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XVIe législature
Session extraordinaire de 2021-2022
Séance du lundi 11 juillet 2022
1e séance
Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
La séance est ouverte. (La séance est ouverte à seize heures.)
1 • Motion de censure
Discussion et vote
L’ordre du jour appelle la discussion et le vote sur la motion
de censure déposée, en application de l’article 49, alinéa 2, de
la Constitution, par Mme Mathilde Panot, MM. Boris Vallaud et Julien
Bayou, Mme Cyrielle Chatelain, M. André Chassaigne et 145 de leurs
collègues.
La parole est à Mme Mathilde Panot.
Il est logique que le refus de la confiance récolte la défiance.
Oh…
Nous voici enfin de retour en démocratie parlementaire. Pour résumer, madame la Première ministre, vous avez été nommée par le Président de la République en mai ; au lendemain du naufrage des législatives, vous lui présentiez votre démission ; le président vous a maintenue en poste, alors même que vos idées sont minoritaires dans le pays :…
Les vôtres aussi !
Vous ne tirez donc votre légitimité ni des élections législatives, ni du Parlement, à qui vous n’avez pas demandé s’il vous faisait confiance pour conduire la politique de la nation. En d’autres termes, vous êtes, à cette fonction, une anomalie démocratique. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur quelques bancs des groupes Écolo-NUPES et GDR-NUPES. – Protestations sur les bancs du groupe Dem.)
Ça va pas ?
Scandaleux !
La semaine dernière, vous avez longuement parlé : une heure et demie de déclarations alternant truismes, flagornerie, clins d’œil appuyés et subtils à certains de mes collègues, vaines tentatives de diviser la NUPES, mots creux dont la Macronie raffole – territoires, égalité des chances, des destins, bâtir ensemble, avancer – pour mieux emballer une ligne ultralibérale qui ne vous a jamais quittée. Car oui, votre déni de réalité continue :…
Le vôtre aussi !
…on trouve dans votre discours une ressemblance frappante avec celui d’Emmanuel Macron, en mars, concernant son programme présidentiel. Sauf que c’était il y a déjà quatre mois ! Depuis, vous vous êtes engouffrés dans une ellipse temporelle pour effacer votre défaite…
Et vous ! Le pire score de l’union de la gauche !
Depuis, Mélenchon a perdu la présidentielle !
Votre déclaration, c’est l’insoutenable continuité de votre
projet, entre autosatisfecit et congratulations. Vous prononcez cinq
fois le mot « compromis », madame la Première ministre, mais pas
l’ombre d’un regret des cinq années passées.
Pourtant,
vous simulez un rétropédalage : votre ministre de l’intérieur
nous dit, dans la presse, que la situation « consiste à corriger,
sans doute, un certain nombre de choses programmatiques, de
comportements que nous avons eus. » Vous-même, madame la Première
ministre, nous avez dit : « Les Français […] nous demandent
d’agir, et d’agir autrement. […] Ils nous invitent à des
pratiques nouvelles. » C’est là que la grande énigme commence :
de quelles pratiques parlez-vous ? Quelles sont ces choses
programmatiques à corriger ?
Il n’est pas une mesure que vous
ayez reniée dans votre déclaration. Votre arrogance vous empêche
toute forme de désaveu,… (Exclamations sur les bancs du groupe
RE.)
Et la vôtre ?
…cette même arrogance qui a précédé votre débâcle. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Alors voici venu le moment de vérité : cette motion de défiance tiendra lieu de clarification politique. Puisque vous n’avez rien changé sur le fond, que votre programme de malfaisance sociale et écologique est intact, ce vote permettra de distinguer ceux qui souhaitent servir de béquille au pouvoir, ou qui ne font que semblant de s’y opposer, de ceux qui défendent une réelle alternative pour le pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur quelques bancs des groupes Écolo-NUPES et GDR-NUPES.) À ce sujet, le porte-parole de votre gouvernement et vous, madame la Première ministre, parlez d’une « motion de posture ». Comme toujours, vous inversez la responsabilité ! Sachez, madame la Première ministre, que défendre la démocratie n’a rien d’une posture – mais cela échappe peut-être à votre pensée complexe. Pendant cinq ans, vous avez méprisé la démocratie : pendant la pandémie, vous avez gouverné sous état d’urgence sanitaire, à travers un conseil de défense couvert par le secret-défense ; à toutes les manifestations de colère du peuple, vous avez eu pour seule réponse la matraque. Les gilets jaunes demandaient un référendum d’initiative citoyenne et une vie digne, il y eut trente-deux éborgnés, cinq mains arrachées et la mort de Zineb Redouane. Aux Guadeloupéens qui demandaient des moyens en matière de santé, des mesures contre la vie chère et le droit à l’eau, vous avez envoyé le groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) et l’unité recherche assistance intervention dissuasion (RAID). Aux écologistes qui luttent pour la survie de l’humanité, vous avez répondu par une pluie de procès et de perquisitions. C’est savoureux venant de vous, qui avez confondu le Parlement avec la chambre d’enregistrement des desiderata du Président. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur quelques bancs du groupe GDR-NUPES.)
J’adore !
Le temps où vous considériez la démocratie comme accessoire est révolu. À l’inverse d’une posture, cette motion de défiance vise à démasquer les impostures. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)
L’imposture, c’est vous !
Car oui, elle tient lieu de clarification : ceux qui ne voteront pas cette motion de défiance seront les partisans de votre politique. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo-NUPES.) Avec vous, aucune mise à contribution des plus riches, ni des grandes multinationales ! 100 % des entreprises du CAC40 ont reçu des aides publiques. L’année dernière, les deux tiers ont battu leurs records de profits, et leurs actionnaires vont recevoir plus de 80 milliards d’euros. Dans le projet de loi de finances rectificative, vous leur faites pourtant encore cadeau de 8 milliards d’euros, sans contrepartie sociale, écologique ou en matière d’égalité des genres.
Vous avez fait élire Macron ! Vous êtes une imposture !
À vous entendre, les incantations suffisent ! Vous nous dites, madame la Première ministre : « Le pouvoir d’achat est un combat collectif. […] J’attends des employeurs qui le peuvent qu’ils prennent leurs responsabilités. » En d’autres termes, aucune contrainte ne pèsera sur les entreprises. À l’inverse, les allocataires du RSA, eux, auront désormais des devoirs en contrepartie de leurs droits.
C’est normal !
Par conséquent, ceux qui ne voteront pas la motion seront les partisans de votre politique en faveur des riches et du RSA conditionné à des heures d’activité gratuites. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur plusieurs bancs des groupes Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)
Grâce à vous ! Grâce à la NUPES !
Dans le projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, vous alignez les exonérations de cotisations. Avec les primes prévues, vous donnez des miettes aux salariés en lieu et place d’augmentations de salaires.
C’est vous qui avez fait élire Macron !
Ceux qui ne voteront pas la motion seront donc d’accord avec la mise à sac de la sécurité sociale et la stagnation des salaires. (Mêmes mouvements.) Le plus risible, c’est que vous agitez à tout bout de champ la menace de la dette, tout en liquidant méthodiquement les recettes de l’État. Quand on veut tuer son chien, on l’accuse d’avoir la rage :…
C’est nous, le vaccin ! Pas vous !
…avec toutes ces mesures, vous privez la puissance publique de
milliards d’euros, pour mieux justifier ensuite votre infâme
réforme des retraites. J’en conclus que ceux qui ne voteront pas
la motion seront les partisans de la retraite à 65 ans.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur plusieurs
bancs des groupes Écolo-NUPES, GDR-NUPES et SOC.) Vous singez l’État
stratège en annonçant la renationalisation d’EDF. En réalité,
c’est la dernière station avant le dépôt de bilan ! Votre
politique énergétique hasardeuse a précipité notre fleuron
national au bord de la faillite : à la fin de l’année, le groupe
pourrait être endetté de 70 milliards d’euros. Comme toujours,
vous socialisez les pertes et vous privatisez les profits. Une fois
aux manettes d’EDF, plus rien ne vous empêche d’enclencher le
plan Hercule, si cher à Emmanuel Macron. Alors quelle ironie de voir
ceux qui jouent à longueur de journée les défenseurs de
l’industrie et de la souveraineté nationale s’apprêter à
cautionner cette gabegie ! (« Ah… » sur les bancs du groupe RN.)
En d’autres termes, ceux qui ne voteront pas la motion seront
d’accord avec la destruction de notre principal outil de
planification énergétique. (Applaudissements sur les bancs du
groupe LFI-NUPES et sur plusieurs bancs des groupes Écolo-NUPES et
GDR-NUPES.) Emmanuel Macron disait récemment que le quinquennat
serait écologique ou ne serait pas. Vous avez donc choisi : il ne le
sera pas. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Là encore, il y
a les mots et les actes. Les mots, c’est vous, madame la Première
ministre, qui dites : « Nous serons la première grande nation
écologique à sortir des énergies fossiles. » Les actes, ce sont
vos députés européens qui votent en faveur du projet de taxonomie,
qui vise à considérer le gaz et le nucléaire comme des énergies
vertes. Les actes, c’est votre gouvernement qui a inscrit dans le
projet de loi « pouvoir d’achat » un article en faveur du gaz de
schiste américain. Les actes, c’est ce cadeau à TotalEnergies et
Engie, qui n’auront même pas à souffrir d’une étude d’impact
environnemental. Et rien sur la sobriété énergétique ou le
développement des énergies renouvelables ! Ceux qui ne voteront pas
la motion seront donc les complices de votre inaction climatique.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur plusieurs
bancs du groupe Écolo-NUPES.) Certes, il y a une chose sur laquelle
vous êtes revenue : la déconjugalisation de l’allocation aux
adultes handicapés. On saura pour la prochaine fois qu’il vous
faut refuser six fois une mesure avant de daigner l’examiner !
Peut-être était-ce pour faire oublier une séquence désastreuse où
vous invitiez une femme porteuse de handicap à reprendre le chemin
du travail, ou simplement un acte de courtisanerie – la seule chose
que vous semblez concéder aux oppositions.
Pour résumer, qui
ici est d’accord pour poursuivre la politique de casse et
d’injustice sociale ? (« Pas nous ! » sur les bancs du groupe
LFI-NUPES.) Qui est d’accord avec le retour du passe sanitaire ?
(Même mouvement.) Avec la destruction de nos services publics, de
notre système d’éducation ou de santé ? Qui est d’accord avec
le président des lobbys, qui roule pour Uber ? (Applaudissements sur
les bancs du groupe LFI-NUPES et sur quelques bancs des groupes
Écolo-NUPES et GDR-NUPES. – Exclamations sur plusieurs bancs du
groupe RE.) Car non, madame la Première ministre, vous n’avez pas
changé, ni sur le fond, ni même sur la forme.
Vous non plus !
C’est vous qui l’avez fait élire ! Vous avez voté pour Macron, madame !
