La candidate Lutte ouvrière Nathalie
Arthaud a déjà obtenu 138 parrainages, d'après le recensement du
Conseil constitutionnel du 3 février.
AFP
Présidentielle : pourquoi Nathalie Arthaud et Lutte Ouvrière obtiennent toujours leurs parrainages
Travailleurs, travailleuses
Propos recueillis par Axel PerruPublié le 07/02/2022 à 18:50
Lors du dernier recensement des parrainages à l'élection présidentielle du Conseil constitutionnel, jeudi 3 février, Nathalie Arthaud a rassemblé 138 signatures, la classant cinquième dans la course aux parrainages. Mais comment la candidate du parti Lutte ouvrière (LO), pourtant opaque et peu connu, fait-elle pour obtenir aussi vite ses parrainages ? Analyse avec le spécialiste des mouvements trotskistes Laurent-David Samama.
À Lutte ouvrière, il y a des choses qui ne changent pas. Sa candidate, Nathalie Arthaud, déjà présente aux élections présidentielles de 2012 et 2017 ; son discours introduit par le célèbre « Travailleuses, travailleurs », qui ouvre chaque prise de parole depuis Arlette Laguiller ; et sa capacité à réunir rapidement des parrainages pour se présenter au scrutin.
Nathalie Arthaud pointe à la cinquième place du dernier classement des parrainages, recensés par le Conseil constitutionnel jeudi 3 février. Avec 138 signatures, elle devance Jean-Luc Mélenchon (100 parrainages), pourtant premier candidat à gauche dans les sondages, Yannick Jadot (80), Éric Zemmour (58) ou encore Marine Le Pen (35). Une performance qu'elle avait déjà réalisée en 2017, en obtenant 201 parrainages au premier recensement. Seuls François Fillon (738) et Emmanuel Macron (229) avaient alors fait mieux. Mais comment la candidate d'un si petit parti obtient-elle aussi rapidement et tous les 5 ans ses signatures ? Laurent-David Samama, journaliste indépendant spécialiste des mouvements trotskistes, auteur des Petits matins rouges, nous explique les raisons d'un tel succès.
Marianne : Comment Nathalie Arthaud parvient-elle à pointer toujours si haut dans les parrainages ? Est-ce que le parti prépare la présidentielle depuis 2017 ?
Laurent-David Samama : Lutte ouvrière (LO) est un parti assez nébuleux et complexe… Ses militants ne croient pas à l'élection présidentielle, qu'ils qualifient de farce démocratique. Ils savent qu'ils ne prendront pas le pouvoir par les urnes mais que ces élections sont aussi le seul moyen de se mettre en avant, de se faire connaître à la télé, à la radio…
Dès que l'élection se termine, ils échafaudent leur plan pour les cinq années à venir. Leur méthode ne diffère pas beaucoup des autres partis en soi : il faut occuper le terrain à travers des campagnes d'affichage notamment. Les candidats non plus ne changent pas. Arlette Laguiller est restée 35 ans et Nathalie Arthaud lui a succédé depuis 2008. Elles sont connues des élus, elles gardent leur poste. Il est dès lors plus facile pour le parti de se vendre auprès des maires de petites communes, qui voient une certaine stabilité. Quand un parrainage a été acquis il y a 5 ans, il suffit d'aller retoquer à la même porte.
« Lutte ouvrière est un vrai parti à l'ancienne, avec une hiérarchie et une discipline militaire. »
Je sais aussi que le Parti socialiste partage certains parrainages avec le Nouveau parti anticapitaliste (NPA), l'autre parti proche des mouvances marxiste. C'est plus difficile de savoir à quel point c'est le cas pour Lutte ouvrière, mais ils gagnent certainement des élus par ce biais. Ces parrainages ne sont pas négligeables quand on sait que LO a revendiqué 637 signatures en 2017, soit un peu plus que les 500 requises.
