De son origine à sa fin,
de Gaulle et une conception pratique de la responsabilité :
exemple pour maintenant
J’esquisse cette vue du général de Gaulle que les dates des 9 et 11 Novembre m’inspirent.
Sans doute, le général de Gaulle avait-il des dons ou talents exceptionnels : notamment cette capacité de discernement, d’analyse et de synthèse, d’expression de l’ensemble de ces sagacités. Celles-ci supposent une liberté intérieure qui ne signifie pas une émancipation de toute impressionnabilité, de toute affectivité : au contraire. Une liberté intérieure qui est une conscience de soi, pas forcément orgueilleuse, mais lucide et même humble. On se situe au monde, parmi les autres, on se sait et on se veut responsable de soi et des autres. Voilà, je crois, le legs du caractère, d’une psychologie, d’une éducation.
Paradoxalement, aujourd’hui, on réduit de Gaulle de deux façons. D’une part, il serait inimitable par une telle grandeur. D’autre part, ses exploits seraient mineurs tant les circonstances d’aujourd’hui : complexité de « la » crise (du moment, car à chacune la complexité et la nouveauté des événements et le resserrement de leur échevau sont invoqués par les contemporains contre tous les précédents) et progrès de toutes sortes de la technologie à toutes les manipulations ou effets de l’information, de la psychologie de masse etc… seraient bien plus difficiles que celles d’antan qu’eut à affronter (aujourd’hui, on dit « gérer », de même que pour une guerre, on dit « faire le boulot… le job… »). Je refuse ces rapetissements ou ces défausses : ces manières ne sont qu’ad personam pour justifier nos petitesses du moment (La marche consulaire d’une de nos notoriétés du commentaire). Car le modèle gaullien est d’ordre public.
Je le résume par le sens et l’organisation, la pratique de la responsabilité, qui furent ceux du général de Gaulle.
Le rapprochement entre la date de sa mort – le 9 Novembre – et la commémoration de l’armistice ayant mis fin à la Grande Guerre (« 14-18 ») – le 11 Novembre – est éclairant.
L’observation et la déduction, la pensée politique du général de Gaulle naissent en captivité pendant la Grande Guerre. La lecture, comme il peut, des journaux allemands lui fait pressentir le point faible de ce Reich. C’est d’ailleurs le point fort du discernement gaullien à toutes époques de la geste du Général, et qui peut s’appliquer à nos problèmes d’aujourd’hui. Le point faible de celui ou de ce qui paraît fort, voire inéluctable. En l’espèce, pour l’homme de formation militaire qui a besoin de références pour appliquer son art, surtout si cet art est « multimédia » (logistique, stratégie, commandement, animation, anticipation, etc…), le guerrier n’est pas son propre maître, il a l’initiative sur le terrain mais il est commandé selon un autre ordre que le sien (analogie possible avec la conception de notre ancienne monarchie, le roi et sa conscience, le roi devant Dieu, contrainte infiniment plus grande, précise et intime, sens du devoir, que n’en imposent aujourd’hui, les contrôles de légalité ou de constitutionnalité sur les actes du pouvoir supposé suprême, et ne fonctionnant que selon un registre païen pour ce qui est de notre collectivité, et narcissique ou psychopathologique pour ce qui est de l’impétrant). La faiblesse allemande – en 1917-1918 – est la dictature du militaire sur le politique. Il faut au contraire, en tous temps, que le premier obéisse au second, ce qui suppose la légitimité de système, de principe et la qualité personnelle du politique, et la claire définition des compétences du militaire. Un livre : La discorde chez l’ennemi (son premier paru) et un dialogue saisissant (celui avec Weygand en Juin 1940 : « le gouvernement n’a pas de suggestion à faire (au général en chef) mais des ordres à donner. Je compte qu’il les donnera ») résument la manière dont de Gaulle a analysé la défaite de l’Allemagne wilhelmienne et prépare la Cinquième République. Légitimité incontestable du président de la République par le mode de son élection (à défaut de l’Histoire qui dispensait de Gaulle de justifier l’origine de son emprise sur les esprits et sur les choses, à tel point que se plier lui-même au processus électoral en 1965… le diminua politiquement), séparation des pouvoirs et des fonctions (celles du Premier ministre vis-à-vis du Président et vis-à-vis des ministres, celles des parlementaires vis-à-vis du gouvernement, qui ne peuvent, selon la rédaction originelle de la Constitution avant sa révision de 2008, cumuler ni en droit ni en fait la fonction ministérielle avec l’identité de l’élu en circonscription).
