lundi 11 juillet 2022

rejet de la motion de défiance déposée par la NUPES

 

assembleenationale.fr

XVIe législature

Session extraordinaire de 2021-2022

Séance du lundi 11 juillet 2022




1e séance

Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet

Mme la présidente.

La séance est ouverte. (La séance est ouverte à seize heures.)

1 • Motion de censure

Discussion et vote

Mme la présidente.

L’ordre du jour appelle la discussion et le vote sur la motion de censure déposée, en application de l’article 49, alinéa 2, de la Constitution, par Mme Mathilde Panot, MM. Boris Vallaud et Julien Bayou, Mme Cyrielle Chatelain, M. André Chassaigne et 145 de leurs collègues.
La parole est à Mme Mathilde Panot.

Mme Mathilde Panot.

Il est logique que le refus de la confiance récolte la défiance.

M. Bruno Millienne.

Oh…

Mme Mathilde Panot.

Nous voici enfin de retour en démocratie parlementaire. Pour résumer, madame la Première ministre, vous avez été nommée par le Président de la République en mai ; au lendemain du naufrage des législatives, vous lui présentiez votre démission ; le président vous a maintenue en poste, alors même que vos idées sont minoritaires dans le pays :…

M. Erwan Balanant.

Les vôtres aussi !

Mme Mathilde Panot.

Vous ne tirez donc votre légitimité ni des élections législatives, ni du Parlement, à qui vous n’avez pas demandé s’il vous faisait confiance pour conduire la politique de la nation. En d’autres termes, vous êtes, à cette fonction, une anomalie démocratique. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur quelques bancs des groupes Écolo-NUPES et GDR-NUPES. – Protestations sur les bancs du groupe Dem.)

M. Bruno Millienne.

Ça va pas ?

M. Rémy Rebeyrotte.

Scandaleux !

Mme Mathilde Panot.

La semaine dernière, vous avez longuement parlé : une heure et demie de déclarations alternant truismes, flagornerie, clins d’œil appuyés et subtils à certains de mes collègues, vaines tentatives de diviser la NUPES, mots creux dont la Macronie raffole – territoires, égalité des chances, des destins, bâtir ensemble, avancer – pour mieux emballer une ligne ultralibérale qui ne vous a jamais quittée. Car oui, votre déni de réalité continue :…

M. Bruno Millienne.

Le vôtre aussi !

Mme Mathilde Panot.

…on trouve dans votre discours une ressemblance frappante avec celui d’Emmanuel Macron, en mars, concernant son programme présidentiel. Sauf que c’était il y a déjà quatre mois ! Depuis, vous vous êtes engouffrés dans une ellipse temporelle pour effacer votre défaite…

M. Erwan Balanant.

Et vous ! Le pire score de l’union de la gauche !

M. Rémy Rebeyrotte.

Depuis, Mélenchon a perdu la présidentielle !

Mme Mathilde Panot.

Votre déclaration, c’est l’insoutenable continuité de votre projet, entre autosatisfecit et congratulations. Vous prononcez cinq fois le mot « compromis », madame la Première ministre, mais pas l’ombre d’un regret des cinq années passées.
Pourtant, vous simulez un rétropédalage : votre ministre de l’intérieur nous dit, dans la presse, que la situation « consiste à corriger, sans doute, un certain nombre de choses programmatiques, de comportements que nous avons eus. » Vous-même, madame la Première ministre, nous avez dit : « Les Français […] nous demandent d’agir, et d’agir autrement. […] Ils nous invitent à des pratiques nouvelles. » C’est là que la grande énigme commence : de quelles pratiques parlez-vous ? Quelles sont ces choses programmatiques à corriger ?
Il n’est pas une mesure que vous ayez reniée dans votre déclaration. Votre arrogance vous empêche toute forme de désaveu,… (Exclamations sur les bancs du groupe RE.)

M. Bruno Millienne.

Et la vôtre ?

Mme Mathilde Panot.

…cette même arrogance qui a précédé votre débâcle. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Alors voici venu le moment de vérité : cette motion de défiance tiendra lieu de clarification politique. Puisque vous n’avez rien changé sur le fond, que votre programme de malfaisance sociale et écologique est intact, ce vote permettra de distinguer ceux qui souhaitent servir de béquille au pouvoir, ou qui ne font que semblant de s’y opposer, de ceux qui défendent une réelle alternative pour le pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur quelques bancs des groupes Écolo-NUPES et GDR-NUPES.) À ce sujet, le porte-parole de votre gouvernement et vous, madame la Première ministre, parlez d’une « motion de posture ». Comme toujours, vous inversez la responsabilité ! Sachez, madame la Première ministre, que défendre la démocratie n’a rien d’une posture – mais cela échappe peut-être à votre pensée complexe. Pendant cinq ans, vous avez méprisé la démocratie : pendant la pandémie, vous avez gouverné sous état d’urgence sanitaire, à travers un conseil de défense couvert par le secret-défense ; à toutes les manifestations de colère du peuple, vous avez eu pour seule réponse la matraque. Les gilets jaunes demandaient un référendum d’initiative citoyenne et une vie digne, il y eut trente-deux éborgnés, cinq mains arrachées et la mort de Zineb Redouane. Aux Guadeloupéens qui demandaient des moyens en matière de santé, des mesures contre la vie chère et le droit à l’eau, vous avez envoyé le groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) et l’unité recherche assistance intervention dissuasion (RAID). Aux écologistes qui luttent pour la survie de l’humanité, vous avez répondu par une pluie de procès et de perquisitions. C’est savoureux venant de vous, qui avez confondu le Parlement avec la chambre d’enregistrement des desiderata du Président. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur quelques bancs du groupe GDR-NUPES.)

M. Bruno Millienne.

J’adore !

Mme Mathilde Panot.

Le temps où vous considériez la démocratie comme accessoire est révolu. À l’inverse d’une posture, cette motion de défiance vise à démasquer les impostures. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)

M. Jocelyn Dessigny.

L’imposture, c’est vous !

Mme Mathilde Panot.

Car oui, elle tient lieu de clarification : ceux qui ne voteront pas cette motion de défiance seront les partisans de votre politique. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo-NUPES.) Avec vous, aucune mise à contribution des plus riches, ni des grandes multinationales ! 100 % des entreprises du CAC40 ont reçu des aides publiques. L’année dernière, les deux tiers ont battu leurs records de profits, et leurs actionnaires vont recevoir plus de 80 milliards d’euros. Dans le projet de loi de finances rectificative, vous leur faites pourtant encore cadeau de 8 milliards d’euros, sans contrepartie sociale, écologique ou en matière d’égalité des genres.

M. Jocelyn Dessigny.

Vous avez fait élire Macron ! Vous êtes une imposture !

Mme Mathilde Panot.

À vous entendre, les incantations suffisent ! Vous nous dites, madame la Première ministre : « Le pouvoir d’achat est un combat collectif. […] J’attends des employeurs qui le peuvent qu’ils prennent leurs responsabilités. » En d’autres termes, aucune contrainte ne pèsera sur les entreprises. À l’inverse, les allocataires du RSA, eux, auront désormais des devoirs en contrepartie de leurs droits.

M. Maxime Minot.

C’est normal !

Mme Mathilde Panot.

Par conséquent, ceux qui ne voteront pas la motion seront les partisans de votre politique en faveur des riches et du RSA conditionné à des heures d’activité gratuites. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur plusieurs bancs des groupes Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)

M. Jocelyn Dessigny.

Grâce à vous ! Grâce à la NUPES !

Mme Mathilde Panot.

Dans le projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, vous alignez les exonérations de cotisations. Avec les primes prévues, vous donnez des miettes aux salariés en lieu et place d’augmentations de salaires.

M. Jocelyn Dessigny.

C’est vous qui avez fait élire Macron !

Mme Mathilde Panot.

Ceux qui ne voteront pas la motion seront donc d’accord avec la mise à sac de la sécurité sociale et la stagnation des salaires. (Mêmes mouvements.) Le plus risible, c’est que vous agitez à tout bout de champ la menace de la dette, tout en liquidant méthodiquement les recettes de l’État. Quand on veut tuer son chien, on l’accuse d’avoir la rage :…

M. Jocelyn Dessigny.

C’est nous, le vaccin ! Pas vous !

Mme Mathilde Panot.

…avec toutes ces mesures, vous privez la puissance publique de milliards d’euros, pour mieux justifier ensuite votre infâme réforme des retraites. J’en conclus que ceux qui ne voteront pas la motion seront les partisans de la retraite à 65 ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur plusieurs bancs des groupes Écolo-NUPES, GDR-NUPES et SOC.) Vous singez l’État stratège en annonçant la renationalisation d’EDF. En réalité, c’est la dernière station avant le dépôt de bilan ! Votre politique énergétique hasardeuse a précipité notre fleuron national au bord de la faillite : à la fin de l’année, le groupe pourrait être endetté de 70 milliards d’euros. Comme toujours, vous socialisez les pertes et vous privatisez les profits. Une fois aux manettes d’EDF, plus rien ne vous empêche d’enclencher le plan Hercule, si cher à Emmanuel Macron. Alors quelle ironie de voir ceux qui jouent à longueur de journée les défenseurs de l’industrie et de la souveraineté nationale s’apprêter à cautionner cette gabegie ! (« Ah… » sur les bancs du groupe RN.) En d’autres termes, ceux qui ne voteront pas la motion seront d’accord avec la destruction de notre principal outil de planification énergétique. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur plusieurs bancs des groupes Écolo-NUPES et GDR-NUPES.) Emmanuel Macron disait récemment que le quinquennat serait écologique ou ne serait pas. Vous avez donc choisi : il ne le sera pas. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Là encore, il y a les mots et les actes. Les mots, c’est vous, madame la Première ministre, qui dites : « Nous serons la première grande nation écologique à sortir des énergies fossiles. » Les actes, ce sont vos députés européens qui votent en faveur du projet de taxonomie, qui vise à considérer le gaz et le nucléaire comme des énergies vertes. Les actes, c’est votre gouvernement qui a inscrit dans le projet de loi « pouvoir d’achat » un article en faveur du gaz de schiste américain. Les actes, c’est ce cadeau à TotalEnergies et Engie, qui n’auront même pas à souffrir d’une étude d’impact environnemental. Et rien sur la sobriété énergétique ou le développement des énergies renouvelables ! Ceux qui ne voteront pas la motion seront donc les complices de votre inaction climatique. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur plusieurs bancs du groupe Écolo-NUPES.) Certes, il y a une chose sur laquelle vous êtes revenue : la déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés. On saura pour la prochaine fois qu’il vous faut refuser six fois une mesure avant de daigner l’examiner ! Peut-être était-ce pour faire oublier une séquence désastreuse où vous invitiez une femme porteuse de handicap à reprendre le chemin du travail, ou simplement un acte de courtisanerie – la seule chose que vous semblez concéder aux oppositions.
Pour résumer, qui ici est d’accord pour poursuivre la politique de casse et d’injustice sociale ? (« Pas nous ! » sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Qui est d’accord avec le retour du passe sanitaire ? (Même mouvement.) Avec la destruction de nos services publics, de notre système d’éducation ou de santé ? Qui est d’accord avec le président des lobbys, qui roule pour Uber ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur quelques bancs des groupes Écolo-NUPES et GDR-NUPES. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RE.) Car non, madame la Première ministre, vous n’avez pas changé, ni sur le fond, ni même sur la forme.

M. Bruno Millienne.

Vous non plus !

M. Jocelyn Dessigny.

C’est vous qui l’avez fait élire ! Vous avez voté pour Macron, madame !

Mme Mathilde Panot.

Je me souviens d’une époque récente, pendant l’entre-deux-tours, où certains d’entre vous parlaient opportunément de valeurs communes avec Jean-Luc Mélenchon. (« Ah ! » sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Depuis, vous êtes aux abois et peinez à dissimuler votre alliance objective avec l’extrême droite ; alors vous renvoyez dos à dos ceux que vous appelez désormais les extrêmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo-NUPES.) Malgré tout, vous vous improvisez arbitre des élégances. Nous serions des zadistes, des brailleurs. Vous suintez le mépris. Et un pouvoir bien mal en point ne recule devant rien : la semaine dernière, la Macronie et ses épigones ont déployé une ingénierie de mesquinerie pour éviter que l’on parle de l’essentiel. Peut-être l’intention était-elle de masquer votre lune de miel avec le Rassemblement national, union déjà consommée aux yeux de tous ? (Protestations sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. – Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, Écolo-NUPES, GDR-NUPES et SOC.) M. Darmanin souhaite expulser les étrangers ayant commis des actes graves, Marine Le Pen applaudit des deux mains. Madame la Première ministre, on ne récolte jamais impunément les soutiens de ce côté-là de l’hémicycle.
Voici un bon aperçu de ce dont vous êtes capable pour maintenir à tout prix votre pouvoir et votre cap contre le peuple.

M. Rémy Rebeyrotte.

Vous êtes le marchepied du RN !

Mme Mathilde Panot.

Le vote sur cette motion mettra au jour ceux qui veulent livrer la guerre sociale et écologique avec vous et ceux qui mèneront la bataille contre vous.
Collègues, choisissez ! (Mmes et MM. les députés du groupe LFI-NUPES, et plusieurs députés des groupes Écolo-NUPES, GDR-NUPES et SOC, se lèvent et applaudissent longuement.)

Mme la présidente.

La parole est à Mme la Première ministre.

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.

Mercredi dernier, je présentais devant vous une feuille de route et des propositions pour bâtir, ensemble, l’avenir de notre pays. (« Ah ! » sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)

M. Sébastien Chenu.

C’est le même discours…

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.

Moins d’une semaine plus tard, nous nous retrouvons. J’aurais aimé que ce soit pour parler de pouvoir d’achat (« Oh ! » sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR) : l’inflation est forte et nos concitoyens exigent de nous des réponses efficaces et rapides. J’aurais aimé vous retrouver pour parler de l’urgence climatique :…

Une députée du groupe Écolo-NUPES.

L’urgence climatique, vous avez eu cinq ans pour la gérer !

M. Ugo Bernalicis.

C’est le covid qui était à l’ordre du jour !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.

…nous devons agir plus vite, plus fort et dans tous les secteurs. J’aurais aimé vous retrouver pour parler emploi, éducation, santé.

Mme Caroline Fiat.

La santé, ça fait vingt ans qu’on attend !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.

Dit simplement, j’aurais aimé vous parler des sujets qui préoccupent les Français, qui pèsent sur leur quotidien et pour lesquels ils nous demandent des réponses. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.) Malheureusement, aujourd’hui, ce n’est pas du quotidien des Français que nous parlons. (« Si ! » sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Le travail parlementaire vient à peine de commencer, le nouveau gouvernement est en place depuis une semaine, et certains veulent déjà le censurer.

M. Ugo Bernalicis.

On aurait voulu plus tôt, mais ce n’était pas possible !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.

La guerre se prolonge en Ukraine, les perspectives économiques s’assombrissent, la Russie pourrait décider de couper ses exportations de gaz vers l’Europe. Les Français ont besoin d’un gouvernement qui agisse, et certains n’ont qu’une obsession : le censurer. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.)

M. Sylvain Maillard.

Eh oui !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.

Aujourd’hui, mesdames et messieurs les députés, nous pourrions être en train d’agir pour les Français. Au lieu de cela, nous débattons d’une motion de censure cousue de procès d’intention qui fait obstacle au travail parlementaire et, de ce fait, à la volonté des Français. (Mêmes mouvements.)

M. Ugo Bernalicis.

On vous dérange, peut-être ?

M. Sylvain Maillard.

Elle a raison !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.

Oui, mesdames et messieurs les députés, nous en étions tous convenus en nous rencontrant : les Français en ont assez des dialogues stériles et des lois de postures.

Mme Danièle Obono.

Cela fait cinq ans que vous faites ça !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.

