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Covid : dans les centres de rétention, des «refus» de test PCR finissent en garde à vue
Des étrangers ne souhaitant pas se faire dépister ont été déférés et jugés, voire condamnés à de la prison ferme. La raison : leur refus empêche de les renvoyer dans leur pays, puisqu’un test négatif est nécessaire pour voyager.
Par Nicolas Goinard
Le 5 février 2021 à 17h31, modifié le 5 février 2021 à 19h05
Trois lettres inscrites dans la case « nature de l'infraction ». Sur le registre des gardes à vue du commissariat du XII e arrondissement de Paris, il est marqué « PCR ». Trois lettres qui signifient « polymerase chain reaction », un test médical réalisé à l'aide d'un écouvillon introduit dans le nez, que tout le monde connaît désormais puisqu'il permet de détecter les personnes porteuses du Covid-19. Trois petites lettres qui, en fin de semaine dernière, ont envoyé quatre étrangers du centre de rétention administrative (CRA) de Paris-Vincennes (XII e ) en cellule et en auditions, parfois pendant 48 heures.
Paris (XIIe). Le commissariat voit régulièrement passer en garde à vue des étrangers qui refusent les tests PCR, comme le montre ce registre du 28 janvier dernier. /DR
L'un d'eux, un Sénégalais, a même été déféré en vue d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, procédure autrement appelée « plaider coupable ». Selon nos informations, il a expliqué devant les policiers qu'il avait été convoqué à l'infirmerie du centre de rétention sans savoir ce qui l'attendait. Il a donc refusé de s'y rendre.
Conduit au tribunal judiciaire de Paris, il a été jugé en comparution immédiate, après qu'il a refusé le « plaider coupable ». Les juges l'ont condamné à trois mois de prison de ferme pour soustraction à l'exécution d'une mesure de reconduite à la frontière. « Une peine qui a valeur d'exemple, analyse un avocat. Cela montre à ceux qui refuseraient les tests qu'on peut être condamné à de la prison ferme pour ça. »
Pour cette infraction, il encourait trois ans de prison à l'issue de la période de rétention, condamnation qui peut être assortie d'une interdiction du territoire d'une durée de dix ans.
«On doit pouvoir refuser un acte médical»
« Nous constatons que les placements en garde à vue de personnes refusant le test arrivent dans tous les CRA de France, note Justine Girard, responsable du service rétention à l'Assfam, association qui participe à l'accueil et l'intégration des migrants. Ce ne sont pas des tests PCR pour des raisons médicales, mais pour permettre un éloignement. Ils sont réalisés sur réquisition du procureur. » Certains pays exigeant un test PCR pour passer la frontière, s'opposer au dépistage revient donc à un refus d'embarquer, déjà un délit dans la France d'avant Covid. « Cela questionne néanmoins sur la possibilité de refuser un acte médical », poursuit Justine Girard.
C'est ce point précis qui fait bondir Me Martin Vettes, qui a défendu l'un des « retenus » du commissariat du XIIe. « C'est une grave atteinte aux libertés, juge l'avocat. On a un motif de placement en garde à vue qui est fallacieux. Le test PCR est un acte médical qui relève de l'intime et on doit pouvoir le refuser. Parce qu'il s'agit d'étrangers en situation irrégulière, on peut tout leur faire ? Je ne serais pas étonné que lorsque des pays exigeront le passeport vaccinal, on criminalise le fait de refuser de se faire vacciner. »
«On perd du temps avec ces affaires», dénonce un policier
Cette nouvelle tendance a aussi le don d'engorger les cellules de garde à vue, au grand dam des policiers. « On fait le boulot, mais on perd du temps avec ces affaires, note un fonctionnaire. Les retenus qui refusent les tests ne vont pas en prison et retournent au CRA. Et en même temps, il faut traiter toutes les autres affaires. » Impossible néanmoins de savoir combien ils sont à passer par ces cellules car, officiellement, cette infraction « PCR » ne correspond à rien.
Pour certains refus de test, une autre sanction est envisagée : un prolongement de la rétention administrative par un juge des libertés et de la détention (JLD). Un client de Me T. Ernest Akuesson en a fait l'expérience en novembre dernier. Retenu au centre du Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne), il refuse le dépistage ouvertement pour ne pas être renvoyé dans son pays. Un JLD du tribunal judiciaire de Meaux prolonge la rétention administrative de quinze jours. L'avocat interjette appel de cette mesure. A Paris, un autre juge confirme l'ordonnance, précisant tout de même au passage que l'étranger a le droit de s'opposer au test PCR. « C'est au nom de l'inviolabilité du corps humain, précise Me Akuesson. Mais c'est un problème assez insoluble. »
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