mercredi 22 septembre 2010

Inquiétude & Certitudes - mercredi 22 septembre 2010

Mercredi 22 Septembre 2010

Prier…
[1] et si les gens refusent de vous accueillir… l’éventualité et pour bien moins que le grand message de notre destinée commune au bonheur et à l’accomplissement. Que faire ? sinon être ? ce sera pour eux un témoignage. … N’emportez rien pour la route. Et ce n’est pas le dénuement – obligé et naturel de la mort, qui, probablement, nous ravit quand un soupir, le nôtre, s’avère pour autrui nous entourant ou pas le dernier puisqu’il n’est pas suivi d’une reprise d’inspiration. C’est le dénuement qui devrait nous structurer à longueur de vie. Accorde-moi seulement de quoi subsister. Car, dans l'abondance, je pourrais te renier en disant : ‘Le Seigneur n’existe pas ‘. Et, dans la misère, je pourrais devenir un voleur, et profaner ainsi le nom de Dieu. Ce qui m’effare chez les gens de position et plus encore de culture, c’est que tous leurs arguments d’indifférence, d’incroyance ou de dédain, toute la non-foi sont décrits, vêcus et tranquillement réduits à peu dans les Ecritures, qu’ils n’ouvrent pas. J’y inclus naturellement le Coran que les mêmes caricaturent en autodidactes, c’est-à-dire en idées reçues. Ne me donne ni la pauvreté ni la richesse. Me taire car il est écrit : n’ajoute rien à sa parole, et me souvenir ce que j’ai déjà expérimenté à longueur de ma vie : toute parole de Dieu est garantie ; c’est un bouclier pour ceux qui cherchent en lui leur refuge.

La matinée et la fin de l’après-midi, écoute de la radio en voiture. Aller-retour Paris-Rioz (Haute-Saône) pour les obsèques de Jean-Marcel Jeanneney. Je reviens sur celles-ci plus bas, mais le contraste est saisissant entre l’histoire de la France pendant le siècle, à deux mois près, d’un homme à la lucidité exceptionnelle – qui le 13 Juillet 1919 eut la confidence de Clemenceau prenant sa main d’enfant pour aller sous l’Arc de Triomphe, Jean-Marcel était le fils du sous-secrétaire d’Etat à la présidence du Conseil du « père la Victoire », c’est-à-dire le ministre de confiance, et qui, il y a quelques semaines encore, opinait en détail sur la crise mondiale et française actuelle et sur nos dirigeants – entre l’histoire de la France et l’actualité dérisoire d’une campagne de réélection présidentielle tournant à une bande dessinée ou à une histoire de gangster.

Les derniers kilomètres d’autoroute, puis le contact encore, une fois arrivé à mon gîte d’étape… Le Parisien aujourd’hui, sans doute en vente parce que Marie-Odile Amaury, héritière du groupe, du journal, dit qu’elle veut se « recentrer » sur le sport : société du Tour de France et l’Equipe (déjà juge et partie avec la machine à sous et les tolérances aux tricheurs, qui vont forcément avec), en fait Lagardère, propriétaire d’une minorité de son groupe veut le quitter et elle doit financer le rachat de ses parts. Autant la recapitalisation du Monde s’était faite « à ciel ouvert », autant le changement de propriétaire au Parisien semble opaque, pas de commentaires. Mais selon les journalistes qui en discutent, l’Elysée aurait demandé à Serge Dassault de « regarder le dossier ». Ils font alors des additions : le journal qui a perdu six millions l’an dernier reste une bonne affaire comparé à tous les autres quotidiens, il serait devenu la référence des commentateurs dans l’audio-visuel, de populiste, il est devenu populaire. On ne dit pas, qu’en cela, il a donc remplacé France-Soir, celui des années soixante. Le commentaire est surtout l’addition en vue de la campagne présidentielle : Libération + Le Monde + L’Humanité ne dépassent guère 450.000 exemplaires au mieux (j’ai connu Le Monde vendant à lui seul plus de 500.000 exemplaires et durablement) contre Le Figaro + Les Echos + Le Parisien + France-Soir dépassant ensemble le million (presque deux fois moins que le seul France-Soir de Lazareff dans les années 1960). Dassault rachetant ne serait cependant pas en contravention avec les textes sur la concurrence (ne dépassant pas 30% des tirages totaux de la presse quotidienne écrite). Citation de Frédéric Mitterrand : affaire de presse est affaire économique et pas politique, les rédactions restent libres, etc… Je trouve effrayant que l’Elysée se mêle des rachats de journaux, mais… il est vrai que le Général à la Libération s’en mêla aussi puisqu’il « donna » à Beuve-Méry Le Temps… il est vrai que c’était pour qu’existât un modèle de presse indépendante, en même temps que se créait l’A.F.P. Aucun des journalistes ne fait le rapprochement avec la nouvelle « tombée » un quart d’heure plus haut : l’annulation par le Conseil d’Etat du scrutin municipal à Corbeil-Essonne pour la seconde fois en dix-huit mois permet à Serge Dassault de se faire réélire : celui-ci annoncera son éventuelle décision la semaine prochaine…