En élisant une Assemblée nationale sans majorité absolue, ils nous ont envoyé un message clair, un message qui peut se résumer en quelques mots : « Parlez-vous et, ensemble, construisez. » (Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.) Avec mon gouvernement, je tiens ce cap : notre main sera toujours tendue aux forces de l’arc républicain. (« Ah !… » sur les bancs du groupe RN.) Avec elles, nous voulons bâtir des majorités d’idées et commencer, dès maintenant, avec le pouvoir d’achat. Cette volonté est intacte de notre côté, et elle le restera.
Alors, aux censeurs du jour, j’ai quelques questions à poser. (« Ah ! » sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) La première : que censurez-vous ? (« Vous ! » sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Mercredi dernier, j’ai tracé devant vous les priorités de mon gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Laquelle vous semble inacceptable au point qu’il faille la censurer ? (« Toutes ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) Est-ce le pouvoir d’achat ? Le plein emploi ? La transition écologique ? L’égalité des chances ? Ou bien encore la souveraineté ? (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes RE et Dem.) La réalité, c’est que si votre motion de censure était adoptée, tous ces objectifs seraient en péril. (Protestations sur les bancs des groupes LFI-NUPES et GDR-NUPES.) Avec votre motion de censure, pas de bouclier tarifaire, et l’explosion des prix de l’énergie pour les Français ! (Mêmes mouvements.) Avec votre motion de censure, pas de remise sur le carburant, et 10 euros de plus pour un plein de 50 litres ! Avec votre motion de censure, pas d’augmentation des pensions, et un pouvoir d’achat amputé pour les retraités ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE, ainsi que sur quelques bancs du groupe Dem.) Voilà ce qui peut arriver quand on fait passer la tactique politique avant l’intérêt des Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur plusieurs bancs des groupes Dem et HOR.) Vous avez inventé le concept de motion de censure a priori . (Vives protestations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

Mme Danièle Obono.

Vous êtes là depuis cinq ans !

M. François Ruffin.

Ça fait dix ans qu’on subit !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.

Il n’est plus question de dénoncer un texte ou une décision, mais seulement de censurer pour censurer !
Alors, mesdames et messieurs les députés, pourquoi ne pas plutôt montrer aux Français que nous les avons entendus et bâtir, ensemble, pour le pouvoir d’achat, pour le plein emploi, pour la transition écologique, pour l’égalité des chances et pour notre souveraineté ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES)

M. Bruno Millienne.

C’est trop compliqué pour eux !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.

Car j’ai une deuxième question à vous poser : que proposez-vous ? (« Rien ! » sur les bancs du groupe RE. – Vives exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES, SOC et GDR-NUPES.)

M. Jean-Paul Lecoq.

Je vous retourne la question, madame la Première ministre !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.

Mercredi dernier, j’ai écouté s’exprimer à la tribune les orateurs des groupes qui soutiennent cette motion de censure. Parce que c’est mon rôle, mon état d’esprit, parce que c’est ce que m’avait dit chacun des présidents de groupe, j’ai essayé d’être attentive à vos propositions. Je pensais qu’en partant des préoccupations que nous avions tous constatées durant les campagnes électorales, nous pourrions sans doute nous retrouver, au moins sur certains sujets.
À ce stade, je dois reconnaître que je vois peu de terrains d’entente avec les signataires de la motion de censure. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Mais je vous le dis : malgré les invectives et les postures, je ne renoncerai pas à vous écouter, à chercher ce qui pourrait nous rassembler. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE, ainsi que sur quelques bancs des groupes Dem et HOR.) Je reste convaincue que nous pourrons surmonter certains de nos a priori , comme les Français nous l’ont demandé. Je suis certaine que, texte après texte, que ce soit en regardant vers la droite ou vers la gauche de cet hémicycle, le compromis nous permettra d’agir. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) Car, je vous le redis du plus profond de mes convictions, le compromis, ce n’est pas une ambition rabaissée ou une action empêchée. Le compromis, c’est une volonté de bâtir, d’avancer.
Voilà pourquoi je chercherai toujours à écouter vos propositions, à les examiner loyalement, à ne jamais les balayer d’un revers de main. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)

M. Sébastien Chenu.

Superbe !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.

Voilà pourquoi j’ai lu attentivement le texte de votre motion de censure. Mais, là encore, aucune proposition ! Madame la présidente Panot, j’ai écouté votre discours avec la plus grande attention : rien, toujours rien ! L’avenir en commun a été remplacé par l’invective en commun. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE, ainsi que sur quelques bancs des groupes Dem et HOR. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES) . La motion de posture a remplacé la motion de censure ! En vous lisant, en vous écoutant, la seule chose que je perçois, c’est que vous êtes – passez-moi le mot – fâchés. (« Oh ! » sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Je ne parle pas simplement de votre ton, de vos invectives, que ce soit aujourd’hui ou mercredi dernier. Fâchés, vous l’êtes avec la Constitution (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE) : vous cherchez à dissimuler votre tentative de blocage sous le nom de motion de défiance. Assumez donc votre motion de censure ! Fâchés, vous l’êtes avec notre histoire, en affirmant que je me déroberais à la tradition républicaine. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

M. Alexis Corbière.

Vous n’avez pas le droit ! Pour qui vous prenez-vous ?

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.

Je ne vous ferai pas l’affront de vous citer tous les Premiers ministres qui ont agi comme moi ; parmi eux, Édith Cresson, que, désormais, la gauche n’applaudit plus. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.) Fâchés, vous l’êtes surtout avec la démocratie et le résultat des urnes. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem, ainsi que sur quelques bancs du groupe HOR.) Votre motion de censure parle de légitimité. Je suis bien d’accord avec vous pour défendre ce principe. Alors, je vous l’apprends peut-être : vous n’avez pas gagné – ni la présidentielle, ni les législatives. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem, ainsi que sur quelques bancs du groupe HOR. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

M. Ugo Bernalicis.

Vous non plus ! Vous non plus !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.

En démocratie, ce n’est pas celui qui a moins de voix, moins de sièges, qui est habilité à gouverner. En démocratie, on ne compte pas les voix qu’on aurait pu avoir, on compte les voix que l’on a ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RE, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes Dem et HOR.) Cela m’amène à ma troisième question : quelle majorité auriez-vous pour gouverner ? Pas celle des urnes, assurément.

Une députée du groupe LFI-NUPES.

Vous non plus !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.

Si le Gouvernement était censuré, quelle serait votre majorité alternative ? Avec quels groupes voudriez-vous gouverner ? (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) La majorité présidentielle ? Visiblement pas : vous la censurez avant même d’avoir parlé. La droite républicaine ? Je ne pense pas qu’elle puisse se retrouver dans un projet dicté par La France insoumise. L’extrême droite ? (Huées sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – Protestations sur quelques bancs du groupe RN.) Je ne crois pas un instant que vous ayez des valeurs communes. Jamais vous ne pourriez gouverner avec l’extrême droite. Que proposez-vous donc ? Un accord de gouvernement ? Non ! (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Des démarches constructives ? Non ! Une discussion franche en vue de trouver des majorités d’idées ? Non, toujours non ! Vous n’avez pas de majorité stable, pas de majorité relative, pas de majorité tout court ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem, ainsi que sur quelques bancs du groupe HOR.) Votre censure, c’est finalement un appel à la dissolution !
Eh bien, madame la présidente Panot, contrairement aux signataires de votre motion de censure, nous promouvons des solutions, pas la dissolution ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – Vives exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Des solutions que nous voulons bâtir avec toutes les forces républicaines, toutes les bonnes volontés. D’après le texte de votre motion, le Gouvernement n’aurait pas été suffisamment élargi, changé ; or c’est vous qui m’avez indiqué que vous ne souhaitiez ni coalition, ni accord de gouvernement !

M. Jérôme Guedj.

Ce n’est pas écrit dans la motion, madame !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.

Je connais la qualité de nombre de députés sur vos bancs (« De tous ! » sur les bancs du groupe LFI-NUPES) : je croyais que sans être d’accord sur tout, même en ayant parfois des désaccords profonds, nous pourrions dialoguer. Par cette motion de censure, vous nous opposez une fin de non-recevoir. (« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.) Toutefois, je vous le redis, je ne me résous pas à cette glaciation. Je crois que l’envie d’avancer pour son pays supplante toujours l’envie de préparer le coup d’après. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

Un député du groupe LFI-NUPES.

Avec Uber !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.

Mesdames et messieurs les députés, j’ai parlé d’une motion de posture. Malgré cela, j’ai confiance : je veux voir dans cette motion de censure le dernier soubresaut de la politique du « bloc contre bloc ». Sachez, pour qu’il n’y ait aucune ambiguïté, que je ne considère pas – et personne ne pourra considérer – que ceux qui ne joindraient pas leurs voix à cette motion accorderaient de fait une forme de confiance au Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Rejeter cette motion de censure, c’est respecter le vote des Français, c’est refuser l’instabilité, c’est accepter de juger le Gouvernement sur les faits, sur ses actes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes Dem et HOR.) Les Français nous le demandent : soyons à la hauteur, bâtissons des solutions concrètes, trouvons des accords solides. Passons ensemble à une culture du compromis : c’est elle qui nous permettra de relever les défis qui s’annoncent, c’est elle qui respectera la volonté des Françaises et des Français. (Mmes et MM. les députés des groupes RE, Dem et HOR se lèvent et applaudissent longuement.)

M. Ugo Bernalicis.

À l’arrache !

Mme la présidente.

La parole est à Mme Michèle Tabarot.

Mme Michèle Tabarot.

Cela a été largement dit : le Président de la République privé de la majorité absolue, l’Assemblée nationale se trouve dans une situation inédite, fragmentée et sans doute plus divisée que jamais. Si nous en sommes là, ce n’est pas le résultat du hasard, mais bien celui des erreurs répétées du chef de l’État. À force de fuir le débat, il a détourné les Français de la politique ; à force de vouloir effacer les partis, il a promu les extrêmes ; à force de mépriser le Parlement, il a fragilisé notre démocratie.

Une députée du groupe LFI-NUPES.

Votez avec nous, alors !

Mme Michèle Tabarot.

L’exécutif se trouve d’autant plus responsable de notre situation que son échec est patent dans tous les domaines : la dette a augmenté de 700 milliards d’euros et menace notre souveraineté, comme le confesse enfin le Gouvernement ; les allers-retours en matière de politique énergétique ont fait perdre cinq ans de progrès à la France ; ajoutons-y une politique sanitaire erratique, l’improvisation permanente des actions et des mesures de protection, l’explosion de l’insécurité, une faiblesse coupable face aux séparatismes et à l’islamisme radical.
Madame la Première ministre, nous sommes une opposition lucide, mais aussi une opposition responsable. Comme l’a dit le président Marleix en réponse à votre déclaration de politique générale, il n’y aura « jamais de blocage stérile » de notre part. L’intérêt de la France et des Français restera notre seule boussole.

M. Olivier Marleix et M. Michel Herbillon.

Très bien !

Mme Michèle Tabarot.

Dès lors, si, comme vous l’affirmez, vous voulez vraiment trouver des majorités de projet, il va falloir changer de méthode,…

M. Maxime Minot.

Exactement !

Mme Michèle Tabarot.

…rompre avec l’arrogance et le mépris auxquels nous nous sommes heurtés durant la législature précédente.

Plusieurs députés du groupe LR.

Très bien !

Mme Michèle Tabarot.

Concernant l’allocation aux adultes handicapés (AAH), les revenus du travail, les pensions de retraite,…

M. Michel Herbillon.

Tout ce que vous avez refusé !

Mme Michèle Tabarot.

…l’école, le nucléaire, l’immigration, nous vous entendons enfin reprendre des propositions que nous défendons depuis des années.

M. Michel Herbillon.

Il est temps !

M. Maxime Minot.

Il serait peut-être temps !

Mme Michèle Tabarot.

Nous serons évidemment très attentifs au respect de ces engagements. Mais, sincèrement, que de temps aura fait perdre à la France cette volonté de ne laisser aucun crédit aux oppositions !

M. Maxime Minot.

Eh oui !

M. Adrien Quatennens.

Votez avec nous !

Mme Michèle Tabarot.

Mes chers collègues, nous allons persévérer dans notre engagement avec la même détermination. Nous constituerons une force utile de contrôle, d’action et de proposition. Nos priorités sont claires : nous voulons restaurer l’autorité de l’État, avec davantage de moyens pour la police, pour la justice, et plus de places de prison. Nous voulons une immigration maîtrisée, avec des quotas déterminés par nos capacités d’intégration, avec le renvoi dans leur pays des demandeurs d’asile déboutés. Nous voulons permettre à chacun de vivre dignement de son travail, grâce à la baisse des charges et à la hausse des salaires, plutôt que de distribuer des chèques non financés.

Un député du groupe LFI-NUPES.

C’est notre salaire, les charges !

Mme Michèle Tabarot.

Nous voulons qu’allocations et réinsertion aillent enfin de pair ; nous réclamons des contreparties au RSA. Nous voulons augmenter les retraites, dans le cadre d’une réforme juste, et revenir sur la hausse de la contribution sociale généralisée (CSG) que vous avez imposée. Nous voulons une politique environnementale efficace, reposant sur l’incitation et non sur la punition. Nous voulons une ambition éducative renouvelée, des enseignants dont le traitement soit revalorisé et l’autorité respectée. Nous voulons une relance de l’hôpital public qui passe par un plan digne de ce nom en faveur de nos soignants. Nous voulons de véritables baisses des impôts et des taxes, notamment énergétiques, dont aucun Français ne soit exclu, car les classes moyennes sont également frappées par la baisse du pouvoir d’achat.

M. Michel Herbillon.

Tout à fait !

Mme Michèle Tabarot.

Nous voulons renouer avec la maîtrise de la dépense par la réduction des emplois publics, par la lutte contre l’excès de normes qui affecte aussi notre croissance, contre les fraudes fiscale et sociale face auxquelles nous devons redoubler d’efforts.
Madame la Première ministre, toutes les mesures que je viens d’énoncer demandent du courage. Mais, vous le savez aussi bien que nous, après cinq années difficiles au cours desquelles, à force d’hésiter sur tout, la France n’a avancé sur rien (Mme Stella Dupont s’exclame) , c’est justement du courage que nos concitoyens vous demandent. Ce n’est pas dans le renoncement qu’ils pourront renouer avec la confiance dans notre action, mais ce n’est pas non plus dans les blocages inutiles. Car, mes chers collègues, paralyser la France et nos institutions comme le propose cette motion de censure, ce n’est pas ce que les Français attendent de nous aujourd’hui.

M. Sébastien Delogu.

Vous avez été avec Sarkozy, c’est pareil !

Mme Michèle Tabarot.

Bien au contraire, ils nous ont donné un mandat pour agir et ils nous ont placés dans l’obligation de dialoguer dans l’intérêt de la France. Ce n’est pas à l’heure où le Parlement et les partis politiques ont enfin une chance de retrouver leur légitimité et leur place dans nos institutions et dans l’opinion publique que nous devons nous dérober.

Une députée du groupe LFI-NUPES.

Vous avez fait campagne contre Macron !

M. Bruno Millienne.

Et alors, c’est quoi le rapport ?

Mme Michèle Tabarot.

Cette situation nous oblige, parce que, nous le croyons sincèrement, le chef de l’État et le Gouvernement vont devoir apprendre à travailler avec nous. Ce pourrait d’ailleurs être un bienfait pour notre démocratie. Oui, les Françaises et les Français nous ont mis au défi de réinventer notre fonctionnement et nous devons leur démontrer que nous en sommes capables. Alors non, nous ne voterons pas en faveur de cette motion de censure. Nous ne joindrons pas nos voix à celles de l’extrême gauche, avec laquelle nous n’avons aucun point commun (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES), …

M. Jean-Paul Lecoq.

Ça nous rassure !

Mme Michèle Tabarot.

… parce que nous avons l’ambition de construire et que nous ne rêvons pas d’un grand soir ; parce que nous sommes résolument du côté des forces de l’ordre, que vous avez été les seuls à ne pas applaudir mercredi dernier quand nous leur avons rendu hommage (Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR.) ; parce que nous sommes solides sur la défense de nos valeurs et opposés à toutes les compromissions face aux revendications communautaires et intégristes (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) ; parce que nous sommes très attachés à la construction européenne et à nos alliances stratégiques, dans le respect de notre souveraineté. Et parce que plus que tout, nous voulons restaurer l’unité et la grandeur de la France. Celle-ci passe par la fierté de notre culture, de notre patrimoine et de notre histoire, et certainement pas par leur déconstruction méthodique.
Si certains groupes politiques qui ont une longue tradition de gouvernement ont fait le choix d’associer leurs voix à celles de l’extrême gauche, au risque de diviser encore plus la France, ce ne sera pas notre cas. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Dem.)

M. Bruno Millienne.

Très bien, madame Tabarot !

Mme Michèle Tabarot.

Je sais qu’à l’issue de ce débat, certains vont être tentés de délivrer des labels d’opposition aux uns et aux autres. Mais nous n’avons aucune leçon à recevoir de qui que ce soit. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LR et Dem.)

Un député.

Nous non plus, madame !

Mme Véronique Louwagie.

Bravo !

Mme Michèle Tabarot.

Nous n’avons jamais été pris en défaut sur la force de nos convictions…

M. Boris Vallaud.

On verra !

Mme Michèle Tabarot.

