mardi 21 avril 2015

Inquiétude & Certitudes - mardi 21 avril 2015




Mardi 21 Avril 2015


06 heures 23 + Il faut le vivre pour le comprendre, et cela ne peut s’enseigner. La prière totale et parfaite qui soulève et enlève est celle de l’action de grâces. La mise en nudité par les événements ou un discernement que nous recevons nous fait prendre conscience d’une dépendance qui est sécurité et lucidité sur l’état du monde et de nous-mêmes. Cette prière de louange, permanente si cette conscience devenait permanente, anticipation de l’un des sens qui devrait le plus s’exercer dans la vie éternelle, était celle de notre cher Frère Claude, elle peut paraître puérile, mais le malade est plus fort et net dans chacune de ses limitations, et même souffrances que le bien-portant happé par tout, sauf par ce qui se meut et se développe en lui-même selon ce qu’il perçoit ou reçoit.
La question des vocations – sacerdotales, séculières, l’envoi en mission davantage dans la pâte (un clergé immergé comme tout homme et toute femme dans le mariage, dans le salariat, et bien plus encore sacramentel que selon l’enfermement dans un état de vie et un état de droit à part) – me semble nettement celle de l’évêque. Est-il père spirituel ? même père affectif ? et pas seulement père nourricier ou surveillant général, liturgue pour l’extérieur, seigneur temporel pour « ses » prêtres ? le recrutement, le fait-il lui-même, discernant lui-même ceux que Dieu appelle sans que les appelés le sachent clairement, Jésus le long du lac, appelant lui-même, les équipes n’étaient pas toutes faites même si Jean-Baptiste lui apporte les siennes. Le don qui m’est fait ces jours-ci, ces rencontres… ce prêtre nonagénaire, résistant et passeur de parachutistes canadiens en 1944, puis ermite trente trois ans dans une paroisse paumée et minuscule, qui à son déclin de corps sait encore dire et se réjouir : la vie m’intéresse toujours…, et cet évêque émérite faisant chanter son assemblée rien qu’en soulevant la main de la hauteur d’une paume, comme Manfred KLAIBER, sosie de Paul REUTER donnant le concert du Nouvel An au Musiksverein de Vienne, conduisant au regard, bougeant à peine, suivant plus le public que ses musiciens. Avec eux deux, le partage que je tente chaque jour, me semble protégé et attiré vers l’expression et la prière qui seules seront fécondes si je ne suis que dans le rang.
L’heure des oiseaux moins nette ici en quasi-bord de mer que le long du lac d’Annecy. L’appel du jour, la lumière sans source, l’air dense et sans relief, pas du gris, pas du blanc, aucun mouvement.
La multiplication des pains, l’attente du Royaume au temporel confirmée par le miracle, la foule est systématiquement prise à contre par le Seigneur. Son enseignement ainsi introduit factuellement sur la nourriture, le pain, cette sorte d’envers de la prière, le quotidien apparemment plus concret, impérieux, nécessaire, L’amène à dire Sa mort et Son identité. Ce n’est pas Moïse qui vous a donné le pain venu du ciel ; c’est mon Père qui vous donne le vrai pain venu du ciel. Car le pain de Dieu, c’est celui qui descend du ciel et qui donne la vie au monde. [1]Quoique dissuadés de leur attente d’un renvoi de l’occupant, les gens restent de bonne volonté, leur réaction est naturelle mais la réponse ne l’est pas du tout : Seigneur, donne-nous toujours de ce pain-là. – Moi, je suis le pain de la vie. Celui qui vient à moi n’aura jamais faim, celui qui croit en moi n’aura jamais soif. Incompréhensible ou contradiction avec toutes les apparences sauf pour les témoins qu’anime l’Esprit Saint depuis la Pentecôte, dont Etienne sans doute du groupe élargi des disciples : la venue du Juste, celui-là que maintenant vous venez de livrer et d’assassiner. Témoins qui, eux, sont gratifiés d’un discernement exceptionnel : lui, rempli de l’Esprit Saint, fixait le ciel du regard. Il vit la gloire de Dieu, et Jésus debout à la droite de Dieu. Mise à mort comme son Maître et Seigneur.
Textes des Pères accompagnant ceux de la liturgie : une homélie de saint Augustin, justement sur la louange, état et geste marquant l’aboutissement complet de l’homme nouveau à qui Dieu donne d’aimer, en capacité et en objet. Combien souvent ces propositions quotidiennes de textes correspondent avec mon paysage mental ou le point de mon aventure, exprimés avant que je les lise, et les lisant donc comme une confirmation de mon chemin… de ce que je vois, comprends, ressens, reçois.

