Pourquoi Emmanuel Macron pourrait ne pas se déclarer candidat à la présidentielle
15 février 2022 à 6h00
Juridiquement, rien n’oblige un prétendant à se déclarer formellement candidat à l’Elysée. Politiquement, c’est une autre histoire
Laurent Fabius, le président du Conseil constitutionnel, lors de l'investiture d'Emmanuel Macron, le 14 mai 2017.
HAMILTON-POOL/SIPA/SIPA
Les faits -
Les candidats à l'élection présidentielle ont jusqu’au 4 mars pour adresser au Conseil constitutionnel la lettre exprimant leur consentement à l'élection.
A force d’être repoussée, la déclaration de candidature d’Emmanuel Macron ressemble à un mirage : on croit l’apercevoir, mais elle s'évapore lorsqu’on s’en approche. Au point, si ce n’est de rendre fou, du moins de susciter les scénarios les plus improbables parmi les supporters du Président. Ainsi un ministre incrédule imagine-t-il devant nous cette hypothèse d’école (les ministres ont beaucoup de temps libre pour cogiter en ce moment): et si le Président ne se déclarait tout simplement pas ?
Rien ne l’y oblige en effet. Pour participer à la mère des batailles, toute une liste de conditions doit être remplie : avoir la nationalité française, être âgé d’au moins 18 ans, être inscrit sur une liste électorale, ne pas être privé de ses droits civiques, ne pas être placé sous tutelle ou sous curatelle, détenir un compte bancaire de campagne, avoir établi et transmis au Conseil constitutionnel avant le 4 mars une déclaration de situation patrimoniale et une déclaration d’intérêts.
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Il faut surtout avoir recueilli au moins 500 parrainages d’élus locaux ou de parlementaires provenant d’au moins trente départements ou collectivités d’outre-mer. Mais les « parrains » envoient directement leur formulaire rue Montpensier, le candidat n’intervient pas dans ce processus.
« Moment intime ». Seule obligation lui incombant personnellement, il doit avoir fait parvenir, avant le 4 mars à 18 heures, une lettre au Conseil constitutionnel dans laquelle il exprime son consentement. Un verrou afin d’éviter une candidature « à l’insu de son plein gré », c’est-à-dire ayant recueilli les 500 parrainages, mais pas l’assentiment du principal intéressé. Le déroulement récent de la primaire populaire, au cours de laquelle Yannick Jadot et Jean-Luc Mélenchon ont été soumis aux suffrages des adhérents contre leur volonté, atteste que la précaution n’est pas forcément inutile.
« En réalité, ça l’emmerde, il n’a pas envie de faire campagne »
Une fois l’ensemble de ces formalités remplies, il revient au Conseil constitutionnel, juge de l’élection, d’établir la liste des candidats. Son président la rendra publique le lundi 7 mars. Elle sera publiée au Journal Officiel le 8 mars. Si Emmanuel Macron ne s’est toujours pas prononcé le 7 mars, on peut donc imaginer que sa candidature soit annoncée… par Laurent Fabius. « C’est un scénario qui, théoriquement, peut se produire », sourit-on au Conseil constitutionnel. Sans toutefois imaginer sérieusement qu’Emmanuel Macron laisse à l’ancien Premier ministre de François Mitterrand le soin d’annoncer aux Français sa candidature à l’Elysée, dont le Président veut faire, selon son entourage, un « moment intime ».
Car politiquement, la déclaration de candidature est l’occasion, rappelle Franck Louvrier, ancien conseiller de Nicolas Sarkozy, de faire « beaucoup de mousse ». « Un candidat doit s’adresser personnellement aux Français, il ne peut pas se cacher », estime le maire LR de La Baule. La déclaration de candidature par fax de l’ancien Premier ministre Lionel Jospin en 2002 reste, vingt ans plus tard, le contre-exemple absolu.
Gaspard Gantzer, ancien conseiller de François Hollande, ne conseillerait pas davantage à Emmanuel Macron de banaliser sa candidature au point de laisser le président du Conseil constitutionnel l’annoncer : « Ce serait très mal perçu par les Français, juge-t-il. Ils n’aiment pas le côté truqueur, l’évitement. » Mais il croit déceler chez son ancien camarade de l’ENA, dans cette façon de reporter jusqu’à la dernière limite son entrée dans l’arène, une absence d’appétit pour la bataille politique : « En réalité, ça l’emmerde, il n’a pas envie de faire campagne. Et à force de différer, il ne sait plus comment se déclarer. »
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