…et sur la crédibilité de notre positionnement, qui n’a cédé à aucune compromission depuis 2017. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Notre résolution est immense. Elle est à la hauteur des attentes de nos concitoyens, qui savent pouvoir compter sur nous. Je l’ai dit, madame la Première ministre, nous ne voterons pas cette motion de censure. Mais vous l’avez compris : si vous n’avez pas notre défiance aujourd’hui, vous n’avez pas pour autant notre confiance. Nous jugerons votre gouvernement sur ses actes et sur sa capacité à construire dans le respect des uns et des autres. Sur un certain nombre de sujets, nous pourrons sans doute agir ensemble, avec pour ambition prioritaire de redonner à la France son unité et sa place dans le monde. Travaillez dans l’intérêt des Français, et nous serons avec vous. Décevez-les une nouvelle fois, et nous serons vos premiers opposants. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

Mme Mathilde Panot.

Vous auriez été embêtés s’il avait fallu voter la confiance !

Mme la présidente.

La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier.

Vous vouliez un débat, chers collègues de la NUPES. Nous y sommes, et les députés du groupe Démocrate y sont prêts aujourd’hui, comme ils le seront toujours tout au long de cette législature. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Dem.) Ce débat, vous l’avez provoqué en déposant une motion de censure quelques minutes seulement après le discours de la Première ministre, parce qu’elle n’avait pas demandé la confiance de l’Assemblée nationale.

Une députée du groupe LFI-NUPES.

Vous avez tout compris !

M. Philippe Vigier.

Le vote de confiance est d’usage ; il n’est pas obligatoire, et vous le savez bien. Il me paraît important de rappeler à tout le monde que Michel Rocard, Pierre Bérégovoy, Édith Cresson, mais aussi Maurice Couve de Murville, à droite, n’ont pas demandé la confiance de l’Assemblée nationale.

M. Erwan Balanant.

Ni Barre !

M. Philippe Vigier.

Cette motion de censure, c’était votre droit de la déposer. Évidemment, nous ne le contestons pas. Ce que je conteste, ce sont vos propos lorsque vous avez dit que la Première ministre était une anomalie démocratique. Elle a été élue députée, vous ne pouvez pas dire le contraire, et votre candidat a été défait ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem et RE.) Au préalable, vous reconnaîtrez avec moi que la Constitution de la Ve République garantit les conditions d’un débat démocratique. D’ailleurs, chacun connaît ici les saillies permanentes des insoumis contre cette Constitution – comme celles, en son temps, de François Mitterrand, qui l’a pourfendue toute sa vie avant d’en faire un usage teinté de gourmandise et d’habileté une fois devenu Président de la République.

M. Bruno Millienne.

Excellent !

M. Philippe Vigier.

Comme quoi, le nouveau monde rejoint l’ancien monde. Mes chers collègues, depuis le 19 juin, tout le monde a dit qu’il avait gagné, mais tout le monde a perdu ! Personne ne dispose d’une majorité absolue à l’Assemblée nationale.

M. Jérôme Guedj.

C’est vrai !

M. Philippe Vigier.

La majorité présidentielle compte 44 % des députés : c’est donc une majorité relative. Elle n’a pas eu le résultat de 2017. Votre bloc politique, chers collègues de la NUPES, c’est un quart des députés de l’hémicycle.

Un député du groupe LFI-NUPES.

Mais quel quart !

Un autre député du groupe LFI-NUPES.

Ce sont 6 millions de voix, un peu de respect !

M. Philippe Vigier.

Le Rassemblement national a certes multiplié par dix le nombre de ses parlementaires, mais il n’occupe que 15 % de l’hémicycle. La modestie, me semble-t-il, doit être la règle pour chacun (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et RE.)…

M. Bruno Millienne.

Bravo !

M. Jocelyn Dessigny.

Quand on a perdu cent sièges, on reste humble, monsieur !

M. Philippe Vigier.

…surtout lorsque l’on voit que les taux d’abstention aux élections législatives et présidentielles n’ont jamais été aussi élevés. Quelle défiance du peuple vis-à-vis des élus et de vous-mêmes ! Nous sommes loin, chers collègues de la NUPES, de la situation de 1993 : malgré la Bérézina qu’elle avait connue, la gauche avait obtenu 800 000 voix de plus que vous ! Nous sommes loin aussi de 2007 : je me souviens que sous Nicolas Sarkozy, il y avait quand même 227 parlementaires de gauche – Olivier Faure s’en souvient très bien aussi. Ces chiffres rappellent, je crois, que l’on peut toujours, avec beaucoup de talent et d’audace, essayer de rendre les défaites victorieuses. Mais les chiffres sont en toutes lettres, comme le disait le regretté Coluche, et ceux-ci sont implacables. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.) Il n’est pas possible, chers collègues de la NUPES, d’utiliser des hologrammes comme pendant la campagne présidentielle pour compter les députés. Une motion de censure consiste à démontrer qu’une alternative politique est possible. Mais vous ne l’incarnez pas : vous n’avez pas la majorité absolue !

M. Sébastien Delogu.

Vous non plus !

M. Philippe Vigier.

Et vous ne pouvez pas faire d’alliance improbable pour y parvenir ! D’ailleurs, vous n’y croyez pas non plus. J’ai lu votre motion avec beaucoup d’intérêt : elle est uniquement technique, et c’est un peu « PPMC », le plus petit multiple commun ! Pas un mot sur la crise sociale liée au pouvoir d’achat ! Pas un mot sur la pandémie à laquelle nous faisons face chaque jour ! Pas un mot sur le soutien à l’éducation, pas un mot sur la transition écologique, pas un mot sur la crise internationale ! La Première ministre n’a pas demandé un vote de confiance – même si, sans atteindre la majorité absolue, elle pouvait naturellement compter sur le soutien des trois groupes de la majorité –, mais je ne crois pas un seul instant que tous les groupes d’opposition – que tout oppose, si on les écoute, mais qui ne sont pas si opposés en réalité – auraient mêlé leurs votes dans le seul but de faire tomber le Gouvernement. Certains – ils viennent de le dire à nouveau – comme Les Républicains et le Rassemblement national avaient d’ailleurs dit, avant même le discours de la Première ministre, qu’ils ne voteraient pas votre motion de censure. Vous lui avez donc offert un vote de confiance implicite. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)

M. Bruno Millienne.

Bravo !

M. Philippe Vigier.

Mes chers collègues, la situation que nous vivons, dans laquelle personne ne dispose d’une majorité absolue, c’est la volonté du peuple français !

Mme Mathilde Panot.

Vous avez raison !

M. Philippe Vigier.

Aux élections législatives, il a voulu cet état de fait qui s’impose à tous. Respectons le peuple !

M. Erwan Balanant.

Exactement, respectons la démocratie !

M. Philippe Vigier.

Il n’a pas mis tous ses œufs dans le même panier, si l’on peut dire, et veut un nouvel équilibre entre exécutif et législatif. Il appartient désormais à tous les responsables politiques, aux parlementaires, de penser à leur pays plutôt qu’à leur parti, en établissant des compromis sans compromission. Les députés Démocrates s’inscrivent pleinement dans cette démarche, comme l’a rappelé le président Mattei la semaine dernière. Cette situation politique inédite signe le retour du parlementarisme. Elle conforte l’Assemblée nationale et également le Sénat, qui a tout son rôle à jouer. C’est une bonne nouvelle, une belle nouvelle : oui, le Parlement est de retour ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.) Qui ici n’a pas, à un moment de sa vie de parlementaire, fustigé, critiqué ou regretté les décisions qui arrivaient d’en haut, ces amendements qui étaient balayés, ces articles réservés, ces secondes délibérations imposées ? Personne ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)

M. Bruno Millienne.

Excellent !

M. Philippe Vigier.

J’ai connu ce genre de situation lorsque Nicolas Sarkozy, puis François Hollande, furent présidents, ainsi que sous le précédent quinquennat. Le rôle du Parlement, mes chers collègues, va redevenir déterminant. L’exigence pour chacun, Gouvernement comme Parlement, est de construire ensemble les bonnes décisions, comme vous l’avez dit, madame la Première ministre. En déposant une motion de censure pour démarrer cette législature, chers collègues de la NUPES, vous posez un acte de défiance pas seulement contre le Gouvernement, mais contre le Parlement lui-même ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.)

M. Bruno Millienne.

Bravo !

M. Philippe Vigier.

Nous n’avons pas commencé, mais nous avons déjà zéro sur vingt ! Vous allez vous isoler, car vous ne serez pas suivis par les autres groupes politiques. Les majorités écrasantes, mes chers collègues, conduisent souvent à des formes de dérive.

M. Jean-Paul Lecoq.

N’est-ce pas ? On l’a vécu pendant cinq ans !

M. Philippe Vigier.

On peut le constater aussi dans les collectivités locales. Jean-Louis Bourlanges le dirait bien mieux que moi, le pouvoir absolu n’accompagne que très rarement la vitalité démocratique, bien au contraire. Chacun va devoir mieux accepter et écouter les propositions, sans tomber dans la démagogie et l’idéologie. Pour prendre une image de l’alpinisme cher à Éric Woerth, je dirais qu’il va falloir ouvrir des voies nouvelles. La loi, moins bavarde, devra être simple et compréhensible : arrêtons de légiférer pour un oui ou pour un non. Cessons d’entasser les lois, les règlements et les normes parfois inapplicables et souvent inappliqués – ou mal appliqués au dernier kilomètre. Réservons les ordonnances, madame la Première ministre, aux urgences absolues.
La coconstruction législative, chère à Jean-François Copé pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy – je ne l’ai pas oublié –, ce n’est pas l’affaiblissement de l’exécutif : c’est le gage d’une plus forte réussite de l’action publique et de l’acceptation par nos concitoyens des politiques mises en place. Le peuple nous donne une chance inédite, celle de rendre le Parlement incontournable. À chaque parlementaire, député, sénateur, de mesurer la responsabilité nouvelle qui lui incombe. À chaque ministre – ils sont nombreux cet après-midi – de comprendre que les réponses à apporter chaque jour dans son domaine devront être imaginées avec les parlementaires et les élus locaux – chacun à sa place, mais dans le cadre d’une synergie « renforçatrice » chère aux médecins infectiologues.
Alors, mes chers collègues, au moment où le Parlement est de retour et après avoir parlé pendant des années de son affaiblissement, saisissons cette chance. Osons, bâtissons et écrivons, dans le respect de nos différences et de nos divergences, les solutions du quotidien. Nous sommes condamnés à nous supporter, comme l’a très bien dit Claude Malhuret, président du groupe Les Indépendants-République et Territoires au Sénat. Les Français n’accepteront pas le chaos. Ils sauront parfaitement identifier qui a fait quoi, qui a dit quoi et qui, en définitive, est responsable d’une situation de crise de régime.
Croyez-vous, mes chers collègues, que les réponses visant à garantir le pouvoir d’achat des plus fragiles, actifs et retraités, ne peuvent être écrites à plusieurs mains ? Nous, en tout cas, nous n’attendrons pas la longue marche qui démarre en septembre avec M. Mélenchon ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.)

M. Bruno Millienne.

Très bien !

M. Philippe Vigier.

Croyez-vous que les réponses à la pandémie, qui est toujours là, et les solutions visant à conforter notre système de santé, sont si éloignées selon qu’elles viennent des uns ou des autres ? La réponse est non. Croyez-vous que les réponses des uns ou des autres pour lutter contre le réchauffement climatique et décarboner nos énergies sont totalement incompatibles ? Je ne le pense pas. Croyez-vous que les chemins à emprunter pour atteindre le plein emploi, permettre aux entreprises de trouver enfin les salariés qu’elles recherchent et faire sortir de la précarité ceux qui s’y trouvent depuis trop longtemps sont des lignes parallèles qui ne se croisent jamais ? Je suis certain que non. Au moment même où je m’exprime sont annoncés, au sommet « Choose France » qui se tient à Versailles, cent nouveaux projets industriels pour notre pays. L’un d’eux, qui concerne ma circonscription, est cher à mon cœur – je vous le dis avec émotion ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes Dem et RE.) Mes chers collègues, la réforme de l’éducation nationale s’impose pour redonner une attractivité aux métiers merveilleux de la transmission du savoir aux enfants et pour que les enseignants soient davantage respectés et soutenus.

M. Jean-Paul Lecoq.

Et mieux payés !

M. Philippe Vigier.

Ne croyez-vous pas qu’elle appelle à un sursaut d’intelligence collective ? La réponse est évidemment oui. Ne croyez-vous pas, enfin, qu’une majorité pourra se constituer pour permettre à chacun de bénéficier de la première des libertés, celle de vivre en sécurité, et apporter ainsi des réponses fortes aux attentes du plus grand nombre de nos concitoyens ?
Là encore, chers collègues insoumis, chacun prendra ses responsabilités, et ultraminoritaires seront ceux qui considèrent que la police tue, alors qu’elle nous protège. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur plusieurs bancs du groupe RE.) Le travail parlementaire des cinq dernières années est émaillé d’exemples qui démontrent qu’un chemin est possible – je le dis pour les plus nouveaux d’entre nous. Le texte de loi sur la fin de vie, proposé par Olivier Falorni, a permis à des députés de toutes sensibilités de travailler ensemble…

M. Maxime Minot.

Eh oui !

M. Philippe Vigier.

…et de parvenir à voter pour l’article 1er – et j’imagine qu’ensemble, nous irons plus loin.

M. Jean-Paul Lecoq.

Et la déconjugalisation de l’AAH ?

M. Philippe Vigier.

Les propositions concernant la lutte contre les déserts médicaux – je pense à Yannick Favennec-Bécot, à Thierry Benoit, à Guillaume Garot, à mes propres propositions – sont très proches.

M. Jean-Paul Lecoq.

Mais il n’y a toujours pas de médecins !

M. Philippe Vigier.

La déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés,…

M. Matthieu Marchio.

Ah !

M. Philippe Vigier.

…qu’a notamment défendue Aurélien Pradié, a suscité un assentiment dépassant largement les bancs d’un seul groupe parlementaire. Nous rattraperons cette erreur du quinquennat précédent, comme le Président de la République s’y est engagé. (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et RE.)

M. Stéphane Peu.

Il faut être gonflé !

M. Philippe Vigier.

Le texte du président Chassaigne, absent aujourd’hui, sur les petites retraites agricoles, a lui aussi suscité une large adhésion (M. Stéphane Peu s’exclame) et a été adopté – n’est-ce pas, monsieur Peu ? Enfin, Caroline Fiat, vice-présidente de l’Assemblée nationale, ici présente, a rédigé un rapport sur les EHPAD…

Mme Sarah Legrain.

Vous n’en avez rien fait !

M. Philippe Vigier.

…dont les conclusions sont partagées par le plus grand nombre (Mme Mathilde Panot s’exclame) et qui nourrira la future loi sur la dépendance.

Mme Farida Amrani.

Quand ?

Mme Mathilde Panot.

Vous n’avez rien fait de ce rapport !

M. Philippe Vigier.

Je ne vous ai pas vue en commission, madame Panot. Et vous ne m’avez pas écouté : j’ai dit que ce rapport servirait à nourrir la prochaine loi sur la dépendance.
Ayons le courage, chers collègues, de bâtir des compromis sans compromission,…

M. Erwan Balanant.

Bravo !

M. Philippe Vigier.

…ces compromis que Montesquieu qualifiait d’enrichissements de l’âme et d’outils de sociabilité. Le courage, c’est d’agir, écrivait Sénèque. C’est parce qu’on n’ose pas que les choses sont difficiles, aimait-il à rappeler. Le courage, c’est d’aller à l’idéal et de comprendre le réel. Les députés du groupe Démocrate y sont prêts. Ils seront proposants et exigeants. Ils seront vigilants, notamment en matière de finances publiques, et bienveillants à l’égard de l’opposition. Ils seront facilitateurs et acteurs.
Chers collègues de la NUPES, il est donc indispensable de repousser cette motion de censure, qui placerait le Parlement dans une forme d’inaction alors qu’il a toute sa place à prendre, qui conduirait le pays à une crise politique, mais surtout – c’est le plus grave – qui tournerait le dos à la volonté que le peuple a exprimée en juin. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe HOR.)

M. Jean-Paul Lecoq.

Vous ne l’entendez pas, la volonté du peuple !

M. Philippe Vigier.

C’est la raison pour laquelle, vous l’avez bien compris, le groupe Démocrate ne votera pas en faveur de cette motion de censure, persuadé, comme Victor Hugo, que « rien n’est stupide comme vaincre ; la vraie gloire est convaincre ». Et je ne désespère pas de vous convaincre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur plusieurs bancs des groupes RE et HOR.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Olivier Faure.