18 heures 19 + A Alexis M. que je soutiens en littérature et en histoire-géographie pour un bac. professionnel (lutherie) préparé dans un lycée dit expérimental où rien n’est magistral et tout est dialogué et échangé à partir de textes ou de canevas proposé par les enseignants, je propose – puisque nous avons à étudier le genre litéraire qu’est l’argumentation – en même temps que l’appel du 18-Juin, l’homélie d’Augustin. L’interrogation sur qui ? quoi ? comment aimer ? lui plaît. Le peu que je sache de sa vie sentimentale, elle est en troisième et ils ne se voient et demeurent ensemble qu’au temps des vacances et pas continûment, me permet de le pousser dans l’explication de texte et aussi dans cette parabole immédiate de l’amour de Dieu puisqu’Augustin démontre qu’on ne peut aimer et être reçu en amour que si l’autre, déjà, nous habite. La louange finale, l’admiration et l’action de grâce mutuelles naturelles dans le couple humain au moins pour ses périodes de commencement ou de retrouvailles très sensibles, et la sensibilité a tant de chemins et d’entrées, font bien comprendre le mouvement spirituel. – Le développement du programme proposé portant sur la pensée anthropologique, ce que je lui apporte de DESCARTES que je relis passim pour le lui rendre attrayant, et j’y arrive : quelle recherche ? pour quoi ? quels outils ? Et de la condition humaine que définiraient besoins et désir, donc limite, nous sommes passés ensemble aux notions et expérience d’enjeu, de responsabilité. Du français, de la philosophie et presqu’explicitement un séjour aux marges de la foi, une foi en rien dogmatique mais en toucher spirituel de ce pour quoi l’homme est fait et en quoi il peut exceller quand il s’abandonne à ce qui le meut.

soir

Pas « pris » les nouvelles depuis plusieurs jours. Titres des journaux, parcours du Monde. Presque tous les pays de l’Union européenne s’orientent aux extrêmes : droite pour la plupart, maintenant la Finlande, gauche en Grèce et en Espagne (réunion à Vannes vendredi soir, des représentants de Syrisa et de Podemos). La France fait exception quoique le Front national fasse jeu égal avec l’UMP et dépasse le PS, mais notre organisation des pouvoiurs publics et notre mode de scrutin interdise au Front national d’arriver vraiment au pouvoir. Notre jeu est devenu faux. L’Allemagne n’est pas en reste : pour la première fois depuis 1914, elle en situation d’inventer l’Europe, et ne le fait pas, ne peut le faire. Nous sommes donc irremplaçables, mais moribonds. Notre problème n’est ni économique ni social, même si nous avons perdu beaucoup de muscle et de sang, une grande part de notre patrimoine industriel et intellectuel, et (aussi grave) beaucoup de nos parts de marché  en agro-alimentaire, même si les luttes sociales et la prise en considération de l’expressionn syndicale quand elle se fait encore ont quasiment disparu… notre problème est celui de nos élites, de leur civisme, de leur désintéressement et maintenant de leur capacité à discerner. Cupidité et erreurs stratégiques depuis une vingtaine d’années, depuis – sans doute – le méli-mélo nationalisations-privatisations et recel de positions et de carrières par celles et ceux qui y ont procédé. Et évidemment dévoiement de nos banques.

Quant à la politique comme le montre la palinodie préparant et enfermant le prochain congrès du PS et la dérisoire « primaire » à l’U.M.P., se perpétuant d’année en année, elle est tout simplement anachronique. Ce ne sont que des affaires de personne à droite, et que l’usure totale de nos institutions par ceux qui, à gauche, en disposent pour encore deux ans. Les adversaires en coalition de Nicolas Sarkozy  rajeunissent ce dernier, selon celui-ci. Dialogue là-dessus mais les compte-rendus n’évoquent jamais un « programme commun » de la « droite ». Quant à la gauche, elle n’existe plus comme parti de gouvernement, puisque l’actuel est sans étiquette. Appréciation indulgente.

Sur les photos. de la prise de parole de cette jeune fille ayant sauté sur la table de Mario Draghi, je vois à la droite de celui-ci, Victor Constancio. C’était – à la manière d’Arsenis en grèce dans le premier gouvernement d’Andreas Papandreou – l’homme orchestre des socialistes portugais quand j’étais à Lisbonne au poste économique et commercial (1975-1979) : il était exceptionnellement jeune mais compétent et travailleur, pour une telle responsabilité.


[1] - Actes des Apôtres VII 51 à VIII 1 ; psaume XXXI ; évangile selon saint Jean VI 30 à 35

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