Même agitation et même opacité. Les otages enlevés à Arlit et la menace terroriste en France.

Le directeur de la police, toujours le même ayant à son actif – révélations d’une seule semaine – la recherche des sources du Monde et l’intervention en faveur de son fils, affaire de scooter comme celle de Jean Sarkozy, mais dans un cas : ivresse et outrage à agent, dans l’autre : délit de fuite, ce policier se répand dans les radios pour dire ses certitudes et pronostics d’éclatement de bombes. Passage au rouge renforcé de vigipirate, mais l’enquête montre que dans les gares notamment, rien de changé. On a l’imprudence aussi de dire le nombre de militaires impliqués : pas six cent, dont les deux tiers en région parisienne. Personne n’évoque le carton que feraient des kamikazes dans les cortèges de manifestants, demain. Ce serait d’un affreux, horrible cynisme, mais pour semer la terreur et pour désorganiser le pays : pas plus efficace.

Débat sur le compte non tenu par Areva des avertissements – 1er Avril – de la préfecture d’Arlit. Evocation qui ne passe qu’une fois, d’une base d’écoute américaine, près de Tamanrasset, forte de quatre cent expatriés et sur laquelle s’appuierait la recherche française, qui ne dispose donc d’aucun outil de cette sorte. Prenant par hasard Radio-Vatican, indication que l’ambassadeur américain en Mauritanie, une femme, plaide au Capitole pour un renforcement très important de la coopération avec le régime mauritanien pour la lutte anti-terroriste. Ce n’est pas repris par les médias français, qui ne disent qu’une seule fois la coopération franco-américaine dès avant le dernier enlèvement. Coincidence : deux Français enlevés par des pirates – aussitôt qualifiés tels par Hervé Morin et par les experts (universitaires en stratégie, terrorisme et zones géographiques – dans le delta du Niger. Qui se souvient de la guerre du Biafra et mentionne aujourd’hui l’indépendantisme qui serait la meilleure lutte possible contre le banditisme ? L’Elysée affirme que « tous les moyens de l’Etat sont à pied d’œuvre pour retrouver les otages ». D’autre source : pas d’usage de la force militaire, mais chiffres variant depuis hier de dizaines aux centaines d’hommes positionnés là-bas. Avec variations de site : Niamey, puis Ouagadougou. Je prévois quant à moi une succession d’enlèvements à ne plus savoir que communiquer ni où donner de l’avion ou du coup de main.

Supputation pour demain. Les syndicats divisés sur la reconductibilité des grèves. En fait, eux et l’opinion, sont fascinés par le gouvernement dont la crédibilité est totale : les manifestations ne changeront rien, même si l’étiage des 2,7 millions (évaluations des organisateurs) ou du 1,1 million (évaluation de la police) se maintient du 7 au 23 … Imprudence certaine du Parti socialiste : si nous revenons au pouvoir, abolition de la réforme et retour aux soixante ans. Imprudence parce que tout dirigeant, pas seulement d’entreprise, sera heureux de trouver la réforme faite en ce sens, injuste ou pas, efficace ou pas, et qu’en conséquence la promesse ne sera pas tenue, ce qui sera un démarrage déplorable et rééditera la déception Jospin (qu’on n’entend d’ailleurs pas sur le sujet). Imprudence parce qu’ainsi les manifestations sont inutiles et que seul le bulletin de vote – mais dans près de deux ans encore – sera utile. Grève et manifestation deviendraient donc inutiles. Les commentaires les traitent comme des outils, alors que celles qui changèrent la société et d’abord les lois étaient des révoltes, même des révolutions. On voit combien nos dirigeants seraient totalement débordés et aphones si vraiment il y avait un mouvement social Cynisme et condescendance d’Eric Woerth, inquiétude et manifestation parfaitement compréhensibles, mais le gouvernement ne changera en rien le texte. Voire. Avec finesse, Chérèque répète que le gouvernement doute et a déjà reculé, même si ce sont des détails. On voit d’ailleurs un point sur lequel il va immanquablement bouger. La question des femmes ayant au moins trois enfants et que la réforme pénalise – sans compter que c’est un évident déni de politique familiale et nataliste – la Halde (il est vrai que la nouvelle présidente doit faire oublier ses prétentions de cumuler plusieurs rémunérations) et le président du Sénat veulent et donnent des amendements.

Obsèques à Rioz (Haute-Saône) de Jean-Marcel Jeannenney, ministre du général de Gaulle de 1959 à 1962 et de 1966 à 1969 : il ouvrit notre ambassade en Algérie indépendante, il avait dirigé le cabinet de son père à Matignon, à la Libération, pendant laquelle le dernier président du Sénat de la Troisième République, fut ministre d’Etat de l’homme du 18-Juin. – Je le visitais régulièrement depuis 1972…

. . . à Rioz – Haute Saône, 13 heures 45 et ensuite + Changé en forêt le long de la route allant, très passante et bien tracée vers Vesoul. Trois quarts d’heure de décompression après la route. – Je ne me souvenais plus du tout de l’arrivée à Rioz, le giatoire, la grand-rue, barrage, je demande le cimetière. Facile à trouver, en hauteur, personne qu’un petit détachement de police en chemise clair avec armes et trois ou quatre personnes, trois drapeaux et leur homme chacun. Quelque chose ailleurs ? avant ? j’attends. Un homme plutôt jeune, barbe italienne. Le directeur du cabinet du préfet, coopération pour les Nations Unies à partir du Tchad pour tout le Sahel, aventure d’une frontière franchie sans le savoir entre Mali et Mauritanie en voiture, intercepté, des heures d’attente, il aurait pu disparaître et demeurer à jamais introuvable. Je ne me suis présenté que sommairement. – La tombe auparavant, ouverte, un cercueil bien visible, les gerbes, une petite estrade à micro, quelques rangs de sièges dans l’allée, en faisant face on a la tombe, deux ou trois autres, le micro, puis les sièges.

Le cortège arrive, fourgon et petite foule, famille et autres par une montée qui a fait tournant. Je suppose qu’il y avait réunion dans la maison ancestrale. J’ai pris le parti de la totale discrétion et de la simple prière, de l’écoute et du regard.

La série de discours – on a commencé vers deux heures vingt – est longue, je filme mais ma bobine était presque finie. Je regrette, France 3 a filmé, mais pas tout. J’apprends énormément et d’abord de Jean-Noël Jeanneney qui « préside » et passe la parole. Ainsi, de même que lui-même fut emmené par son père à Colombey, sans doute sans que le Général et Madame de Gaulle en soient prévenus ? il y a même la photo. prise par Madame Jeanneney pour que les deux hommes, la dynastie, y figurent bien, de même le petit Jean-Marcel est à l’Arc-de-Triomphe le 13 Juillet 1919, avec son père et donc aux côtés de Clemenceau qui lui prend la main pour marcher – seul avec lui – jusqu’à l’emplacement futur de la Flamme ou en était-ce déjà l’inauguration ? Récits intéressants-témoignages de Jean-Claude Casanova sur la formation et le fonctionnement du cabinet rue de Grenelle à l’Industrie de 1959 à 1962, que cinq et lui-même comme Barre, également occupés à autre chose, JMJ et le thé d’après-midi, les explications de décision et le récit de la journée, puis Jean-Paul Fitoussi moins factuel, pleurant d’émotion en péroraison mais donnant l’importance intellectuelle, déjà soulignée par JCC (l’institut de la rue Michelet, les livres, thèses et recherches inspirés par JMJ). L’OFCE autant grâce à Raymond Barre qu’à François Goguel pour avoir raison de la Fondation des Sciences-Po. auquel l’Office sera rattaché. Projet du centenaire, acclamé par le personnel là-bas. Ambitions de l’équipe : le Nobel d’économie. Le passage de l’économie littéraire à l’économie quantitative, l’amour des graphiques, fond du langage commun et donc d’une discussion éclairée, fructuteuse, aboutissant. Bonne observation sur le cadre de tout débat et ce que nous en oublions ces temps-ci.

Confirmation – mais avec éclat, redondance et émotion – de ce que fut le couple, un amour qui frappait d’exemple surtout les enfants et petits-enfants. Mais que de choses j’apprends. De l’ordre intime. Forcément de la distance avec les enfants et plus encore avec les petits-enfants et arrière-petits-enfants, intimidés, mais des « anecdotes » de proximité et d’aveu sobre d’amour et d’intérêt. Marie-Laure en fait chargée, déléguée de ces éducations et pour l’affectivité et l’aveu, il faut la mort de celle-ci pour que Jean-Marcel prenne complètement le relais. J’apprends… les fleurs, les arbres, la veille des plantations, leur taille, la mise à contribution de toute la ressource humaine (les siens, ses enfants et leurs enfants – quelques mots avec un quidam, en attendant le cortège : le préposé aux arbres, et uniquement aux arbres, pas jardinier, recevant les ordres de JMJ lui-même, un peu fatigué, pas le même ce dernier été mais ayant prévu le bois, les coupes, et tout pour l’hiver. Inquiétude du bonhomme, sans doute pas quarante ans mais assez massif, tant d’enfants et ayant-droits, qui dirigera, que va devenir la propriété ? Laurence, présente à Rioz comme adjointe, a acheté, ou fait construire, à côté). Particulièrement, les chênes rouges d’Amérique, la taille des buis malgré la pratique de faire des cabanes à l’intérieur de leurs massifs, l’arrosage enfin des anémones.

Les colères soudaines, mais brèves, le mouchoir tendu ensuite, ce n’est pas la peine de pleurer. Colères vers les petits-enfants. Echo et confirmation de cette semi-colère qui m’avait surprise en réponse à mon acharnement pour que Marguerite pose afin que nous ayons de photo. de lui avec notre fille : impossible ou raté. Vous êtes complètement irresponsable, mais il lui avait préparé une petite chaise d’enfant qu’elle occupa peu, allant assez vite dormir sur le canapé de la partie bureau. – La mise à l’informatique a manifestement sidéré tout le monde dans sa famille et chez tout visiteur, avec ce que j’ai vêcu moi-même, une certaine gaucherie en traitement de texte, combien l’ont tuyauté… Importance de l’écriture-composition de sa mémoire familiale (des deux « côtés ») dont il s’ouvrait à chacun des siens le visitant. Les récits de table, l’ennui des tout-petits mais la contagion vite dès que les années donnaient l’âge de raison. Témoignages donc et prise de paroles d’enfants, petits-enfants et arrière petits-enfants. Conscience de tous du grand homme. Son sourire, son optimisme (si le ciel noircissait : cela va s’éclaircir), place considérable dans sa vie et dans son équilibre donc, de ce « territoire » qu’il continuait de veiller (rythme des visites et entretiens avec ses successeurs) et de cette propriété. Rioz dont semblent originaires la plupart des dirigeants élus du département, à la suite de Jules Jeanneney, et qui, par JMJ, inaugure une possible série de monographies situant les débats et scrutins municipaux dans l’histoire nationale : manifestement, les élus qui ont pris la parole y ont été sensibles. Confirmation Le préfet, presque adolescent, le visage semi-masqué par la casquette portée trop bas, a manqué son discours : il eût dû improviser, ce qu’apprend un jeune haut fonctionnaire, aujourd’hui et dans la perte de repères et du sens de l’Etat aujourd’hui, ce qu’il apprend en méditant JMJ. L’avait-il rencontré ? il y eût fait allusion.

La gouvernante (chilienne, qu’il avait sauvé à sa demande d’asile politique) était-elle là ? son thésard aux deux volumes sur Le patricien et le général, état-il là ? Pas de message du gouvernement ni de l’Elysée, pas le préfet de région. Allusion à la foi chrétienne de certains des enfants et petits-enfants mais ouverture des hommages par le rappel à l’identique des dispositions souhaitées par Jules Jeanneney : obsèques civiles.

16 heures 30 + Tandis qu’on pellete le gravier pour en recouvrir les deux dalles de parpaing qu’on n’a pas cimenté, j’ai lu, sur la tranche de la pierre tombale : Jean- 1910 et déplaçant un peu une autre plante : Monod 2008.
Et je suis revenu, heureux d’être seul, bruit de la pelle, dégoulinade du gravier qu’on répand et étale, soliel très brillant.
Le sourire, son sourire, un tel sourire ne peut être celui d’un homme qui ne… la vie, lui-même, l’amour pour sa femme, l’ayant précédé de moins de trois ans : fini ? aboli ? disparu ? A-t-il pu le réfléchir et le penser ainsi ? Je l’entends même s’il ne l’a jamais dit (peut-être), ne me l’a jamais dit en tout cas. On ne sourit pas au présent, on sourit à l’autre.