Voilà pour l’origine.
La fin commença presqu’aussitôt les questions politiques pratiques renées à la Libération. Le referendum instauré en France fut la solution erga omnes – nonobstant les précédents plébiscitaires des deux Empires napoléoniens, quoique les Républicains depuis Pelletan et la doctrine depuis Carré de Malberg, aient au contraire, cf. René Capitant, bien montré combien la démocratie directe a comme outil principal la consultation directe et sans appel). L’expérience d’Octobre 1945 fut alors décisive. Un referendum auquel ne serait pas liée la longévité politique de celui qui le convoque et en libelle le questionnement, résoud peut-être la problématique : quelles institutions et comment les établir pour la France sortant de l’abîme et des pratiques politiques qui l’y avaient précipitée, question de 1945… la régionalisation et la mise en place adéquate d’un Sénat dont le maintien en République n’avait été que circonstanciel, question de 1969… à laquelle il aurait été répondu certainement oui, si de Gaulle n’y avait attaché son destin et la fin de son mandat électif. Mais pour être un instrument de gouvernement, c’est-à-dire pour en imposer aux esprits, c’est-à-dire encore pour susciter une participation, une adhésion actives qui font seules une politique efficace : trancher la question algérienne naguère, régler au fond l’endettement du pays et le faire d’une manière exemplaire pour l’Europe (l’emprunt direct auprès des citoyens, forme précise en économie et en finances du référendum en constitution et en législation), le referendum ne doit être gratuit ni pour le peuple ni pour celui qui le convoque.
Là est l’acception – étymologiquement et éthiquement – du mot responsabilité, si galvaudé aujourd’hui. Ceux qui s’autoproclament « responsables politiques »… ceux qui assurent « prendre leurs responsabilités »… ne font que se servir au plat, c’est-à-dire qu’ils s’arrogent la parole, accaparent la décision sans encourir de sanction s’ils se trompent ou sont sans mandat. Notre République fonctionne aujourd’hui en perte complète du sens de la responsabilité : répondre de ses actes. Honteux contraires de la responsabilité u politique, les immunités pénales du président de la République, inventées ad hoc pour Jacques Chirac (le financement de ses campagnes électorales) et systématisées (sauf cassation prochaine) par la cour d’appel de Paris (le 8 Novembre, à propos des contrats de services passés par la directrice du cabinet de Nicolas Sarkozy avec une société de conseil en sondages d’opinion au mépris de toute procédure d’appel d’offres), et la réintégration automatique, sans repasser par l’élection, des ministres démis (ainsi Jacques Santini, Eric Woerth, Michèle Alliot-Marie évincés du gouvernement pour des motifs les mettant en cause éthiquement n’ont à se justifier devant personne, pas même devant leurs électeurs).
