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Qu’est-ce que le secrétaire général de l’Élysée ? « Un homme de l’ombre qui voit tout, entend tout, et le plus souvent, ne dit rien. » Les auteurs de L’homme du président (sur Arte, dimanche 14 février à 22 h 40) ne donnent cette définition que pour mieux en faire mentir la dernière partie. Car pour la première fois, dans ce documentaire, le journaliste et réalisateur Joseph Beauregard et le politologue Vincent Martigny font témoigner devant leur caméra sept secrétaires généraux de l’Élysée.
Le grand public ne sait pratiquement rien de ces très proches du président, qui ne sont dans la lumière que lorsqu’ils sortent sur le perron de l’Élysée pour annoncer devant les caméras la nomination d’un nouveau gouvernement. De Jacques Wahl, qui occupa cette fonction sous Valéry Giscard d’Estaing, à Jean-Pierre Jouyet, qui seconda François Hollande de 2014 à 2017, ces hommes discrets lèvent un coin du voile en racontant les coulisses de leurs années au cœur du pouvoir.
Histoire, petite politique et vie privée entremêlées
De l’effervescence de la composition d’un gouvernement, lors de laquelle le secrétaire général de l’Élysée est aux prises avec « des discussions de marchand de tapis », et la mélancolie d’une fin de règne qui ressemble « à la mer qui se retire », ces témoins à la parole rare raconte une vie intense où se mêlent en permanence la grande histoire, la petite politique et la vie privée du président.
Jacques Wahl raconte ainsi son échec, encore douloureux, à convaincre VGE de faire une déclaration à la télévision après l’attentat de la rue Copernic. Jean-Louis Bianco se souvient des faux bulletins de santé de François Mitterrand et de ses séances de « calinothérapie » avec ceux qui, « s’ils ne voient pas le président régulièrement, n’en peuvent plus ». Claude Guéant décrit un Nicolas Sarkozy « dévasté » par le départ de son épouse Cécilia, et Pierre-René Lemas, un François Hollande « trahi » par l’affaire Cahuzac…
Au-delà des nombreuses anecdotes sur quelques-uns des plus célèbres épisodes du feuilleton politique national, ces témoignages illustrent sans faux-semblants l’influence énorme de ce collaborateur au statut flou, qui a le pouvoir de faire et défaire les ministres, et suffisamment de proximité avec le chef de l’État pour faire varier une décision ou un discours de portée historique. L’image d’un « premier ministre bis » ou d’un « vice-président non élu », suggérée par le documentaire, ne semble pas si exagérée.
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Politique : Les secrets du secrétaire général de l’Élysée, l’homme le plus mystérieux de l’État
Il voit tout, entend tout, mais ne parle pas… Le secrétaire général de l’Élysée, plus proche collaborateur du président de la République, est un homme dont on ne sait rien. Dans le documentaire « L’homme du président », Vincent Martigny et Joseph Beauregard ont interviewé sept anciens secrétaires généraux pour tenter de décrypter cette fonction.
Publié le DIMANCHE, 14 FÉVRIER 2021
par Pierrick Geais
© Szwarc Henri/ABACA
Peu de gens le remarquent, et pourtant il est toujours là. Au second plan des photos officielles, presque effacé. Derrière la grande porte vitrée du Palais, à surveiller. Dans les réunions confidentielles, en train de prendre des notes. Le secrétaire général de l’Élysée est un homme de l’ombre, « qui voit tout, entend tout, mais ne dit rien. » Ainsi De Gaulle avait défini cette fonction, inventée sous la Troisième République, mais purement administrative jusqu’en 1958. Tout juste élu, le Général veut s’entourer d’hommes de confiance, et fait du secrétaire général de l’Élysée son principal collaborateur, même si sa fonction n’est pas clairement délimitée. Aujourd'hui encore, aucune description officielle de son rôle n’existe. Le poste de secrétaire général de l’Élysée s’est construit au fil de la Cinquième République, dessiné par les différents mandats et présidents. Il est surtout le grand inconnu de l’appareil étatique. C’est pourquoi Vincent Martigny et Joseph Beauregard ont interviewé sept anciens secrétaires généraux de l’Élysée, pour le documentaire L’homme du président. Afin d’en savoir plus sur cette figure qui traverse la vie politique française à pas de loup, sans jamais être démasqué.
