jeudi 16 septembre 2010

lettre au Président de la République pour me désolidariser de ses propos contre la Commission et Madame Reding


Reniac, le soir du jeudi 16 Septembre 2010

Monsieur le Président de la République,

écoutant et lisant ce que vous avez dit cet après-midi à Bruxelles, je souhaite qu’il soit avéré que des Français se désolidarisent non seulement des politiques dont vous avez donné l’aveu et le système dans votre discours à Grenoble, le 30 Juillet dernier, mais des sentiments que vous prêtez à l’ensemble de vos compatriotes en les disant choqués par les propos de Madame Viviane Reding, commissaire européen à la Justice et aux Droits fondamentaux.

C’est vous qui avez choqué beaucoup de Français par votre discours de Grenoble et par la pratique de certains de vos ministres. Que ces Français, honteux de votre discours et de ces pratiques, soient ou non majoritaires n’est pas la question et signifie surtout que vous divisez les Français – sur d’immenses sujets pour lesquels vous devriez au contraire les réconcilier et les faire militer : les droits de l’homme, sur l’accueil des autres citoyens européens comme sur notre appartenance à l’Union et notre respect de ses législations, d’ailleurs adoptées en conseil des ministres, donc par les vôtres aussi.

Je ne me sens donc nullement visé par les dires de Madame Reding et la France ne l’est pas non plus, et pas davantage les Français qui in petto ou par la voix de tant de leurs représentants, protestent inlassablement contre de multiples atteintes aux droits de l’homme depuis que vous êtes au pouvoir à un titre ou à un autre. Madame Reding, encore la semaine dernière, a cru sur parole ceux de vos ministres qu’elle rencontrait et s’est même portée fort, en toute vigilance, de leur sincérité. C’est le cri de quelqu’un de trompé qu’elle a, à juste titre, poussé. Et de cette manière d’ailleurs, elle a dit sa foi et son estime pour ce qu’est traditionnellement et doit demeurer la France. Elle n’est pas la seule, des Nations Unies au Parlement européen, du pape Benoît XVI au président Obama.

Parce que vous êtes infidèle, c’est vous qui êtes visé. Je reconnais que cela fait mal. Les intérêts pratiques, la sécurité, votre réélection-même sont des affaires qui peuvent se traiter pratiquement et dignement. Les intérêts se discutent et s’organisent – la question des populations migrantes ou transnationales en fait partie – et la sécurité n’est pas affaire de proclamations mais de moyens : ce qui est dépensé, entre autres, en Afghanistan, en pure perte (l’Indochine et l’Algérie qui étaient pourtant nôtres d’une certaine manière, nous l’ont appris), serait plus utile chez nous.

Le parallèle évoqué – mais non explicité – par la Commissaire européenne, après bien d’autres voix, notamment françaises, celle par exemple de mon éminent ami, successeur du cardinal Salièges dans l’archi-épiscopat de Toulouse qui s’opposa publiquement au Maréchal à propos de nos compatriotes juifs, ce parallèle a du fond. Précisément ces atrocités et ces dévoiements, les faits mais aussi les complaisances remontant à très loin qui permirent ces faits, non seulement en Allemagne-même mais de la part de tous les partenaires de l'Allemagne, nous gardent de tout ce qui aujourd’hui nous en rapprocherait, même d’infiniment loin. La responsabilité fut alors collective pas seulement d'une ou de deux générations allemandes, elle fut celle de tous les Européens et aussi des Américains. Ce précédent terrible - qui d'ailleurs n'a pas atteint seulement les Juifs, mais aussi les Tziganes (j'ai cru lire je ne sais où ni je ne sais quand qu'en sus des six millions de juifs, il y a eu un million et demi de tziganes massacrés en camp) - nous engage à être (adjectif qui vous est familier) irréprochables. Ne serait-ce qu'un millième en quelque égard que ce soit, qui serait aujourd'hui perpétré, n'est pas acceptable ni par les Français puisque c'est commis en leur nom, ni par les partenaires de la France dans notre Union, ni par la Commission gardienne de nos traités à tous.

Le parallèle est fondé puisqu'il y a désignation raciste, visée démagogique, législation d'exception votée sur commande avec déni d'opposition et confusion des pouvoirs constitutionnels, forfanterie à mener ces actions, déni de légitimité de toute contestation ou opposition à ces pratiques, à quoi s'ajoute en état de droit une série de mensonges, et en régime démocratique une évidente stratégie électoraliste soutenue par des réseaux et un quadrillage des moyens d’influence propres à manipuler la justice et le suffrage. C’est aussi triste que dangereux et affreux.

Après la désignation du bouc émissaire donnant ainsi raison à un parti extrême, vous joignez ceux qui militent pour notre sortie de l’Union et leur donnez des raisons. Justifieriez-vous le parallèle ? puisque l’Allemagne quitta la Société des Nations. La France quittant l’Union européenne sur le sujet qui a fait sa gloire universelle depuis 1789 : les droits de l’homme, la dignité de la personne ! alors que tout le travail d’un gouvernement français aujourd’hui devrait être de susciter chez nous le patriotisme européenne et de susciter parmi les Etats membres le goût de l’indépendance du Vieux Monde pour que changent enfin les relations entre les personnes, les peuples, les Etats. Avec vous, la France manque à l’Europe, et l’Europe au monde : cela se voit sur tous les sujets de ces années-ci.

Ne voyez dans cette lettre que le souci – pour moi-même et les miens – de faire partie explicitement de ceux des Français qui ne sont choqués que par vous, et nullement par la Commission, gardienne des traités, et en l’occurrence de la fidélité des gouvernants français à la signature, à la réputation, à la gloire de la France. Le souci de me désolidariser de ce que vous avez dit – censément en notre nom à tous – cet après-midi.

Je n’aurai jamais imaginé avoir à vous l’écrire, même si le 29 Mars 2009, j’avais été contraint – également en conscience – de m’élever en faux contre votre affirmation d’avoir téléphoné à votre homologue mauritanien après son renversement par un officier félon et qu’à Nouakchott personne n’avait protesté contre ce coup militaire. En Europe, vous allez plus loin encore.

Que souhaiter de vous pour notre pays ?

Je ne sais plus. Ce qu’il se passe – à votre appel public – depuis deux mois fait suite à tant d’ « actions », de comportements, de « réformes » qui m’ont choqué et qui étaient au mieux inutiles tandis que le nécessaire n’est toujours pas fait, que je ne sais plus. De quelle tolérance vous avez bénéficié jusqu’à présent… au point que la Commission européenne étonne en s’opposant à vous, puisqu’en France l’opposition et la rue restent encore classiques, comme résignées.




à Monsieur Nicolas SARKOZY, Président de la République

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