De Gaulle est efficace et il est moral, tout simplement parce que chaque scrutin national engage – explicitement – la suite de son exercice des fonctions présidentielles : qu’il s’agisse du renouvellement de l’Assemblée nationale ou d’un referendum. C’est l’expérience de 1945-1946 où malgré le referendum d’Octobre 1945, de Gaulle ne peut avoir raison des partis renaissants en Novembre 1945 et ne peut donc que démissionner le 20 Janvier 1946. La fondation de nos institutions – complètement oubliée par Jacques Chirac se maintenant en Juin 1997 après une dissolution sans résultat pour la majorité sortante, et en Mai 2005 après un résultat négatif au referendum, deux procédures ne dépendant que de sa signature et par conséquent l’engageant personnellement et explicitement, sauf à considérer cette signature et donc l’exercice des fonctions présidentielles aussi formelles et désincarnées que sous les régimes précédents – date du 27 Avril 1969 : désavoué, de Gaulle part, comme il l’avait dit, à la veille de chaque consultation depuis Septembre 1958…
Pas accessoire, le lien entre les deux dates du 9 et du 11 Novembre. De Gaulle, démocrate moderne comme aucun de nos grands personnages au XXème siècle (la question de comparaison ne se pose après onze ans de XXIème siècle, puisque nous ne connaissons encore à titre d’exception nationale que le culot pour arriver et se maintenir au pouvoir, que la tolérance universelle ou intéressée des élites de toute nature et de l’opinion courante), a en revanche une posture hiératique à la romaine, que rappelle ces jours-ci un de ses collaborateurs (Pierre-Louis Blanc, responsable de la presse à l’Elysée dans les dernières années du Général, auteur d’un De Gaulle au soir de sa vie, paru en 1974, et commettant de nouveaux souvenirs, ceux de ses moments parfois très étendus, à Colombey pour documenter la rédaction des mémoires d’espoir…) : dignité et vertu. Cela produit une qualité de plume saisissante, en quoi d’ailleurs de Gaulle est fils de Pétain, le vainqueur de Verdun certes mais aussi le chef de l’Etat déchu par les circonstances et qui, librement – sens aigu de la responsabilité (« c’est moi seul que l’Histoire jugera ») – quitte la Suisse pour se présenter en personne devant des juges… Modèle de responsabilité et aussi de maintien car à lire La bataille de Verdun qui ne doit rien à un « nègre » qu’aurait été de Gaulle pour le maréchal, vues les dates d’écriture et de parution, on est saisi par l’analogie du style, et en fait l’ensemble du récit et de la présentation des gens et des choses : gaulliens.
Pas accessoire non plus, l’exemplarité de la responsabilité revendiquée par le chef, sanction possible à la clé. Ainsi, un des motifs de notre retrait de l’O.T.A.N. – tout psychologique selon de Gaulle et tel que l’exposa Pierre Messmer dans ses propres mémoires – était de rendre à nos chefs militaires le sens de leur responsabilité, sans défausse donc sur l’intégration au commandement d’autrui.
Ainsi de l’évaluation d’une époque, de fonctions à exercer jusqu’à une morale personnelle et la pratique du devoir envers les autres, sens de sa propre dignité et de celle d’un pays, tout se tient… et tout s’est tenu pour produire l’homme du 18 Juin, le fondateur de notre République, l’un des pères de l’Europe, l’inventeur du décisif tryptique : détente, entente et coopération.
J’y ajoute encore quelque chose qui doit au 11-Novembre. Il faut pour déboucher devant ceux qui auront recours à vous, une expertise correspondant au problème du moment. De Gaulle avait l’expertise de la question qui le fit naître historiquement : la nécessaire mûe de la chose militaire dans les années 1920 et 1930. La Grèce et l’Italie se donnent dans leur gouffre qui nous fait voir celui dans lequel nous avons commencé de rouler, une double expertise : celle des institutions européennes et celle de l’économie et de la finance en chiffre, ce sont celles, évidentes, du moment actuel. Cela donne des solutions immédiates. En France, ces expertises existent au niveau du commentaire mais pas de l’expérience : ce fut d’ailleurs l’équation de Dominique Strauss-Kahn, putativement gagnante jusqu’au 14 Mai dernier. Il peut exister une autre façon de maîtriser l’Histoire et de changer tous les paramètres : Robert Schuman, saint et falot, en une lecture de train vers sa circonscription lorraine, le samedi 6 Mai 1950, comprit que la déclaration qu’il décida de reprendre à son compte, bouleverserait tout et fonderait beaucoup. C’était nécessaire. C’est de cette veine – française – que peut sortir quelque successeur à l’homme de l’honneur et de la participation, celui du 18 Juin et du 27 Avril, de 1940 à 1969.
de Gaulle et une conception pratique de la responsabilité :
exemple pour maintenant
J’esquisse cette vue du général de Gaulle que les dates des 9 et 11 Novembre m’inspirent.
