jeudi 7 mars 2013

Tchad - rapport au Premier ministre par un député sur sa circonscription

témoignage de la capacité et de l'abnégation d'un parlementaire d'opposition

Mars 2013
Monsieur le Premier Ministre,

Par la présente, avec déférence, je me fais l’ultime devoir de vous informer de la situation politique et socio-économique de la Région du Moyen Chari. Quand bien même le Député représente la Nation toute entière et que tout mandat impératif est nul et de nul effet (article 113 de la Constitution), je me suis vu naturellement obligé de me rendre dans ma circonscription électorale (Barh Koh) pendant cette vacance parlementaire.

C’est avec sincérité et impartialité que je vous énumère ces problèmes dont les solutions ne peuvent être trouvées que grâce à vos interventions personnelles.

De l’éducation et de la santé

La situation est sincèrement larmoyante surtout la quasi-inexistence des manuels scolaires dans la majorité des écoles : un seul livre pour trois à quatre salles de classe obligeant les enseignants à s’inscrire pour son utilisation.

La plupart des établissements primaires et secondaires n’ont pas de tables-bancs avec une pléthore des élèves par classe. Les écoles, les Collèges d’Enseignement Général et les lycées sont dirigés par les directeurs, les censeurs et les proviseurs sans expériences, sans compétences requises provoquant ainsi un manque d’engouement et d’enthousiasme. L’instabilité des enseignants dans leur poste, le recrutement par affinité des enseignants vacataires et la corruption des enseignants par les parents et les élèves contribuent éternellement à la baisse de niveau et à l’agonie de l’école au Moyen Chari. C’est ce qui explique le score très nul au baccalauréat de 2012 ; jamais vu dans les archives historiques du Moyen Chari.

La situation des maîtres communautaires n’est guère reluisante. Leurs conditions de travail sont rendues très difficiles et leurs subventions sont soit coupées soit réduites.

La majorité des écoles du BARH KOH sont construites en secko les exposant ainsi aux risques d’incendie et aux intempéries climatiques. Naturellement, l’année scolaire n’a jamais duré neuf mois puisque souvent dépendante des cycles des précipitations. L’école de MAINGARA dont 70% de salles de classe sont construites en secko, a été incendiée en Janvier 2012. L’école peine sérieusement à fonctionner car tous les tables-bancs, les livres et les tableaux sont incendiés. J’ai écrit au Ministre de l’Enseignement primaire, Mr FAITCHOU Etienne, mais aucune réponse ne nous a été jusque-là donnée.
Tous les villages n’ont pas forcement une école ou les écoles sont trop éloignées les unes des autres parfois de 10 à 15km. L’enfant de 7 ans ne peut faire cette distance chaque jour pour aller à l’école. Pourtant à cet âge, il doit commencer le CP1. Plus de 90% des villages ont difficilement accès à l’eau. Les puits tarissent en saison chaude où les besoins en eau sont élevés. Les centres de santé sont partiellement opérationnels avec du plomb dans l’aile. À SARH, la quasi-totalité des établissements publics ne disposent pas de latrines fonctionnelles. Le garçon peut faire ses besoins contre le mur. Mais pour les filles surtout celles d’un certain âge, c’est dur et honteux.
Le Lycée-Collège Saint Charles Lwanga est au bord de la fermeture. Les enseignants, qui ont vu leur salaire réduit de moitié (passant de 322.000F à 145.000F) et leur contrat passé de CDI au CDD (dix mois), menacent d’observer une grève illimitée si les dirigeants n’appliquent pas l’ancienne grille salariale et le CDI.

Les précipitations erratiques, tardives mais brutalement suivies de fortes pluviométries occasionnant des inondations de Juillet à Septembre 2012 ont lourdement affecté les récoltes à telle enseigne que les habitants de certains villages sont déjà en situation d’extrême détresse. La situation nutritionnelle et médicale est véritablement alarmante : les enfants sont menacés de malnutrition aigüe et sévère. Les manguiers du Moyen Chari et des deux Logones n’ont pas donné de fruits cette année. Certains paysans consomment des fruits sauvages pour survivre. Comment vivront-ils de Juin à Août 2013 ?

L’hôpital de district de SARH est construit sans être équipé. Mais le Gouverneur du Moyen Chari force le Médecin du District et son personnel à l’occuper dans cet état sans raison valable.

L’hôpital de SARH rencontre des difficultés en ressources humaines, financières et matérielles. L’insuffisance en ressources humaines est criarde : aucun pédiatre, aucun médecin ophtalmologue, aucun gynécologue obstétricien, un seul chirurgien, un infirmier, qui assure le rôle de major, est atteint par la limite d’âge ; le pavillon des urgences est dirigé par un Agent Technique de Santé. En maintenance biomédicale et génie civile, la situation est récurrente.

L’hôpital régional de SARH ne bénéficie pas de véritable appui des bailleurs. L’absence d’un véritable partenariat crédible constitue un handicap pour son bon fonctionnement.

