perspectives d’aujourd’hui. Aucun des grands problèmes n’est pris à bras-le-corps. Peut-être que les Français se fichent de l’effacement international, mais problèmes de l’entreprise.

Problème de la moralité des hommes publics. Peut-être, Edgar Faure pourrait être candidat en 1976, mais manque de colonne vertébrale, et surtout question financière. Histoire de l’avoir fiscal et l’examen de la vie privée des hommes publics. Jeanneney explique à un dîner à une femme de banquier que son mari se renseigne sûrement sur la vie privée de celui qu’il va nommer fondé de pouvoirs. Tout à fait normal donc, que l’on se soit interrogé sur la fortune de Chaban-Delmas. Comme disait Jules Jeanneney : celui qui veut monter au mât de cocagne, doit avoir le derrière propre.

Barre, appelé comme directeur du cabinet de Jeanneney, ce qui surprit au ministère, d’autant que conception du cabinet de Jeanneney, était que les directeurs en faisaient partie, pas besoin qu’ils délèguent un des leurs à l’intérieur du cabinet. Prend quatre ou cinq personnes seulement, de façon à les voir quotidiennement. A savoir ce qu’ils font. Du temps de Debré, c’était la règle, et de Gaulle, à chaque changement de gouvernement, répétait à ses ministres : cabinet pour informer le ministre et faire connaître son esprit. Dès Pompidou en 1962, cekla a changé. Cabinet pléthorique, style Edgar Faure, ou aujourd’hui Debré. Comme aujourd’hui au Travail ou à la Population : il y a plus d’ENA au cabinet qu’il n’y en a dans le reste du ministère. Oncle de Jeanneney avait la direction de l’administration départementale et locale au temps de Clemenceau en 1909, qui était président du Conseil et ministre de l’Intérieur. Il entrait en poussant la porte pour savoir si le patron était libre. Au lieu de demande d’audience, du coup le voyait deux fois par semaine.

Sur le referendum du 23, les maires de Haute-Saône viennent le voir, disant qu’ils attendaient pour se décider ce que pensait Jeanneney, qui s’en explique, et les maires répondent : sûr, c’est bien ce que je pensais. D’où article pour le oui. Mais engageant Pompidou. Vous voulez le pouvoir de faire quelque chose ? eh bien, faites-le ! D’ailleurs, était sûr d’avoir à prendre position hostile ensuite sur la région.

Se présenter dans la Haute-Saône, sans étiquette. A de bonnes chances contre un giscardien sortant. Car position personnelle. A abandonné charge de président du Conseil général à cause du mémorial du général de Gaulle. Le préfet, ayant envoyé une circulaire aux maires, sans consultation du comité, il demandait vote sur le budget municipal. Ce qui est singulier, risque de faire débats défavorables au Général et continuelle assimilation. Avant pour faire débat national relire sur ce sujet, ne l’a pas fait. Mais pour faire bonne mesure – du coup démissionne de l’UDR – ne s’était inscrit d’ailleurs que depuis 1968.

Partage mon point de vue sur le fait de ne pas adhérer à un groupe ou à un homme, et quand je dis que seul de Gaulle pouvait susciter ce sentiment que dans l’avenir on resterait d’accord avec lui. Il répond : presque toujours (ce qui n’est pas rectificatif, mais indique bien le contact d’homme à homme). Mais politique se fait en équipe. Il faudra que vous ayez à un moment donné, le soutien d’un groupe. M’interroge sur les chances de Couve dans le VIIIème. Lui explique la nécessité qu’il ait une bataille triangulaire.

Couve mysogine ? A roulé dans la farine les trois femmes qui ont posé des questions, à sa conférence. Pour ma question, elle est en effet essentielle. Goguel lui a alors dit que c’était moi. N’a pas vraiment répondu.

Mutation de la notion de Nation. Tout aujourd’hui doit être explicité. Auparavant, on faisait la politique avec les résignés. 90% étaient résignés. On ne peut pas faire autrement, il vaut donc mieux se résigner que se révolter. Aujourd’hui, on ne peut plus gouverner là-dessus. La vie locale permet de donner à chacun sa responsabilité, de soi et des autres, et d’influer directement sur son cadre de vie. L’occasion m’en sera peut-être donnée, la saisir. Nous nous accordons sur la nation, contrainte relire volontariste, donc plus solidarité contre, comme elle a été jusqu’aujourd’hui.

De Gaulle en 1968 et 1969, surtout quand Jeaanneney l’a vu à Colombey. Intelligence et jeunesse d’esprit étonnante, car considère d’une extraordinaire expression de trente ans. relire

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De cet entretien de trois heures au terme duquel Jeanneney – me conseille le pamphlet plutôt que le livre « technique » car j’écris bien et il faut faire court
– accepte de m’aider pour action institutionnelle du général de Gaulle relire
je retiens :
– accord d’âme sur les conditions de la vie politique en France, et sur la nature du combat que l’on peut y mener et du type que l’on doit être
– témoignage sur la mutation du Général, qui croyait jusqu’en 1966-1967 que l’autorité étatique était tout, et qui comprend qu’il faut autre chose. Témoignage aussi sur un gouvernement, de laisser faire, de Gaulle ne se battant plus que pour les grandes questions et vis-à-vis du peuple, non des siens.

