lundi 26 mars 2018

ségrégation raciale (aux Etats-Unis)


 

wikipédia à jour au 2 mars 2018

Ségrégation raciale aux États-Unis

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Un Noir boit à un distributeur d'eau réservé aux « gens de couleur » à un terminal de tramway en 1939, à Oklahoma City.
La ségrégation raciale aux États-Unis (1875-1967) fut imposée après la période dite de « Reconstruction » faisant suite à la guerre de Sécession et se terminant avec le compromis de 1877 par lequel l'occupation des ex-États confédérés d'Amérique par les troupes du Nord prend fin. Les anciens États sudistes mettent alors en place les lois Jim Crow qui contournent les XIIIe, XIVe et XVe amendements à la Constitution abolissant l'esclavage et accordant le statut de citoyen aux Noirs américains. Après une décennie pendant laquelle la situation politique et sociale des anciens esclaves noirs s'améliora, les lois Jim Crow instaurent une véritable ségrégation. Comme l'esclavage avant elle, cette ségrégation raciale est fondée, idéologiquement, sur une interprétation très particulière[évasif] de la Genèse 9:27 (le Deep South fait partie de la Bible Belt) ainsi que sur les doctrines raciales de l'anthropologie du XIXe siècle, et pratiquement sur l'intimidation des Noirs par la violence (entretenue notamment par le Ku Klux Klan, organisation suprématiste blanche née au lendemain de la guerre mais dont la première incarnation fut assez éphémère). En 1896, la Cour suprême légitime cette nouvelle législation en formulant la doctrine separate but equal (« séparés mais égaux ») dans Plessy v. Ferguson, de mêmes sources idéologiques que l'apartheid instauré plus tard en Afrique du Sud.

Sommaire

Histoire

Abolition de l'esclavage

L'esclavage est proscrit dans l'Empire britannique le 1er janvier 1838. Lors de la Révolution française, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 déclare l'égalité entre les Hommes. L'esclavage dans les colonies françaises est aboli en 1794, puis remis en place par Napoléon Bonaparte en 1802. Thomas Jefferson obtint en 1807, dans la foulée de l'abolition de la traite au Royaume-Uni, que la traite négrière soit interdite officiellement sur le territoire américain à partir du 1er janvier 1808, même si les contrebandiers la poursuivirent clandestinement pendant plusieurs dizaines d'années1. L'esclavage est aboli définitivement aux États-Unis le 18 décembre 1865.

Abolition progressive de la ségrégation

Dans les années 1960, sous la pression du mouvement des droits civiques, les lois Jim Crow ont été abolies et une nouvelle législation étendant les droits civiques des Noirs a été votée (arrêt Brown v. Board of Education en 1954, puis vient le Civil Rights Act de 1964 et enfin le Voting Rights Act). En 1967, la Cour suprême juge anticonstitutionnelles les lois interdisant les mariages mixtes entre individus de couleurs différentes (arrêt Loving v. Virginia).
Toutes les lois favorisant la ségrégation raciale n'ont pas été abrogées aux États-Unis, alors même que la Cour Suprême les a rendues inapplicables. Par exemple, la constitution de l'Alabama (en) stipule toujours que « des établissements scolaires distincts doivent être fournis pour les enfants blancs et les enfants noirs, et aucun enfant de l'une de ces deux races ne doit être autorisé à aller dans un établissement réservé à l'autre », et une proposition d'abrogation de cette disposition — en même temps que de toutes celles invalidées par le droit fédéral — a échoué de justesse en 20042.
Cependant, sur un terrain différent, la Cour suprême des États-Unis, en février 2005, dans Johnson v. California (125 S. Ct. 1141), a statué que la pratique informelle de la ségrégation raciale à l'égard des prisonniers détenus dans des établissements de la Californie — ségrégation que la Californie affirmait pratiquer pour la sécurité des détenus (les gangs de Californie, comme ceux du reste des États-Unis, étant habituellement organisés en fonction des races) — est assujettie à une mesure judiciaire. Bien que la Cour ait renvoyé le dossier à la juridiction inférieure, il est probable que sa décision aura pour effet d'obliger la Californie à modifier sa politique de ségrégation dans ses centres de détention.
D'après le Civil Rights Project de l'université Harvard, la déségrégation réelle des écoles publiques aux États-Unis a plafonné en 1988. Depuis, les écoles sont devenues, dans les faits, plus séparées. En 2005, la proportion d'élèves noirs dans des écoles majoritairement blanches est « à un niveau plus bas que celui de n'importe quelle année depuis 1968 »3.
Différents événements tels que l'affaire Rodney King à Los Angeles en 1991, les conséquences ethnique et sociales de l'ouragan Katrina et ses bavures policières (Danziger Bridge Shootings) à La Nouvelle-Orléans en 2005 ou encore l'affaire Michael Brown à Ferguson (Missouri) en 2014, ont démontré que la ségrégation de fait n'était pas terminée aux États-Unis.