Sans doute, le général de Gaulle avait-il des dons ou talents exceptionnels : notamment cette capacité de discernement, d’analyse et de synthèse, d’expression de l’ensemble de ces sagacités. Celles-ci supposent une liberté intérieure qui ne signifie pas une émancipation de toute impressionnabilité, de toute affectivité : au contraire. Une liberté intérieure qui est une conscience de soi, pas forcément orgueilleuse, mais lucide et même humble. On se situe au monde, parmi les autres, on se sait et on se veut responsable de soi et des autres. Voilà, je crois, le legs du caractère, d’une psychologie, d’une éducation.
Paradoxalement, aujourd’hui, on réduit de Gaulle de deux façons. D’une part, il serait inimitable par une telle grandeur. D’autre part, ses exploits seraient mineurs tant les circonstances d’aujourd’hui : complexité de « la » crise (du moment, car à chacune la complexité et la nouveauté des événements et le resserrement de leur échevau sont invoqués par les contemporains contre tous les précédents) et progrès de toutes sortes de la technologie à toutes les manipulations ou effets de l’information, de la psychologie de masse etc… seraient bien plus difficiles que celles d’antan qu’eut à affronter (aujourd’hui, on dit « gérer », de même que pour une guerre, on dit « faire le boulot… le job… »). Je refuse ces rapetissements ou ces défausses : ces manières ne sont qu’ad personam pour justifier nos petitesses du moment (La marche consulaire d’une de nos notoriétés du commentaire). Car le modèle gaullien est d’ordre public.
Je le résume par le sens et l’organisation, la pratique de la responsabilité, qui furent ceux du général de Gaulle.
Le rapprochement entre la date de sa mort – le 9 Novembre – et la commémoration de l’armistice ayant mis fin à la Grande Guerre (« 14-18 ») – le 11 Novembre – est éclairant.
L’observation et la déduction, la pensée politique du général de Gaulle naissent en captivité pendant la Grande Guerre. La lecture, comme il peut, des journaux allemands lui fait pressentir le point faible de ce Reich. C’est d’ailleurs le point fort du discernement gaullien à toutes époques de la geste du Général, et qui peut s’appliquer à nos problèmes d’aujourd’hui. Le point faible de celui ou de ce qui paraît fort, voire inéluctable. En l’espèce, pour l’homme de formation militaire qui a besoin de références pour appliquer son art, surtout si cet art est « multimédia » (logistique, stratégie, commandement, animation, anticipation, etc…), le guerrier n’est pas son propre maître, il a l’initiative sur le terrain mais il est commandé selon un autre ordre que le sien (analogie possible avec la conception de notre ancienne monarchie, le roi et sa conscience, le roi devant Dieu, contrainte infiniment plus grande, précise et intime, sens du devoir, que n’en imposent aujourd’hui, les contrôles de légalité ou de constitutionnalité sur les actes du pouvoir supposé suprême, et ne fonctionnant que selon un registre païen pour ce qui est de notre collectivité, et narcissique ou psychopathologique pour ce qui est de l’impétrant). La faiblesse allemande – en 1917-1918 – est la dictature du militaire sur le politique. Il faut au contraire, en tous temps, que le premier obéisse au second, ce qui suppose la légitimité de système, de principe et la qualité personnelle du politique, et la claire définition des compétences du militaire. Un livre : La discorde chez l’ennemi (son premier paru) et un dialogue saisissant (celui avec Weygand en Juin 1940 : « le gouvernement n’a pas de suggestion à faire (au général en chef) mais des ordres à donner. Je compte qu’il les donnera ») résument la manière dont de Gaulle a analysé la défaite de l’Allemagne wilhelmienne et prépare la Cinquième République. Légitimité incontestable du président de la République par le mode de son élection (à défaut de l’Histoire qui dispensait de Gaulle de justifier l’origine de son emprise sur les esprits et sur les choses, à tel point que se plier lui-même au processus électoral en 1965… le diminua politiquement), séparation des pouvoirs et des fonctions (celles du Premier ministre vis-à-vis du Président et vis-à-vis des ministres, celles des parlementaires vis-à-vis du gouvernement, qui ne peuvent, selon la rédaction originelle de la Constitution avant sa révision de 2008, cumuler ni en droit ni en fait la fonction ministérielle avec l’identité de l’élu en circonscription).