Je me souviens d’une époque récente, pendant
l’entre-deux-tours, où certains d’entre vous parlaient
opportunément de valeurs communes avec Jean-Luc Mélenchon. (« Ah !
» sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Depuis, vous êtes aux abois
et peinez à dissimuler votre alliance objective avec l’extrême
droite ; alors vous renvoyez dos à dos ceux que vous appelez
désormais les extrêmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe
LFI-NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo-NUPES.) Malgré
tout, vous vous improvisez arbitre des élégances. Nous serions des
zadistes, des brailleurs. Vous suintez le mépris. Et un pouvoir bien
mal en point ne recule devant rien : la semaine dernière, la
Macronie et ses épigones ont déployé une ingénierie de
mesquinerie pour éviter que l’on parle de l’essentiel. Peut-être
l’intention était-elle de masquer votre lune de miel avec le
Rassemblement national, union déjà consommée aux yeux de tous ?
(Protestations sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. –
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, Écolo-NUPES,
GDR-NUPES et SOC.) M. Darmanin souhaite expulser les étrangers ayant
commis des actes graves, Marine Le Pen applaudit des deux mains.
Madame la Première ministre, on ne récolte jamais impunément les
soutiens de ce côté-là de l’hémicycle.
Voici un bon aperçu
de ce dont vous êtes capable pour maintenir à tout prix votre
pouvoir et votre cap contre le peuple.
Vous êtes le marchepied du RN !
Le vote sur cette motion mettra au jour ceux qui veulent livrer la
guerre sociale et écologique avec vous et ceux qui mèneront la
bataille contre vous.
Collègues, choisissez ! (Mmes et MM. les
députés du groupe LFI-NUPES, et plusieurs députés des groupes
Écolo-NUPES, GDR-NUPES et SOC, se lèvent et applaudissent
longuement.)
La parole est à Mme la Première ministre.
Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Mercredi dernier, je présentais devant vous une feuille de route et des propositions pour bâtir, ensemble, l’avenir de notre pays. (« Ah ! » sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)
C’est le même discours…
Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Moins d’une semaine plus tard, nous nous retrouvons. J’aurais aimé que ce soit pour parler de pouvoir d’achat (« Oh ! » sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR) : l’inflation est forte et nos concitoyens exigent de nous des réponses efficaces et rapides. J’aurais aimé vous retrouver pour parler de l’urgence climatique :…
Une députée du groupe Écolo-NUPES.
L’urgence climatique, vous avez eu cinq ans pour la gérer !
C’est le covid qui était à l’ordre du jour !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
…nous devons agir plus vite, plus fort et dans tous les secteurs. J’aurais aimé vous retrouver pour parler emploi, éducation, santé.
La santé, ça fait vingt ans qu’on attend !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Dit simplement, j’aurais aimé vous parler des sujets qui préoccupent les Français, qui pèsent sur leur quotidien et pour lesquels ils nous demandent des réponses. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.) Malheureusement, aujourd’hui, ce n’est pas du quotidien des Français que nous parlons. (« Si ! » sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Le travail parlementaire vient à peine de commencer, le nouveau gouvernement est en place depuis une semaine, et certains veulent déjà le censurer.
On aurait voulu plus tôt, mais ce n’était pas possible !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
La guerre se prolonge en Ukraine, les perspectives économiques s’assombrissent, la Russie pourrait décider de couper ses exportations de gaz vers l’Europe. Les Français ont besoin d’un gouvernement qui agisse, et certains n’ont qu’une obsession : le censurer. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.)
Eh oui !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Aujourd’hui, mesdames et messieurs les députés, nous pourrions être en train d’agir pour les Français. Au lieu de cela, nous débattons d’une motion de censure cousue de procès d’intention qui fait obstacle au travail parlementaire et, de ce fait, à la volonté des Français. (Mêmes mouvements.)
On vous dérange, peut-être ?
Elle a raison !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Oui, mesdames et messieurs les députés, nous en étions tous convenus en nous rencontrant : les Français en ont assez des dialogues stériles et des lois de postures.
Cela fait cinq ans que vous faites ça !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
En élisant une Assemblée nationale sans majorité absolue, ils
nous ont envoyé un message clair, un message qui peut se résumer en
quelques mots : « Parlez-vous et, ensemble, construisez. »
(Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du
groupe Dem.) Avec mon gouvernement, je tiens ce cap : notre main sera
toujours tendue aux forces de l’arc républicain. (« Ah !… »
sur les bancs du groupe RN.) Avec elles, nous voulons bâtir des
majorités d’idées et commencer, dès maintenant, avec le pouvoir
d’achat. Cette volonté est intacte de notre côté, et elle le
restera.
Alors, aux censeurs du jour, j’ai quelques questions
à poser. (« Ah ! » sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) La première
: que censurez-vous ? (« Vous ! » sur les bancs du groupe
LFI-NUPES.) Mercredi dernier, j’ai tracé devant vous les priorités
de mon gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe
LFI-NUPES.) Laquelle vous semble inacceptable au point qu’il faille
la censurer ? (« Toutes ! » sur plusieurs bancs du groupe
LFI-NUPES.) Est-ce le pouvoir d’achat ? Le plein emploi ? La
transition écologique ? L’égalité des chances ? Ou bien encore
la souveraineté ? (Applaudissements sur de nombreux bancs des
groupes RE et Dem.) La réalité, c’est que si votre motion de
censure était adoptée, tous ces objectifs seraient en péril.
(Protestations sur les bancs des groupes LFI-NUPES et GDR-NUPES.)
Avec votre motion de censure, pas de bouclier tarifaire, et
l’explosion des prix de l’énergie pour les Français ! (Mêmes
mouvements.) Avec votre motion de censure, pas de remise sur le
carburant, et 10 euros de plus pour un plein de 50 litres ! Avec
votre motion de censure, pas d’augmentation des pensions, et un
pouvoir d’achat amputé pour les retraités ! (Applaudissements sur
plusieurs bancs du groupe RE, ainsi que sur quelques bancs du groupe
Dem.) Voilà ce qui peut arriver quand on fait passer la tactique
politique avant l’intérêt des Français ! (Applaudissements sur
les bancs du groupe RE et sur plusieurs bancs des groupes Dem et
HOR.) Vous avez inventé le concept de motion de censure a priori .
(Vives protestations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Vous êtes là depuis cinq ans !
Ça fait dix ans qu’on subit !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Il n’est plus question de dénoncer un texte ou une décision,
mais seulement de censurer pour censurer !
Alors, mesdames et
messieurs les députés, pourquoi ne pas plutôt montrer aux Français
que nous les avons entendus et bâtir, ensemble, pour le pouvoir
d’achat, pour le plein emploi, pour la transition écologique, pour
l’égalité des chances et pour notre souveraineté ?
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – Exclamations
sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES)
C’est trop compliqué pour eux !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Car j’ai une deuxième question à vous poser : que proposez-vous ? (« Rien ! » sur les bancs du groupe RE. – Vives exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES, SOC et GDR-NUPES.)
Je vous retourne la question, madame la Première ministre !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Mercredi dernier, j’ai écouté s’exprimer à la tribune les
orateurs des groupes qui soutiennent cette motion de censure. Parce
que c’est mon rôle, mon état d’esprit, parce que c’est ce que
m’avait dit chacun des présidents de groupe, j’ai essayé d’être
attentive à vos propositions. Je pensais qu’en partant des
préoccupations que nous avions tous constatées durant les campagnes
électorales, nous pourrions sans doute nous retrouver, au moins sur
certains sujets.
À ce stade, je dois reconnaître que je vois
peu de terrains d’entente avec les signataires de la motion de
censure. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Mais je
vous le dis : malgré les invectives et les postures, je ne
renoncerai pas à vous écouter, à chercher ce qui pourrait nous
rassembler. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE, ainsi que
sur quelques bancs des groupes Dem et HOR.) Je reste convaincue que
nous pourrons surmonter certains de nos a priori , comme les Français
nous l’ont demandé. Je suis certaine que, texte après texte, que
ce soit en regardant vers la droite ou vers la gauche de cet
hémicycle, le compromis nous permettra d’agir. (Exclamations sur
plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) Car, je vous le redis du plus
profond de mes convictions, le compromis, ce n’est pas une ambition
rabaissée ou une action empêchée. Le compromis, c’est une
volonté de bâtir, d’avancer.
Voilà pourquoi je chercherai
toujours à écouter vos propositions, à les examiner loyalement, à
ne jamais les balayer d’un revers de main. (Exclamations sur
quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)
Superbe !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Voilà pourquoi j’ai lu attentivement le texte de votre motion de censure. Mais, là encore, aucune proposition ! Madame la présidente Panot, j’ai écouté votre discours avec la plus grande attention : rien, toujours rien ! L’avenir en commun a été remplacé par l’invective en commun. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE, ainsi que sur quelques bancs des groupes Dem et HOR. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES) . La motion de posture a remplacé la motion de censure ! En vous lisant, en vous écoutant, la seule chose que je perçois, c’est que vous êtes – passez-moi le mot – fâchés. (« Oh ! » sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Je ne parle pas simplement de votre ton, de vos invectives, que ce soit aujourd’hui ou mercredi dernier. Fâchés, vous l’êtes avec la Constitution (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE) : vous cherchez à dissimuler votre tentative de blocage sous le nom de motion de défiance. Assumez donc votre motion de censure ! Fâchés, vous l’êtes avec notre histoire, en affirmant que je me déroberais à la tradition républicaine. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Vous n’avez pas le droit ! Pour qui vous prenez-vous ?
Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Je ne vous ferai pas l’affront de vous citer tous les Premiers ministres qui ont agi comme moi ; parmi eux, Édith Cresson, que, désormais, la gauche n’applaudit plus. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.) Fâchés, vous l’êtes surtout avec la démocratie et le résultat des urnes. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem, ainsi que sur quelques bancs du groupe HOR.) Votre motion de censure parle de légitimité. Je suis bien d’accord avec vous pour défendre ce principe. Alors, je vous l’apprends peut-être : vous n’avez pas gagné – ni la présidentielle, ni les législatives. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem, ainsi que sur quelques bancs du groupe HOR. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Vous non plus ! Vous non plus !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
En démocratie, ce n’est pas celui qui a moins de voix, moins de sièges, qui est habilité à gouverner. En démocratie, on ne compte pas les voix qu’on aurait pu avoir, on compte les voix que l’on a ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RE, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes Dem et HOR.) Cela m’amène à ma troisième question : quelle majorité auriez-vous pour gouverner ? Pas celle des urnes, assurément.
Une députée du groupe LFI-NUPES.
Vous non plus !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Si le Gouvernement était censuré, quelle serait votre majorité
alternative ? Avec quels groupes voudriez-vous gouverner ?
(Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) La majorité
présidentielle ? Visiblement pas : vous la censurez avant même
d’avoir parlé. La droite républicaine ? Je ne pense pas qu’elle
puisse se retrouver dans un projet dicté par La France insoumise.