Dans l’esprit des Français, le secrétaire général est celui qui annonce la constitution du gouvernement sur le perron de l’Élysée. « Pour beaucoup de gens, c’est uniquement le type qui lit sur le perron. Si ce n’était que ça, je ne pense pas que l’on ferait un film sur le sujet », plaisante, au début du documentaire, Hubert Védrine, qui a occupé cette fonction sous François Mitterrand. Ce que l’on sait moins, c’est que le secrétaire général a un rôle beaucoup plus important dans la nomination des ministres. À l’instar du président et du Premier ministre, il prospecte, consulte, rencontre… Afin de sélectionner les meilleurs candidats. Il est aussi chargé de la préparation des remaniements, tout autant que du service après-vente : c’est lui qui calme les ambitieux et console les déçus. Ainsi nous l’apprend Jean-Pierre Jouyet, à ce poste de 2014 à 2017, qui a contribué à placer Emmanuel Macron au ministère de l’Économie, en remplacement d’Arnaud Montebourg qui venait de rejoindre les frondeurs. Proche de ce jeune ambitieux sorti de chez Rothschild, il a soufflé son nom à Manuel Valls et François Hollande, lui pavant, peut-être sans le savoir, une voie royale vers l’élection présidentielle.
Le secrétaire général de l’Élysée serait-il un intriguant ? Certainement un peu. Lui qui ne quitte quasiment jamais le Palais – il est le premier arrivé et le dernier parti – est assurément un homme de cour. Dès l’aube, il est le seul à voir le président, avec lequel il entretient une relation de confiance toute particulière. Jean-Louis Bianco et Hubert Védrine, qui ont tous les deux travaillé avec François Mitterrand, se souviennent d’échanges constants, tout au long de la journée. Le secrétaire général doit être capable de prévoir et de décrypter les attentes du chef de l’État.
Toujours au côté du président, il est le témoin privilégié du quinquennat, même dans ses moments les plus intimes. Ainsi, Jean-Pierre Jouyet, secrétaire général mais aussi ami de François Hollande, a dû éteindre l’incendie provoqué par le Merci pour ce moment de Valérie Trierweiller. Claude Guéant, à ce poste sous Nicolas Sarkozy, a, quant à lui, réconforté le chef de l’État après sa rupture avec Cécilia. Jean-Louis Bianco et Hubert Védrine ont, eux, été mêlés au secret de la double vie de Mitterrand. Assurément, secrétaire général de l’Élysée n’est pas un métier comme les autres.
« On ne sait jamais quand on arrive le matin, particulièrement tôt, dans le bureau, ce qui va se passer. L’actualité y pénètre de façon extrêmement violente », explique Frédéric Salat-Baroux, qui occupait cette fonction sous Jacques Chirac. Parfois, le secrétaire général sort justement de son bureau, et dépasse les missions qui lui sont traditionnellement attribuées. À l’instar de Claude Guéant qui accompagne Cécilia Sarkozy en Lybie, afin de libérer les infirmières bulgares. Un épisode qui marquera aussi bien le destin de l’éphémère Première dame que la carrière de celui qui deviendra, par la suite, ministre de l’Intérieur. Encore secrétaire général de l’Élysée, il sera d’ailleurs invité sur des plateaux de télévision, pour rendre compte de l’action du président. Du jamais-vu. Certains se demanderont alors si ce conseiller de l’ombre, au rôle indéfini, n’est pas parfois « un Premier ministre bis, ou un vice-président non élu. »
À voir : L'homme du président, un film de Vincent Martigny et Joseph Beauregard, le 14 février à 22h40 sur France 5
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