Délabrement de la peinture de l’ensemble des locaux, la vétusté des installations électriques et des circuits des eaux usées et potables influent sur l’hygiène et la sécurité de l’hôpital de SARH. Il n’y a aucune benne mais un seul véhicule de fonction. J’ai noté avec regret le retard dans la dotation des médicaments destinés à la gratuité des soins d’urgences et la rupture des molécules au niveau de la pharmacie.

Société

De Novembre 2012 à Janvier 2013 (le 23/11/12 entre DJEKE-DJEKE et DANAMADJI ; le 08/12/12 entre DJOLI et TOULALA ; le 13/12/12 entre DJEKE-DJEKE et KOMOUGO ; le 27/12/12 entre GABIAN et DJEKE-DJEKE ; le 03/01/013 à 15Km de KOMOUGO ; le 16/01/013 entre SAFOYO et DANE-KYAN ; le 31/01/013 entre MONGO et DANAMADJI ; le 15/02/013 entre DEMBO et BEKAMBA), les coupeurs de route ont attaqué, tiré, tué et dépossédé les commerçants venant des marchés hebdomadaires faisant ainsi des morts d’hommes et des blessés. Ils ont emporté des biens et des millions des ces commerçants et locataires des véhicules. Informées de tous ces tristes cas, les autorités administratives et militaires, en l’occurrence le Gouverneur et le Com Légion de la gendarmerie, n’ont pas réagi obligeant les commerçants à lancer un préavis de grève de six jours. C’est inadmissible et incroyable que le Gouverneur puisse garder un silence infernal. Chose paradoxale, le Gouverneur va jusqu’à donner l’ordre au Com légion d’enfermer les commerçants et leur a déclaré que c’est le destin de ceux qui sont tués dans l’attaque des coupeurs de route et que cela ne doit pas être leur préoccupation.

La ville de SARH est en insécurité. Aux environs de 19 heures, il est difficile, risquant et suicidaire de passer à moto, à bicyclette ou à pied aux alentours de la NSTT et des écoles de télécommunication. Les filles, les femmes et les propriétaires des engins sont attaqués, braqués, violés par des militaires. Un chef militaire avec ses éléments sèment la terreur aux alentours de la NSTT à gauche en allant vers le canton KOKAGA. Cette situation très préoccupante a amené les leaders politiques locaux de réagir sur les antennes de la radio régionale. Le Gouverneur, Mr IZADINE MAOULOUD a menacé de les enfermer.

L’avenue des jeunes au quartier KASSAÏ au Sud de SARH est entrain d’être bitumé. Nous saluons et encourageons cette œuvre du gouvernement pour nous sortir du sous-développement. Cependant, nous sommes très surpris que l’entreprise ne bitume que 25m au lieu de toute la largeur de 40m de cette voie. La Mairie de SARH n’a pas daigné s’investir pour amener l’entreprise à bitumer toute la voie de 40m.

Nous avons constaté avec regret que la main d’œuvre est importée dans toutes les exécutions des marchés et des projets laissant ainsi les jeunes de SARH dans une désolation totale. Nous souhaitons que la priorité soit donnée à la main d’œuvre locale !

L’Institut agronomique de DOYABA :

Le paiement irrégulier des bourses pèse sérieusement sur les étudiants qui doivent payer 100F ou 3200f par mois pour leur accès au bus. Il est solennel de vous informer que sur les cinq bus envoyés par le Gouvernement, seuls deux sont mis en circulation à cause du « manque des chauffeurs ». Ce qui revient à signaler que les deux bus font deux à trois fois les trajets pour parvenir à transporter tous les étudiants. Ces deux situations (bourses irrégulières et indisponibilité des bus) obligent les étudiants à partir en bicyclette pour être assidus. Malheureusement, ils sont encore menacés par les militaires casernés à la C.I de DOYABA. Avec la fermeture de leur centre de santé et le manque d’eau ou de forage, les étudiants vivent tous les cauchemars pendant cette saison chaude où il y a fort besoin en eau et où les maladies infectieuses (méningite, diarrhées, conjonctivite) sont récurrentes. Ils sont obligés de boire l’eau du Chari puisque les villages sont éloignés de l’Institut. La CST, qui a été sollicité à plusieurs reprises, ne dépose sa citerne d’eau que selon les humeurs de ses décideurs.

L’Institut n’a pas de tracteurs et se voit obligé de les louer avec la CST.

Le stage, qui doit être de trois mois pour permettre à l’étudiant de suivre ses plants à partir du sarclage jusqu’à la récolte, est réduit à 45 jours sans raison. Les outils informatiques manquent cruellement. La bibliothèque est inadaptée et sous équipée.

Ce sont les enseignants qui vont en étude à l’extérieur avec les bourses qui sont pourtant octroyées aux excellents étudiants. N’y a-t-il pas d’excellents étudiants ?

Monsieur le Premier Ministre, c’est avec une réelle émotion que j’ai écrit cette fiche. J’espère que ces informations retiendraient votre attention. Je vous rassure de ma disponibilité à vous aider dans votre lourde tâche ! Je me vois disposé à vous apporter, le cas échéant, d’autres détails !


                                                                        N’DJAMENA, le 07 Mars 2013

                                                                                       Le député

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