Réglementation des relations raciales

« Nous ne servons que des clients blancs. » (Lancaster).
La décision de la Cour suprême lors de l'arrêt Plessy v. Ferguson, en 1896, officialisa la ségrégation raciale, par le gouvernement, dans les transports publics. À cette fin, elle élabora la doctrine separate but equal (en) (« séparés mais égaux ») afin de se plier à la Clause de protection égale (Equal Protection Clause) prévue par le Quatorzième amendement. Bien que la Cour suprême ait auparavant cassé des statuts discriminatoires de certains États, excluant les Noirs des jurys populaires, ou se prononçant systématiquement en faveur de leur affranchissement de leur statut d'esclaves, et qu'elle continua à le faire dans les années suivant Plessy v. Ferguson, elle se prononçait néanmoins en faveur de la ségrégation dans pratiquement toutes les autres sphères publiques ou privées. Elle légalisa ainsi la ségrégation scolaire en 1908 (arrêt Berea College v. Kentucky (en)). Beaucoup d'États, en particulier des États du Sud, considérèrent ces jugements comme appuyant, de fait, l'ensemble des lois Jim Crow mises en place au lendemain de la Reconstruction. D'esclaves, les Noirs américains étaient devenus des citoyens de seconde zone, qui ne pouvaient pas aller aux mêmes écoles que les Blancs, prendre le bus avec eux, ou boire à la même fontaine. Dans beaucoup de villes, ils ne pouvaient pas non plus partager un taxi avec des Blancs, ou entrer dans un bâtiment par la même porte que les Blancs. Ils étaient enterrés dans des cimetières distincts, et ne pouvaient pas jurer sur la même Bible. Ils étaient aussi exclus des restaurants, des bibliothèques, des jardins publics (où l'on pouvait lire des pancartes tels que « Negroes and dogs not allowed » : « les Nègres et les chiens ne sont pas admis »). Les Noirs devaient systématiquement s'effacer devant les Blancs, en leur cédant le passage dans la rue, et il était interdit à un homme noir de regarder dans les yeux une femme blanche. Selon leur sexe, les Noirs étaient appelés « Tom » ou « Jane », mais jamais Monsieur, Madame ou Mademoiselle.
Bien que la Cour suprême ait déclaré anticonstitutionnel le fait de priver de droits civiques les Noirs, ceux-ci étaient de fait privés du droit de vote, à l'aide de « primaires blanches », d'un système de cens électoral, d'examens d'alphabétisation, de punitions économiques, de manipulations électorales de toutes sortes, et enfin d'une utilisation ciblée de la violence afin de les décourager de s'enregistrer sur les listes électorales.
La société blanche et chrétienne du Sud maintenait aussi les Noirs dans une position subalterne au niveau économique. Les fermiers noirs étaient souvent liés aux propriétaires terriens blancs et souvent cantonnés au statut de tenanciers. Dans le secteur secondaire, les employeurs et les syndicats leur réservaient les tâches les plus pénibles et les moins bien payées. Des fonctions modestes, telles que travailler pour la compagnie de wagon-lit Pullman Porter à Chicago ou être portier d'hôtel, devinrent des positions enviables aux yeux de la majorité des Noirs, car elles offraient une stabilité relative d'emploi et un salaire acceptable. Les lois Jim Crow excluaient les Noirs de nombreux secteurs de la vie économique, menant à la création, dans certains domaines, de véritables marchés spécifiques aux Noirs : une presse noire surgit au Nord, tandis que les propriétaires noirs de compagnies d'assurances pour Noirs, ou de services de croque-mort pour Noirs, devinrent de véritables notables au sein de la société noire.