M. Olivier Faure.

Disons les choses simplement : cette motion de défiance ne bloquera rien, mais elle réparera (« Rien ! sur les bancs du groupe Dem) la première faute de votre mandat, une faute liée à la lecture que le Président de la République fait des institutions. Le vote de confiance ne serait que le blanc-seing que sa majorité devrait accorder au Premier ministre. Cette lecture de la Constitution est en réalité une offense à notre vie démocratique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.) Nous sommes toutes et tous ici le miroir de la volonté de la nation. Lorsque les Français nous regardent, ils voient représentées les préférences idéologiques de la nation. Et lors d’un vote de confiance, chaque Français retrouve cette part de la souveraineté qu’il nous a confiée en même temps qu’il constate que sa volonté devra composer avec les volontés qui diffèrent de la sienne mais qui, toutes ensemble, forment la souveraineté de la nation. Le vote de confiance, c’est ce moment où la nation prend conscience d’elle-même dans son unité autant que dans sa diversité. Puisque nous avons le pouvoir de vous imposer ce vote, nous le faisons. (Mêmes mouvements.)

M. Bruno Millienne.

Et c’est un socialiste qui salit la mémoire de Bérégovoy…

M. Olivier Faure.

Cette motion de défiance aura un grand mérite, celui de sortir du confusionnisme nourri par le Président de la République, qui cite volontiers Jaurès le lundi, de Gaulle le mercredi et même Maurras le dimanche. (Mêmes mouvements.) Il entretient l’idée qu’il serait à lui seul la gauche et la droite, interdisant toute forme d’alternative.
Voici donc venu le temps de la clarification.

M. Bruno Millienne.

Oui : les socialistes sont soumis aux insoumis !

M. Olivier Faure.

Cette motion permettra à chacun de se situer et de faire apparaître une vérité qu’il est inutile de masquer plus longtemps aux Français. Il y a une opposition – elle est là ! (L’orateur désigne les bancs de la gauche de l’hémicycle. – Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NUPES, Écolo-NUPES et GDR-NUPES) – , c’est la coalition de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale.

M. Jocelyn Dessigny.

Qui a appelé à voter Macron !

M. Olivier Faure.

Il y a une majorité relative – la vôtre, madame la Première ministre. Il y a aussi une majorité tacite, celle que vous formez avec Les Républicains. Et il y a même le risque d’une majorité d’opportunité que vous formerez avec le Rassemblement national. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NUPES, Écolo-NUPES et GDR-NUPES. – Protestations sur les bancs des groupes RE et Dem.)

M. Rémy Rebeyrotte.

Scandaleux !

M. Olivier Faure.

Vous pouvez hurler, mais ce n’est pas moi qui suis l’auteur des propos de M. Dupond-Moretti, de M. Bayrou, de Mme Calvez et autres, qui ont exprimé une préférence pour l’extrême droite plutôt que pour la gauche ! (Mêmes mouvements.)

M. Erwan Balanant.

Ça suffit ! Arrête ton cirque !

M. Olivier Faure.

C’est inédit dans l’histoire de la République ! Vous êtes les premiers à le faire ! Alors taisez-vous, maintenant ! (De nombreux députés des groupes SOC, LFI-NUPES et Écolo-NUPES se lèvent et applaudissent vivement. – Les protestations redoublent sur les bancs des groupes RE et Dem.)

M. Rémy Rebeyrotte.

C’est monstrueux !

M. Erwan Balanant.

Tu n’as pas honte ?

M. Olivier Faure.

Vous fissurez toutes les digues solides qui, depuis le gouvernement provisoire du général de Gaulle, ont protégé la République du nationalisme.

M. Erwan Balanant.

C’est vous qui le faites ! Et vous seulement !

M. Olivier Faure.

Cela fait cinq ans que l’eau entrait, goutte à goutte. Vous pouvez crier, mais regardez les 200 voix que vous avez apportées à l’extrême droite la semaine passée !

M. Laurent Croizier.

Quelle honte !

M. Erwan Balanant.

Ils ont été élus par le RN !

M. Olivier Faure.

Regardez-vous ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NUPES, Écolo-NUPES et GDR-NUPES. – Huées sur les bancs des groupes RE et Dem, et exclamations sur les bancs du groupe RN.) Ce week-end encore,…

Mme Perrine Goulet.

Bérégovoy doit se retourner dans sa tombe à t’écouter !

M. Frédéric Cabrolier.

Et la francisque de Mitterrand ?

M. Olivier Faure.

…lorsque votre ministre de l’intérieur se félicite de s’extraire du champ de la raison pour « parler aux tripes des Français », c’est pour reprendre les propositions de M. Zemmour et de Mme Le Pen. Voilà ce qu’est votre politique aujourd’hui ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.

Mais non !

Mme Stella Dupont.

Pitoyable !

M. Olivier Faure.

Je n’ose croire que pour imposer votre programme, vous empruntiez le choix de la lâcheté. Il est vrai qu’avec le Rassemblement national, vous avez un partenaire facile, trop heureux d’acheter à bas prix sa respectabilité par son abstention. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)

M. Erwan Balanant.

Arrête tes fantasmes !

M. Olivier Faure.

Votre responsabilité est désormais immense.

M. Bruno Millienne.

Et vous n’êtes qu’un collaborateur de Mélenchon !

M. Rémy Rebeyrotte.

Honteux !

M. Olivier Faure.

Si vous vous entêtez à vouloir imposer votre programme au prix de la banalisation de l’extrême droite parlementaire, vous lui ouvrirez les portes du pouvoir ! Derrière chacune de leurs voix, vous ne pouvez ignorer qu’en réalité, il y a un cheval de Troie ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NUPES, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)

M. Laurent Croizier.

Le Parti socialiste est mort aujourd’hui !

M. Rémy Rebeyrotte.

C’est honteux ! Ce sont les voix de la NUPES qui vont au RN !

M. Olivier Faure.

Alors comment faire ? C’est assez simple, au fond. Renoncez au mode de gouvernement qui est le vôtre depuis cinq ans. Jupiter, c’est fini ! Le Président a décidé, le Parlement a ratifié : c’est fini !

Mme Caroline Parmentier.

Monsieur 2 % !

M. Olivier Faure.

Aux contestations populaires, qu’avez-vous opposé sinon votre mépris ? Ce week-end encore, votre lointain prédécesseur à la tête du gouvernement expliquait que sa réforme des retraites était « trop intelligente » ! Il faut en finir avec cette arrogance technocratique qui vous a conduits à penser que vous déteniez le monopole du savoir. Il y a certaines choses que nous savons et que les Français savent. Nous savons que 10 millions de nos compatriotes vivent sous le seuil de pauvreté. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Nous savons qu’il y a beaucoup de Français qui ne vivent plus de leur travail et de retraités qui ne vivent plus de leurs pensions. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NUPES, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)

M. Jocelyn Dessigny.

Qu’avez-vous fait quand vous étiez au pouvoir ?

M. Olivier Faure.

Nous savons que l’hôpital public est géré comme une entreprise vouée au profit. Nous savons que l’école ne vise plus l’émancipation de tous. Nous savons que les politiques écologistes continuent de passer derrière vos préoccupations économiques. C’est cela, notre savoir, madame Borne.

Mme Caroline Parmentier.

Non, c’est votre bilan !

M. Olivier Faure.

C’est ce savoir élémentaire que nous opposons à toutes vos certitudes.
Vous nous opposez la dette. Mais la seule dette,…

M. Jocelyn Dessigny.

La seule dette, elle vient d’où ?

M. Olivier Faure.

…la seule dette que nous ne pouvons pas laisser à nos enfants est la dette écologique, qui ne nous laisse pas le choix parce qu’elle est irréversible ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NUPES, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.) Et parce que ses conséquences sont en cascade : sécurité alimentaire, mouvements migratoires, sixième extinction de masse.

M. Bruno Millienne.

Qu’est-ce que vous avez fait sous Hollande ? Rien !

M. Olivier Faure.

Ce que nous avons fait contre la covid, ne pourrions-nous pas le faire aussi pour la planification écologique ? (Mêmes mouvements.)

M. Jocelyn Dessigny.

Mais qu’avez-vous fait lorsque vous étiez au pouvoir ?

M. Olivier Faure.

Si vous voulez – je reprends vos mots – « redonner un sens, une vertu au mot compromis », partez de ce diagnostic incontestable. Dites-nous ce que vous êtes prête à abandonner de cette camisole libérale qui vous interdit de prendre les mesures et les bifurcations que le pays attend.

M. Bruno Millienne.

Je n’ose pas croire que tu as été marabouté !

M. Olivier Faure.

Oui, il faut de nouveaux compromis. Des compromis qui adaptent la France aux nouveaux défis et aux grandes transitions que nous devons entreprendre : écologique, numérique, sociale, démocratique et même géopolitique. À cela, nous sommes prêts. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.) Mais un compromis ne procède jamais de l’injonction, ni du chantage au chaos. Je vous ai entendue dire que « le désordre et l’instabilité ne sont pas une option ». Mettons-nous donc d’accord : le débat, ce n’est pas le désordre ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et LFI-NUPES.)

M. Rémy Rebeyrotte.

Parlez-en à vos amis !

M. Olivier Faure.

Le désordre, cher collègue, ce n’est pas davantage le chahut dans l’hémicycle (Rires sur les bancs du groupe Dem.),…

M. Jocelyn Dessigny.

Dites-le à Corbière !

M. Olivier Faure.

…qui n’est rien en comparaison de la colère qui gronde au-dehors et que les murs épais des palais nationaux filtrent avant qu’ils arrivent à vos oreilles ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NUPES, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.) Le seul vrai désordre que je connaisse, c’est l’injustice, et c’est celui que vous devez entendre ! (Mêmes mouvements.) Vous vous proclamez à la tête d’un gouvernement d’action. Personne ne vous reproche de ne pas avoir agi pendant cinq ans. Nous vous reprochons d’avoir agi au détriment de toute idée de justice, ce qui est très différent.

M. Frédéric Cabrolier.

2 % !

M. Jocelyn Dessigny.

Vous n’avez rien fait pendant trente ans et maintenant, vous donnez des leçons de morale !

M. Olivier Faure.

Vous prétendez que vous ne voulez pas lever de nouvel impôt. C’est vrai pour les « premiers de cordée », mais vous avez prolongé la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) de neuf ans afin de prélever 121 milliards supplémentaires sur les Français. Vous voulez désormais reculer de trois ans l’âge de la retraite, pour une pension identique ! Or qu’est-ce d’autre qu’un nouvel impôt, un impôt sur ceux qui devront cotiser plus longtemps, un impôt sur la vie de ceux qui exercent les métiers les plus pénibles ?

M. Jocelyn Dessigny.

Aucune anticipation pendant trente ans !

M. Olivier Faure.

Si vous souhaitez trouver des points d’accord avec les socialistes, avec les insoumis, avec les écologistes et avec les communistes, comprenez d’abord que notre raison d’être n’est pas l’abdication devant le capital !

M. Rémy Rebeyrotte.

Mélenchon vous a-t-il mangé ?

M. Olivier Faure.

Nous sommes ici les représentants du travail ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NUPES, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)

M. Maxime Minot.

N’importe quoi !

M. Olivier Faure.

Êtes-vous prête, madame la Première ministre, à porter le SMIC à 1 500 euros ? Êtes-vous prête à faire en sorte que les travailleurs d’Uber soient désormais présumés salariés parce qu’ils sont subordonnés à leur entreprise ? (Mêmes mouvements.)

M. Jocelyn Dessigny.

Le Parti social-amnésique !

M. Olivier Faure.

Êtes-vous prête à faire en sorte que les actionnaires des entreprises ne soient plus les seuls décisionnaires et que les conseils d’administration ne soient plus fermés aux salariés, mais composés à parité de représentants du capital et de représentants du travail ? (Mêmes mouvements.)

M. Jocelyn Dessigny.

Assumez vos erreurs !

M. Olivier Faure.

Êtes-vous prête à renoncer à n’utiliser l’ambition républicaine à laquelle vous prétendez que comme un argument d’autorité qui permettrait de clore toute forme de contestation ? C’est un contresens absolu. La République n’est pas un monument figé dont vous détiendriez les droits exclusifs ! Elle est une promesse – une promesse jamais totalement accomplie, un horizon qui permet d’avancer vers l’émancipation de chaque individu. Et à chaque fois que cette promesse est vécue comme un mensonge, alors tout s’effondre. La République est vivante lorsque nous progressons ensemble vers plus d’égalité,…

M. Jocelyn Dessigny.

Bla bla bla !

M. Julien Odoul.

Son temps de parole est écoulé !

M. Olivier Faure.

…lorsque l’État agit pour tous et non pas pour le bénéfice de quelques-uns.

M. Julien Odoul.

C’est fini !

M. Olivier Faure.

C’est dans ces moments-là que la nation prend corps et que l’unité nationale prend forme.

M. Jocelyn Dessigny.

Vous avez été moins généreuse avec Marine Le Pen, madame la présidente !

M. Olivier Faure.

Madame la Première ministre, je conclus.

Mme la présidente.

Je vous remercie, cher collègue.

M. Olivier Faure.

Je conclus, madame la présidente.

Mme la présidente.

Vous auriez dû conclure il y a trente-cinq secondes.

M. Olivier Faure.

Montrez-nous que vous avez changé ! Montrez-nous que votre pratique du pouvoir…

Mme la présidente.

Je vous remercie, monsieur Faure. (Mme la présidente coupe le micro de l’orateur.) Veuillez quitter la tribune, s’il vous plaît. (L’orateur poursuit son discours désormais inaudible. – De nombreux membres des groupes SOC, LFI-NUPES et GDR-NUPES se lèvent et applaudissent.) Je vous demande de quitter la tribune immédiatement, monsieur Faure, et je vous remercie de bien vouloir respecter votre temps de parole ainsi que la présidence. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NUPES, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Thomas Mesnier.

M. Thomas Mesnier.

Chers collègues de cet hémicycle que j’aime tant, cinq jours seulement après le débat qui a suivi la déclaration de politique générale, nous voici à nouveau réunis pour débattre de la motion de censure déposée par l’ensemble des groupes de la Nouvelle Union populaire, écologique et sociale.

M. Thomas Mesnier.

Le groupe Horizons et apparentés déplore cette bien navrante décision. Une motion de censure déposée avant même que la Première ministre ne prononce sa déclaration de politique générale, qu’est-ce que cela dit ? Cela démontre que, sans même connaître les orientations politiques du Gouvernement (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES) , les élus de la NUPES ont choisi de rejeter le choix que les Français ont exprimé dans les urnes en avril et en juin. Cela démontre aussi, si c’était encore nécessaire, que la NUPES n’est pas dans une logique d’écoute, d’échange ou de construction. Nous le regrettons et nous craignons que certains de ses électeurs ne le regrettent aussi.

M. Adrien Quatennens.

Cela s’appelle l’opposition ! Vous connaissez ?

M. Thomas Mesnier.

Si les oppositions et le débat contradictoire jouent un rôle essentiel dans le bon fonctionnement démocratique, l’obstruction – qu’elle s’exprime par une tentative de censure ou par des torrents d’amendements, comme sait si bien en déverser La France insoumise – n’est que le symptôme d’une mise à mal de notre démocratie.

M. Thomas Mesnier.

M. Mélenchon, battu au premier tour, absent au second, invente un troisième tour qu’il perd encore une fois. ( Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)

M. Charles Sitzenstuhl.

Trois fois battu !

M. Thomas Mesnier.

Et voilà que vous proposez maintenant une motion de censure en guise de quatrième tour. Il serait peut-être temps d’admettre que les Français ne l’ont pas élu ; il serait peut-être temps de respecter la démocratie. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes HOR, RE et Dem. )

M. Thomas Mesnier.

J’ai entendu la présidente Panot et Olivier Faure déclarer tour à tour que nous ferions des alliances avec le Rassemblement national. (« C’est vrai ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) Il n’en est évidemment rien ! (« Si ! » sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) Pardon, mais il est juste fou d’en venir à dire de telles choses à cette tribune. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes HOR, RE et Dem. )

M. Thomas Mesnier.

Quelle indignité, monsieur Faure ! Quand on vous écoute, on comprend pourquoi le parti socialiste ne récolte plus que 2 % des suffrages. (Mêmes mouvements.)

M. Thomas Mesnier.

Que faut-il comprendre d’une motion de censure dont l’adoption dépendrait de la participation du Rassemblement national, groupe avec lequel je ne crois pas que la NUPES veuille travailler ? Cette motion stérile ne montre en réalité qu’une chose : vous cherchez à diviser les Français.

M. Adrien Quatennens.

Combien de voix pour Horizons aux élections ?

M. Thomas Mesnier.

Dans ce triste décor, les députés du groupe Horizons et apparentés feront le choix résolu de la responsabilité et du respect.

