vendredi 15 mai 2015

lettre au président de la République pour un troisième anniversaire - expédiée par la poste



Monsieur le Président de la République,

que souhaiter en ce troisième anniversaire ? à vous ? à nous ? que votre médication économique et financière porte les deux fruits qui sont de l’intérêt de tous ; des Français et de vous, soit la diminution du chômage et notre émancipation des marchés et des admonestations de Bruxelles dont votre ancien ministre et directeur de campagne (après avoir été celui de Dominique Strauss-Kahn) : oui, évidemment. Mais je n’y crois pas et en sus cette médication a été pratiquée au rebours des espérances des Français à votre élection et de l’électorat de gauche. C’est un changement historique que la disparition parmi les partis supposés de vocation gouvernementale, de toute idéeologie et pensée ou stratégie de gauche. Médication et changement pratiqués sans en débattre avec nous. Une Assemblée nationale sous contrainte mentale, encore davantage que sous vos prédécesseurs, un recel de nos institutions de plus en plus illégitime de président en président, depuis le 27 Avril 1969, sauf « l’adversaire le plus fidèle » du général de Gaulle : François Mitterrand. Un congrès de votre parti, truqué d’avance : les frondeurs ne savent pas passer le Rubicon, Martine Aubry non plus, alors qui vous rappellera à vous-même ? Il n’y a eu que ce livre vite fameux, celui écrit au nom des « sans dents ». Permettez-moi de vous dire qu’il est une aide pour le civisme et pour l’Histoire, comprendre la psychologie de celui qui nous détermine, activement ou par défaut, cela nous a manqué depuis le départ de François Mitterrand. Lui et ses prédécesseurs, à commencer par « le plus illustre des Français », nous les connaissions, nous comprenions ce qui les animait. Depuis 1995, image de plus en plus forcée et décalée : Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, vous-même, les médias, une spirale bruyante et monotone nous faissant assimiler débat et décision avec « la com. », même plus cette paternaliste pédagogie conseillée et rédigée par les bureaux… et les agences-conseils.

Votre conversion à la planification « souple à la française », à une vraie politique d’aménagement du territoire au contraire de l’urbanisation et des « réformes » terrritoriale mettant en exergue des métropoles… votre conversion à la démocratie référendaire (notamment département par département pour les assemblages et les compétences faisant les nouvelles régions)… votre obsession de notre patrimoine industriel et intellectuel… Aulnay, Florange, Lafarge, Alcatel, Norbert Dentressangle, Areva… pour le plus visible… combien je les souhaite, combien j’ai cherché à vous en convaincre depuis votre investiture par le Parti socialiste.

Vous n’avez accueilli aucune de mes propositions de fond, aucune de mes offres si modestes de service : un quart d’heure avec vous, toutes les trois semaines. Il y a trois mois, au moment des élections départementales, vous avez publié que vous alliez recevoir les Français qui demandent à vous voir…

La fermeture du Val de Grâce de renommée technique, clinique et scientifique mondiale et outil important de notre diplomatie d’influence, m’a blessé personnellement : j’en suis patient depuis vingt ans, ma vie plusieurs fois sauvée… la base arrière pour François Mitterrand… Raymond Barre, Pierre Messmer, mon ami éminent Moktar Ould Daddah, Bernard Tricot, Madame de Gaulle, Pierre Bérégovoy dont le corps fut honoré par plus de 20.000 de nos compatriotes et de relations chaleureuses de notre pays et de notre gauche. Et le hideux « Pentagone à la française », des marchés truqués aux clauses exhorbitantes. Et j’y reviens : le nouvelle carte de nos régions, sur un coin de table, à trois plus un peu de téléphone (communication !). Je ne peux vous pardonner cela. Etre dédaigné de vous n’est que pour moi, mais le bien commun… que nous puissions être fiers de nos gouvernants et de notre Président ! De même que Jacques Chirac après le scrutin calamiteux de 2002, vous avez manqué le moment du gouvernement d’union nationale, le soir du 11 Janvier dernier.

Le plus attristant est cette forme de maladie contagieuse : des personnalités de talent ou de caractère sont devenues médiocres en participant à vos gouvernements. Je pense à l’excellent Michel Sapin et plus encore manifestement à Ségolène Royal, que j’avais espérée à l’Elysée dès Mai 2007. Et un homme de qualité morale, d’équilibre, de loyauté, germanisant de surcroît, n’a pas été mis en valeur et a été inamicalement congédié : Jean-Marc Ayrault.

La maladie de notre vie politique intérieure a aussi ses effets en relations extérieures. Nous n’apportons plus rien à l’entreprise européenne depuis le traité de Maastricht qui ne pouvait être qu’une improvisation dans le nouveau contexte allemand et russe. Robert Schuman avait su saisir une conjoncture analogue, lui, pour fonder. François Mitterrand avait paré au plus pressé par le plus simple. Nous n’avons pas su profiter de notre force nouvelle par le refus populaire de Mai 2005 et par votre élection également populaire en Mai 2012. Le traité de Lisbonne a été écrit et ratifié à huis-clos et le soir-même de la prise de vos fonctions vous avez couru à Berlin ratifier le pacte budgétaire dont nous ne voulions pas et qui n’avait pas même été discuté par vous. Au contraire, dans l’opposition, vous vous y opposiez… Couru à Berlin alors que Schmidt s’était précipité à Paris, à la Pentecôte de 1981 et que l’été de 1958, c’étaient Foster Dulles et Harold MacMillan qui faisaient le déplacement. Nous sommes seuls en Afrique, vous n’avez pas su convaincre nos partenaires européens, alors que la soi-disant si faible Quatrième République avait su faire prendre par nos partenaires du « Marché commun » une partie de notre fardeau Outre-Mer, Algérie comprise si peu ragoûtante alors du fait de cette guerre maléfique.

Si vous lisez cette lettre, c’est qu’il y a encore une espérance de changement en vous. Je resterais alors jusqu’à la fin de votre actuel mandat à votre disposition, si vous voulez dans la tranquillité d’une confiance mutuelle enfin organisée en conférer un peu avec moi hors clivages, hors tribus, hors organigramme.

On n’attend jamais trop, mais quelles racines a mon espérance ?  après trois ans de ce mandat, si chaleureusement déféré à celui qui paraissait en équité, en calme, en intelligence l’homme nous répondant avec sincérité, plus encore que l’homme de la situation. Vous nous paraissiez notre homme. Donc, celui de la France au présent et au futur.

J’aimerai, Monsieur le Président de la République, pouvoir vous écrire tout autrement, dans le bonheur et dans l’admiration.

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