L’extrême droite ? (Huées sur les bancs du groupe LFI-NUPES. –
Protestations sur quelques bancs du groupe RN.) Je ne crois pas un
instant que vous ayez des valeurs communes. Jamais vous ne pourriez
gouverner avec l’extrême droite. Que proposez-vous donc ? Un
accord de gouvernement ? Non ! (Exclamations sur les bancs du groupe
LFI-NUPES.) Des démarches constructives ? Non ! Une discussion
franche en vue de trouver des majorités d’idées ? Non, toujours
non ! Vous n’avez pas de majorité stable, pas de majorité
relative, pas de majorité tout court ! (Applaudissements sur les
bancs des groupes RE et Dem, ainsi que sur quelques bancs du groupe
HOR.) Votre censure, c’est finalement un appel à la dissolution
!
Eh bien, madame la présidente Panot, contrairement aux
signataires de votre motion de censure, nous promouvons des
solutions, pas la dissolution ! (Applaudissements sur les bancs des
groupes RE et Dem. – Vives exclamations sur les bancs du groupe
LFI-NUPES.) Des solutions que nous voulons bâtir avec toutes les
forces républicaines, toutes les bonnes volontés. D’après le
texte de votre motion, le Gouvernement n’aurait pas été
suffisamment élargi, changé ; or c’est vous qui m’avez indiqué
que vous ne souhaitiez ni coalition, ni accord de gouvernement !
Ce n’est pas écrit dans la motion, madame !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Je connais la qualité de nombre de députés sur vos bancs (« De tous ! » sur les bancs du groupe LFI-NUPES) : je croyais que sans être d’accord sur tout, même en ayant parfois des désaccords profonds, nous pourrions dialoguer. Par cette motion de censure, vous nous opposez une fin de non-recevoir. (« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.) Toutefois, je vous le redis, je ne me résous pas à cette glaciation. Je crois que l’envie d’avancer pour son pays supplante toujours l’envie de préparer le coup d’après. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)
Un député du groupe LFI-NUPES.
Avec Uber !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Mesdames et messieurs les députés, j’ai parlé d’une motion de posture. Malgré cela, j’ai confiance : je veux voir dans cette motion de censure le dernier soubresaut de la politique du « bloc contre bloc ». Sachez, pour qu’il n’y ait aucune ambiguïté, que je ne considère pas – et personne ne pourra considérer – que ceux qui ne joindraient pas leurs voix à cette motion accorderaient de fait une forme de confiance au Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Rejeter cette motion de censure, c’est respecter le vote des Français, c’est refuser l’instabilité, c’est accepter de juger le Gouvernement sur les faits, sur ses actes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes Dem et HOR.) Les Français nous le demandent : soyons à la hauteur, bâtissons des solutions concrètes, trouvons des accords solides. Passons ensemble à une culture du compromis : c’est elle qui nous permettra de relever les défis qui s’annoncent, c’est elle qui respectera la volonté des Françaises et des Français. (Mmes et MM. les députés des groupes RE, Dem et HOR se lèvent et applaudissent longuement.)
À l’arrache !
La parole est à Mme Michèle Tabarot.
Cela a été largement dit : le Président de la République privé de la majorité absolue, l’Assemblée nationale se trouve dans une situation inédite, fragmentée et sans doute plus divisée que jamais. Si nous en sommes là, ce n’est pas le résultat du hasard, mais bien celui des erreurs répétées du chef de l’État. À force de fuir le débat, il a détourné les Français de la politique ; à force de vouloir effacer les partis, il a promu les extrêmes ; à force de mépriser le Parlement, il a fragilisé notre démocratie.
Une députée du groupe LFI-NUPES.
Votez avec nous, alors !
L’exécutif se trouve d’autant plus responsable de notre
situation que son échec est patent dans tous les domaines : la dette
a augmenté de 700 milliards d’euros et menace notre souveraineté,
comme le confesse enfin le Gouvernement ; les allers-retours en
matière de politique énergétique ont fait perdre cinq ans de
progrès à la France ; ajoutons-y une politique sanitaire erratique,
l’improvisation permanente des actions et des mesures de
protection, l’explosion de l’insécurité, une faiblesse coupable
face aux séparatismes et à l’islamisme radical.
Madame la
Première ministre, nous sommes une opposition lucide, mais aussi une
opposition responsable. Comme l’a dit le président Marleix en
réponse à votre déclaration de politique générale, il n’y aura
« jamais de blocage stérile » de notre part. L’intérêt de la
France et des Français restera notre seule boussole.
M. Olivier Marleix et M. Michel Herbillon.
Très bien !
Dès lors, si, comme vous l’affirmez, vous voulez vraiment trouver des majorités de projet, il va falloir changer de méthode,…
Exactement !
…rompre avec l’arrogance et le mépris auxquels nous nous sommes heurtés durant la législature précédente.
Plusieurs députés du groupe LR.
Très bien !
Concernant l’allocation aux adultes handicapés (AAH), les revenus du travail, les pensions de retraite,…
Tout ce que vous avez refusé !
…l’école, le nucléaire, l’immigration, nous vous entendons enfin reprendre des propositions que nous défendons depuis des années.
Il est temps !
Il serait peut-être temps !
Nous serons évidemment très attentifs au respect de ces engagements. Mais, sincèrement, que de temps aura fait perdre à la France cette volonté de ne laisser aucun crédit aux oppositions !
Eh oui !
Votez avec nous !
Mes chers collègues, nous allons persévérer dans notre engagement avec la même détermination. Nous constituerons une force utile de contrôle, d’action et de proposition. Nos priorités sont claires : nous voulons restaurer l’autorité de l’État, avec davantage de moyens pour la police, pour la justice, et plus de places de prison. Nous voulons une immigration maîtrisée, avec des quotas déterminés par nos capacités d’intégration, avec le renvoi dans leur pays des demandeurs d’asile déboutés. Nous voulons permettre à chacun de vivre dignement de son travail, grâce à la baisse des charges et à la hausse des salaires, plutôt que de distribuer des chèques non financés.
Un député du groupe LFI-NUPES.
C’est notre salaire, les charges !
Nous voulons qu’allocations et réinsertion aillent enfin de pair ; nous réclamons des contreparties au RSA. Nous voulons augmenter les retraites, dans le cadre d’une réforme juste, et revenir sur la hausse de la contribution sociale généralisée (CSG) que vous avez imposée. Nous voulons une politique environnementale efficace, reposant sur l’incitation et non sur la punition. Nous voulons une ambition éducative renouvelée, des enseignants dont le traitement soit revalorisé et l’autorité respectée. Nous voulons une relance de l’hôpital public qui passe par un plan digne de ce nom en faveur de nos soignants. Nous voulons de véritables baisses des impôts et des taxes, notamment énergétiques, dont aucun Français ne soit exclu, car les classes moyennes sont également frappées par la baisse du pouvoir d’achat.
Tout à fait !
Nous voulons renouer avec la maîtrise de la dépense par la
réduction des emplois publics, par la lutte contre l’excès de
normes qui affecte aussi notre croissance, contre les fraudes fiscale
et sociale face auxquelles nous devons redoubler d’efforts.
Madame
la Première ministre, toutes les mesures que je viens d’énoncer
demandent du courage. Mais, vous le savez aussi bien que nous, après
cinq années difficiles au cours desquelles, à force d’hésiter
sur tout, la France n’a avancé sur rien (Mme Stella Dupont
s’exclame) , c’est justement du courage que nos concitoyens vous
demandent. Ce n’est pas dans le renoncement qu’ils pourront
renouer avec la confiance dans notre action, mais ce n’est pas non
plus dans les blocages inutiles. Car, mes chers collègues, paralyser
la France et nos institutions comme le propose cette motion de
censure, ce n’est pas ce que les Français attendent de nous
aujourd’hui.
Vous avez été avec Sarkozy, c’est pareil !
Bien au contraire, ils nous ont donné un mandat pour agir et ils nous ont placés dans l’obligation de dialoguer dans l’intérêt de la France. Ce n’est pas à l’heure où le Parlement et les partis politiques ont enfin une chance de retrouver leur légitimité et leur place dans nos institutions et dans l’opinion publique que nous devons nous dérober.
Une députée du groupe LFI-NUPES.
Vous avez fait campagne contre Macron !
Et alors, c’est quoi le rapport ?
Cette situation nous oblige, parce que, nous le croyons sincèrement, le chef de l’État et le Gouvernement vont devoir apprendre à travailler avec nous. Ce pourrait d’ailleurs être un bienfait pour notre démocratie. Oui, les Françaises et les Français nous ont mis au défi de réinventer notre fonctionnement et nous devons leur démontrer que nous en sommes capables. Alors non, nous ne voterons pas en faveur de cette motion de censure. Nous ne joindrons pas nos voix à celles de l’extrême gauche, avec laquelle nous n’avons aucun point commun (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES), …
Ça nous rassure !
… parce que nous avons l’ambition de construire et que nous ne
rêvons pas d’un grand soir ; parce que nous sommes résolument du
côté des forces de l’ordre, que vous avez été les seuls à ne
pas applaudir mercredi dernier quand nous leur avons rendu hommage
(Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur plusieurs bancs
des groupes RE, Dem et HOR.) ; parce que nous sommes solides sur la
défense de nos valeurs et opposés à toutes les compromissions face
aux revendications communautaires et intégristes (Exclamations sur
les bancs du groupe LFI-NUPES.) ; parce que nous sommes très
attachés à la construction européenne et à nos alliances
stratégiques, dans le respect de notre souveraineté. Et parce que
plus que tout, nous voulons restaurer l’unité et la grandeur de la
France. Celle-ci passe par la fierté de notre culture, de notre
patrimoine et de notre histoire, et certainement pas par leur
déconstruction méthodique.
Si certains groupes politiques qui
ont une longue tradition de gouvernement ont fait le choix d’associer
leurs voix à celles de l’extrême gauche, au risque de diviser
encore plus la France, ce ne sera pas notre cas. (Applaudissements
sur plusieurs bancs du groupe Dem.)
Très bien, madame Tabarot !
Je sais qu’à l’issue de ce débat, certains vont être tentés de délivrer des labels d’opposition aux uns et aux autres. Mais nous n’avons aucune leçon à recevoir de qui que ce soit. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LR et Dem.)
Nous non plus, madame !
Bravo !
Nous n’avons jamais été pris en défaut sur la force de nos convictions…
On verra !
…et sur la crédibilité de notre positionnement, qui n’a cédé à aucune compromission depuis 2017. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Notre résolution est immense. Elle est à la hauteur des attentes de nos concitoyens, qui savent pouvoir compter sur nous. Je l’ai dit, madame la Première ministre, nous ne voterons pas cette motion de censure. Mais vous l’avez compris : si vous n’avez pas notre défiance aujourd’hui, vous n’avez pas pour autant notre confiance. Nous jugerons votre gouvernement sur ses actes et sur sa capacité à construire dans le respect des uns et des autres. Sur un certain nombre de sujets, nous pourrons sans doute agir ensemble, avec pour ambition prioritaire de redonner à la France son unité et sa place dans le monde. Travaillez dans l’intérêt des Français, et nous serons avec vous. Décevez-les une nouvelle fois, et nous serons vos premiers opposants. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
Vous auriez été embêtés s’il avait fallu voter la confiance !
La parole est à M. Philippe Vigier.
Vous vouliez un débat, chers collègues de la NUPES. Nous y sommes, et les députés du groupe Démocrate y sont prêts aujourd’hui, comme ils le seront toujours tout au long de cette législature. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Dem.) Ce débat, vous l’avez provoqué en déposant une motion de censure quelques minutes seulement après le discours de la Première ministre, parce qu’elle n’avait pas demandé la confiance de l’Assemblée nationale.
Une députée du groupe LFI-NUPES.
Vous avez tout compris !
Le vote de confiance est d’usage ; il n’est pas obligatoire, et vous le savez bien. Il me paraît important de rappeler à tout le monde que Michel Rocard, Pierre Bérégovoy, Édith Cresson, mais aussi Maurice Couve de Murville, à droite, n’ont pas demandé la confiance de l’Assemblée nationale.
Ni Barre !
Cette motion de censure, c’était votre droit de la déposer. Évidemment, nous ne le contestons pas. Ce que je conteste, ce sont vos propos lorsque vous avez dit que la Première ministre était une anomalie démocratique. Elle a été élue députée, vous ne pouvez pas dire le contraire, et votre candidat a été défait ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem et RE.) Au préalable, vous reconnaîtrez avec moi que la Constitution de la Ve République garantit les conditions d’un débat démocratique. D’ailleurs, chacun connaît ici les saillies permanentes des insoumis contre cette Constitution – comme celles, en son temps, de François Mitterrand, qui l’a pourfendue toute sa vie avant d’en faire un usage teinté de gourmandise et d’habileté une fois devenu Président de la République.
Excellent !
Comme quoi, le nouveau monde rejoint l’ancien monde. Mes chers collègues, depuis le 19 juin, tout le monde a dit qu’il avait gagné, mais tout le monde a perdu ! Personne ne dispose d’une majorité absolue à l’Assemblée nationale.
C’est vrai !
La majorité présidentielle compte 44 % des députés : c’est donc une majorité relative. Elle n’a pas eu le résultat de 2017. Votre bloc politique, chers collègues de la NUPES, c’est un quart des députés de l’hémicycle.
Un député du groupe LFI-NUPES.
Mais quel quart !
Un autre député du groupe LFI-NUPES.
Ce sont 6 millions de voix, un peu de respect !
Le Rassemblement national a certes multiplié par dix le nombre de ses parlementaires, mais il n’occupe que 15 % de l’hémicycle. La modestie, me semble-t-il, doit être la règle pour chacun (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et RE.)…
Bravo !
Quand on a perdu cent sièges, on reste humble, monsieur !
…surtout lorsque l’on voit que les taux d’abstention aux élections législatives et présidentielles n’ont jamais été aussi élevés. Quelle défiance du peuple vis-à-vis des élus et de vous-mêmes ! Nous sommes loin, chers collègues de la NUPES, de la situation de 1993 : malgré la Bérézina qu’elle avait connue, la gauche avait obtenu 800 000 voix de plus que vous ! Nous sommes loin aussi de 2007 : je me souviens que sous Nicolas Sarkozy, il y avait quand même 227 parlementaires de gauche – Olivier Faure s’en souvient très bien aussi. Ces chiffres rappellent, je crois, que l’on peut toujours, avec beaucoup de talent et d’audace, essayer de rendre les défaites victorieuses. Mais les chiffres sont en toutes lettres, comme le disait le regretté Coluche, et ceux-ci sont implacables. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.) Il n’est pas possible, chers collègues de la NUPES, d’utiliser des hologrammes comme pendant la campagne présidentielle pour compter les députés. Une motion de censure consiste à démontrer qu’une alternative politique est possible. Mais vous ne l’incarnez pas : vous n’avez pas la majorité absolue !
Vous non plus !
Et vous ne pouvez pas faire d’alliance improbable pour y parvenir ! D’ailleurs, vous n’y croyez pas non plus. J’ai lu votre motion avec beaucoup d’intérêt : elle est uniquement technique, et c’est un peu « PPMC », le plus petit multiple commun ! Pas un mot sur la crise sociale liée au pouvoir d’achat ! Pas un mot sur la pandémie à laquelle nous faisons face chaque jour ! Pas un mot sur le soutien à l’éducation, pas un mot sur la transition écologique, pas un mot sur la crise internationale ! La Première ministre n’a pas demandé un vote de confiance – même si, sans atteindre la majorité absolue, elle pouvait naturellement compter sur le soutien des trois groupes de la majorité –, mais je ne crois pas un seul instant que tous les groupes d’opposition – que tout oppose, si on les écoute, mais qui ne sont pas si opposés en réalité – auraient mêlé leurs votes dans le seul but de faire tomber le Gouvernement. Certains – ils viennent de le dire à nouveau – comme Les Républicains et le Rassemblement national avaient d’ailleurs dit, avant même le discours de la Première ministre, qu’ils ne voteraient pas votre motion de censure. Vous lui avez donc offert un vote de confiance implicite. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)
Bravo !
Mes chers collègues, la situation que nous vivons, dans laquelle personne ne dispose d’une majorité absolue, c’est la volonté du peuple français !
Vous avez raison !
Aux élections législatives, il a voulu cet état de fait qui s’impose à tous. Respectons le peuple !
Exactement, respectons la démocratie !
Il n’a pas mis tous ses œufs dans le même panier, si l’on peut dire, et veut un nouvel équilibre entre exécutif et législatif. Il appartient désormais à tous les responsables politiques, aux parlementaires, de penser à leur pays plutôt qu’à leur parti, en établissant des compromis sans compromission. Les députés Démocrates s’inscrivent pleinement dans cette démarche, comme l’a rappelé le président Mattei la semaine dernière. Cette situation politique inédite signe le retour du parlementarisme. Elle conforte l’Assemblée nationale et également le Sénat, qui a tout son rôle à jouer. C’est une bonne nouvelle, une belle nouvelle : oui, le Parlement est de retour ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.) Qui ici n’a pas, à un moment de sa vie de parlementaire, fustigé, critiqué ou regretté les décisions qui arrivaient d’en haut, ces amendements qui étaient balayés, ces articles réservés, ces secondes délibérations imposées ? Personne ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)
Excellent !
J’ai connu ce genre de situation lorsque Nicolas Sarkozy, puis François Hollande, furent présidents, ainsi que sous le précédent quinquennat. Le rôle du Parlement, mes chers collègues, va redevenir déterminant. L’exigence pour chacun, Gouvernement comme Parlement, est de construire ensemble les bonnes décisions, comme vous l’avez dit, madame la Première ministre. En déposant une motion de censure pour démarrer cette législature, chers collègues de la NUPES, vous posez un acte de défiance pas seulement contre le Gouvernement, mais contre le Parlement lui-même ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.)
Bravo !
Nous n’avons pas commencé, mais nous avons déjà zéro sur vingt ! Vous allez vous isoler, car vous ne serez pas suivis par les autres groupes politiques. Les majorités écrasantes, mes chers collègues, conduisent souvent à des formes de dérive.
N’est-ce pas ? On l’a vécu pendant cinq ans !
On peut le constater aussi dans les collectivités locales.
Jean-Louis Bourlanges le dirait bien mieux que moi, le pouvoir absolu
n’accompagne que très rarement la vitalité démocratique, bien au
contraire. Chacun va devoir mieux accepter et écouter les
propositions, sans tomber dans la démagogie et l’idéologie. Pour
prendre une image de l’alpinisme cher à Éric Woerth, je dirais
qu’il va falloir ouvrir des voies nouvelles. La loi, moins bavarde,
devra être simple et compréhensible : arrêtons de légiférer pour
un oui ou pour un non. Cessons d’entasser les lois, les règlements
et les normes parfois inapplicables et souvent inappliqués – ou
mal appliqués au dernier kilomètre. Réservons les ordonnances,
madame la Première ministre, aux urgences absolues.
La
coconstruction législative, chère à Jean-François Copé pendant
le quinquennat de Nicolas Sarkozy – je ne l’ai pas oublié –,
ce n’est pas l’affaiblissement de l’exécutif : c’est le gage
d’une plus forte réussite de l’action publique et de
l’acceptation par nos concitoyens des politiques mises en place. Le
peuple nous donne une chance inédite, celle de rendre le Parlement
incontournable. À chaque parlementaire, député, sénateur, de
mesurer la responsabilité nouvelle qui lui incombe. À chaque
ministre – ils sont nombreux cet après-midi – de comprendre que
les réponses à apporter chaque jour dans son domaine devront être
imaginées avec les parlementaires et les élus locaux – chacun à
sa place, mais dans le cadre d’une synergie « renforçatrice »
chère aux médecins infectiologues.
Alors, mes chers collègues,
au moment où le Parlement est de retour et après avoir parlé
pendant des années de son affaiblissement, saisissons cette chance.
Osons, bâtissons et écrivons, dans le respect de nos différences
et de nos divergences, les solutions du quotidien. Nous sommes
condamnés à nous supporter, comme l’a très bien dit Claude
Malhuret, président du groupe Les Indépendants-République et
Territoires au Sénat. Les Français n’accepteront pas le chaos.
Ils sauront parfaitement identifier qui a fait quoi, qui a dit quoi
et qui, en définitive, est responsable d’une situation de crise de
régime.
Croyez-vous, mes chers collègues, que les réponses
visant à garantir le pouvoir d’achat des plus fragiles, actifs et
retraités, ne peuvent être écrites à plusieurs mains ? Nous, en
tout cas, nous n’attendrons pas la longue marche qui démarre en
septembre avec M. Mélenchon ! (Applaudissements sur quelques bancs
du groupe Dem.)
Très bien !
Croyez-vous que les réponses à la pandémie, qui est toujours là, et les solutions visant à conforter notre système de santé, sont si éloignées selon qu’elles viennent des uns ou des autres ? La réponse est non. Croyez-vous que les réponses des uns ou des autres pour lutter contre le réchauffement climatique et décarboner nos énergies sont totalement incompatibles ? Je ne le pense pas. Croyez-vous que les chemins à emprunter pour atteindre le plein emploi, permettre aux entreprises de trouver enfin les salariés qu’elles recherchent et faire sortir de la précarité ceux qui s’y trouvent depuis trop longtemps sont des lignes parallèles qui ne se croisent jamais ? Je suis certain que non. Au moment même où je m’exprime sont annoncés, au sommet « Choose France » qui se tient à Versailles, cent nouveaux projets industriels pour notre pays. L’un d’eux, qui concerne ma circonscription, est cher à mon cœur – je vous le dis avec émotion ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes Dem et RE.) Mes chers collègues, la réforme de l’éducation nationale s’impose pour redonner une attractivité aux métiers merveilleux de la transmission du savoir aux enfants et pour que les enseignants soient davantage respectés et soutenus.