M. Thomas Mesnier.

De la responsabilité d’abord. Depuis votre nomination, madame la Première ministre, vous avez rappelé à maintes reprises votre volonté d’échange, de construction, de compromis. Le groupe Horizons et apparentés, comme l’ensemble de la majorité présidentielle, y croit et se place dans cet état d’esprit.

Mme Farida Amrani.

Quelles belles paroles !

M. Thomas Mesnier.

Nous avons la volonté d’atteindre des majorités de projet, texte par texte : nous le devons aux Français, nous le devons au pays. Nous ne céderons rien face à l’obstruction et aux manœuvres politiciennes. Nous le devons aux Français, qui attendent de nous que des décisions fortes soient prises pour le pouvoir d’achat, pour leur accès aux soins, pour leur école,…

Mme Farida Amrani.

Parlons-en, de l’école !

M. Thomas Mesnier.

…pour l’environnement, pour leur sécurité.

M. Thomas Mesnier.

Nous ferons aussi le choix du respect : respect des institutions bâties pour permettre la continuité de l’État, respect de la démocratie, par laquelle s’est exprimé un choix très clair dans les urnes, n’en déplaise à certains (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES),…

Mme Raquel Garrido.

Vous êtes minoritaires !

M. Thomas Mesnier.

…avec un Président de la République réélu, doté d’une majorité – relative, certes – et des oppositions fortes.

M. Thomas Mesnier.

Respect, enfin, pour les Français : écoutons-les et travaillons ensemble dans cet hémicycle. Le modèle d’opposition que propose la NUPES, façon IVe République ou XXe siècle, nous paraît déboucher sur une opposition d’arrière-garde, ni constructive, ni courageuse,…

Un député du groupe LFI-NUPES.

Ça vous embête, hein, la démocratie ?

M. Thomas Mesnier.

…probablement même assez dangereuse en se faisant le marchepied de l’extrême droite. ( Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes HOR, RE et Dem. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)

M. Thomas Mesnier.

Je veux m’adresser ici aux collègues socialistes, à ces élus engagés héritiers de Blum, Mitterrand et Rocard. Vos illustres prédécesseurs ont été à la hauteur des défis de leur temps. Ils ont travaillé, composé, sans jamais se renier. Je peine à imaginer que vous poursuiviez dans la voie de cet asservissement aux Insoumis. Il est encore temps de changer.

M. Thomas Mesnier.

J’aime à penser, nous aimons à penser, que cette motion sera un échec pour l’entreprise de défiance de M. Mélenchon, mais qu’elle pourra être une victoire si elle permet de tracer un chemin vers certains d’entre vous dans le travail que nous demandent les Français.

Mme Raquel Garrido.

Vous n’avez pas écouté M. Faure !

M. Thomas Mesnier.

Le groupe Horizons et apparentés prendra toute sa part dans ce travail, porté par l’élan réformateur de 2017, que nous n’avons pas quitté, pour un changement profond de la France et de la vie des Français. Il rejettera donc cette motion de censure. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs des groupes RE et Dem. )

Mme la présidente.

La parole est à Mme Cyrielle Chatelain.

Mme Cyrielle Chatelain.

Regardez cette assemblée, regardez les 577 députés qui la composent : elle reflète le message que les Français et les Françaises ont choisi de nous envoyer. Une injonction démocratique qui met fin au règne absolu et vertical de la majorité présidentielle. C’est une première depuis l’inversion du calendrier électoral. En 2002, 2007, 2012, 2017, il y a eu des majorités absolues, franches, et pourtant, elles ne ressemblaient pas à la France et se sont peu à peu éloignées d’elle. Année après année, scrutin après scrutin, nous avons perdu les Français et les Françaises qui ont déserté les urnes. L’abstention, qui peut sincèrement s’en étonner alors que pendant des décennies, nous avons verrouillé nos instances démocratiques, enjambé les campagnes électorales, fait taire les manifestations, muselé le Parlement, dégainé le 49-3, archivé les doléances nées du mouvement des gilets jaunes et convoqué une convention citoyenne pour ne surtout pas les entendre, pour ne jamais les écouter ?

Mme Cyrielle Chatelain.

Aujourd’hui, madame la Première ministre, vous avez la possibilité de briser ce cercle vicieux. Mais vous avez raté une première occasion de le faire en refusant de vous soumettre à un vote de confiance, en dépit de la tradition. Par ce refus, c’est votre conception du Parlement qui se dévoile ; par ce refus, c’est votre vision de la République qui est mise au jour. Rappelons que la vocation première de notre République n’est pas de consacrer le règne d’un homme providentiel. Sa raison d’être est l’expression et le respect de la volonté souveraine du peuple. Le cœur de notre République, comme le déclarait Jean Jaurès devant les lycéens d’Albi, c’est un acte de confiance et d’audace, c’est l’indéfectible croyance que l’on peut « se combattre sans se déchirer ».

Mme Cyrielle Chatelain.

Vivons-nous dans la même République ? Une clarification est nécessaire. La minorité présidentielle a inventé des ennemis communs à la droite libérale et à l’extrême droite de Marine Le Pen et d’Éric Zemmour : les islamo-gauchistes, qu’elle voit partout,…

M. Pierre Cordier.

Ça existe !

Mme Cyrielle Chatelain.

…dans nos universités, dans les marches pour le climat, dans les cours des collèges où fleurissent les crop tops (Murmures sur les bancs du groupe RN), dans les écoles où les mamans voilées accompagnent leurs enfants lors des sorties scolaires, dans les alternatives à la société de surconsommation que d’aucuns disent fondées sur le « modèle Amish ».

M. Maxime Minot.

Quel rapport avec la motion ?

Mme Cyrielle Chatelain.

En faisant cela, c’est toute une partie de la France que vous reléguez aux marges de la République (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Écolo-NUPES, LFI-NUPES et SOC), mais au nom de qui et au nom de quoi ? Oui, une clarification est bel et bien nécessaire pour que les Français et les Françaises soient seuls juges de notre esprit républicain.

Mme Cyrielle Chatelain.

Parlons d’abord de la fraternité et de la sororité. Nous, députés écologistes, nous, députés NUPES, avons été élus contre l’idéologie raciste et xénophobe de l’extrême droite. (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES, LFI-NUPES, SOC et sur quelques bancs du groupe GDR-NUPES.)

Mme Cyrielle Chatelain.

Nous ne ferons jamais aucun compromis avec les héritiers de l’Action française, de l’OAS, l’Organisation de l’armée secrète, et du Front national. Pour nous, l’ennemi est Faurisson, faussaire de l’histoire, et non M. Ndiaye, auteur de La Condition noire . Pour nous, la préférence nationale, de Pétain à Le Pen, est un délit contre notre République. (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES et SOC et sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) Pour nous, il est intolérable d’enfermer pendant quatre-vingt-dix jours des innocents dans des centres de rétention. Pour nous, il est inhumain que dans ces mêmes centres de rétention soient enfermés des enfants. Pour nous, l’accueil des navires qui secourent les migrants en mer est un acte d’humanité, un acte républicain. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Écolo-NUPES, LFI-NUPES et SOC.)

M. Christian Girard.

N’importe quoi !

Mme Cyrielle Chatelain.

Madame la Première ministre, comment faites-vous pour rejeter en bloc ces principes comme autant de combats naïfs et de combats de gauchistes alors qu’Angela Merkel a fait de l’Allemagne une terre d’asile, donnant ainsi une leçon de dignité aux dirigeants européens ? Loin de cette visée humaniste, votre politique semble se placer dans la continuité de celle de vos prédécesseurs : tentes lacérées, exilés affamés, associations harcelées, sans parler de cette jeune femme noyée dans une rivière des Alpes, de ces trois jeunes vies fauchées dans un transport express régional (TER) du Pays basque, de tous ces espoirs engloutis dans la mer Méditerranée. C’est l’esprit républicain qui est défait.

Mme Cyrielle Chatelain.

Pour que chacun soit juge, parlons aussi d’égalité. Nous, députés écologistes, députés NUPES, nous nous inscrivons dans l’héritage du Conseil national de la Résistance. Pour nous, le compromis n’est pas une compromission s’il vise le progrès ou l’égalité. Pour nous, une conquête sociale est toujours un progrès, jamais une charge. Pour nous, le travail est facteur d’émancipation si et seulement s’il n’est pas une version contemporaine de l’aliénation et de l’esclavage et s’il paie décemment. C’est pourtant du bon sens : tout travail mérite salaire.

Mme Cyrielle Chatelain.

Pour nous, l’âge de départ à la retraite doit contribuer à réduire les inégalités, non à les aggraver. Pour vous et pour les membres de votre gouvernement, ce n’est peut-être pas un sujet d’angoisse, mais admettez que pour celles qui se cassent le dos pour garder nos enfants, nettoyer nos bureaux, s’occuper de nos aînés, pour ceux qui tiennent le marteau piqueur, qui réparent les toits, conduisent des bus, 65 ans, c’est tard, c’est bien trop tard.

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.

Ça va !

Mme Cyrielle Chatelain.

Songez que pour celles et ceux qui n’ont pas choisi leur emploi, mais gagnent leur vie, pour celles et ceux qui ont une vocation, mais dans des métiers éprouvants, épuisants, physiques, attendre 65 ans, c’est intolérable. (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES et sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES, SOC et GDR-NUPES.)

M. Laurent Croizier.

Vous avez vraiment lu nos propositions ?

Mme Cyrielle Chatelain.

Continuons la clarification et parlons de liberté.

Mme Cyrielle Chatelain.

Finalement, dans votre discours, vous nous en avez peu parlé. Lorsque vous l’avez fait, c’est pour vanter la liberté d’entreprendre. Que les journalistes du Consortium international des journalistes d’investigation soient remerciés : leur enquête sur Uber éclaire nos débats. Elle a dévoilé les échanges qui ont eu lieu dès octobre 2014 entre les dirigeants d’Uber et le ministre de l’économie tout juste nommé, un certain Emmanuel Macron. On comprend alors que pour la Macronie naissante, la liberté, c’est celle d’un tout petit nombre de Français qui peut disposer de la vie des autres. C’est, me semble-t-il, une définition honnête et sans parti pris de l’uberisation de nos sociétés. La liberté que vous chérissez repose sur une société du servage.

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.

Ça va, là !

Mme Cyrielle Chatelain.

Pour nous, au contraire, la liberté suppose de sortir des fins de mois difficiles et des emplois précaires : il faut être libre de choisir. Alors, oui, au nom de la liberté, nous défendons la garantie d’autonomie jeunes ; au nom de la liberté, nous défendons la garantie universelle des loyers, le SMIC à 1 500 euros et la revalorisation de toutes les petites pensions de retraite ; au nom de la liberté présente et future, nous défendons une action environnementale et climatique ambitieuse.

Mme Cyrielle Chatelain.

Madame la Première ministre, pour que la clarification soit complète, nous devons maintenant parler de la dette. Pour le gouvernement que vous dirigez, la seule dette qui mérite qu’on s’y consacre est la dette financière. Dans votre déclaration de politique générale, vous l’avez placée au rang de priorité absolue, reléguant au « dès que possible » l’action en faveur du climat et de la biodiversité.

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.

C’est scandaleux de dire cela !

Mme Cyrielle Chatelain.

Mais le « dès que possible », ce n’est pas possible, car la dette écologique se paye déjà dans le Pacifique, où des îles ont disparu sous les eaux – par exemple, East Island, engloutie lors du passage d’un ouragan en 2018. Qui s’en préoccupe rue de Grenelle ? Cette dette se paye aussi dans le golfe du Bengale : à Ghoramara, le bureau de poste a été englouti, les habitants vivent les pieds dans l’eau et doivent se déplacer à mesure que les eaux montent. Loin des yeux, loin de nos préoccupations ? Est-ce la raison de votre inaction ?

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.

C’est scandaleux !

Mme Cyrielle Chatelain.

Madame la Première ministre, n’oubliez pas que la dette écologique se paie également dans nos campagnes, où des agriculteurs subissent la grêle, le gel tardif, les pluies diluviennes tombant sur des sols asséchés ; dans nos montagnes, où la neige se fait rare et où les glaciers disparaissent ; dans nos vies, marquées par les canicules plus fréquentes, plus longues et plus dangereuses pour les plus vulnérables. Que peut l’équilibre financier pour nous protéger du réchauffement climatique, de l’effondrement de la biodiversité et de la montée des eaux ? Rien. Cette obstination vous fait passer à côté d’un défi historique et planétaire qui se pose notamment à la France. Julien Bayou, co-président du groupe Écologiste vous l’a dit dès mercredi : nous nous battrons pour faire appliquer les accords de Paris et les propositions de la Convention citoyenne pour le climat. Telle est la priorité qui devrait tous nous occuper et nous préoccuper.

Mme Cyrielle Chatelain.

Notre compromis est le suivant : pour les générations futures, agissons tout de suite. Nous leur devons la souveraineté énergétique, le 100 % renouvelable comme horizon de moyen terme, la limitation de la hausse des températures à 2 degrés, ce qui est déjà beaucoup, la sortie de l’élevage industriel et le zéro pesticide, l’isolation thermique de 700 000 bâtiments par an.

Mme Cyrielle Chatelain.

Madame la Première ministre, entre vous, le gouvernement que vous dirigez, et nous, il n’y a pas de confiance. Votre discours de la semaine dernière ne nous a pas rassurés et ce que nous a fait subir le Président Macron pendant cinq ans ne nous laisse rien espérer. Il a embarqué le pays dans des tempêtes sur un navire sans boussole, en prétendant que tribord et bâbord se confondaient. Puis le navire a tangué sous l’Arc de Triomphe, il a pris l’eau dans nos écoles, il a chaviré dans les services d’urgences, il a fait naufrage à Glasgow avec une COP26 de tous les renoncements. Le navire s’est échoué face au duo Zemmour et Le Pen, sous le regard indulgent du candidat Macron qui les a laissé dicter les termes du débat présidentiel. (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES, LFI-NUPES, SOC et GDR-NUPES.)

Mme Cyrielle Chatelain.

Il est terrible, le bilan de votre « en même temps », de ce monde qui ne prône pas le dépassement, mais la mise à mort des batailles politiques, de la confrontation des idées, de l’affrontement entre différents modèles de société. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé de voter cette motion de défiance. La défiance, ce n’est pas le refus de dialoguer. Notre position est conforme au mandat que nous ont confié les électeurs et les électrices. (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES et sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES et SOC.) La défiance est la réponse à votre obstination, à votre refus de questionner un projet qui n’a pas obtenu de majorité. Le Parlement n’est pas un lieu verrouillé. Il doit s’imposer comme le lieu du débat républicain et de l’élaboration de nos politiques publiques. (De nombreux députés des groupes Écolo-NUPES, LFI-NUPES, SOC et GDR-NUPES se lèvent et applaudissent.) La parole est à M. Pierre Dharréville.

M. Pierre Dharréville.

« Bien sûr, il se doutait qu’il ne parviendrait pas à rallier ce jour-là une majorité à sa cause, il avait dû se dire que cela servirait plus tard ; et, armé de cette conviction, il avait écrit son discours. » Ainsi Éric Vuillard raconte-t-il une séance à l’Assemblée nationale.
Mon discours pourtant ne renonce à rien. Il s’adresse à chacune et chacun d’entre vous qui exercez cette responsabilité singulière, à votre liberté de conscience. Il entend résonner bien au-delà de cet hémicycle. Je suis là pour ébranler, si possible, les certitudes et les habitudes, pour rendre justice à celles et à ceux qui m’ont envoyé, qui nous ont envoyés sur ces bancs, pour changer de cap dès que possible. Je suis là, en fin de compte, parce que « vous avez un peu trop pris la confiance », comme on dit chez moi. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES.) Le 16 mai dernier, madame la Première ministre, vous avez tweeté : « Merci à Emmanuel Macron de sa confiance et de l’honneur qu’il me fait en me nommant Première ministre. » Quelques jours plus tard, vous vous êtes présentée avec votre gouvernement devant la représentation nationale, de façon un peu cavalière, sans nous demander notre confiance, laissant penser qu’elle allait naturellement de soi.
Afin de faire respecter le Parlement, nous n’avions par conséquent pas d’autre choix, avec nos alliés de la Nouvelle union populaire, écologique et sociale, que de déposer cette motion de censure. Vous en conviendrez, madame la Première ministre, nous ne pouvons pas commencer cette législature sur un malentendu. Il faut que se manifeste ici votre semblant, ou faux-semblant, de légitimité. Puisque vous ne l’avez pas fait, il nous revient d’engager votre responsabilité et la nôtre. Il s’agit donc d’un acte de clarification. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES et sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES.)

M. Alexis Corbière.

Bravo !

