jeudi 18 juin 2015

pour nous... pour moi… l’appel du 18 Juin




J’avais quinze ans en Mai 1958. J’appris le putsch des généraux d’Alger (Avril 1961) sur un stade parisien, pendant mes études à Sciences-Po. De Gaulle simplement mais décisivement la réserve ultime de la France, chaque fois notre chance intacte mais contagieuse. Les dialectiques de l’O.A.S., les arguments de la guerre révolutionnaire ou contre-révolutionnaire et aussi le cartel des non, le personnel de la Quatrième République ; en regard, je découvre Le fil de l’épée. Pas tant un type de chef, mais d’homme se faisant outil pour tous. Ce me semble brûlant d’actualité et, pour une adolescence encore proche des épopées de Mermoz, Larigaudie ou des conquêtes du pôle et de l’Everest, c’est l’explication psychologique de l’exploit et de la légende. Son ressort.

Le 18-Juin ne m’arrive qu’ensuite. La personne – la personnalité-même de Pétain me semblent vénérables, culture familiale, lecture du récit par le Maréchal de La bataille de Verdun, parenté de plume avec de Gaulle, qui n’en est pourtant pas l’auteur de service.

Les premières années de la Cinquième République, le naufrage jour après jour de Vichy, m’avaient tout dit sur le caractère. Le président de la République, selon une Constitution correspondant enfin – la première depuis 1789 – à la nature de la France et à ses nécessités. Le chef d’œuvre ne m’est apparu que lentement, presque superflu. De Gaulle, sans le 18-Juin, hors de pair, décisif simplement par lui-même, sans l’Histoire. Lui au pouvoir, je pouvais le croire, je le voyais. Les Français suspendus à ses discours-compte-rendus à propos de l’Algérie, à ses discours aux impacts contrastés en Mai 1968, à sa conclusion du 27 Avril 1969. Maître mais pas créateur.

Voici le 18-Juin. L’homme s’efface et s’il dit : moi, général de Gaulle, c’est simplement pour donner une adresse, la radio de Londres, et un correspondant, lui à défaut d’autres. Lui plus probablement au poteau qu’à descendre les Champs-Elysées. L’appel : leçon aujourd’hui pour d’autres, puisqu’il n’y a plus lui. Simplissime. Il faut une indépendance nerveuse, psychologique, intellectuelle pour juger d’une situation, et une indépendance de culture et de tempérament suprêmes si les circonstances sont insaisissables. Il faut des racines : l’amour du pays, le sens de l’honneur et de la parole donnée, et il faut du bon sens. Hors révérence, le prestige du vainqueur de Verdun ou nos icônes d’aujourd’hui. Hors mode et uniquement sur le sujet, toutes les années 30 et ce jour de 40. L’esprit critique et l’esprit pratique : les leçons du début de guerre, l’utilisation du peu de moyens disponibles (le contact noué avec Churchill, le moyen de transport, quelques fonds secrets pour tenir quelques jours). Le fait est que bien d’autres avaient bien plus. Aujourd’hui, en France, les successeurs ont tous les moyens, le pays étant ce qu’il est et les institutions ce qu’elles peuvent être. A qui le tour ? pour en appeler à une résurrection. Responsabilité solitaire.

Mais le 18-Juin, œuvre collective. Parce que d’instinct. L’instinct de beaucoup. Et parce que c’est un appel et non d’abord une action. L’action aurait été solitaire, au moins dans ses premières heures. L’appel est gros de consensus, il l’anticipe, l’exprime par prétérition  et l’âme nationale est fondamentalement la respiration, l’identification d’un consensus. Le nôtre.

        Bertrand Fessard de Foucault – ancien élève de l’E.N.A., ancien ambassadeur, né le 9 avril 1943

pour A.R.G.O.S. (Jean Charbonnel) version initialement proposée – 22 Mars 2010

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