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Lutte ouvrière est certes un petit parti, mais à la différence de nouvelles structures comme celle de Zemmour, ils connaissent le terrain, ils savent comment baliser le territoire pour obtenir des soutiens. C'est un vrai parti à l'ancienne, avec une hiérarchie et une discipline militaire. Chacun sait ce qu'il doit faire et la ferveur qui rassemble les militants frise le mouvement sectaire. Alors que NPA n'est pas suffisamment incarné, LO a su travailler sa représentation, à travers des figures historiques mais aussi une rhétorique qui ne change pas d'un iota. Il s'agit d'une lecture pure et dure de Marx et Trotski.
Quels sont les réseaux de Lutte ouvrière ? Où le parti est-il le mieux installé ?
Ils ne communiquent pas sur leur assise territoriale. Les seules informations qui nous parviennent sont partagées par des observateurs qui assistent à leurs conférences. Je me souviens d'un entretien avec Gérard Filoche qui évoquait un parti assez puissant autour de Paris et mobilisateur dans les coins où il y a beaucoup d'ouvriers. Cette description montrait le parti d'il y a 20 ans et elle est encore applicable aujourd'hui. À cela il faut ajouter quelques maires de campagne ou de montagne, attachés à ce qu'il y ait des voix dissonantes en politique, selon les dires de certains militants. Ce sont des maires non encartés, généralement « divers gauche », qui ne dépendent pas d'une structure organisée. Ces parrainages ne viendront pas d'élus Insoumis ou communistes, qui rechignent à donner leur soutien à Lutte ouvrière.
LO est un parti opaque, on entend moins parler d'eux en dehors des élections. Comment est-il organisé ?
Ils aiment entretenir une part de mystère car ils savent que cela attire les regards. Ce secret est inspiré de la mouvance trotskiste sous Staline, où les militants devaient rester discrets pour éviter d'être envoyés en camp de travail. Là où les candidats d'autres partis jouent le jeu des réseaux sociaux, Lutte ouvrière garde une vision plus romantique de la politique.
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Aujourd'hui, LO se développe surtout dans les cercles familiaux. On milite en couple ou de père en fils. Et je précise sciemment « de père en fils » car les femmes sont mises de côté. Le parti préfère des militants disponibles à plein temps pour la politique. Et ça se voit dans leur façon de financer le parti : une partie des financements provient des quêtes et de demandes de dons intenses. Le parti a aussi été financé par des fortunes de l'industrie du médicament. Pendant un moment, la base de leurs ressources venait du capital et de tout ce qu'ils combattent. Il fallait prendre l'argent là où on en trouve et s'en servir pour une cause plus noble.
« Dans les années 1960-1970, le parti fliquait les adhérents. Il était très mal vu de faire des enfants et de se marier. »
Le secret autour du parti a également été imposé aux militants. Dans les années 1960-1970, le parti fliquait les adhérents. Il était très mal vu de faire des enfants et de se marier, le mariage étant considéré comme une institution bourgeoise. Chacun tenait des fiches sur l'autre. À côté de ça, LO a développé très tôt une communication politique et marketing. Quand Arlette Laguiller arrive en politique, elle amène un souffle d'air frais dans le milieu. Son premier clip de campagne commence par : « Je suis une femme, ça vous étonne, mais on a le droit d’être une femme et de faire de la politique. » Son discours novateur cachait déjà une communication bien rodée, qui avait compris que les vieux briscards de la politique n'attiraient plus.
Quand Nathalie Arthaud a repris le flambeau, elle était un peu plus dure au début, enfermée dans la rhétorique du parti et peu encline à se prêter au jeu des caméras. On la voit désormais s'ouvrir un peu plus aux radios et télévisions. Plus elle se détend, plus elle en dit, mieux ça marche. Car la présidentielle est avant tout la rencontre d'une femme ou d'un homme. Longtemps, on regardait LO d'un œil méfiant, mais le parti a su se donner un côté charmant, romantique, pour attirer la sympathie des gens.
Par Axel Perru
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