Voilà pour l’origine.
La fin commença presqu’aussitôt les questions politiques pratiques renées à la Libération. Le referendum instauré en France fut la solution erga omnes – nonobstant les précédents plébiscitaires des deux Empires napoléoniens, quoique les Républicains depuis Pelletan et la doctrine depuis Carré de Malberg, aient au contraire, cf. René Capitant, bien montré combien la démocratie directe a comme outil principal la consultation directe et sans appel). L’expérience d’Octobre 1945 fut alors décisive. Un referendum auquel ne serait pas liée la longévité politique de celui qui le convoque et en libelle le questionnement, résoud peut-être la problématique : quelles institutions et comment les établir pour la France sortant de l’abîme et des pratiques politiques qui l’y avaient précipitée, question de 1945… la régionalisation et la mise en place adéquate d’un Sénat dont le maintien en République n’avait été que circonstanciel, question de 1969… à laquelle il aurait été répondu certainement oui, si de Gaulle n’y avait attaché son destin et la fin de son mandat électif. Mais pour être un instrument de gouvernement, c’est-à-dire pour en imposer aux esprits, c’est-à-dire encore pour susciter une participation, une adhésion actives qui font seules une politique efficace : trancher la question algérienne naguère, régler au fond l’endettement du pays et le faire d’une manière exemplaire pour l’Europe (l’emprunt direct auprès des citoyens, forme précise en économie et en finances du référendum en constitution et en législation), le referendum ne doit être gratuit ni pour le peuple ni pour celui qui le convoque.
Là est l’acception – étymologiquement et éthiquement – du mot responsabilité, si galvaudé aujourd’hui. Ceux qui s’autoproclament « responsables politiques »… ceux qui assurent « prendre leurs responsabilités »… ne font que se servir au plat, c’est-à-dire qu’ils s’arrogent la parole, accaparent la décision sans encourir de sanction s’ils se trompent ou sont sans mandat. Notre République fonctionne aujourd’hui en perte complète du sens de la responsabilité : répondre de ses actes. Honteux contraires de la responsabilité u politique, les immunités pénales du président de la République, inventées ad hoc pour Jacques Chirac (le financement de ses campagnes électorales) et systématisées (sauf cassation prochaine) par la cour d’appel de Paris (le 8 Novembre, à propos des contrats de services passés par la directrice du cabinet de Nicolas Sarkozy avec une société de conseil en sondages d’opinion au mépris de toute procédure d’appel d’offres), et la réintégration automatique, sans repasser par l’élection, des ministres démis (ainsi Jacques Santini, Eric Woerth, Michèle Alliot-Marie évincés du gouvernement pour des motifs les mettant en cause éthiquement n’ont à se justifier devant personne, pas même devant leurs électeurs).