M. Pierre Dharréville.

En ce qui nous concerne, nous n’avons pas été élus pour appliquer le programme d’Emmanuel Macron, mais au contraire pour combattre les choix libéraux qui abîment le pays. Or la stratégie du compromis que vous avez définie, si on écoute attentivement votre discours de politique générale, a pour unique matrice la feuille de route présidentielle. Je vous cite : « Nous nous inscrirons dans le cadre défini par le Président de la République et agirons selon les valeurs qu’il porte. » Vous demandez des compromis et vous affichez un plan sans concessions !

M. Jean-Paul Lecoq.

Exactement !

M. Pierre Dharréville.

Vous mettez par exemple sur la table une attaque frontale contre le droit à la retraite dont une majorité ne veut pas. Vous ne tirez pas les leçons de la séquence électorale. Vous n’écoutez pas le pays. Nous vivons dans un pays qui va mal, un pays en colère où grandissent des pulsions dangereuses. Il y a une forte odeur de brûlé.
Dans son dernier album, Florent Marchet dit combien il se sent étranger à la montée des idées d’extrême droite qu’il compare à un incendie – son intensité a d’ailleurs, à la faveur de ce quinquennat, été multiplié par dix. Si on l’écoute bien, le choix est simple : l’éclaircie ou l’incendie. Il faut, madame la Première ministre, faire le choix de l’éclaircie et, pour cela, il faut changer de politique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES et sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES.) Or nous avons le sentiment que vous faites semblant, que vous bluffez – ce n’est pas nouveau, mais cela ne trompe personne. Vous confortez, avec vos choix, la domination des puissances d’argent. Ainsi se nourrit le drame qui nous guette.
Vous êtes en train de céder à une tentation dangereuse. Vous essayez, d’une certaine manière, un coup de poker qui consiste à faire de votre faiblesse un argument pour rejeter la responsabilité de vos échecs sur les autres. Vous inversez les rôles. En réalité, vous voulez continuer d’expliquer qu’il n’y a pas de droite et pas de gauche, mais simplement la macronie éclairée, avec sa politique de droite ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.) Votre vertige est le résultat de la contradiction que vous prétendez abolir entre la droite et la gauche, entre les forces possédantes et le monde du travail au profit des premières.
Vous voulez continuer à expliquer qu’il n’existe que des décisions incontournables quand il s’agit de choix politiques. Je vous cite à nouveau : « Je crois fermement au dépassement entamé il y a cinq ans par le Président de la République. » Par la force des choses, vous entendez poursuivre votre action sous une forme différente, au coup par coup, au cas par cas. Ainsi, bien souvent, vous irez chercher à droite le consentement qui vous permettra de continuer votre chemin. Vous en avez d’ailleurs fait la promesse devant le Sénat, estimant que vous partagez avec sa majorité « bon nombre de priorités et même, sans aucun doute, de solutions ». Et, de temps en temps, vous nous présenterez une mesurette acceptable que vous nous demanderez de voter pour faire bonne mesure, bon poids, donner bonne conscience.
Votre proposition, ce n’est pas le compromis, c’est la continuation dans la confusion, c’est la mystification, l’enfumage.

M. Adrien Quatennens.

Exactement !

M. Pierre Dharréville.

Vous serez jugée sur vos actes. Comme nous l’avons toujours fait, nous soutiendrons ce qui nous semble aller dans la bonne direction mais nous ne vous aiderons pas à mettre en œuvre votre projet. Nous agirons dans l’intérêt général, nous ferons grandir des idées. Vous n’avez fait aucun geste hormis la promesse de déconjugaliser l’AAH, mesure inéluctable tant elle fait consensus au sein de la société. C’était d’ailleurs presque émouvant d’observer la majorité applaudir cette annonce, toute honte bue, après l’avoir tant de fois repoussée. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES et sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES.) Vous devez revoir vos ambitions, madame la Première ministre : vous n’en avez pas les moyens. Vous devez adopter les mesures permettant de vivre bien et arrêter vos grandes réformes régressives de remastérisation libérale, qu’il s’agisse du droit à la retraite, de Pôle emploi, d’EDF ou encore de l’AAH. Vous devez tenir compte de votre affaiblissement. Il est de votre responsabilité de redéfinir un autre centre de gravité pour la politique de la nation, de renoncer à des projets qui ne passent pas. Saisissez la chance de revitaliser la place du Parlement et de la démocratie. N’essayez pas de faire malgré tout ce pour quoi vous n’avez pas de majorité.
L’extrême droite prétend représenter la seule opposition à Macron et voudrait manifestement être votre premier partenaire. Je vous le dis depuis le siège qui est le mien, celui de Gabriel Péri : pourvu que jamais ne soit servi à l’extrême droite ce qu’elle est venue chercher, les apparences de la respectabilité pour son funeste projet de société ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES et sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES.) Pour le groupe Gauche démocrate et républicaine, pour ses députés communistes et ses députés d’outre-mer, c’est une motion de gauche. C’est une motion qui appelle d’autres pistes, qui propose une alternative. C’est une motion pour l’urgence de progrès sociaux, écologiques et démocratiques. C’est une motion qui vous appelle à des inflexions claires, non pas dans le but d’obtenir nos suffrages, mais afin de prendre en compte les points de vue qui ont part à la volonté populaire que nous représentons ici.
Vous continuez à contourner le salaire, à remettre en cause le principe de la cotisation sociale, à affaiblir la sécurité sociale, à proposer des augmentations de pouvoir d’achat qui sont en réalité autofinancées par leurs bénéficiaires. Vous renoncez à des ressources nécessaires, à la justice fiscale, à des investissements indispensables, par exemple dans la rénovation thermique des logements ou dans le développement des chemins de fer, et vous annoncez le retour de l’austérité budgétaire. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR-NUPES et LFI-NUPES. – M. Olivier Faure applaudit également.) Votre politique fiscale se fera au profit des actionnaires et des plus fortunés, au détriment du plus grand nombre et des services publics. Ainsi, l’audiovisuel public, désigné par le Président comme la honte de la République, est dans le viseur, et l’éducation nationale, maltraitée pendant cinq ans, traverse une crise qui ressemble furieusement à celle de l’hôpital public. Quant aux mesures que vous envisagez pour l’hôpital public, elles ne sont qu’un cautère sur une jambe de bois.
Vous annoncez un nouveau durcissement de la politique d’hospitalité. Ainsi, vous avez beau vanter les mérites de la République, les actes ne suivent pas pour lui permettre d’être au rendez-vous de sa promesse dans nos villes, nos villages, nos quartiers, sur le continent et dans les territoires d’outre-mer où l’on a le ferme sentiment d’être dans un lieu de seconde zone. (Mme Karine Lebon applaudit.) Plutôt que l’effilochage des droits, plutôt que le recours à la chance, mettez au cœur de l’action publique la lutte résolue contre les inégalités et pour le respect de l’humain ; placez la question du climat au centre – la sécheresse gagne. Vous ne le ferez pas sans vous attaquer aux puissances d’argent, à la loi de l’argent. Ayez enfin ce courage plutôt que de vous placer du côté des patrons, d’Uber, de McKinsey et consorts ! Au lieu de favoriser la santé des actionnaires, agissez en faveur de la jeunesse tant malmenée ces dernières années.
Vous avez dit vouloir faire du travail « un levier d’émancipation », vous qui, avec le Président, avez défendu et conforté le modèle économique et social de travail low-cost d’Uber. Vous avez pourtant contribué à précariser, dans le public comme dans le privé, vous avez attaqué le code du travail, abîmé le droit à l’assurance chômage. Le mal-emploi et le mal-travail sont en progression constante dans notre pays sous le coup d’injonctions à la compétitivité et à la réduction du prétendu coût du travail. Au lieu de vous payer de mots, arrêtez la casse, attaquez-vous à la précarité, occupez-vous des métiers, exercés majoritairement par des femmes, qui sont si mal reconnus.

Mme Karine Lebon.

Oui.

M. Pierre Dharréville.

Je reviens à Éric Vuillard : « Il releva la tête. Regarda l’hémicycle. À ce moment, son grand visage s’écarquilla. Et il sembla que l’expression " élu du peuple " voulait parfois dire quelque chose. » Chaque fois que je monte à cette tribune, telle est ma seule intention.
C’est donc au nom des espoirs de celles et de ceux qui nous ont envoyés en ces lieux, afin de les défendre d’emblée et parce que vous-même semblez les ignorer, que les députés communistes et des territoires outre-mer du groupe Gauche démocrate et républicaine voteront la censure. (Les députés des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES se lèvent et applaudissent.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Christophe Naegelen.

M. Christophe Naegelen.

Notre pays traverse une crise, ou plutôt des crises, sans précédent. Les normes et les lois écrasent les Français, les associations et les entreprises – les plus petites principalement.

M. Jean-Paul Lecoq.

Mais pas les riches !

M. Christophe Naegelen.

De nombreux Français, dont une majorité de travailleurs, n’arrivent plus à boucler leurs fins de mois. Les hôpitaux sont au bord de l’implosion, les enseignants manquent de soutien : les exemples sont multiples. Il est important de tout revoir, de tout repenser ; non pas dans l’intérêt d’un ou de plusieurs partis, mais dans celui des Françaises et des Français. J’ose espérer que nous pouvons tous partager ces constats.
Mais les Français ont voté ; ils ont tranché. La solution est très simple : le Président Emmanuel Macron est élu mais ne dispose pas de majorité à l’Assemblée nationale. Les résultats ne souffrent d’aucune contestation et s’imposent à nous tous : c’est la démocratie.
Chers collègues de La France insoumise, de cette union populaire, votre motion de censure semble inappropriée et prématurée. Elle ne masque pas non plus une réalité évidente : Jean-Luc Mélenchon n’a pas été élu Président de la République, il a même été éliminé au premier tour de l’élection présidentielle. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)

M. Pierre Cordier.

Ah ça, ça fait mal !

M. Christophe Naegelen.

Puis il a, à mot couvert, appelé à voter pour Emmanuel Macron au second tour : je ne remets pas en cause ce jugement de valeur. Mais, trois mois après, alors même que le Gouvernement ne s’est pas encore mis au travail et n’a pas pu faire ses preuves, il est compliqué de le censurer sans savoir ce qui sera fait. Malgré une campagne menée sous le slogan « Mélenchon à Matignon », vous êtes bien loin d’obtenir une majorité, même relative, dans cette assemblée.

M. Alexis Corbière.

C’était qui votre candidat ?

M. Christophe Naegelen.

Le dépôt d’une motion de censure, décidée avant même la déclaration de Mme la Première ministre, donne à nos concitoyens un exemple déplorable. Au lieu de répondre aux préoccupations des Français, nous assistons à une pièce de théâtre ridicule qui ne vous met pas, qui ne nous met pas en valeur. J’espère que vous n’en serez pas récompensé ni, d’ailleurs, pour l’intégralité de votre œuvre.

Mme Raquel Garrido.

L’UDI a fait moins de 1 % aux élections !

M. Christophe Naegelen.

N’estimez-vous pas que nous devons donner l’exemple ? Ne pensez-vous pas que ces pantomimes contribuent à discréditer le mandat que vous ont confié les Français ?
Votre motion ne sera votée que par les groupes de la NUPES : vous aurez ainsi réussi indirectement à conforter le Gouvernement.
Les députés du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires que je représente – il s’agit certes d’un petit groupe, comme vous le dites très bien Mme Raquel Garrido – ont été élus contre des candidats de l’ancienne majorité, contre des candidats de votre union de groupes et contre des candidats du Rassemblement national. Ils s’inscrivent dans l’opposition, mais refusent la caporalisation et se présentent en hommes et en femmes libres.

Mme Raquel Garrido.

Il est où Lagarde ?

M. Christophe Naegelen.

Comment expliquer qu’après avoir dit que nous jugerions sur pièce les engagements de la Première ministre, nous votions, une semaine après, pour la renverser ?
Il revient à l’exécutif de créer les conditions d’un meilleur travail au sein de la majorité, et d’un meilleur travail avec l’opposition, sur le fond et sur la forme. Il est de votre responsabilité d’organiser cette nouvelle méthode de travail.

M. Maxime Minot.

Eh oui, il serait temps de s’y employer !

M. Christophe Naegelen.

Les premiers signaux envoyés ne nous rassurent pas forcément. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)

Mme Farida Amrani.

Ils vont finir par voter la censure !

M. Christophe Naegelen.

Madame la Première ministre, vous avez parlé de coconstruction. Au vu des premiers échanges que nous avons eus à l’Assemblée nationale, permettez-moi de rester dubitatif.
Sur le fond, nous avons de profonds désaccords avec la NUPES. Nous siégeons certes dans l’opposition, mais dans une opposition constructive : nous voterons les textes qui iront dans le bon sens, et nous nous opposerons à ceux dont nous estimerons qu’ils ne servent pas l’intérêt des Françaises et des Français. Or, à l’analyser de près, le contre-projet de la NUPES ne nous incite guère à nous prononcer en sa faveur. Je ne me retrouve pas dans le programme que présentent les auteurs de la motion de censure – je note d’ailleurs qu’il reprend largement les propositions du candidat de La France insoumise à l’élection présidentielle, accentuant la « mélenchonisation » de la gauche. Je ne crois pas en une économie administrée par l’État : votre programme est inapplicable et serait la ruine de la France.

M. Jean-Paul Lecoq.

La Première ministre va pourtant nationaliser EDF !

M. Christophe Naegelen.

Je ne me retrouve pas non plus dans votre logique de lutte des classes qui oppose les entrepreneurs et les salariés.

M. Jean-Paul Lecoq.

Il va y avoir de la planification !

M. Christophe Naegelen.

Je ne parle pas ici des grands groupes qui pratiquent l’optimisation fiscale : lors de la précédente législature, notre groupe parlementaire a d’ailleurs demandé qu’une commission d’enquête parlementaire soit consacrée à cette pratique, et plus encore à la fraude, qu’elle soit fiscale ou sociale.

M. Jean-Paul Lecoq.

Vous êtes dans la contradiction totale !

M. Christophe Naegelen.

Je ne vise pas non plus les hommes et les femmes qui ont fait le choix d’entreprendre, tous ces dirigeants de très petites entreprises (TPE), de petites et moyennes entreprises (PME) et de petites et moyennes industries (PMI) qui prennent des risques et qui contribuent à la vitalité de nos territoires.

M. Sylvain Maillard.

Il a raison !

M. Christophe Naegelen.

Au-delà de votre programme économique, je ne me retrouve pas non plus dans vos positions concernant les questions régaliennes, et il me paraît irresponsable d’affirmer que la police tue. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN et sur plusieurs bancs du groupe LR.) Heureusement, nous pouvons nous accorder sur certains points ; je pense notamment à la déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés, dont j’espère qu’elle sera défendue prochainement et votée unanimement, sans posture partisane…

M. Jean-Paul Lecoq.

Qui était dans la posture ? Dites-le donc ! Un peu d’audace !

M. Christophe Naegelen.

…dans le seul intérêt des Français – car, ne l’oublions pas, c’est par eux et pour eux que nous avons été élus.

M. Jean-Paul Lecoq.

Vous êtes dans la posture !

M. Christophe Naegelen.

Sans surprise, votre motion de censure sera largement rejetée ; nous ne participerons pas au vote. Son rejet permettra au moins, je l’espère, de nous mettre au travail dans l’intérêt des Français. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LIOT.)

M. Jean-Paul Lecoq.

Que de contradictions !

Mme la présidente.

La parole est à Mme Aurore Bergé, pour une durée maximale de cinquante minutes.

M. Pierre Cordier.

Cinquante minutes, comment est-ce possible ?

Mme la présidente.

C’est la répartition proportionnelle, cher collègue ! (Sourires.)

Mme Aurore Bergé.

Merci pour votre enthousiasme, monsieur le député !

M. Jean-Paul Lecoq.

L’avantage d’être dans la majorité c’est qu’on ne partage pas le temps de parole !

Mme Aurore Bergé.

« Le déni de réalité va tuer la démocratie ». Mais quelle est la réalité ? Nous examinons aujourd’hui une motion de censure, et non une motion de défiance. Si nous sommes ici, c’est parce que l’autoproclamé « tribun du peuple » – selon ses propres termes –, qui ne siège même pas à l’Assemblée, en a décidé ainsi (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES) : il vous a intimé l’ordre, madame la présidente et messieurs les présidents de l’opposition de gauche,…

Mme Ségolène Amiot.

Il vous manque vraiment !

Mme Aurore Bergé.

…de transformer nos débats en une affaire de procédure grâce au dépôt d’une motion de censure. Il vous met même en garde, vous, ses alliés politiques : il vous « en coûtera très cher » de ne pas suivre ses directives. La réalité, c’est qu’en bon démocrate, le tribun du peuple n’accepte le résultat des urnes que lorsqu’il lui est favorable. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem. – Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) Par quatre fois, pourtant, les Français lui ont dit non ; à deux élections présidentielles consécutives, il a été éliminé dès le premier tour de scrutin ; à deux élections législatives consécutives, il n’a pas obtenu la cohabitation tant espérée. Le naufrage aux législatives, c’est le vôtre : les Français ont dit non, non, et encore non. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.) Alors oui, monsieur Mélenchon, vous avez raison d’affirmer que le déni de réalité va tuer la démocratie ; mais la seule anomalie démocratique, c’est de refuser le verdict des Français. Nous avons un président fort (Protestations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES), le premier président qui ait été réélu en dehors d’une période de cohabitation (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.) Réélire le président : tel a été le choix des Français. Leur choix fut aussi de se doter d’un gouvernement en mesure d’agir, sous la direction de la Première ministre – laquelle n’aura perdu ni son calme ni sa détermination, malgré vos vociférations. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.) Permettez-moi de vous rappeler que l’hémicycle est – et doit rester – le cœur battant de la vie parlementaire et politique ; il n’est ni un campus, ni une ZAD – zone à défendre –, et nous ne le laisserons pas le devenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur plusieurs bancs du groupe Dem. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

M. Maxime Minot.

Ah bravo !

Mme Aurore Bergé.

La démocratie, enfin, c’est celle qui a renouvelé et rénové l’Assemblée, et qui lui offre l’occasion historique d’être un parlement fort, capable de compromis politiques sans jamais se compromettre. Penchons-nous justement sur les compromissions dont vous ne cessez de nous accuser. Qui déclare dans une interview : « Pourquoi la NUPES est-elle seule à voter une motion de censure, quand c’est le seul choix fidèle au vote des électeurs ? » C’est votre tribun du peuple, encore lui – toujours lui ! – qui appelle ainsi les voix du Rassemblement national à soutenir votre motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Mme Danièle Obono s’exclame.) Le porte-parole de la NUPES ne disait pas autre chose hier soir dans une interview, en affirmant : « Nous n’avons pas inscrit dans la motion de censure le SMIC à 1 500 euros pour que le Rassemblement national puisse la voter. » (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.)

M. Sébastien Chenu.

Tout le monde nous réclame !

Mme Aurore Bergé.

Voilà ce que vous êtes, et voilà avec qui vous souhaitez vous allier. Votre lune de miel, les Français en payeraient l’addition ! Je le dis et je le répète : pour la majorité, c’est non ; les compromis, oui ; la compromission, jamais, ni avec l’extrême droite, ni avec l’extrême gauche. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe FI.)

M. Maxime Minot.

Et nous alors ?

Mme Aurore Bergé.

Nous suivons une ligne claire et responsable : ni dette, ni impôts supplémentaires.
Nous voici donc contraints de reprendre un débat que les Français ont déjà tranché avec clarté et constance. Pourtant, nos concitoyens attendent autre chose de nous que des motions de procédure et de posture. Plutôt qu’une après-midi de discours, ils attendent des actes qui les protègent contre l’inflation, contre le dérèglement climatique ou contre l’insécurité.

Mme Karen Erodi.

L’État a été condamné deux fois pour inaction climatique !

Mme Aurore Bergé.

Les Français apprécieront votre sens des priorités et l’instrumentalisation de l’Assemblée à laquelle vous vous livrez.

Mme Karen Erodi.

Ils vous ont sanctionnés !

Mme Aurore Bergé.

Les plus modestes d’entre eux, ceux pour qui nous devons agir sans attendre, l’apprécieront sûrement plus encore. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.) Venons-en à l’argument que vous invoquez : le Gouvernement devrait être censuré pour ne pas avoir demandé de vote de confiance à l’Assemblée. Si vous avez parfaitement le droit de déposer une motion de censure, vous devez accepter que rien n’oblige le Gouvernement à solliciter un vote de confiance – c’est son droit, comme c’est le vôtre. Vous usez de votre droit, le Gouvernement aussi ; il faut vous faut l’accepter : c’est aussi cela, la Ve République et l’équilibre des pouvoirs. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.) De nombreux gouvernements n’ont d’ailleurs pas sollicité de vote de confiance sous la Ve République. Georges Pompidou ne l’a pas fait en 1966 et en 1967, et personne ne peut dire que les deux gouvernements en question n’ont pas su faire face et agir : ils sont à l’origine de la loi Neuwirth relative à la contraception, ou encore des accords de Grenelle. N’ont-ils pas permis à la France d’avancer ? De même, Michel Rocard n’a pas demandé de vote de confiance en 1988, et personne ne peut nier que son gouvernement a conduit des réformes profondes et durables – j’espère que ce constat est encore partagé sur certains bancs à gauche. Son gouvernement a créé le revenu minimum d’insertion (RMI) et a instauré la contribution sociale généralisée (CSG). N’était-il pas légitime pour mener des réformes ?
À vous écouter, madame la présidente et messieurs les présidents des groupes d’opposition de gauche, tous les gouvernements devraient invariablement solliciter un vote de confiance.

Mme Danièle Obono.

C’est inscrit dans la Constitution !

Mme Aurore Bergé.

Vous avez le droit de le proposer, à condition de mener le débat à son terme : rappelons que l’obligation du vote de confiance prévalait sous la IVe République, avec le succès que l’on sait. Mais peut-être n’êtes-vous pas tous favorables à un retour à la IVe République – comme au sujet du nucléaire, vos programmes ont nettement évolué ou se sont amplement contredits et reniés entre l’élection présidentielle et les élections législatives…

M. Raphaël Schellenberger.

Un peu comme entre La République en marche et Renaissance !

Mme Aurore Bergé.

Un retour à la IVe République, telle est pourtant la logique que vous défendez, tous ensemble, par votre motion de censure et par vos arguments.
Venons-en à votre projet, aux solutions alternatives que vous proposez pour la France et à leurs conséquences. Le plein-emploi est atteignable à la fin du quinquennat, et avec lui, la capacité de s’affranchir des assignations – qu’il s’agisse des inégalités sociales et territoriales ou des discriminations, fondées notamment sur le genre ou l’origine. Il n’est pas de politique de liberté et d’égalité plus forte que celle qui mène un pays au plein emploi. Pour y parvenir, nous avons besoin d’une économie en croissance, sans augmentation des impôts ni de la dette. Telle est notre renaissance : en finir définitivement avec le chômage de masse.

M. Jocelyn Dessigny.

Bla bla bla !

Mme Danièle Obono.

Une renaissance depuis cinq ans !

Mme Aurore Bergé.

Que proposez-vous ? Tout simplement d’y retourner. Votre programme a été analysé par des experts, y compris de gauche : les nouvelles charges que vous préconisez pour les entreprises suffiraient à provoquer un retour immédiat à un chômage à 10 % et une fuite des investissements étrangers,…

M. Sébastien Delogu.

C’est faux !

Mme Aurore Bergé.

…alors que ceux-ci atteignent des niveaux record, mis en lumière aujourd’hui encore par Choose France. Si l’on y ajoute vos autres mesures, c’est un véritable scénario à la grecque que vous promettez aux Français.

Mme Ségolène Amiot.

Vous, vous tuez les services publics !

Mme Aurore Bergé.

Les services publics n’ont pas d’autre réalité que le financement qu’on leur accorde. On n’achète pas l’école, pas plus qu’on n’achète la santé : on les finance.

M. Louis Boyard.

C’est là qu’interviennent McKinsey et les experts !

Mme Aurore Bergé.

À un euro de financement correspond un euro de service public, et ce financement provient de la richesse que l’on crée. Pour notre part, nous disons la vérité aux Français : un monde où chacun gagne au loto n’existe pas, et ce n’est que par le travail que l’on crée de la richesse. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.) Il faut donc travailler collectivement davantage, en réduisant le chômage et en réformant les retraites, pour nous doter des moyens de refonder l’école et de renforcer l’accès universel aux soins dans tous les territoires.
Que proposez-vous ? Le contraire. Vous affirmez que nous travaillerons tous moins, mais que nous serons collectivement plus riches. Vous ajoutez que nous serons certes moins riches, mais que nous dépenserons comme si nous l’étions davantage.

Mme Ségolène Amiot.

Absolument pas !

Mme Aurore Bergé.

J’en viens à l’école. Que propose votre programme pour la refonder ? Une heure trente de classe autogérée par semaine en primaire ! Voilà une façon pour le moins originale de résoudre les problèmes de recrutement : une école sans professeur, il fallait y penser, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

M. Erwan Balanant.

On a dédoublé les classes en réseau d’éducation prioritaire !

Mme Aurore Bergé.

Quant à la santé, quels financements proposez-vous ? Vous promettez tout, tout à la fois, mais on ne soigne pas avec des promesses. (Exclamations continues sur plusieurs les bancs du groupe LFI-NUPES.) Nos engagements sont clairs : avant que la suppression du numerus clausus produise ses effets, nous devons agir sur tous les leviers pour mieux soigner, partout. Cela passera par de la prévention, par la diminution du temps administratif au profit du temps utile passé auprès des patients, par la montée en compétences de toutes les professions médicales, par l’attractivité renforcée des métiers de la santé, et encore par une offre de soins adaptée à chaque territoire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – Mme Ségolène Amiot s’exclame.)

M. Sylvain Maillard.

Eh oui !

Mme Aurore Bergé.

La transition écologique repose sur une question centrale : comment sortir des énergies fossiles ? Comment décarboner ? La France a la chance de posséder une source d’énergie qui le permet : le nucléaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) C’est pour cela que nous devons développer et renforcer notre parc. Or vous proposez tout simplement de nous passer du nucléaire : ce faisant, vous mentez aux Français et vous mettez leur avenir en péril.
Concernant votre politique agricole, vous ne cessez de mettre en accusation ceux qui nous nourrissent, alors que notre agriculture est la plus saine et la plus durable au monde. (Mêmes mouvements.) Nous devrions nous en réjouir ! Sortez un instant des territoires où vous êtes élus, et acceptez d’échanger avec les agriculteurs : ils vous expliqueront concrètement comment ils travaillent et combien ils ont progressé. Ils font la fierté de notre pays. Nous les applaudissons, quand vous préférez les conspuer ! (Mêmes mouvements.) Prenons deux mesures de votre programme : vous proposez de ne plus utiliser aucun engrais ou pesticide, et d’imposer une production agricole à 100 % bio. Mais pour quelle production ? À l’avenir, comment pourrons-nous nourrir les Français et exporter, alors que nous encourons un risque de pénurie mondiale ? L’exemple que vous prônez est celui de la déliquescence du Sri Lanka, ni plus, ni moins ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

M. Sylvain Maillard.

Exactement !

Mme Aurore Bergé.

Ce sont des famines, des risques de pénurie et des habitants qui ne peuvent plus s’alimenter ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.) Puisque nous évoquons ceux que vous insultez, je l’affirme haut et fort : nous défendons notre police républicaine, et nous ne défilons pas avec des pancartes qui prétendent que la police tue. La police et la gendarmerie sont notre honneur, et nous les soutenons. (Mêmes mouvements.)

M. Sébastien Delogu.

Vous n’avez pas honte !

Mme Aurore Bergé.

Enfin, notre souveraineté passe par l’Europe, ne vous en déplaise – car c’est aussi elle qui nous protège. Vous proposez au contraire de l’abandonner, puisque désobéir aux traités européens, c’est sortir de l’Europe. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe RE.) Comment le Brexit est-il survenu ? Il est né le jour où le Royaume-Uni a décidé qu’il devait désobéir aux traités, ni plus ni moins. Telle est la réalité des faits. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Si la France avait désobéi, nous n’aurions pas eu la taxe carbone aux frontières ni la régulation des plateformes pour lutter contre la haine en ligne ; nous n’aurions pas eu non plus de consensus pour soutenir l’Ukraine contre l’agression russe. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.) Notre souveraineté – sur ce point aussi, vous vous rejoignez –, vous proposez de l’abandonner et, comme avec l’Ukraine, de la convertir en roubles. À l’extrême droite, vous êtes débiteurs de la Russie, qui n’est autre que votre banque (Protestations sur bancs du groupe RN) ; à l’extrême gauche, vous nous rêvez encore en satellite de l’ex-URSS ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)

Plusieurs députés du groupe RN.

Et Uber ? Et McKinsey ?

Mme Aurore Bergé.

Je suis ravie de montrer à quel point les deux bords opposés de cet hémicycle sont en réalité d’accord.
La réalité de votre programme est claire : la démocratie à la cubaine, un scénario économique à la grecque, la transition écologique du Sri Lanka et la diplomatie russe ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.) Je ne doute pas que votre tribun du peuple compense le bilan carbone de ses nombreux voyages d’étude, mais ici, oui, nous croyons fermement à notre démocratie, à notre indépendance et à l’affirmation de notre souveraineté.
Au-delà de vos vociférations, cette motion de censure a une vertu, et une seule : celle de rappeler, par votre vote minoritaire, que Jean-Luc Mélenchon a perdu une fois encore la présidentielle, que vous avez perdu une fois encore les législatives et que si notre majorité est relative, vous êtes, quant à vous, en minorité absolue. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.) Par ce vote, nous tournons définitivement, et c’est heureux, la page des élections, et nous nous engageons dans la seule voie qui compte, celle qui consiste à travailler avec toutes les forces de l’arc républicain pour les Français, pour améliorer leur quotidien. C’est ce à quoi nous nous engageons ! (Les députés du groupe RE se lèvent et applaudissent. – Les députés des groupes Dem et HOR applaudissent également.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Alexandre Loubet.

M. Alexandre Loubet.

Madame la Première ministre, chacun, ici, mesure la gravité de la situation de notre pays et la responsabilité qui incombe à votre gouvernement, mais aussi à chacun d’entre nous ici présents. Nous traversons déjà une crise sociale, économique et sécuritaire.

Mme Ségolène Amiot.

Démocratique !

M. Alexandre Loubet.

Nous n’avons pas besoin d’une crise de régime. C’est pourquoi les députés du Rassemblement national ne soutiendront pas cette motion de censure. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)

Mme Ségolène Amiot.

Vous faites une belle opposition !

M. Alexandre Loubet.

Je veux m’adresser aux députés de l’extrême gauche NUPES : l’heure n’est pas aux basses manœuvres politiciennes (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES) mais à l’action au service des Français. Face aux difficultés des fins de mois qu’affrontent des dizaines de millions de nos compatriotes, nous nous apprêtons à examiner un projet de loi essentiel pour améliorer leur pouvoir d’achat. Même si ce texte n’est pas suffisant, nous devons le voter. (Sourires et exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)

M. Jean-Paul Lecoq.

Déjà complice !

M. Alexandre Loubet.

Or, voter votre motion de censure reviendrait à priver les Français de ces mesures de soutien durant de nombreux mois…

Mme Danièle Obono.

Vous êtes une opposition en carton !

M. Alexandre Loubet.

…et à enfoncer beaucoup d’entre eux dans une précarité extrême. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) En réalité, vous, députés de l’extrême gauche NUPES, vous vous moquez de défendre les Français. (Même mouvement.)

M. Jean-Paul Lecoq.

On n’a pas attendu que vous arriviez !

M. Alexandre Loubet.

Votre agenda idéologique et la soif de pouvoir indécente de Jean-Luc Mélenchon…

Plusieurs députés du groupe LFI-NUPES.

Il n’est pas là.

M. Alexandre Loubet.

…démontrent que vous méprisez le peuple. Vous voulez faire sauter les institutions, vous voulez l’anarchie, l’impuissance des pouvoirs publics et la violence de la rue ! Vous êtes les héritiers de cette extrême gauche qui ne veut pas gouverner, qui a toujours détesté les institutions de la Ve Répubique et qui veut la détruire. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Vous rêvez d’instaurer une improbable VIe République (« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES) et, en vous observant, il est facile de deviner à quoi elle ressemblerait. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Avec la NUPES, l’opposition ne serait pas respectée : vous refusez de serrer la main aux députés du Rassemblement national.

M. Louis Boyard.

Oui ! (« C’est une honte ! » sur les bancs du groupe RN.)

M. Alexandre Loubet.

Avec la NUPES, l’égalité entre les femmes et les hommes ne serait qu’un lointain souvenir : vous militez pour le burkini et vous vous soumettez au communautarisme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Protestations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) Avec la NUPES, l’insécurité se propagerait en toute impunité : vous voulez vider les prisons et vous insultez, avec vos amis Traoré, les forces de l’ordre.
Avec la NUPES, l’immigration exploserait : vous voulez ouvrir les frontières et régulariser tous les sans-papiers.

Mme Danièle Obono.

Ah ! Voilà !

M. Alexandre Loubet.

Avec la NUPES, le matraquage fiscal s’amplifierait : vous défendez un endettement insoutenable, à hauteur de centaines de milliards d’euros supplémentaires.
Avec la NUPES, le réchauffement climatique s’accélérerait (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Rires et exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES) : vous voulez fermer les centrales nucléaires décarbonées mais vous n’avez aucune alternative crédible non polluante pour les remplacer.
Votre motion de censure n’a aucunement pour but de défendre la France et les Français ; elle vise seulement à faire avancer votre projet de déconstruction. Ne comptez donc pas sur les députés du Rassemblement national pour paralyser la Ve République et pour apporter le moindre soutien à votre dangereux projet, car il aggraverait tous les maux dont souffrent déjà les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Quelle hypocrisie, d’ailleurs, de vouloir faire sauter un gouvernement que vous avez mis au pouvoir ! (Les députés du groupe RN se lèvent et applaudissent. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.) Car, en réalité, cette motion de censure est une motion d’imposture : vous cherchez à faire oublier votre appel à voter Emmanuel Macron dès le soir du premier tour de l’élection présidentielle. (« Hou ! » sur les bancs du groupe RN.)

M. Jocelyn Dessigny.

Eh oui, c’est vous qui l’avez fait élire : vous êtes des bouffons !

M. Alexandre Loubet.

Mais nous sommes là et, pendant cinq ans, nous serons là pour rappeler que vous êtes responsables de la réélection d’Emmanuel Macron ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Vous êtes et vous resterez les responsables de la mise en place de ce gouvernement. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.) Vous êtes et vous resterez les responsables du saccage social, de la retraite à 65 ans, du démantèlement des services publics, des délocalisations, de l’insécurité croissante et de l’explosion migratoire. (Mêmes mouvements.) Vous, les Verts, qui avez appelé à voter pour Emmanuel Macron, vous, les socialistes, qui avez appelé à voter pour Emmanuel Macron, vous, les communistes, qui avez appelé à voter pour Emmanuel Macron, vous, les Insoumis, qui avez appelé à voter pour Emmanuel Macron, pouvez-vous vous regarder dans un miroir ? Vous aurez beau huer et mal vous comporter dans cet hémicycle, nous serons là pour rappeler que vous êtes et que vous resterez les responsables de sa réélection. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Une fausse opposition !
Ne vous en déplaise, l’élection présidentielle et les élections législatives ont confirmé que le Rassemblement national est bien la première force d’opposition à la politique d’Emmanuel Macron. (Les députés du groupe RN se lèvent et applaudissent de manière prolongée. – « Non ! » sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.) Regardez ces bancs, car ils seront dignes du choix démocratique qu’a fait le peuple.
La détresse sociale, économique et sécuritaire des Français impose des réponses urgentes. Cette détresse serait aggravée en cas de crise institutionnelle. En ne votant pas pour votre motion de censure, les députés du Rassemblement national prennent une décision responsable : nous faisons passer le pays avant les partis, ce qui n’est pas votre cas. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Mais ne croyez pas pour autant que notre opposition faiblira face à la politique d’Emmanuel Macron. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.) Ainsi, je regrette, madame la Première ministre, que votre intervention, la semaine dernière, ait été plus proche de la présentation du rapport moral d’une administration froide et technocratique que du discours de la Première ministre de la sixième puissance mondiale. Je déplore également l’exercice d’autosatisfecit indécent auquel nous avons assisté qui démontre la déconnexion des réalités d’un gouvernement borné, décidé à ne rien changer. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) En réalité, vos actes contredisent vos promesses.

Mme Ségolène Amiot.

Les vôtres aussi !

M. Alexandre Loubet.

Je vais prendre un exemple. Alors que vous n’avez que le mot « écologie » à la bouche, et c’est très bien, vous voilà contraints de relancer la centrale à charbon de Saint-Avold, dans ma circonscription, en Moselle, pour éviter une coupure massive d’électricité. Je salue, du reste, le dévouement des salariés de cette centrale, qui vont reprendre le travail pour assurer la sécurité de l’approvisionnement électrique du pays que vous avez mise à mal par la fermeture de Fessenheim, par cinq ans de tergiversation sur le nucléaire, par une politique énergétique inexistante et incohérente. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Dans la lignée des socialistes, vous avez sacrifié notre indépendance énergétique par pur clientélisme électoral.

M. Rémy Rebeyrotte.

Et comment va votre ami Poutine ?

M. Alexandre Loubet.

Je pourrais multiplier les exemples qui démontrent votre double langage, ce « en même temps » permanent qui dissimule des non-décisions derrière la communication. Je pense à la déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés, à l’expulsion des étrangers condamnés ou à la tenue d’un référendum lors du précédent quinquennat. Toutes ces mesures ont été annoncées, mais rien, pour le moment, n’a été fait.
Je pourrais multiplier les exemples qui démontrent votre double langage et les trahisons masquées par votre communication : Alstom, Technip, Lafarge, Alcatel ont été bradés tandis que McKinsey et Uber ont été favorisés. Vous avez nommé ministre de la souveraineté industrielle un partisan de l’abandon par la France de son siège au Conseil de sécurité des Nations unies. On marche sur la tête !
Par le cynisme et la technocratie qui vous caractérisent, vous condamnez la France au déclin et les Français au déclassement.
En refusant de baisser les taxes sur les carburants, de supprimer la TVA sur les produits de première nécessité ou, à tout le moins, de maintenir le rabais de 18 centimes sur le plein d’essence, vous condamnez les Français à voir leur pouvoir d’achat chuter.
En refusant de maintenir les services publics de proximité, de lutter contre les déserts médicaux et d’investir autant dans nos campagnes que dans nos banlieues, vous condamnez les Français de la ruralité à l’abandon.

M. Rémy Rebeyrotte.

Démagogie !

M. Alexandre Loubet.

En refusant de préserver un système de retraite juste, de réformer une fiscalité devenue opaque et confiscatoire, d’exonérer de cotisations patronales les entreprises qui augmentent les salaires, vous condamnez les Français à la précarité.
En refusant de mener une politique de patriotisme économique qui défend notre agriculture, nos TPE, nos PME, nos industries, vous condamnez les Français à assister à l’affaiblissement de leur économie.
En refusant de rouvrir des lits hospitaliers et de réintégrer des milliers de soignants non vaccinés (Applaudissements sur les bancs du groupe RN) …

M. Rémy Rebeyrotte.

Voilà le populisme !

M. Alexandre Loubet.

…vous condamnez les Français – ne vous en déplaise, cher monsieur – à subir des restrictions liberticides face au covid-19.
En refusant de rompre avec le laxisme judiciaire, d’expulser tous les délinquants étrangers et de dénoncer la haine anti-flics des Traoré, vous condamnez les Français à l’ensauvagement.
En refusant de pénaliser les idéologies islamistes, de fermer les mosquées radicales ou d’expulser les fichés S étrangers – en ce moment même, vous rapatriez en France des djihadistes –…

M. Erwan Balanant.

Mais ce sont des enfants !

Mme Danièle Obono.

Des enfants français !

M. Alexandre Loubet.

…vous condamnez les Français à la soumission et à l’obscurantisme.
En refusant de stopper la submersion migratoire, légale comme illégale, qui met en péril le droit du peuple français à la continuité historique, vous condamnez les Français à la disparition.
En refusant de restaurer un État fort, notre indépendance, notre souveraineté nationale, diplomatique, énergétique, économique, industrielle, vous condamnez les Français à la tiers-mondisation et la France à la marginalisation. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Comme ne cesse de l’affirmer Marine Le Pen,…

Plusieurs députés du groupe LFI-NUPES.

Elle n’est pas là !

M. Alexandre Loubet.

…nous, les députés du Rassemblement national, avocats du peuple…

M. Rémy Rebeyrotte.

Et de l’Algérie française !

M. Alexandre Loubet.

… nous sommes conscients de la responsabilité qui est la nôtre. Les Français regardent les députés, quels que soient leur engagement politique et les bancs sur lesquels ils siègent, et ils attendent que nous répondions à leurs préoccupations.
Nous, les députés du Rassemblement national, sommes déterminés à concourir à l’effort national, mais nous veillerons en permanence à répondre aux inquiétudes et aux attentes des Français ainsi qu’à défendre l’intérêt de la France.
Alors, madame la Première ministre, qu’attendez-vous pour appliquer les mesures que je viens d’énumérer ? Au cours des cinq prochaines années, nous nous opposerons à vos mesures nocives, mais nous n’hésiterons pas à amender puis à voter les mesures qui iront dans le bon sens, à l’instar du projet de loi sur le pouvoir d’achat. Nous voulons faire avancer le pays et servir les Français.
Contrairement à l’extrême gauche NUPES, nous serons fidèles à l’esprit gaullien de la Ve République.

M. Rémy Rebeyrotte.

À l’Algérie française plutôt qu’à de Gaulle !

M. Alexandre Loubet.

Nous serons une opposition digne, qui ne salira pas les institutions de l’Assemblée nationale (Applaudissements sur les bancs du groupe RN) ; une opposition ferme qui ne transigera pas avec les valeurs de la République ; une opposition constructive qui ne s’abaissera pas à faire de l’obstruction stérile. Notre refus de voter cette motion de censure en témoigne.
Madame la Première ministre, soyez bien consciente cependant, que si, pour les raisons que je viens d’exposer, nous ne voterons pas aujourd’hui la motion de censure, nous ne nous interdisons rien à l’avenir.
En effet, nous n’hésiterons pas à recourir à cet outil que l’État de droit donne à l’opposition si les intérêts des Français ou ceux de la France venaient à être grandement menacés.
Le groupe Rassemblement national…

Mme Danièle Obono.

Le groupe RN ne sert à rien !

M. Alexandre Loubet.

…est fort des différentes sensibilités, origines et professions des quatre-vingt-neuf députés qui le composent. Il est à l’image du peuple français. Ce sont ces députés que le ministre Gérald Darmanin ose scandaleusement qualifier d’« ennemis ». (Huées sur plusieurs bancs du groupe RN.) Il devrait avoir honte ! Je regrette qu’il ne soit pas dans cet hémicycle car j’aurais aimé le lui dire. Ses postures sont basses et indignes d’un ministre ! C’est un honneur pour moi de siéger aux côtés des députés du Rassemblement national… (Applaudissements sur les bancs du groupe RN)

M. Sébastien Delogu.

Pas pour nous !

M. Alexandre Loubet.

… aux côtés de ces femmes et de ces hommes dont la modestie, les convictions et l’amour du pays forgent la détermination à rendre à la France sa grandeur et aux Français leur bonheur !

M. Rémy Rebeyrotte.

Et les valeurs d’extrême droite !

M. Alexandre Loubet.

Madame la Première ministre, telle sera la ligne des députés de notre groupe présidé par Marine Le Pen. (« Elle est où ? » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) Au nom du peuple français, nous serons fiers de défendre cette « certaine idée de la France » à la tribune de l’Assemblée nationale. (Les députés du groupe RN se lèvent et applaudissent.)

Mme la présidente.

La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard.

N’en déplaise à certains, Jean-Luc Mélenchon n’a pas été nommé Premier ministre. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Pour parler franchement, c’est une bonne nouvelle, une très bonne nouvelle ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.) En effet, cette fonction nécessite d’avoir, chevillée au corps, la volonté de rassembler. Il faut rassembler un pays fracturé par cinq années de politique trop souvent erratique, déconnectée du réel et – il faut le dire – largement inefficace.
Aujourd’hui, dignes héritiers de leur chef de file, les députés de la NUPES s’allient pour proposer dans cet hémicycle ce qu’ils savent faire le mieux : fracturer. Ils le font au détour d’une motion de censure déposée contre votre gouvernement, afin de mettre à genoux votre légitimité, madame le Premier ministre.
Il s’agit donc d’une stratégie résolument offensive – pour ne pas dire d’une stratégie de blocage qui vise à nous faire obéir à un homme – vous voyez de qui je parle –, alors que, comme l’a si bien formulé la philosophe Simone Weil, « l’obéissance à un homme dont l’autorité n’est pas illuminée de légitimité, c’est un cauchemar ».
Si la tentation de se pousser du col est grande et que la gauche y a succombé, il me semble qu’il a une autre façon de servir la France et les Français. Elle n’a rien de révolutionnaire et requiert simplement la volonté de travailler tous ensemble au bien commun de notre pays qui s’engage – c’est vrai – sur des chemins escarpés et même périlleux. Au pied d’un mur d’inflation qui se dresse devant nous chaque jour plus haut, face à un pouvoir d’achat en chute libre et à un épuisement démocratique qui peut à tout instant jeter nos compatriotes dans la rue pour réclamer leur dû, à savoir, la justice sociale, la sécurité, un système sanitaire résilient, une immigration contrôlée – et j’en passe.
Madame le Premier ministre, ce dû vous oblige. Si je ne fais pas partie de ceux qui contestent votre légitimité, je suis de ceux qui vont vous demander des comptes, de ceux qui n’ont pas perçu dans votre discours de politique générale le souffle de la renaissance annoncée. C’était même plutôt tout l’inverse : une litanie de vieilles recettes versées dans de vieux pots sur lesquels vous faites à peine l’effort de changer les étiquettes.
Tout y est passé, ou presque. Vous voulez renforcer la cohésion dans les territoires ; cependant les collectivités locales, et les premières d’entre elles, les communes, auront-elles enfin les coudées franches pour rendre plus efficaces les politiques qui les concernent au premier chef, qu’il s’agisse des quartiers prioritaires, de la réhabilitation de nos centres-villes ou de l’évaluation des valeurs locatives effectuées par l’administration fiscale ?
Vous annoncez 15 000 places supplémentaires en prison ; cet engagement a déjà été pris par Emmanuel Macron il y a cinq ans, or à peine plus de 2 000 places ont été réellement construites. Pourquoi donc vous croire aujourd’hui ?
Vous prônez une immigration contrôlée ; là encore, comment ne pas applaudir ? En même temps, comment ne pas se souvenir ? En cinq ans, les chiffres de l’immigration ont explosé. L’an dernier, seules 9,3 % des obligations de quitter le territoire français ont été exécutées, en incluant les retours volontaires et spontanés.
Comment ne pas se demander à quoi a servi le précédent quinquennat, quand vous annoncez déjà de grandes réformes sur le climat, le plein emploi, l’école, la santé, les territoires, l’insécurité, la souveraineté nationale, autant de sujets déjà examinés, manifestement en pure perte ? Alors, vous n’écoutiez personne, vous refusiez systématiquement d’entendre vos oppositions sous le seul prétexte que nous étions votre opposition ! L’individualisation de l’allocation aux adultes handicapés en est l’exemple le plus criant : nous n’avons cessé de la réclamer ; vous n’avez cessé de la refuser ; vous acceptez désormais enfin de la mettre en place. Que de temps perdu !
Au lieu de faire preuve d’audace, d’imagination, au lieu de vous affranchir du bavardage des uns et des autres, vous avez préféré tendre la main, ou plutôt, le bout des doigts, à quelques présidents de groupes parlementaires au mépris de la France insoumise et du Rassemblement national. Comme si les députés de ces groupes n’étaient pas légitimement élus, comme s’ils n’étaient pas assez républicains ! C’est une nouvelle gifle infligée à leurs électeurs qui, comme tous en France, rêvent simplement d’être entendus et d’exister. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Madame le Premier ministre, vous avez devant vous un hémicycle profondément renouvelé qui porte la voix des Français dans leur diversité, avec leurs inquiétudes, leurs besoins et leurs impératifs. Nous sommes nombreux ici à vouloir rattraper le temps perdu et répondre de toute urgence à leur appel.
Vous l’avez compris : je ne voterai pas cette motion de censure.
Vous avez devant vous un hémicycle à conquérir en faisant preuve de courage, d’écoute et d’humilité. La balle est dans votre camp.

Mme la présidente.

La discussion est close.
Je vais maintenant mettre aux voix la motion de censure.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je rappelle que seuls les députés favorables à la motion de censure participent au scrutin, et que le vote se déroule dans les salles voisines de l’hémicycle.
Le scrutin va être ouvert pour trente minutes : il sera donc clos à dix-huit heures quarante.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente.

La séance est suspendue. (La séance, suspendue à dix-huit heures dix, est reprise à dix-huit heures quarante-cinq.)

Mme la présidente.

La séance est reprise.
Voici le résultat du scrutin :
Majorité requise pour l’adoption de la motion de censure, soit la majorité absolue des membres composant l’Assemblée 289
Pour l’adoption 146
La majorité requise n’étant pas atteinte, la motion de censure n’est pas adoptée. (Applaudissements sur quelques bancs RE et RN.)

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