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Pompidou reçoit Jeanneney en Juin 1969 et s’excusant de ne pas l’avoir pris au gouvernement, et Jeanneney répliquant : ne vous inquiétez pas, j’aurais refusé. Je ne veux pas siéger aux côtés de traîtres.

Retour sur mon entretien avec Fouchet (dont Jeanneney rappelle le goût du panache). Debré physiquement malade de quitter Matignon. La politique est question d’homme et de personne..

Retour sur la conversation avec Jeanneney.
Mendès, c’est un homme triste, pessimiste. La seule fois qu’il le voit joyeux et hilare, c’est au palais-Bourbon, après les accords de Grenelle. Ce qui a décidé Jeanneney à se présenter contre lui à Grenoble en 1968, alors que l’avait refusé à Pompidou, par estime pour lui, en 1967. Mendès : son maintien au gouvernement, en Janvier 1956, aux côtés de Guy Mollet, ayant été président du Conseil, n’avait pu être désigné en 1956, aurait donc dû refuser de faire partir sans singularité particulière, du gouvernement Mollet.
Idem, questions monétaires en 1945. Jules Jeanneney lui propose – pendant que de Gaulle est à Moscou – de faire un exposé au gouvernement sur la question. Finalement, PMF le voit un quart d’heure avant le conseil des ministres, et ne parle que du bureau que lui a déplacé Pleven aux Finances (ce qui est bien sûr inadmissible, mais pas le problème à ce moment-là). Sur le fond, PMF étant ministre de l’Economie et des Finances à Alger, n’a pas préparé la mesure qu’il préconise en Avril 1945, et obstcale pratique écrasant, qu’il eût pu surmonter et qu’il n’a pas préparé : n’a pas commandé les billets, alors que Belgique et autres pays, sont arrivés avec les billets. Au surplus, pas d’essence pour mettre en place les billets en province. Quant à lui, Jeanneney professait en 1941-1942 le nécessaire échange des billets et étudiait l’exemple des pays de l’ancienne Autriche-Hongrie.

. Barre, gaulliste fervent depuis l’âge de dix-huit ans, engagé dans les FFI.
. Deniau avait reçu des instructions pour l’entrée de l’Angleterre dans le Marché commun
. Europe : retrait du Marché commun maintenant impossible, même avant le referendum, secousse et crise terrible en France. On ne peut qu’aller de l’avant, mais à condition de faire quelque chose d’utile.

Sur l’ambiance du referendum de 1969. En pluss, au ministère des gens en train de trahir : Ortoli, Marcellin, Chirac, etc… qui étaient les hommes de Pompidou. Chirac, prêt à trahir bien sûr si Pompidou faiblissait.

Jeanneney contacté par divers « jeunes » (je fais allusion à l’Internationale et à Ravennes). Refus de créer quoi que ce soit. Pas de moyens financiers. Pas personnalité politique de premier plan, et surtout refus des petites chapelles, de créer une secte gaulliste de plus : vg. Union travailliste, qui n’aboutit qu’à la querelle Grandval Debu-Bridel.

Encore Jeanneney sur PMF : en 1954, il fallait en finir avec l’Indochine, mais pour l’avenir n’a pas su choisir, ni pour ni contre la CED.
Schumann, une extraordinaire fatuité.






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[1] - publié dans la Revue française de science politique, sa rédaction m’a été suggérée par le doyen Georges Vedel dont je suis la conférence préparatoire au concours d’agrégation de droit public, auquel je me présente en Juin 1972
[2] - à l’époque, René Andrieu est rédacteur en chef de l’Humanité
[3] - une des dernières victoires du Général, celle remportée sur la spéculation et sur une partie de ses soutiens politiques – et cela dans le domaine le plus difficile : la monnaie et la technique budgétaire. J’ai gardé le numéro de France-Soir que j’affichai à la lunette arrière de ma voiture : quel coup de théâtre ! de Gaulle dit non à la dévaluation. Il avait été argumenté par Raymond Barre qui s’était ouvert au gendre de Jean-Marcel Jeanneney puis à ce dernier, des évaluations faites à Bruxelles et au club de Berne. Pour ma part, je faisais un stage – édifiant – au Crédit industriel d’Alsace et de Lorraine, au siège, à Strasbourg

[4] - au contraire, l’article 11 doit se lire comme une prérogative essentielle du président de la République, encore plus décisive pour le fonctionnement responsable de nos institutions que le droit discrétionnaire de dissolution de l’Assemblée nationale : article 12

[5] - il sera contraint de démissionner , le 5 Juillet 1972, et Pierre Messmer lui succèdera
[6] - au referendum du 23 Avril 1972 sur l’entrée de l’Angleterre dans le Marché commun, il y a 39,64% d’abstentions (au lieu d’une moyenne de 22% auparavant – à Paris, l’abstention est de 43%) et 7,10% de bulletins blancs ou nuls : le oui l’emporte avec 67,70% des suffrages exprimés mais seulement 36,11% des inscrits
[7] - d’André Malraux (Gallimard . 4 Mars 1971 . 236 pages) – récit de la visite rendue à de Gaulle, le 11 Décembre 1969, à Colombey-les-Deux-Eglises

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