De Gaulle est efficace et il est moral, tout simplement parce que chaque scrutin national engage – explicitement – la suite de son exercice des fonctions présidentielles : qu’il s’agisse du renouvellement de l’Assemblée nationale ou d’un referendum. C’est l’expérience de 1945-1946 où malgré le referendum d’Octobre 1945, de Gaulle ne peut avoir raison des partis renaissants en Novembre 1945 et ne peut donc que démissionner le 20 Janvier 1946. La fondation de nos institutions – complètement oubliée par Jacques Chirac se maintenant en Juin 1997 après une dissolution sans résultat pour la majorité sortante, et en Mai 2005 après un résultat négatif au referendum, deux procédures ne dépendant que de sa signature et par conséquent l’engageant personnellement et explicitement, sauf à considérer cette signature et donc l’exercice des fonctions présidentielles aussi formelles et désincarnées que sous les régimes précédents – date du 27 Avril 1969 : désavoué, de Gaulle part, comme il l’avait dit, à la veille de chaque consultation depuis Septembre 1958…
Pas accessoire, le lien entre les deux dates du 9 et du 11 Novembre. De Gaulle, démocrate moderne comme aucun de nos grands personnages au XXème siècle (la question de comparaison ne se pose après onze ans de XXIème siècle, puisque nous ne connaissons encore à titre d’exception nationale que le culot pour arriver et se maintenir au pouvoir, que la tolérance universelle ou intéressée des élites de toute nature et de l’opinion courante), a en revanche une posture hiératique à la romaine, que rappelle ces jours-ci un de ses collaborateurs (Pierre-Louis Blanc, responsable de la presse à l’Elysée dans les dernières années du Général, auteur d’un De Gaulle au soir de sa vie, paru en 1974, et commettant de nouveaux souvenirs, ceux de ses moments parfois très étendus, à Colombey pour documenter la rédaction des mémoires d’espoir…) : dignité et vertu. Cela produit une qualité de plume saisissante, en quoi d’ailleurs de Gaulle est fils de Pétain, le vainqueur de Verdun certes mais aussi le chef de l’Etat déchu par les circonstances et qui, librement – sens aigu de la responsabilité (« c’est moi seul que l’Histoire jugera ») – quitte la Suisse pour se présenter en personne devant des juges… Modèle de responsabilité et aussi de maintien car à lire La bataille de Verdun qui ne doit rien à un « nègre » qu’aurait été de Gaulle pour le maréchal, vues les dates d’écriture et de parution, on est saisi par l’analogie du style, et en fait l’ensemble du récit et de la présentation des gens et des choses : gaulliens.
Pas accessoire non plus, l’exemplarité de la responsabilité revendiquée par le chef, sanction possible à la clé. Ainsi, un des motifs de notre retrait de l’O.T.A.N. – tout psychologique selon de Gaulle et tel que l’exposa Pierre Messmer dans ses propres mémoires – était de rendre à nos chefs militaires le sens de leur responsabilité, sans défausse donc sur l’intégration au commandement d’autrui.
Ainsi de l’évaluation d’une époque, de fonctions à exercer jusqu’à une morale personnelle et la pratique du devoir envers les autres, sens de sa propre dignité et de celle d’un pays, tout se tient… et tout s’est tenu pour produire l’homme du 18 Juin, le fondateur de notre République, l’un des pères de l’Europe, l’inventeur du décisif tryptique : détente, entente et coopération.
J’y ajoute encore quelque chose qui doit au 11-Novembre. Il faut pour déboucher devant ceux qui auront recours à vous, une expertise correspondant au problème du moment. De Gaulle avait l’expertise de la question qui le fit naître historiquement : la nécessaire mûe de la chose militaire dans les années 1920 et 1930. La Grèce et l’Italie se donnent dans leur gouffre qui nous fait voir celui dans lequel nous avons commencé de rouler, une double expertise : celle des institutions européennes et celle de l’économie et de la finance en chiffre, ce sont celles, évidentes, du moment actuel. Cela donne des solutions immédiates. En France, ces expertises existent au niveau du commentaire mais pas de l’expérience : ce fut d’ailleurs l’équation de Dominique Strauss-Kahn, putativement gagnante jusqu’au 14 Mai dernier. Il peut exister une autre façon de maîtriser l’Histoire et de changer tous les paramètres : Robert Schuman, saint et falot, en une lecture de train vers sa circonscription lorraine, le samedi 6 Mai 1950, comprit que la déclaration qu’il décida de reprendre à son compte, bouleverserait tout et fonderait beaucoup. C’était nécessaire. C’est de cette veine – française – que peut sortir quelque successeur à l’homme de l’honneur et de la participation, celui du 18 Juin et du 27 Avril, de 1940 à 1969.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire