jeudi 23 septembre 2010

Inquiétude & Certitudes - jeudi 23 septembre 2010


Jeudi 23 Septembre 2010


Hier, à Rioz - 16 heures 30 + Tandis qu’on pellete le gravier pour en recouvrir les deux dalles de parpaing qu’on n’a pas cimenté, j’ai lu, sur la tranche de la pierre tombale : Jean- 1910 et déplaçant un peu une autre plante : Monod 2008.
Et je suis revenu, heureux d’être seul, bruit de la pelle, dégoulinade du gravier qu’on répand et étale, soleil très brillant.
Le sourire, son sourire, un tel sourire ne peut être celui d’un homme qui ne… la vie, lui-même, l’amour pour sa femme, l’ayant précédé de moins de trois ans : fini ? aboli ? disparu ? A-t-il pu le réfléchir et le penser ainsi ? Je l’entends même s’il ne l’a jamais dit (peut-être), ne me l’a jamais dit en tout cas. On ne sourit pas au présent, on sourit à l’autre.
Il croyait donc, mais quoi ? (il s’agit ici de maintenant, de la mort, de sa mort, de notre mort, de la vie donc, de toute vie, de …). Il croyait… certainement non à des idées, ni à un enseignement, lui-même avait tellement dépassé ses maître et il transmettait des méthodes, des vertus, sa propre mémoire, mais le résultat, le bout du chemin, et au fond l’objectif, il ne les disait pas, ne les imposait pas. Il aurait su qu’il ne les aurait pas prêché. Libre, il laissait libre. Humblement – j’en suis sûr – il n’excluait rien, l’expérience vaudraut tout, il ne s’en inquiétait pas.
Cette tranquillité d’âme donne une leçon aux croyants, pas seulement parce qu’ils ne témoignent que peu ou pas du tout – lacunes ou parole si banale, si peu surnaturelle – alors que lui en avait à revendre et le donnait gratuitement.
Tranquillité d’âme qui me paraît l’absolu de la foi parce qu’il ne l’élucidait pas, ne la définissait pas, ne pouvait l’imaginer l’avoir, aucun prétention, mais un tel optimisme, un tel calme, un tel dépouillement du regard sur l’autre, sur lui-même, un tel amour pour sa femme.
Il avait aimé, transmis, vêcu, servi sans servilité, affirmé sans forfanterie. Quelle tranquillité reçue de lui qu’avoir été à l’écouter ! j’y ai été admis, probablement un des rares à n’avoir aucun titre de sang, de collaboration, de mission, de notoriété, j’ai été tout fait du rang mais traité comme si je devais bébéficier d’une préférence. Délicatesse extrême d’un tel accueil, le témoignage d’âme est là, l’originalité extrême d’une intelligence à l’expression si simple et à l’universalité si évidente est là. Intelligence maintenant d’une foi non spéculative, non démonstrative, non dogmatique, non désespérée ou désespérante (celle de tant de chrétiens ou de professionnels de la foi.
La mort si simple, la vie si grande. Jeudi dernier et presque cent ans, l’addition s’impose, est-il bon de se la dire. Sa marche d’esprit était certaine, s’arrêtant une fois, il m’avait dit, ce qui est une attitude vraie et avouée et au fond celle de tout vivant : on ne sait pas. Marche, attitude, dire, je crois – assis ici devant sa tombe, celle des siens – que c’est la foi.
Sur la tranche de la pierre tombale :
Marie-Laure née Monod Jean-Marcel
1913-2008 1910-2010

et la tombe voisine, à la perpendiculaire de la sienne, est la seule du cimetière ainsi orientée, surmontée d’une croix de fer façon 1860-1880. Elle semble pour deux, fait-elle seulement fond et décor, plus loin la colline doit descendre et de l’autre côté, après le creux de la grand-rue, sans doute celle nommée Charles de Gaulle, le clocher comtois et les vallonnements et collinnements qui sont une forêt – point commun avec le Général – paysages verts, moutonnants, cachant qu’il peut y avoir des limites, l’horizon qu’on ne voit pas quand il n’est que forêts. Ernest Prosjean + Mars 1865 … Marguerite veuve Prosjean + Octobre 1878.
La tombe est couverte de fleurs, on distingue le bronze d’une palme : la guerre, sur son à-plat. Le gravier est impeccable. Aujourd’hui a passé, est là, ici. Puis…