Et mieux payés !
Ne croyez-vous pas qu’elle appelle à un sursaut d’intelligence
collective ? La réponse est évidemment oui. Ne croyez-vous pas,
enfin, qu’une majorité pourra se constituer pour permettre à
chacun de bénéficier de la première des libertés, celle de vivre
en sécurité, et apporter ainsi des réponses fortes aux attentes du
plus grand nombre de nos concitoyens ?
Là encore, chers
collègues insoumis, chacun prendra ses responsabilités, et
ultraminoritaires seront ceux qui considèrent que la police tue,
alors qu’elle nous protège. (Applaudissements sur les bancs du
groupe Dem et sur plusieurs bancs du groupe RE.) Le travail
parlementaire des cinq dernières années est émaillé d’exemples
qui démontrent qu’un chemin est possible – je le dis pour les
plus nouveaux d’entre nous. Le texte de loi sur la fin de vie,
proposé par Olivier Falorni, a permis à des députés de toutes
sensibilités de travailler ensemble…
Eh oui !
…et de parvenir à voter pour l’article 1er – et j’imagine qu’ensemble, nous irons plus loin.
Et la déconjugalisation de l’AAH ?
Les propositions concernant la lutte contre les déserts médicaux – je pense à Yannick Favennec-Bécot, à Thierry Benoit, à Guillaume Garot, à mes propres propositions – sont très proches.
Mais il n’y a toujours pas de médecins !
La déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés,…
Ah !
…qu’a notamment défendue Aurélien Pradié, a suscité un assentiment dépassant largement les bancs d’un seul groupe parlementaire. Nous rattraperons cette erreur du quinquennat précédent, comme le Président de la République s’y est engagé. (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et RE.)
Il faut être gonflé !
Le texte du président Chassaigne, absent aujourd’hui, sur les petites retraites agricoles, a lui aussi suscité une large adhésion (M. Stéphane Peu s’exclame) et a été adopté – n’est-ce pas, monsieur Peu ? Enfin, Caroline Fiat, vice-présidente de l’Assemblée nationale, ici présente, a rédigé un rapport sur les EHPAD…
Vous n’en avez rien fait !
…dont les conclusions sont partagées par le plus grand nombre (Mme Mathilde Panot s’exclame) et qui nourrira la future loi sur la dépendance.
Quand ?
Vous n’avez rien fait de ce rapport !
Je ne vous ai pas vue en commission, madame Panot. Et vous ne
m’avez pas écouté : j’ai dit que ce rapport servirait à
nourrir la prochaine loi sur la dépendance.
Ayons le courage,
chers collègues, de bâtir des compromis sans compromission,…
Bravo !
…ces compromis que Montesquieu qualifiait d’enrichissements de
l’âme et d’outils de sociabilité. Le courage, c’est d’agir,
écrivait Sénèque. C’est parce qu’on n’ose pas que les choses
sont difficiles, aimait-il à rappeler. Le courage, c’est d’aller
à l’idéal et de comprendre le réel. Les députés du groupe
Démocrate y sont prêts. Ils seront proposants et exigeants. Ils
seront vigilants, notamment en matière de finances publiques, et
bienveillants à l’égard de l’opposition. Ils seront
facilitateurs et acteurs.
Chers collègues de la NUPES, il est
donc indispensable de repousser cette motion de censure, qui
placerait le Parlement dans une forme d’inaction alors qu’il a
toute sa place à prendre, qui conduirait le pays à une crise
politique, mais surtout – c’est le plus grave – qui tournerait
le dos à la volonté que le peuple a exprimée en juin.
(Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs
du groupe HOR.)
Vous ne l’entendez pas, la volonté du peuple !
C’est la raison pour laquelle, vous l’avez bien compris, le groupe Démocrate ne votera pas en faveur de cette motion de censure, persuadé, comme Victor Hugo, que « rien n’est stupide comme vaincre ; la vraie gloire est convaincre ». Et je ne désespère pas de vous convaincre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur plusieurs bancs des groupes RE et HOR.)
La parole est à M. Olivier Faure.
Disons les choses simplement : cette motion de défiance ne bloquera rien, mais elle réparera (« Rien ! sur les bancs du groupe Dem) la première faute de votre mandat, une faute liée à la lecture que le Président de la République fait des institutions. Le vote de confiance ne serait que le blanc-seing que sa majorité devrait accorder au Premier ministre. Cette lecture de la Constitution est en réalité une offense à notre vie démocratique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.) Nous sommes toutes et tous ici le miroir de la volonté de la nation. Lorsque les Français nous regardent, ils voient représentées les préférences idéologiques de la nation. Et lors d’un vote de confiance, chaque Français retrouve cette part de la souveraineté qu’il nous a confiée en même temps qu’il constate que sa volonté devra composer avec les volontés qui diffèrent de la sienne mais qui, toutes ensemble, forment la souveraineté de la nation. Le vote de confiance, c’est ce moment où la nation prend conscience d’elle-même dans son unité autant que dans sa diversité. Puisque nous avons le pouvoir de vous imposer ce vote, nous le faisons. (Mêmes mouvements.)
Et c’est un socialiste qui salit la mémoire de Bérégovoy…
Cette motion de défiance aura un grand mérite, celui de sortir
du confusionnisme nourri par le Président de la République, qui
cite volontiers Jaurès le lundi, de Gaulle le mercredi et même
Maurras le dimanche. (Mêmes mouvements.) Il entretient l’idée
qu’il serait à lui seul la gauche et la droite, interdisant toute
forme d’alternative.
Voici donc venu le temps de la
clarification.
Oui : les socialistes sont soumis aux insoumis !
Cette motion permettra à chacun de se situer et de faire apparaître une vérité qu’il est inutile de masquer plus longtemps aux Français. Il y a une opposition – elle est là ! (L’orateur désigne les bancs de la gauche de l’hémicycle. – Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NUPES, Écolo-NUPES et GDR-NUPES) – , c’est la coalition de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale.
Qui a appelé à voter Macron !
Il y a une majorité relative – la vôtre, madame la Première ministre. Il y a aussi une majorité tacite, celle que vous formez avec Les Républicains. Et il y a même le risque d’une majorité d’opportunité que vous formerez avec le Rassemblement national. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NUPES, Écolo-NUPES et GDR-NUPES. – Protestations sur les bancs des groupes RE et Dem.)
Scandaleux !
Vous pouvez hurler, mais ce n’est pas moi qui suis l’auteur des propos de M. Dupond-Moretti, de M. Bayrou, de Mme Calvez et autres, qui ont exprimé une préférence pour l’extrême droite plutôt que pour la gauche ! (Mêmes mouvements.)
Ça suffit ! Arrête ton cirque !
C’est inédit dans l’histoire de la République ! Vous êtes les premiers à le faire ! Alors taisez-vous, maintenant ! (De nombreux députés des groupes SOC, LFI-NUPES et Écolo-NUPES se lèvent et applaudissent vivement. – Les protestations redoublent sur les bancs des groupes RE et Dem.)
C’est monstrueux !
Tu n’as pas honte ?
Vous fissurez toutes les digues solides qui, depuis le gouvernement provisoire du général de Gaulle, ont protégé la République du nationalisme.
C’est vous qui le faites ! Et vous seulement !
Cela fait cinq ans que l’eau entrait, goutte à goutte. Vous pouvez crier, mais regardez les 200 voix que vous avez apportées à l’extrême droite la semaine passée !
Quelle honte !
Ils ont été élus par le RN !
Regardez-vous ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NUPES, Écolo-NUPES et GDR-NUPES. – Huées sur les bancs des groupes RE et Dem, et exclamations sur les bancs du groupe RN.) Ce week-end encore,…
Bérégovoy doit se retourner dans sa tombe à t’écouter !
Et la francisque de Mitterrand ?
…lorsque votre ministre de l’intérieur se félicite de s’extraire du champ de la raison pour « parler aux tripes des Français », c’est pour reprendre les propositions de M. Zemmour et de Mme Le Pen. Voilà ce qu’est votre politique aujourd’hui ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)
Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Mais non !
Pitoyable !
Je n’ose croire que pour imposer votre programme, vous empruntiez le choix de la lâcheté. Il est vrai qu’avec le Rassemblement national, vous avez un partenaire facile, trop heureux d’acheter à bas prix sa respectabilité par son abstention. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)
Arrête tes fantasmes !
Votre responsabilité est désormais immense.
Et vous n’êtes qu’un collaborateur de Mélenchon !
Honteux !
Si vous vous entêtez à vouloir imposer votre programme au prix de la banalisation de l’extrême droite parlementaire, vous lui ouvrirez les portes du pouvoir ! Derrière chacune de leurs voix, vous ne pouvez ignorer qu’en réalité, il y a un cheval de Troie ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NUPES, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)
Le Parti socialiste est mort aujourd’hui !
C’est honteux ! Ce sont les voix de la NUPES qui vont au RN !
Alors comment faire ? C’est assez simple, au fond. Renoncez au mode de gouvernement qui est le vôtre depuis cinq ans. Jupiter, c’est fini ! Le Président a décidé, le Parlement a ratifié : c’est fini !
Monsieur 2 % !
Aux contestations populaires, qu’avez-vous opposé sinon votre mépris ? Ce week-end encore, votre lointain prédécesseur à la tête du gouvernement expliquait que sa réforme des retraites était « trop intelligente » ! Il faut en finir avec cette arrogance technocratique qui vous a conduits à penser que vous déteniez le monopole du savoir. Il y a certaines choses que nous savons et que les Français savent. Nous savons que 10 millions de nos compatriotes vivent sous le seuil de pauvreté. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Nous savons qu’il y a beaucoup de Français qui ne vivent plus de leur travail et de retraités qui ne vivent plus de leurs pensions. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NUPES, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)
Qu’avez-vous fait quand vous étiez au pouvoir ?
Nous savons que l’hôpital public est géré comme une entreprise vouée au profit. Nous savons que l’école ne vise plus l’émancipation de tous. Nous savons que les politiques écologistes continuent de passer derrière vos préoccupations économiques. C’est cela, notre savoir, madame Borne.
Non, c’est votre bilan !
C’est ce savoir élémentaire que nous opposons à toutes vos
certitudes.
Vous nous opposez la dette. Mais la seule dette,…
La seule dette, elle vient d’où ?
…la seule dette que nous ne pouvons pas laisser à nos enfants est la dette écologique, qui ne nous laisse pas le choix parce qu’elle est irréversible ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NUPES, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.) Et parce que ses conséquences sont en cascade : sécurité alimentaire, mouvements migratoires, sixième extinction de masse.
Qu’est-ce que vous avez fait sous Hollande ? Rien !
Ce que nous avons fait contre la covid, ne pourrions-nous pas le faire aussi pour la planification écologique ? (Mêmes mouvements.)
Mais qu’avez-vous fait lorsque vous étiez au pouvoir ?
Si vous voulez – je reprends vos mots – « redonner un sens, une vertu au mot compromis », partez de ce diagnostic incontestable. Dites-nous ce que vous êtes prête à abandonner de cette camisole libérale qui vous interdit de prendre les mesures et les bifurcations que le pays attend.
Je n’ose pas croire que tu as été marabouté !
Oui, il faut de nouveaux compromis. Des compromis qui adaptent la France aux nouveaux défis et aux grandes transitions que nous devons entreprendre : écologique, numérique, sociale, démocratique et même géopolitique. À cela, nous sommes prêts. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.) Mais un compromis ne procède jamais de l’injonction, ni du chantage au chaos. Je vous ai entendue dire que « le désordre et l’instabilité ne sont pas une option ». Mettons-nous donc d’accord : le débat, ce n’est pas le désordre ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et LFI-NUPES.)
Parlez-en à vos amis !
Le désordre, cher collègue, ce n’est pas davantage le chahut dans l’hémicycle (Rires sur les bancs du groupe Dem.),…
Dites-le à Corbière !
…qui n’est rien en comparaison de la colère qui gronde au-dehors et que les murs épais des palais nationaux filtrent avant qu’ils arrivent à vos oreilles ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NUPES, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.) Le seul vrai désordre que je connaisse, c’est l’injustice, et c’est celui que vous devez entendre ! (Mêmes mouvements.) Vous vous proclamez à la tête d’un gouvernement d’action. Personne ne vous reproche de ne pas avoir agi pendant cinq ans. Nous vous reprochons d’avoir agi au détriment de toute idée de justice, ce qui est très différent.
2 % !
Vous n’avez rien fait pendant trente ans et maintenant, vous donnez des leçons de morale !
Vous prétendez que vous ne voulez pas lever de nouvel impôt. C’est vrai pour les « premiers de cordée », mais vous avez prolongé la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) de neuf ans afin de prélever 121 milliards supplémentaires sur les Français. Vous voulez désormais reculer de trois ans l’âge de la retraite, pour une pension identique ! Or qu’est-ce d’autre qu’un nouvel impôt, un impôt sur ceux qui devront cotiser plus longtemps, un impôt sur la vie de ceux qui exercent les métiers les plus pénibles ?
Aucune anticipation pendant trente ans !
Si vous souhaitez trouver des points d’accord avec les socialistes, avec les insoumis, avec les écologistes et avec les communistes, comprenez d’abord que notre raison d’être n’est pas l’abdication devant le capital !
Mélenchon vous a-t-il mangé ?
Nous sommes ici les représentants du travail ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NUPES, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)
N’importe quoi !
Êtes-vous prête, madame la Première ministre, à porter le SMIC à 1 500 euros ? Êtes-vous prête à faire en sorte que les travailleurs d’Uber soient désormais présumés salariés parce qu’ils sont subordonnés à leur entreprise ? (Mêmes mouvements.)
Le Parti social-amnésique !
Êtes-vous prête à faire en sorte que les actionnaires des entreprises ne soient plus les seuls décisionnaires et que les conseils d’administration ne soient plus fermés aux salariés, mais composés à parité de représentants du capital et de représentants du travail ? (Mêmes mouvements.)
Assumez vos erreurs !
Êtes-vous prête à renoncer à n’utiliser l’ambition républicaine à laquelle vous prétendez que comme un argument d’autorité qui permettrait de clore toute forme de contestation ? C’est un contresens absolu. La République n’est pas un monument figé dont vous détiendriez les droits exclusifs ! Elle est une promesse – une promesse jamais totalement accomplie, un horizon qui permet d’avancer vers l’émancipation de chaque individu. Et à chaque fois que cette promesse est vécue comme un mensonge, alors tout s’effondre. La République est vivante lorsque nous progressons ensemble vers plus d’égalité,…
Bla bla bla !
Son temps de parole est écoulé !
…lorsque l’État agit pour tous et non pas pour le bénéfice de quelques-uns.
C’est fini !
C’est dans ces moments-là que la nation prend corps et que l’unité nationale prend forme.
Vous avez été moins généreuse avec Marine Le Pen, madame la présidente !
Madame la Première ministre, je conclus.
Je vous remercie, cher collègue.
Je conclus, madame la présidente.
Vous auriez dû conclure il y a trente-cinq secondes.
Montrez-nous que vous avez changé ! Montrez-nous que votre pratique du pouvoir…
Je vous remercie, monsieur Faure. (Mme la présidente coupe le micro de l’orateur.) Veuillez quitter la tribune, s’il vous plaît. (L’orateur poursuit son discours désormais inaudible. – De nombreux membres des groupes SOC, LFI-NUPES et GDR-NUPES se lèvent et applaudissent.) Je vous demande de quitter la tribune immédiatement, monsieur Faure, et je vous remercie de bien vouloir respecter votre temps de parole ainsi que la présidence. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NUPES, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)
La parole est à M. Thomas Mesnier.
Chers collègues de cet hémicycle que j’aime tant, cinq jours seulement après le débat qui a suivi la déclaration de politique générale, nous voici à nouveau réunis pour débattre de la motion de censure déposée par l’ensemble des groupes de la Nouvelle Union populaire, écologique et sociale.
Le groupe Horizons et apparentés déplore cette bien navrante décision. Une motion de censure déposée avant même que la Première ministre ne prononce sa déclaration de politique générale, qu’est-ce que cela dit ? Cela démontre que, sans même connaître les orientations politiques du Gouvernement (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES) , les élus de la NUPES ont choisi de rejeter le choix que les Français ont exprimé dans les urnes en avril et en juin. Cela démontre aussi, si c’était encore nécessaire, que la NUPES n’est pas dans une logique d’écoute, d’échange ou de construction. Nous le regrettons et nous craignons que certains de ses électeurs ne le regrettent aussi.
Cela s’appelle l’opposition ! Vous connaissez ?
Si les oppositions et le débat contradictoire jouent un rôle essentiel dans le bon fonctionnement démocratique, l’obstruction – qu’elle s’exprime par une tentative de censure ou par des torrents d’amendements, comme sait si bien en déverser La France insoumise – n’est que le symptôme d’une mise à mal de notre démocratie.
M. Mélenchon, battu au premier tour, absent au second, invente un troisième tour qu’il perd encore une fois. ( Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)
Trois fois battu !
Et voilà que vous proposez maintenant une motion de censure en guise de quatrième tour. Il serait peut-être temps d’admettre que les Français ne l’ont pas élu ; il serait peut-être temps de respecter la démocratie. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes HOR, RE et Dem. )
J’ai entendu la présidente Panot et Olivier Faure déclarer tour à tour que nous ferions des alliances avec le Rassemblement national. (« C’est vrai ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) Il n’en est évidemment rien ! (« Si ! » sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) Pardon, mais il est juste fou d’en venir à dire de telles choses à cette tribune. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes HOR, RE et Dem. )
Quelle indignité, monsieur Faure ! Quand on vous écoute, on comprend pourquoi le parti socialiste ne récolte plus que 2 % des suffrages. (Mêmes mouvements.)
Que faut-il comprendre d’une motion de censure dont l’adoption dépendrait de la participation du Rassemblement national, groupe avec lequel je ne crois pas que la NUPES veuille travailler ? Cette motion stérile ne montre en réalité qu’une chose : vous cherchez à diviser les Français.
Combien de voix pour Horizons aux élections ?
Dans ce triste décor, les députés du groupe Horizons et apparentés feront le choix résolu de la responsabilité et du respect.
De la responsabilité d’abord. Depuis votre nomination, madame la Première ministre, vous avez rappelé à maintes reprises votre volonté d’échange, de construction, de compromis. Le groupe Horizons et apparentés, comme l’ensemble de la majorité présidentielle, y croit et se place dans cet état d’esprit.
Quelles belles paroles !
Nous avons la volonté d’atteindre des majorités de projet, texte par texte : nous le devons aux Français, nous le devons au pays. Nous ne céderons rien face à l’obstruction et aux manœuvres politiciennes. Nous le devons aux Français, qui attendent de nous que des décisions fortes soient prises pour le pouvoir d’achat, pour leur accès aux soins, pour leur école,…
Parlons-en, de l’école !
…pour l’environnement, pour leur sécurité.
Nous ferons aussi le choix du respect : respect des institutions bâties pour permettre la continuité de l’État, respect de la démocratie, par laquelle s’est exprimé un choix très clair dans les urnes, n’en déplaise à certains (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES),…
Vous êtes minoritaires !
…avec un Président de la République réélu, doté d’une majorité – relative, certes – et des oppositions fortes.
Respect, enfin, pour les Français : écoutons-les et travaillons ensemble dans cet hémicycle. Le modèle d’opposition que propose la NUPES, façon IVe République ou XXe siècle, nous paraît déboucher sur une opposition d’arrière-garde, ni constructive, ni courageuse,…
Un député du groupe LFI-NUPES.
Ça vous embête, hein, la démocratie ?
…probablement même assez dangereuse en se faisant le marchepied de l’extrême droite. ( Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes HOR, RE et Dem. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)
Je veux m’adresser ici aux collègues socialistes, à ces élus engagés héritiers de Blum, Mitterrand et Rocard. Vos illustres prédécesseurs ont été à la hauteur des défis de leur temps. Ils ont travaillé, composé, sans jamais se renier. Je peine à imaginer que vous poursuiviez dans la voie de cet asservissement aux Insoumis. Il est encore temps de changer.
J’aime à penser, nous aimons à penser, que cette motion sera un échec pour l’entreprise de défiance de M. Mélenchon, mais qu’elle pourra être une victoire si elle permet de tracer un chemin vers certains d’entre vous dans le travail que nous demandent les Français.
Vous n’avez pas écouté M. Faure !
Le groupe Horizons et apparentés prendra toute sa part dans ce travail, porté par l’élan réformateur de 2017, que nous n’avons pas quitté, pour un changement profond de la France et de la vie des Français. Il rejettera donc cette motion de censure. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs des groupes RE et Dem. )
La parole est à Mme Cyrielle Chatelain.
Regardez cette assemblée, regardez les 577 députés qui la composent : elle reflète le message que les Français et les Françaises ont choisi de nous envoyer. Une injonction démocratique qui met fin au règne absolu et vertical de la majorité présidentielle. C’est une première depuis l’inversion du calendrier électoral. En 2002, 2007, 2012, 2017, il y a eu des majorités absolues, franches, et pourtant, elles ne ressemblaient pas à la France et se sont peu à peu éloignées d’elle. Année après année, scrutin après scrutin, nous avons perdu les Français et les Françaises qui ont déserté les urnes. L’abstention, qui peut sincèrement s’en étonner alors que pendant des décennies, nous avons verrouillé nos instances démocratiques, enjambé les campagnes électorales, fait taire les manifestations, muselé le Parlement, dégainé le 49-3, archivé les doléances nées du mouvement des gilets jaunes et convoqué une convention citoyenne pour ne surtout pas les entendre, pour ne jamais les écouter ?
Aujourd’hui, madame la Première ministre, vous avez la possibilité de briser ce cercle vicieux. Mais vous avez raté une première occasion de le faire en refusant de vous soumettre à un vote de confiance, en dépit de la tradition. Par ce refus, c’est votre conception du Parlement qui se dévoile ; par ce refus, c’est votre vision de la République qui est mise au jour. Rappelons que la vocation première de notre République n’est pas de consacrer le règne d’un homme providentiel. Sa raison d’être est l’expression et le respect de la volonté souveraine du peuple. Le cœur de notre République, comme le déclarait Jean Jaurès devant les lycéens d’Albi, c’est un acte de confiance et d’audace, c’est l’indéfectible croyance que l’on peut « se combattre sans se déchirer ».
Vivons-nous dans la même République ? Une clarification est nécessaire. La minorité présidentielle a inventé des ennemis communs à la droite libérale et à l’extrême droite de Marine Le Pen et d’Éric Zemmour : les islamo-gauchistes, qu’elle voit partout,…
Ça existe !
…dans nos universités, dans les marches pour le climat, dans les cours des collèges où fleurissent les crop tops (Murmures sur les bancs du groupe RN), dans les écoles où les mamans voilées accompagnent leurs enfants lors des sorties scolaires, dans les alternatives à la société de surconsommation que d’aucuns disent fondées sur le « modèle Amish ».
Quel rapport avec la motion ?
En faisant cela, c’est toute une partie de la France que vous reléguez aux marges de la République (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Écolo-NUPES, LFI-NUPES et SOC), mais au nom de qui et au nom de quoi ? Oui, une clarification est bel et bien nécessaire pour que les Français et les Françaises soient seuls juges de notre esprit républicain.
Parlons d’abord de la fraternité et de la sororité. Nous, députés écologistes, nous, députés NUPES, avons été élus contre l’idéologie raciste et xénophobe de l’extrême droite. (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES, LFI-NUPES, SOC et sur quelques bancs du groupe GDR-NUPES.)
Nous ne ferons jamais aucun compromis avec les héritiers de l’Action française, de l’OAS, l’Organisation de l’armée secrète, et du Front national. Pour nous, l’ennemi est Faurisson, faussaire de l’histoire, et non M. Ndiaye, auteur de La Condition noire . Pour nous, la préférence nationale, de Pétain à Le Pen, est un délit contre notre République. (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES et SOC et sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) Pour nous, il est intolérable d’enfermer pendant quatre-vingt-dix jours des innocents dans des centres de rétention. Pour nous, il est inhumain que dans ces mêmes centres de rétention soient enfermés des enfants. Pour nous, l’accueil des navires qui secourent les migrants en mer est un acte d’humanité, un acte républicain. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Écolo-NUPES, LFI-NUPES et SOC.)
N’importe quoi !
Madame la Première ministre, comment faites-vous pour rejeter en bloc ces principes comme autant de combats naïfs et de combats de gauchistes alors qu’Angela Merkel a fait de l’Allemagne une terre d’asile, donnant ainsi une leçon de dignité aux dirigeants européens ? Loin de cette visée humaniste, votre politique semble se placer dans la continuité de celle de vos prédécesseurs : tentes lacérées, exilés affamés, associations harcelées, sans parler de cette jeune femme noyée dans une rivière des Alpes, de ces trois jeunes vies fauchées dans un transport express régional (TER) du Pays basque, de tous ces espoirs engloutis dans la mer Méditerranée. C’est l’esprit républicain qui est défait.
Pour que chacun soit juge, parlons aussi d’égalité. Nous, députés écologistes, députés NUPES, nous nous inscrivons dans l’héritage du Conseil national de la Résistance. Pour nous, le compromis n’est pas une compromission s’il vise le progrès ou l’égalité. Pour nous, une conquête sociale est toujours un progrès, jamais une charge. Pour nous, le travail est facteur d’émancipation si et seulement s’il n’est pas une version contemporaine de l’aliénation et de l’esclavage et s’il paie décemment. C’est pourtant du bon sens : tout travail mérite salaire.
Pour nous, l’âge de départ à la retraite doit contribuer à réduire les inégalités, non à les aggraver. Pour vous et pour les membres de votre gouvernement, ce n’est peut-être pas un sujet d’angoisse, mais admettez que pour celles qui se cassent le dos pour garder nos enfants, nettoyer nos bureaux, s’occuper de nos aînés, pour ceux qui tiennent le marteau piqueur, qui réparent les toits, conduisent des bus, 65 ans, c’est tard, c’est bien trop tard.
Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Ça va !
Songez que pour celles et ceux qui n’ont pas choisi leur emploi, mais gagnent leur vie, pour celles et ceux qui ont une vocation, mais dans des métiers éprouvants, épuisants, physiques, attendre 65 ans, c’est intolérable. (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES et sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES, SOC et GDR-NUPES.)
Vous avez vraiment lu nos propositions ?
Continuons la clarification et parlons de liberté.
Finalement, dans votre discours, vous nous en avez peu parlé. Lorsque vous l’avez fait, c’est pour vanter la liberté d’entreprendre. Que les journalistes du Consortium international des journalistes d’investigation soient remerciés : leur enquête sur Uber éclaire nos débats. Elle a dévoilé les échanges qui ont eu lieu dès octobre 2014 entre les dirigeants d’Uber et le ministre de l’économie tout juste nommé, un certain Emmanuel Macron. On comprend alors que pour la Macronie naissante, la liberté, c’est celle d’un tout petit nombre de Français qui peut disposer de la vie des autres. C’est, me semble-t-il, une définition honnête et sans parti pris de l’uberisation de nos sociétés. La liberté que vous chérissez repose sur une société du servage.
Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Ça va, là !
Pour nous, au contraire, la liberté suppose de sortir des fins de mois difficiles et des emplois précaires : il faut être libre de choisir. Alors, oui, au nom de la liberté, nous défendons la garantie d’autonomie jeunes ; au nom de la liberté, nous défendons la garantie universelle des loyers, le SMIC à 1 500 euros et la revalorisation de toutes les petites pensions de retraite ; au nom de la liberté présente et future, nous défendons une action environnementale et climatique ambitieuse.
Madame la Première ministre, pour que la clarification soit complète, nous devons maintenant parler de la dette. Pour le gouvernement que vous dirigez, la seule dette qui mérite qu’on s’y consacre est la dette financière. Dans votre déclaration de politique générale, vous l’avez placée au rang de priorité absolue, reléguant au « dès que possible » l’action en faveur du climat et de la biodiversité.
Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
C’est scandaleux de dire cela !
Mais le « dès que possible », ce n’est pas possible, car la dette écologique se paye déjà dans le Pacifique, où des îles ont disparu sous les eaux – par exemple, East Island, engloutie lors du passage d’un ouragan en 2018. Qui s’en préoccupe rue de Grenelle ? Cette dette se paye aussi dans le golfe du Bengale : à Ghoramara, le bureau de poste a été englouti, les habitants vivent les pieds dans l’eau et doivent se déplacer à mesure que les eaux montent. Loin des yeux, loin de nos préoccupations ? Est-ce la raison de votre inaction ?
Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
C’est scandaleux !
Madame la Première ministre, n’oubliez pas que la dette écologique se paie également dans nos campagnes, où des agriculteurs subissent la grêle, le gel tardif, les pluies diluviennes tombant sur des sols asséchés ; dans nos montagnes, où la neige se fait rare et où les glaciers disparaissent ; dans nos vies, marquées par les canicules plus fréquentes, plus longues et plus dangereuses pour les plus vulnérables. Que peut l’équilibre financier pour nous protéger du réchauffement climatique, de l’effondrement de la biodiversité et de la montée des eaux ? Rien. Cette obstination vous fait passer à côté d’un défi historique et planétaire qui se pose notamment à la France. Julien Bayou, co-président du groupe Écologiste vous l’a dit dès mercredi : nous nous battrons pour faire appliquer les accords de Paris et les propositions de la Convention citoyenne pour le climat. Telle est la priorité qui devrait tous nous occuper et nous préoccuper.
Notre compromis est le suivant : pour les générations futures, agissons tout de suite. Nous leur devons la souveraineté énergétique, le 100 % renouvelable comme horizon de moyen terme, la limitation de la hausse des températures à 2 degrés, ce qui est déjà beaucoup, la sortie de l’élevage industriel et le zéro pesticide, l’isolation thermique de 700 000 bâtiments par an.
Madame la Première ministre, entre vous, le gouvernement que vous dirigez, et nous, il n’y a pas de confiance. Votre discours de la semaine dernière ne nous a pas rassurés et ce que nous a fait subir le Président Macron pendant cinq ans ne nous laisse rien espérer. Il a embarqué le pays dans des tempêtes sur un navire sans boussole, en prétendant que tribord et bâbord se confondaient. Puis le navire a tangué sous l’Arc de Triomphe, il a pris l’eau dans nos écoles, il a chaviré dans les services d’urgences, il a fait naufrage à Glasgow avec une COP26 de tous les renoncements. Le navire s’est échoué face au duo Zemmour et Le Pen, sous le regard indulgent du candidat Macron qui les a laissé dicter les termes du débat présidentiel. (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES, LFI-NUPES, SOC et GDR-NUPES.)
Il est terrible, le bilan de votre « en même temps », de ce monde qui ne prône pas le dépassement, mais la mise à mort des batailles politiques, de la confrontation des idées, de l’affrontement entre différents modèles de société. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé de voter cette motion de défiance. La défiance, ce n’est pas le refus de dialoguer. Notre position est conforme au mandat que nous ont confié les électeurs et les électrices. (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES et sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES et SOC.) La défiance est la réponse à votre obstination, à votre refus de questionner un projet qui n’a pas obtenu de majorité. Le Parlement n’est pas un lieu verrouillé. Il doit s’imposer comme le lieu du débat républicain et de l’élaboration de nos politiques publiques. (De nombreux députés des groupes Écolo-NUPES, LFI-NUPES, SOC et GDR-NUPES se lèvent et applaudissent.) La parole est à M. Pierre Dharréville.
« Bien sûr, il se doutait qu’il ne parviendrait pas à rallier
ce jour-là une majorité à sa cause, il avait dû se dire que cela
servirait plus tard ; et, armé de cette conviction, il avait écrit
son discours. » Ainsi Éric Vuillard raconte-t-il une séance à
l’Assemblée nationale.
Mon discours pourtant ne renonce à
rien. Il s’adresse à chacune et chacun d’entre vous qui exercez
cette responsabilité singulière, à votre liberté de conscience.
Il entend résonner bien au-delà de cet hémicycle. Je suis là pour
ébranler, si possible, les certitudes et les habitudes, pour rendre
justice à celles et à ceux qui m’ont envoyé, qui nous ont
envoyés sur ces bancs, pour changer de cap dès que possible. Je
suis là, en fin de compte, parce que « vous avez un peu trop pris
la confiance », comme on dit chez moi. (Applaudissements sur les
bancs du groupe GDR-NUPES.) Le 16 mai dernier, madame la Première
ministre, vous avez tweeté : « Merci à Emmanuel Macron de sa
confiance et de l’honneur qu’il me fait en me nommant Première
ministre. » Quelques jours plus tard, vous vous êtes présentée
avec votre gouvernement devant la représentation nationale, de façon
un peu cavalière, sans nous demander notre confiance, laissant
penser qu’elle allait naturellement de soi.
