mardi 30 mars 2010

Inquiétude & Certitudes - mardi 30 mars 2010



Mardi 30 Mars 2010

Prier tardivement, mais « sur » la tombe de ma mère, la remise en Dieu sans texte [1]. Aujourd’hui, la trahison de Judas, récit se prêtant au roman ou au portrait d’un type humain, j’ai esquissé autrefois un « Judas le bienheureux », thème repris depuis avec en sus la publication d’un apocryphe. Il est l’ultime agent de la nécessité, quoique dans la passion comme dans l’incarnation du Fils de Dieu, chaque acteur a un rôle décisif, du fiat de Marie aux trente deniers ou à la tunique tirée au sort et au coup de lance plutôt que de briser les jambes. Réflexion aussi d’Isorni dans l’examen, en avocat pénaliste, des pièces du procès que deux trahisons interviennent dans la même nuit, celle de Judas qui ne semble pas préméditée, même s’il a la tentation de malhonnêteté et d’indélicatesse en permanence et manifestement connue de tous, rapport avec l’argent ? non, car il ne se serait pas mis, lui surtout à suivre le Christ dans une totale précarité, et la bourse qu’il tient ne devait pas être rebondie, il y avait donc autre chose… et Pierre, le chef et qui cent fois, a répété son attachement. L’un vend plus que du renseignement, l’autre renie. Leçon du texte-même ? Jésus fut bouleversé au plus profond de lui-même … la notation est rare, elle atteste aussi bien de l’omniscience du Christ que de son humanité. Tel que Jean le note, Judas est identifié comme traître mais sans que les disciples l’empêche de perpétrer son forfait : ils sont médusés, impuissants, ce n’est pas humainement explicable. Judas est surtout confirmé dans sa mission et envoyé, il est d’une certaine délivré, accouché, il est laissé à Satan. Eve non plus n’est pas directement coupable. Titre évocateur d’un film « nouvelle vague » : Satan mène le bal . . . ‘’ L’un de vous me livrera. – Seigneur, qui est-ce ? – C’est celui à qui j’offrirai la bouchée que je vais tremper dans le plat. ’’ Il trempe la bouchée et la donne à Judas, fils de Simon Iscariote. Et quand Judas eut pris la bouchée, Satan entra en lui. Jésus lui dit alors : ‘’ Ce que tu fais, fais-le vite’’ Incompréhension des disciples à deux reprises : les disciples se regardaient les uns les autres, sans parvenir à comprendre de qui Jésus parlait… Mais aucun des convives ne comprit le sens de cette parole. Raison : le contexte est à la fête et Jésus a beau parler « en clair », ils ne peuvent entrer dans le mystère. Judas parti, le « discours après la Cène » si dense leur sera expliqué à mesure, le Christ appelant les questions et les demandes de précision. D’une certaine manière, les événements – même les plus grands et tous mystérieux s’il doit s’agir du Fils de Dieu, tous impossibles en logique et en prévision – ne sont que secondaires, ce qui compte dans toute la Bible, ce n’est pas l’histoire, mais notre relation à Dieu que nous permettent les événements, à laquelle nous amènent ces instruments – ces sacrements – que sont les événements et principalement, ultimement ceux de la Semaine sainte, maintenant. Quand Judas eut pris la bouchée, il sortit aussitôt ; il faisait nuit. Judas aux ordres, Judas en mission et libération du Christ qui peut, maintenant, entrer librement dans sa passion. Et symétrique de l’annonce de la trahison : l’un de vous me livrera, l’annonce à Pierre nommément et ouvertement, de son reniement : le coq ne chantera pas avant que tu m’aies riené trois fois. Nous qui sommes les agenouillés des tableaux médiévaux votifs et qui tâchons de voir, comprendre et prier, nous entendons alors : je vais faire de toi la lumière des nations, pour que mon salut parvienne jusqu’aux extrêmités de la terre. Pourtant, solidaires des Juifs des deux Testaments, le Testament de la promesse et le Testament du salut, nous ferons partie de la foule et crirons : tolle, tolle…

matin

Le dîner à la maison-Blanche « occasion pour les deux hommes de . . .» . Carla interrogée : je ne suis pas sûr que je l’avais déjà entendue de voix. Comment n’avoir pas honte d’un rôle joué à la midinette ? en ton autant qu’en texte. « oui, j’attends ce dîner avec impatience ». Presse américaine comme française, relèvent l’impertinence de l’adolescent prolongé issu de quartiers médiocres dans son dialogue avec les étudiants : donner des leçons aux Etats-Unis pour leur régime de santé, dont sans aucun doute il ne connaît que le commentaire suscité par les projets puis les succès parlementaires d’Obama, c’est-à-dire pas le fond, ni la philosophie. Culot, car si Obama s’avance vers un régime de totale solidarité nationale, tous les efforts – sans publicité ni synthèse en ce sens, évidemment – vont en France dans le sens inverse.