Il croyait donc, mais quoi ? (il s’agit ici de maintenant, de la mort, de sa mort, de notre mort, de la vie donc, de toute vie, de …). Il croyait… certainement non à des idées, ni à un enseignement, lui-même avait tellement dépassé ses maître et il transmettait des méthodes, des vertus, sa propre mémoire, mais le résultat, le bout du chemin, et au fond l’objectif, il ne les disait pas, ne les imposait pas. Il aurait su qu’il ne les aurait pas prêché. Libre, il laissait libre. Humblement – j’en suis sûr – il n’excluait rien, l’expérience vaudraut tout, il ne s’en inquiétait pas.

Cette tranquillité d’âme donne une leçon aux croyants, pas seulement parce qu’ils ne témoignent que peu ou pas du tout – lacunes ou parole si banale, si peu surnaturelle – alors que lui en avait à revendre et le donnait gratuitement.

Tranquillité d’âme qui me paraît l’absolu de la foi parce qu’il ne l’élucidait pas, ne la définissait pas, ne pouvait l’imaginer l’avoir, aucun prétention, mais un tel optimisme, un tel calme, un tel dépouillement du regard sur l’autre, sur lui-même, un tel amour pour sa femme.

Il avait aimé, transmis, vêcu, servi sans servilité, affirmé sans forfanterie. Quelle tranquillité reçue de lui qu’avoir été à l’écouter ! j’y ai été admis, probablement un des rares à n’avoir aucun titre de sang, de collaboration, de mission, de notoriété, j’ai été tout fait du rang mais traité comme si je devais bébéficier d’une préférence. Délicatesse extrême d’un tel accueil, le témoignage d’âme est là, l’originalité extrême d’une intelligence à l’expression si simple et à l’universalité si évidente est là. Intelligence maintenant d’une foi non spéculative, non démonstrative, non dogmatique, non désespérée ou désespérante (celle de tant de chrétiens ou de professionnels de la foi.
La mort si simple, la vie si grande. Jeudi dernier et presque cent ans, l’addition s’impose, est-il bon de se la dire. Sa marche d’esprit était certaine, s’arrêtant une fois, il m’avait dit, ce qui est une attitude vraie et avouée et au fond celle de tout vivant : on ne sait pas. Marche, attitude, dire, je crois – assis ici devant sa tombe, celle des siens – que c’est la foi.
Sur la tranche de la pierre tombale :
Marie-Laure née Monod Jean-Marcel
1913-2008 1910-2010

et la tombe voisine, à la perpendiculaire de la sienne, est la seule du cimetière ainsi orientée, surmontée d’une croix de fer façon 1860-1880. Elle semble pour deux, fait-elle seulement fond et décor, plus loin la colline doit descendre et de l’autre côté, après le creux de la grand-rue, sans doute celle nommée Charles de Gaulle, le clocher comtois et les vallonnements et collinnements qui sont une forêt – point commun avec le Général – paysages verts, moutonnants, cachant qu’il peut y avoir des limites, l’horizon qu’on ne voit pas quand il n’est que forêts. Ernest Prosjean + Mars 1865 …. Marguerite veuve Prosjean + Octobre 1878.

La tombe est couverte de fleurs, on distingue le bronze d’une palme : la guerre, sur son à-plat. Le gravier est impeccable. Aujourd’hui a passé, est là, ici. Puis…

Je ne suis donc pas allé à la salle polyvalente où la mairie organisait quelque chose, j’ai pu embrasser Laurence si changée par rapport à 1960 mais depuis déjà longtemps, bien remettre Nathalie dont le mari a de l’allure plus que Jean-Claude Paye déjà ancêtre et embrasser aussi Jean-Noël. J’ai préféré être seul et avoir ce moment, témoin de hasard de la fermeture de la tombe. D’une « gerbe », détaché une marguerite. La plus belle, sans façons, évidemment la cueillette de fleurs qu’il aimait, celles du jardin de ses propres parents. – Je vais rouler, je songe puis renonce à une soirée sans préavis chez Alain R. à Pontarlier, le Haut-Doubs auquel je me suis tant donné, ineffaçablement pour moi. A Arc-et-Senans, un récital ? tandis que je tentais de faire campagne, l’été de 1980, arrivée des officiels avec le préfet, les élus, JMJ alors régnant. J’étais loin, mais c’est de Pontarlier qu’ensuite, sans doute en 1987, je suis allé le visiter dans son village, journée entière, il m’a tout montré, qui était souvent nouveau et son œuvre. Sauf le cimetière et la tombe de son père.

[1] - Proverbes XXX 5 à 9 ; psaume CXVIII ; évangile selon saint Luc IX 1 à 6

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