Droit pénal et lynchages

Carte postale représentant le lynchage de Lige Daniels, 16 ans, à Center au Texas, le 3 août 1920.
Malgré l'arrêt de la Cour suprême dans Strauder v. West Virginia (en) de 1880, qui interdisait l'exclusion des Noirs américains des jurys populaires, ceux-ci étaient systématiquement écartés de ces instances. Ils étaient par conséquent laissés à la merci du système judiciaire blanc. Dans certains États, tel l'Alabama, l'État utilisait le système pénal afin de rétablir une sorte de servage, en condamnant les hommes noirs à des années d'emprisonnement, durant lesquels ils travaillaient gratuitement pour des employeurs privés tels que la Tennessee Coal, Iron and Railroad Company (en), une filiale de la United States Steel Corporation, qui payait l'État en échange de leur travail forcé.
Les punitions imposées hors du système judiciaire étaient encore plus brutales. Des milliers de Noirs ont été victimes de lynchage par des Blancs s'autoproclamant « justiciers », parfois avec l'aide explicite de responsables officiels, dans les États du Sud et au-delà. Ces lynchages se transformaient parfois en véritables pogroms, ainsi lors des émeutes raciales d'Elaine (en) en 1919 ou des émeutes raciales de Tulsa (en) en 1921. Les coupables de telles exactions se sentaient à ce point à l'abri de toutes poursuites judiciaires qu'ils prenaient souvent des photographies de leurs victimes, et en faisaient des cartes postales. L'historien Howard Zinn précise qu'« entre 1889 et 1903, deux Noirs, en moyenne, étaient assassinés chaque semaine (pendus, brûlés vifs ou mutilés) »4. Le Ku Klux Klan, qui avait à peu près disparu après une apparition brève mais brutale au début de la Reconstruction, se reforma en 1915, en partie sous l'influence du film de D. W. Griffith, Naissance d'une nation (Birth of a Nation), qui exaltait le premier Klan. Il combinait la rhétorique raciste à la xénophobie envers les immigrants, l'antisémitisme, l'anticatholicisme et l'antisyndicalisme. À ses discours violents, il ajoutait l'usage systématique du lynchage et de mises en scènes spectaculaires (croix incendiées dans les quartiers noirs, etc.) visant à instaurer un véritable climat de terreur sur la population noire. Le lynchage de Thomas Shipp et d'Abram Smith, en 1930 dans l'Indiana, inspira la chanson Strange Fruit composée par Abel Meeropol (sous pseudonyme), un artiste et sympathisant communiste qui adopta les enfants des époux Rosenberg après leur exécution en 1953. Reprise par la chanteuse Billie Holiday en 1939 à New York, la chanson, qui constituait un réquisitoire émouvant contre la pratique du lynchage dans le Sud, devint un succès populaire pendant la Seconde Guerre mondiale. Toujours dans les années 1930, le New Dance Group se bat contre la ségrégation et dénonce le lynchage des Noirs dans le Sud.