Le retour de Juppé se confirme. Il coincide apparemment avec la décrédibilisation de Sarkozy, je le crois au contraire motivé par les projets et l’expression de la stratégie de Villepin. Celui qui est devenu le maire de Bordeaux dans des conditions d’adoption forcée peu admirables, ne peut accepter que son ancien collaborateur le double dans le rôle d’alternative – pour la « majorité présidentielle » – au président régnant. La base recherchée et qui transcende les clivages actuels, est l’écologie ; il en a été le ministre éphémère mais consciencieux. Il en est maintenant un porte-parole plus technique et expérimenté en termes de culture d’Etat que les Verts et Europe-Ecologie. Au passage, il black-boule le ministre en titre, Borloo qui passe pourtant pour le plus populaire des membres de ce gouvernement .

soir

Hyperboles sur le vide, faire croire que le « tête-à-tête » puisse traiter quoi que ce soit au fond et que ce fameux dîner manifeste quelque affinité que ce soit d’Obama pour sarkozy. Constatation des commentateurs de nos télévisions, le voyage de Sarkozy est loin de faire la une des journaux américains. La réalité n’est pas dite, l’Américain est en sursis, les élections à mi-mandat devraient être difficiles et décevantes, il se fait des ennemis à droite ce qui était prévisible (le régime de santé) mais à gauche certainement en persistant en Afghanistan, et le Français est proche de l’impuissance autant parce que la France n’a pas su résoudre sa crise budgétaire malgré des mesures préparant une crise sociale – que je crois considérable et proche, que parce que son impopularité fait douter dans son propre camp de la qualité de sa candidature en 2012 : il semble ne plus pouvoir compter que sur le fatalisme des gouvernés et les fautes de la gauche par excès de rivalités internes.

Les hyperboles pour Sarkozy n’ont d’égal que celles trouvées pour Villepin « entré en résistance comme le général de Gaulle ».

Les décisions juridictionnelles et le droit comme règlement de l’action politique. La cour d’appel statuant dans l’affaire Erika, responsabilité de Total pour mise en cause de l’environnement mais pas de responsabilité, nouveau chef de responsabilité donc, mais exonérant du plus classique. Attente d’une décision de la Cour européenne des droits de l’homme sur la qualification du procureur de la République française : magistrat ou agent de l’exécutif ? à propos d’une mise en rétention d’un équipage étranger au large de Brest. Si ce n’est pas un magistrat, il sera difficile de le faire croire dans la réforme du juge d’instruction.

Je regarde un moment d’une sorte de conférence à trois – sur fond de calicot, celui du journal Libération – que diffuse la chaine parlementaire. Thème à peu près : politique et espérance. Dégoisent successivement Guaino et Finkelkraut, chacun recroquevillé sur son siège, la tribune est plutôt un arc de cercle tenant seulement les trois personnes, je ne retiens pas le nom de la troisième. Guaino que je regarde et entends parler pour la première fois, m’atterre. Censément la plume présidentielle, ne craignant pas d’afficher par sa participation ce soir à un débat parisien qu’il n’est donc pas indispensable à Washington, il parle les épaules tassées, le visage très lourd, penché sur son papier qu’il lit trop vite, avec trop de termes abstraits, sans le moindre effort de ton ou d’envolée, donnant la sensation contagieuse qu’il s’ennuie publiquement : c’est fascinant d’absence de charisme, d’accumulation à peine articulée de poncifs sur le mode interrogatif. Le plus caractéristique de cette impuissance à communiquer est son geste, l’unique, de la main gauche donnant l’impression qu’il a quelque chose à ramener, rassembler vers lui. Et c’est un homme de pouvoir !

[1] - Isaïe XLIX 1à 6 ; psaume LXXI ; évangile selon saint Jean XIII 21 à 38

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