Ce matin, 08 heures 10 + Prier… lui, nous, tous, notre grandeur par la mort, notre grandeur par nos vies, pas plus humain, pas plus vivant que de transmettre. Tu fais retourner l’homme à la poussière, tu as dit : ‘Retournez, fils d’Adam !’. A tes yeux, mille ans sont comme hier, c’est un jour qui s’en va, une heure dans la nuit. Mais le psaume, l’expérience et la foi humaines ne s’arrête à la prise de conscience tout humaine et salubre de notre infinie petitesse et de notre finitude : Reviens, Seigneur, pourquoi tarder ? Ravise-toi par égard pour tes serviteurs. Nous avons un rôle à jouer, des actes à poser : la foi n’est pas une affirmation, ni une certitude, elle est une demande et Dieu fait qu’elle est notre réponse. La sienne avait tout précédé et créa tout. Rassasie-nous de ton amour au matin, que nous passions nos jours dans la joie et les chants. Que vienne sur nous la douceur du Seigneur, notre Dieu ! Et décisive bénédiction, réponse à la demande du Notre Père pour le pain quotidien et ce que, donc, nous en faisons : consolide pour nous l’ouvrage de nos mains.
[1] L’Ancien Testament, quand il tâtonne et n’a qu’expérience ou désir, ses livres « sapientiaux »… ce qui a existé, c’est cela qui existera ; ce qui s’est fait, c’est cela qui se fera ; il n’y a rien de nouveau sous le soleil (j’eus cela en composition de philosophie, sans qu’il soit indiqué que c’est une citation biblique, je ne me souviens plus de ce que je dissertais, mais j’ai tendance à croire que je pris le contre-pied). Y a-t-il une seule chose dont on dise : ‘Voilà enfin du nouveau !’. Non, cela existait déjà dans les siècles passés. Seulement, il ne reste pas de souvenir d’autrefois ; de même, les événements futurs ne laisseront pas de souvenir après eux. C’est le vanitas vanitatum commençant un discours (oraison funèbre d’Henriette d’Angleterre ?) de Bossuet devant le Roi-Soleil… certains disaient que Jean le Baptiste était ressuscité d’entre les morts. D’autres disaient : ‘C’est le prophète Elie qui est apparu’. D’autres encore : ‘C’est un prophète d’autrefois qui est ressuscité’. Quant à Hérode, il disait : ‘Jean, je l’ai fait décapiter, mais qui est cet homme dont j’entends tellement parler ?’. Et il cherchait à le voir. La mort, la vie, la foi, c’est un fait, c’est un homme, c’est Jésus-Christ, Fils de Dieu fait homme. Tout le reste, et nous donc, manque de solidité. – Hier, quarante ans d’amitié et d’écoûte, de leçon, de mémoire, d’échange. Tout à l’heure, le moine qui à mes vingt ans m’introduisit à l’anxiété autant qu’à la certitude – non de la foi ou d’une foi que la naissance m’a donnée et que la vie ne m’a jamais retirée – mais d’un dialogue avec Dieu, sans cesse compagnon de nos existences qu’elles cherchent ou qu’elles aient trouvé leur orientation, Lui. Moine indiquant l’idéal et la radicalité monastiques, alors, moine montrant beaucoup plus tard l’infirmité toujours possible de la vie quand l’humus de l’ego couvre les vœux, ce qui est la leçon silencieuse et demanderesse du grand secours divin. De l’admiration au scandale, et de là une amitié enfin fraternelle. Moine qui au possible a le don de l’humour parce que l’essentiel de son dire il y a longtemps et ce soir sans doute à nouveau, est bien que la vie est tragique mais que nous pouvons en faire quelque chose. Et de rire. Si certains dires de la vérité paraissent surannés, le rire qui conclut la discrétion de l’émotion. – D’une vie à une autre, de mes aimées à mes aimées, la France aller-retour dont les paysages sont d’homme, d’histoire et de vert, l’automne prépare le printemps. Banal, vie.


Route normande en bissectrice des grands itinéraires de Paris à Rouen et Caen, et de Paris à Orléans-Tours-Poitiers ou Nantes : la route de Dreux, l’Aigle, Argentan par les haras du Pin. Les nouvelles sur plusieurs postes. dont Radio-Orient que je découvre ainsi qu’Africa One.

La manifestation principale de la journée, celle de la Bastille à la Nation pour Paris, commence à peine que l’Elysée communique son évaluation de la mobilisation populaire : elle est nettement en baisse par rapport au 7 Septembre, ce qui signifie que la pédagogie paye, que le vote de l’Assemblée nationale en première lecture a été compris et est approuvé, qu’en conséquence le gouvernement est conforté dans son texte et dans sa fermeté. C’est le cynisme absolu. La présidence de la République communique sur les manifestations qui lui sont opposées – tactique de Rachida Dati en campagne présidentielle, rien sur soi et une immense commisération dont on gratifie constamment l’adversaire – et elle communique à mi-parcours. La note est donné à tout l’U.M.P. et au gouvernement comme dans ma chère Mauritanie, lors de la première élection présidentielle organisée par les militaires – celle de 1992 – le gouvernement dictait par radio aux chefs de circonscription les chiffres à inscrire sur les PVs de dépouillement… les estimations varient du simple au décuple à Marseille, elles sont en début de soirée de près de 3 millions de manifestants selon les syndicats mais de 990.000 selon la police et le gouvernement. Eric Woerth constate donc une nette décélération et assure que la loi sera votée et appliquée : réponse à l’évocation du CPE voté mais non promulgué.

Excellent résumé des mises en place dans le domaine financier et monétaire par Jacques de La Rozière, mais en regard l’absence de vraie reprise aux Etats-Unis et en Europe. Avance réelle, par les décisions européennes sur rapport d’une commission dont je ne savais pas l’existence et qu’il semble avoir présidée : une autorité de régulation européenne pour les banques, une pour les assurances et une enfin pour les marchés, alors que la fragmentation continue de régner aux Etats-Unis et donc de bien moins régir. L’avancée la plus décisive est de faire passer de 2 à 7% (ce qui équivaut pratiquement à 10%) l’obligation de fonds propres rapportée aux engagements des banques. Il fait observer que chaque point vaut 500 milliards d’euros (ou de dollars ?).


[1] - Ecclésiaste I 2 à 11 ; psaume XC ; évangile selon saint Luc IX 7 à 9

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