Églises noires

De même, la vie religieuse s'organisa selon ces nouvelles données de ségrégation. Le rôle des églises noires allait bien au-delà du simple culte religieux : elles servaient aussi de lieu de rassemblement communautaire, de coopératives économiques, et de tribunaux populaires, afin de régler les conflits de manière autonome. La plupart des églises noires, néanmoins, refusaient de se confronter frontalement à la domination blanche, et s'abstenaient officiellement de toute politique. De nouveaux mouvements religieux, tels que la « Holiness tradition », ou le mouvement du pentecôtisme qui se scinda selon les nouvelles divisions de couleur, renforcèrent l'apolitisme et le quiétisme de la plupart des Noirs pratiquants.

Excuses officielles

En juillet 2003, le président George W. Bush avait parlé de l'esclavage comme « l'un des plus grands crimes de l'Histoire », au cours d'une visite sur l'île de Gorée au Sénégal. Cinq ans plus tard, la Chambre des représentants présente des excuses pour l'esclavage et la ségrégation raciale envers les Noirs. Puis c'est au tour du Sénat des États-Unis le 18 juin 2009, sous la forme d'une résolution symbolique5.

Notes et références

  1. Christian Delacampagne, Histoire de l'esclavage. De l'Antiquité à nos jours, Paris, Le livre de poche, 2002 (ISBN 2-253-90593-3), p. 208.
  2. (en) George E. Connor et Christopher W. Hammons, The Constitutionalism of American States, University of Missouri Press, 1er janvier 2008 (ISBN 9780826266057, lire en ligne [archive]), p. 244-245.
  3. (en) Jonathan Kozol, Overcoming Apartheid [archive], thenation.com.
  4. Howard Zinn, Une histoire populaire des États-Unis. De 1492 à nos jours, Agone, 2002, p. 361.
  5. « Le Sénat américain présente ses excuses pour l'esclavage » dans Le Monde du 18-06-2009, [lire en ligne [archive]].

Annexes

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Bibliographie

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une-autre-histoire.org

Une autre histoire

histoires oubliées, histoires occultées

La ségrégation aux Etats-Unis

ségrégation
La ségrégation aux Etats-Unis est un système de racisme institutionnel assumé et légal qui a duré de 1875 à 1964.
Ce système, qui fit suite à la guerre de Sécession et à l’abolition de l’esclavage (1865), était un compromis permettant aux anciens États esclavagistes d’adopter une législation ouvertement raciste, familièrement surnommée « lois Jim Crow », un nom tiré de Jump Jim Crow, une chanson écrite et interprétée en 1828 par Thomas Dartmouth, alias Daddy Rice ou Daddy Jim Crow, un fantaisiste d’origine britannique qui fit carrière en se moquant des Afro-Américains qu’il caricaturait sur scène en se noircissant le visage, introduisant la mode du blackface et des minstrel shows.
Crow (corbeau) était une expression méprisante pour désigner les esclaves dans le Sud.
Sous l’hypocrite slogan « égaux mais séparés », les lois Jim Crow, instaurées principalement dans le Sud, mais régissant parfois des pratiques officieuses dans le Nord,  faisaient des affranchis des citoyens entièrement à part, soumis à toutes sortes de vexations, écartés de fait du système éducatif, culturel, économique, judiciaire et politique. Toute forme de mixité était proscrite à commencer par les mariages.
Le système légal était appuyé par des organisations telles que le Ku Klux Klan qui le renforçaient illégalement, mais en toute impunité, par les lynchages.
De fait, les crimes pratiqués par des « blancs » contre des « noirs » restaient impunis dans le Sud : une situation qui a laissé des séquelles aux XXIe siècle.
Le système de la ségrégation a inspiré l’apartheid en Afrique du Sud et en Namibie, de 1948 à 1991.
L’aspect officiel de la ségrégation, sous l’effet des combats des militants afro-américains pour les droits civiques, a pris fin en 1964, grâce aux prises de position de la Cour Suprême. Mais, même si la majorité des Américains sont finalement beaucoup moins racistes que les Européens, comme le démontre suffisamment l’élection, par deux fois, du président Obama (une situation absolument inimaginable et impossible en France) les mentalités n’évoluent que progressivement, surtout dans la Sud : on l’a bien vu avec l’attentat de Charleston en 2015.

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