mardi 14 septembre 2010

Inquiétude & Certitudes - mardi 14 septembre 2010


Mardi 14 Septembre 2010

Prier…
[1] énième solennité de la Croix. Contrairement à des tendances toujours présentes dans le comportement ou l’esprit de beaucoup de « chrétiens », l’Eglise ne prêche pas le dolorisme et la recherche de la souffrance, pour celle-ci, en tant que telle brutallement. La Croix est la référence et le signe du salut, bien plus que la soufrance du supplicié et que le parcours de Jésus Dieu fait homme spécialement pour ce parcours et son commentaire permanent par anticiâtion durant les trois ans du ministère public. Moïse intercéda pour tout le peuple… fais-toi un serpent et dresse-le au sommet d’un mât : tous ceux qui auront été mordus, qu’ils le regardent et ils vivront ! Evocation autant de la Genèse, du dialogue d’Eve avec le Malin, que de l’instrument de rédemption. Moïse semble avoir été laissé libre de l’image qu’il avait à produire ; il a choisi le bronze, sans doute ce qu’il y avait à son époque de plus pérenne. Exegi monumentum aere perenium. L’essentiel est que le signe soit visible. C’est pourquoi Dieu l’a élevé au-dessus de tout : il lui a conféré un Nom qui surpasse tous les noms, afin qu’au Nom de Jésus, aux cieux, sur terre et dans l’abîme, tout être vivant tombe à genoux, et que toute la langue proclame : ‘Jésus Christ est le Seigneur’, pour la gloire de Dieu le Père. … Ainsi tout homme qui croit en lui ne périra pas mais il obtiendra la vie éternelle. Un des éléments qui a toujours étonné et étayé ma foi, d’une même constatation chaque fois forte, c’est ce lien, dans la pensée, l’expression, l’évocation entre chacun des livres de la Bible, quoique d’auteurs, d’ambiance et d’époque de rédaction si différente. Et Paul et Jean dont je crois qu’on ne peut pas dire qu’ils aient été très familiers l’un de l’autre, ont exactement la même vue… de la Croix. – Prier. Leçon d’exploitation et de la nécessité du passé, prophétisme à deux degrés, l’anticipation puis la signification. Visibilité du salut, Dieu a envoyé son Fils dans le monde non pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé. … Et, miséricordieux, au lieu de détruire, il pardonnait. Il se rappelait : ils ne sont que chair, un souffle qui s’en va sans retour. Ces guérisons – miraculeuses ou pas – ne tenant qu’à une orientation du regard, de la vie. Et le regard vers le haut et vers le lointain. Et pourtant le sort très particulier de chacun de nous, immédiatement.

matin

Reprise de pourparlers israëlo-palestiniens (à Charme-le-Cheikh), en présence physique d’Hillary Clinton. Réédition de la tentative de son mari à quelques jours de quitter le pouvoir, et tandis qu’Ehoud Barak, alors Premier ministre travailliste était donné perdant aux électiosn. Cette sorte de défi par désintéressement de carrière politique n’a guère réussi à l’époque contemporaine qu’à Lyndon Johnson faisant ouvrir la négociation de Paris par sa décision de ne pas briguer un nouveau mandat. Entre Israëliens et Palestiniens, les choses ne peuvent se marchander en public, et elles supposent une confiance humaine absolue entre les négociateurs, d’où le processus d’Oslo et d’un autre endroit – dont le nom m’échappe – donc le secret et des gens de confiance entre eux et vis-à-vis de leurs mandants, avec en sus un terrain préparé par des organisations de chacun des deux camps, non gouvernementales. Schéma presque parfait, accord, puis assassinat. J’ai déjà écrit ici que je ne crois plus que la coexistence de deux Etats, dont l’un serait inviable par discontinuité des territoires et subordination économique et militaire totale, sans compter les disparités mentales entre les deux portions du pays, mais qu’il faut parvenir – affaire que je crois de bien moins d’un siècle – à un Etat unitaire et laïque mais respectueux des races et confessions, avec une capitale évidemment Jérusalem et une gestion multiconfessionnelles des lieux-saints. Dans l’immédiat, toute avancée est possible si les Etats-Unis coupent les vivres à Israël. Comme ils ne le font pas… et depuis quinze ans, les Palestiniens auraient dû avoir les c… pour proclamer sans la permission de quiconque – à l’instar d’Israël en 1948 – leur Etat. Ils ne le font toujours pas, ils arrivent à la conférence en disant qu’ils la quitteront si le gel de la colonisation n’est pas maintenu au-delà du 24 Septembre, mais ils ne la quitteront pas et la colonisation continuera. La grande ou moyenne puissance (nous, et donc l’Europe) qui proclamerait ce que j’écris serait prophétique et constructive. Je ne suis pas ministre des Affaires étrangères pour cette France du possible et du nécessaire : je le regrette, mais n’en souffre pas. Comprendre et dire m’a suffi à longueur de vie. Sans doute dans les dix-huit mois qui viennent, essaierai-je de me faire vouloir vis-à-vis de ceux dont j’espère qu’ils feront alternance et surtout rupture : comportement, morale, mais je n’ai pas d’illusion. Ce qui rendra l’éventuelle surprise encore plus agréable.

Tournant… l’histoire de la circulaire minuistérielle visant les Roms explicitement, mais signée depuis le 5 Août, sort maintenant et les tentatives d’Eric Besson de faire croire qu’elle n’est que du crû Beauvau font long feu. Depuis des années, les Roms sont expulsés mais il n’y avait pas eu de discours de Grenoble pour que ce non seulement l’officialité de la politique mais même le fleuron du mandat en cours, et rien n’avait été écrit qui soit discriminatoire. Tomber ainsi dans le panneau, c’est bien avouer qu’on considère l’opinion publique française ductile : sécurité, euroscepticisme, nationalisme des dictatures, et c’était avoir oublié Bruxelles. Une Viviane Reding tient le langage d’une femme trompée : elle s’était encore portée fort de notre système de défense la semaine dernière. Et second élément du tournant, à faire chavirer le véhicule : sondage montrant que pour l’ensemble des Français et plus encore pour la droite UMP, François Fillon est le meilleur candidat en 2012 et de très loin (plus de 52% dans l’ensemble des Français contre 19% à Nicolas Sarkozy, et 50% dans l’U.M.P. contre 37% au président régnant). C’est-à-dire que Sarkozy ne sera « réinvesti » que selon la possession d’état et sans procédure, et que s’il renvoit auparavant Fillon, cet automne ou plus tard, il provoque une sécession souterraine de ses troupes, et d’abord des élus. Il est improbable que la stature internationale à laquelle il prétendra – non sans comique physique – et que ses homologues gêneront ou relativiseront au maximum pendant « sa » présidence du G 8, ne palliera pas cette perte de crédibilité.

A l’Assemblée nationale, Guigou puis Ayrault. Défense chaque fois par Brice Hortefeux qui ne répond pas sur le fait et renvoit au « cabinet noir » sous Mitterrand. J’estime que la référence n’est pas fondée. Les écoutes téléphoniques ne sont pas, et de loin, le seul déni de droit de l’actuel pouvoir, Mitterrand était en défense (sa vie privée) et l’ensemble des médias, des initiés, y compris son adversaire aux deux élections présidentielles de 1974 et 1981 acceptaient de ne rien jeter en pâture ni même insinuer. Ce n’était pas la « politique des boules puantes » interdite par de Gaulle à ses soutiens lors de sa propre campagne présidentielle, en 1965. François Fillon en évoquant une loyauté dont il faut s’assurer et les obligations de réserve, a admis implicitement le fait que le pouvoir a cherché par tous les moyens à connaître les sources du Monde, publiant les auditions de l’affaire Woerth-Bettencourt. Comme Sarkozy a eu l’imprudence – ou la forfanterie – de convoquer le directeur du journal pour lui faire savoir ses propres préférences dans la recapitalisation du journal, il est tout à fait vraisembable que tout soit maintenant tenté pour décrédibiliser ce que l’on n’a pu maîtriser. C’est maladroit et même puéril. C’est manquer de mémoire et d’une culture d’histoire contemporaine française élémentaire : que de fois, il a été tenté de détruire Le Monde. Par mes dialogues avec Jacques Fauvet, j’ai vêcu la sale histoire des déballages de Michel Legris. Mais cette histoire d’espionnage montre surtout une centralisation – dénoncée quand elle se fit, et j’y ai procédé quoique sans la voix que j’avais eue autrefois – des forces de renseignement et de maintien de l’ordre qui n’est pas dans la tradition française : tout le renseignement, sans distinction vraie entre la menace extérieure et l’intérieur courant, est centré et commandé à l’Elysée, de même qu’il est dangereux que gendarmerie et police soient à la main d’un seul ministre. – Silence relatif de François Fillon dans les affaires sécuritaires, de Michèle Alliot-Marie dans cette histoire de sources et aussi dans ces projets de loi étendant les cas de déchéance de la nationalité française. – Le procureur Jean-Claude Marin contraint à un zèle « républicain » : il interroge les services sur la vérité ou pas de cette enquête contre un journaliste et en vue d’obtenir les sources de celui-ci. De même, l’arrêt de la cour d’appel de Versailles va contraindre le procureur Courroye à l’indépendance.

La défense autour de Sarkozy est simpliste : la dénégation systématique, la victimisation au besoin par le complôt ou l’acharnement soit médiatique soit d’une opposition non constructive – et quand cela ne suffit plus, il y a le haut-le-corps, la fonction présidentielle est au-dessus de tout, du soupçon et de la loi, voire de la caricature ou de la critique (nouvelle affaire de photos. pratiquement truquées puisqu’hier l’entourage « ouvrier » du président avait été sélectionné, sinon déguisé pour la montre). C’est un des symptômes de notre dénérescences que cette sacralisation du pouvoir, qui n’a pas de fondement cohérent et rationnel en République, et qui est intenable quand l’on a un président ne distinguant en rien l’accessoire de l’essentiel, le long terme objet de consensus de l’immédiate chasse aux voix pour le prochain scrutin. Le président comme ses prédécesseurs n’est ni viager ni héréditaire, il est élu à terme, désormais bien court, il n’est prolongeable dans ses fonctions que par élection. De plus, l’impétrant n’a pas le sens de la souveraineté populaire et de ce que l’appui et le verdict de celle-ci, démocratiquement sollicités, produirait pour le bien commun. Alors, pour services rendus, une certaine révérence, une certaine mise hors de pair se concevraient.

Dans cette réorganisation, l’armée est ridiculisée puisqu’elle n’a plus de rôle qu’accessoire d’une politique étrangère de cocarde personnelle, de foucade qu’illustre parfaitement notre engagement en Afghanistan.

Dialogué avec Jacques Myard sur l’affaire des sources du Monde.

textes prochainement donnés

Les munificences du pouvoir … les éleveurs gratifiés de 300 millions en trois ans plus une trentaine en urgence, ce n’est pas sensiblement plus que ce qui est en passe d’être donné à une seule personne et tout de suite : la rallonge à Bernard Tapie, et ce n’est pas même le double du coût de l’avion présidentiel à usage exclusif. Sarkozy annonce une nouvelle aide aux logements pour faire passer les ayant droits au taux zéro de quelques 280.000 à 300.000 : engagements de campagne, mais cela n’aidera que des accessions très modestes et guère dans des zones où manque le logement social. Exemple-type de lecture, les soi-disant générosités quand elles sont de près étudiées sont d’effet moins universel et plus conditionnel que le dispositif remplacé.

soir

J’écoute sur France-Infos. à 18 heures 15 Viviane Reding. Ce qui a été donné en boucle depuis le début de l’après-midi est maintenant exhaustif. – J’ai aussitôt résolu de lui écrire pas tant mes félicitations, que la dialectique française et européenne dans laquelle elle s’inscrit, et combien c’est heureux.

prochainement notes prises en écoutant Reding


----- Original Message -----
From:
Bertrand Fessard de Foucault
To:
Viviane Reding - Commissaire européen à la Justice & aux Droits fondamentaux
Sent: Tuesday, September 14, 2010 10:53 PM
Subject:
votre indignation motivée telle qu'exprimée par vous sur les ondes françaises - France Infos. après-midi de ce mardi 14 septembre 2010

Madame, j'ai entendu "en boucle " sur France-Infos. cdes fragments de l'entretien que vous aviez accordé à ce média public, puis la totalité à 18 heures 15.

Comment vous remercier - et je suppose que beaucoup de Français vous ayant écoutée sont dans mes sentiments - vous remercier pour ce distingo final entre le gouvernement et les Français qui sont en grande majorité révoltés par cette conduite de cet été, et plus encore par le fait que les principaux ministres et le président se disent fiers de cette conduite. Conduite ayant la même application en méthode et en statistique depuis plusieurs années, mais dont le "discours de Grenoble" a affiché la soi-disant légitimité et donné l'exposé des motifs électoraux - avouant ainsi l'idée que nos dirigeants se font de la France et des Français.

Vous remercier de sauver ainsi notre honneur, tout simplement en rappelant à nos gouvernants ce que sont la tradition et le rôle de la France depuis toujours et particulièrement dans la construction européenne. Vous soulignez une identité revendiquées à usage interne par une partie de nos gouvernants et gommée ou plus ou moins émolliente pour l'international. Fasse le pape ne pas s'y laisser prendre alors que l'Eglise de France est au front.

J'ai été ambassadeur et je regrette de ne plus être en poste car j'aurai eu le plaisir de démissionner. Ou bien à la conférence annuelle, de claquer la porte.

Soyez assurée que vous avez le soutien de l'élite française, que vous avez l'oreille de tous les médias et enfin qu'une partie du gouvernement actuel dont le Premier ministre et la garde des sceaux pour le moins réprouve - il est vrai seulement in petto - ce qui est fait. Qu'en fait les Français sont avec vous.

Vous-même et le Parlement européen, vous relayez avec puissance et aussi avec de bons outils juridiques ce qui est tenté - sans distinction de partis - en France ces temps-ci. Et la justice européenne va précéder, au moins en saisine, nos propres procédures en Conseil d'Etat.

Cette honte ne durera pas, dont la question des expulsions n'est qu'un élément puisque les soi-disant déchéances de nationalité procèdent du même esprit raciste. Comme vous le savez, le ministre de l'Intérieur a été condamné en correctionnelle pour des propos racistes.

Vos déclarations mises en ondes cet après-midi ne sont pas seulement un concours inerstimable pour tous les révoltés en France et aussi pour tous ceux qui aident de beaucoup de façons, les Roms et les expulsables. Elles sont également une mise en garde pour l'avenir, une contrainte future pour tout gouvernement qui viendrait à succéder à l'actuel et ne serait pas, pour des raisons électorales qui déshonorent aussi bien la politique que le pays, en rupture avec ce qui se fait maintenant.

Enfin, vous démontrez que l'Europe est une sauvegarde - pas seulement dans le domaine de votre compétence mais en tous domaines que la crise matérielle et la crise des valeurs affectent aujourd'hui. Ce n'est pas moins d'Europe mais de plus en plus d'Europe, fondée sur lers valeurs que vous rappelez et datez, fondée sur un patriotisme européen qui ne demande qu'à s'exprimer.

Tenez bon, ne craignez pas les euro-sceptiques, travaillez avec foi et toute votre attitude de la semaine dernière montre votre amour de la France réelle et votre estime pour celle-ci.

P S

En Fw. un courriel en solidarité avec l'archevêque de Toulouse, siège du cardinal Salièges qui s'opposa au maréchal Pétain à propos des Juifs
et en PJ attachée une lettre adressée il y a un huit jours au Président de la République française et au Premier ministre.

Votre rappel excellent et opportun sur la non-transposition de la directive pertinente.


[1] - Paul au Philippiens II 6 à 11 ; Nombres XXI 4 à 9 ; psaume LXXVIII ; évangile selon saint Jean III 13 à 17

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