Afin de faire
respecter le Parlement, nous n’avions par conséquent pas d’autre
choix, avec nos alliés de la Nouvelle union populaire, écologique
et sociale, que de déposer cette motion de censure. Vous en
conviendrez, madame la Première ministre, nous ne pouvons pas
commencer cette législature sur un malentendu. Il faut que se
manifeste ici votre semblant, ou faux-semblant, de légitimité.
Puisque vous ne l’avez pas fait, il nous revient d’engager votre
responsabilité et la nôtre. Il s’agit donc d’un acte de
clarification. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES et
sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES.)
Bravo !
En ce qui nous concerne, nous n’avons pas été élus pour appliquer le programme d’Emmanuel Macron, mais au contraire pour combattre les choix libéraux qui abîment le pays. Or la stratégie du compromis que vous avez définie, si on écoute attentivement votre discours de politique générale, a pour unique matrice la feuille de route présidentielle. Je vous cite : « Nous nous inscrirons dans le cadre défini par le Président de la République et agirons selon les valeurs qu’il porte. » Vous demandez des compromis et vous affichez un plan sans concessions !
Exactement !
Vous mettez par exemple sur la table une attaque frontale contre
le droit à la retraite dont une majorité ne veut pas. Vous ne tirez
pas les leçons de la séquence électorale. Vous n’écoutez pas le
pays. Nous vivons dans un pays qui va mal, un pays en colère où
grandissent des pulsions dangereuses. Il y a une forte odeur de
brûlé.
Dans son dernier album, Florent Marchet dit combien il
se sent étranger à la montée des idées d’extrême droite qu’il
compare à un incendie – son intensité a d’ailleurs, à la
faveur de ce quinquennat, été multiplié par dix. Si on l’écoute
bien, le choix est simple : l’éclaircie ou l’incendie. Il faut,
madame la Première ministre, faire le choix de l’éclaircie et,
pour cela, il faut changer de politique ! (Applaudissements sur les
bancs du groupe GDR-NUPES et sur plusieurs bancs des groupes
LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES.) Or nous avons le sentiment que vous
faites semblant, que vous bluffez – ce n’est pas nouveau, mais
cela ne trompe personne. Vous confortez, avec vos choix, la
domination des puissances d’argent. Ainsi se nourrit le drame qui
nous guette.
Vous êtes en train de céder à une tentation
dangereuse. Vous essayez, d’une certaine manière, un coup de poker
qui consiste à faire de votre faiblesse un argument pour rejeter la
responsabilité de vos échecs sur les autres. Vous inversez les
rôles. En réalité, vous voulez continuer d’expliquer qu’il n’y
a pas de droite et pas de gauche, mais simplement la macronie
éclairée, avec sa politique de droite ! (Applaudissements sur
quelques bancs du groupe SOC.) Votre vertige est le résultat de la
contradiction que vous prétendez abolir entre la droite et la
gauche, entre les forces possédantes et le monde du travail au
profit des premières.
Vous voulez continuer à expliquer qu’il
n’existe que des décisions incontournables quand il s’agit de
choix politiques. Je vous cite à nouveau : « Je crois fermement au
dépassement entamé il y a cinq ans par le Président de la
République. » Par la force des choses, vous entendez poursuivre
votre action sous une forme différente, au coup par coup, au cas par
cas. Ainsi, bien souvent, vous irez chercher à droite le
consentement qui vous permettra de continuer votre chemin. Vous en
avez d’ailleurs fait la promesse devant le Sénat, estimant que
vous partagez avec sa majorité « bon nombre de priorités et même,
sans aucun doute, de solutions ». Et, de temps en temps, vous nous
présenterez une mesurette acceptable que vous nous demanderez de
voter pour faire bonne mesure, bon poids, donner bonne
conscience.
Votre proposition, ce n’est pas le compromis,
c’est la continuation dans la confusion, c’est la mystification,
l’enfumage.
Exactement !
Vous serez jugée sur vos actes. Comme nous l’avons toujours
fait, nous soutiendrons ce qui nous semble aller dans la bonne
direction mais nous ne vous aiderons pas à mettre en œuvre votre
projet. Nous agirons dans l’intérêt général, nous ferons
grandir des idées. Vous n’avez fait aucun geste hormis la promesse
de déconjugaliser l’AAH, mesure inéluctable tant elle fait
consensus au sein de la société. C’était d’ailleurs presque
émouvant d’observer la majorité applaudir cette annonce, toute
honte bue, après l’avoir tant de fois repoussée.
(Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES et sur plusieurs
bancs des groupes LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES.) Vous devez revoir
vos ambitions, madame la Première ministre : vous n’en avez pas
les moyens. Vous devez adopter les mesures permettant de vivre bien
et arrêter vos grandes réformes régressives de remastérisation
libérale, qu’il s’agisse du droit à la retraite, de Pôle
emploi, d’EDF ou encore de l’AAH. Vous devez tenir compte de
votre affaiblissement. Il est de votre responsabilité de redéfinir
un autre centre de gravité pour la politique de la nation, de
renoncer à des projets qui ne passent pas. Saisissez la chance de
revitaliser la place du Parlement et de la démocratie. N’essayez
pas de faire malgré tout ce pour quoi vous n’avez pas de
majorité.
L’extrême droite prétend représenter la seule
opposition à Macron et voudrait manifestement être votre premier
partenaire. Je vous le dis depuis le siège qui est le mien, celui de
Gabriel Péri : pourvu que jamais ne soit servi à l’extrême
droite ce qu’elle est venue chercher, les apparences de la
respectabilité pour son funeste projet de société !
(Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES et sur plusieurs
bancs des groupes LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES.) Pour le groupe
Gauche démocrate et républicaine, pour ses députés communistes et
ses députés d’outre-mer, c’est une motion de gauche. C’est
une motion qui appelle d’autres pistes, qui propose une
alternative. C’est une motion pour l’urgence de progrès sociaux,
écologiques et démocratiques. C’est une motion qui vous appelle à
des inflexions claires, non pas dans le but d’obtenir nos
suffrages, mais afin de prendre en compte les points de vue qui ont
part à la volonté populaire que nous représentons ici.
Vous
continuez à contourner le salaire, à remettre en cause le principe
de la cotisation sociale, à affaiblir la sécurité sociale, à
proposer des augmentations de pouvoir d’achat qui sont en réalité
autofinancées par leurs bénéficiaires. Vous renoncez à des
ressources nécessaires, à la justice fiscale, à des
investissements indispensables, par exemple dans la rénovation
thermique des logements ou dans le développement des chemins de fer,
et vous annoncez le retour de l’austérité budgétaire.
(Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR-NUPES et
LFI-NUPES. – M. Olivier Faure applaudit également.) Votre
politique fiscale se fera au profit des actionnaires et des plus
fortunés, au détriment du plus grand nombre et des services
publics. Ainsi, l’audiovisuel public, désigné par le Président
comme la honte de la République, est dans le viseur, et l’éducation
nationale, maltraitée pendant cinq ans, traverse une crise qui
ressemble furieusement à celle de l’hôpital public. Quant aux
mesures que vous envisagez pour l’hôpital public, elles ne sont
qu’un cautère sur une jambe de bois.
Vous annoncez un nouveau
durcissement de la politique d’hospitalité. Ainsi, vous avez beau
vanter les mérites de la République, les actes ne suivent pas pour
lui permettre d’être au rendez-vous de sa promesse dans nos
villes, nos villages, nos quartiers, sur le continent et dans les
territoires d’outre-mer où l’on a le ferme sentiment d’être
dans un lieu de seconde zone. (Mme Karine Lebon applaudit.) Plutôt
que l’effilochage des droits, plutôt que le recours à la chance,
mettez au cœur de l’action publique la lutte résolue contre les
inégalités et pour le respect de l’humain ; placez la question du
climat au centre – la sécheresse gagne. Vous ne le ferez pas sans
vous attaquer aux puissances d’argent, à la loi de l’argent.
Ayez enfin ce courage plutôt que de vous placer du côté des
patrons, d’Uber, de McKinsey et consorts ! Au lieu de favoriser la
santé des actionnaires, agissez en faveur de la jeunesse tant
malmenée ces dernières années.
Vous avez dit vouloir faire du
travail « un levier d’émancipation », vous qui, avec le
Président, avez défendu et conforté le modèle économique et
social de travail low-cost d’Uber. Vous avez pourtant contribué à
précariser, dans le public comme dans le privé, vous avez attaqué
le code du travail, abîmé le droit à l’assurance chômage. Le
mal-emploi et le mal-travail sont en progression constante dans notre
pays sous le coup d’injonctions à la compétitivité et à la
réduction du prétendu coût du travail. Au lieu de vous payer de
mots, arrêtez la casse, attaquez-vous à la précarité,
occupez-vous des métiers, exercés majoritairement par des femmes,
qui sont si mal reconnus.
Oui.
Je reviens à Éric Vuillard : « Il releva la tête. Regarda
l’hémicycle. À ce moment, son grand visage s’écarquilla. Et il
sembla que l’expression " élu du peuple " voulait
parfois dire quelque chose. » Chaque fois que je monte à cette
tribune, telle est ma seule intention.
C’est donc au nom des
espoirs de celles et de ceux qui nous ont envoyés en ces lieux, afin
de les défendre d’emblée et parce que vous-même semblez les
ignorer, que les députés communistes et des territoires outre-mer
du groupe Gauche démocrate et républicaine voteront la censure.
(Les députés des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES
se lèvent et applaudissent.)
La parole est à M. Christophe Naegelen.
Notre pays traverse une crise, ou plutôt des crises, sans précédent. Les normes et les lois écrasent les Français, les associations et les entreprises – les plus petites principalement.
Mais pas les riches !
De nombreux Français, dont une majorité de travailleurs,
n’arrivent plus à boucler leurs fins de mois. Les hôpitaux sont
au bord de l’implosion, les enseignants manquent de soutien : les
exemples sont multiples. Il est important de tout revoir, de tout
repenser ; non pas dans l’intérêt d’un ou de plusieurs partis,
mais dans celui des Françaises et des Français. J’ose espérer
que nous pouvons tous partager ces constats.
Mais les Français
ont voté ; ils ont tranché. La solution est très simple : le
Président Emmanuel Macron est élu mais ne dispose pas de majorité
à l’Assemblée nationale. Les résultats ne souffrent d’aucune
contestation et s’imposent à nous tous : c’est la
démocratie.
Chers collègues de La France insoumise, de cette
union populaire, votre motion de censure semble inappropriée et
prématurée. Elle ne masque pas non plus une réalité évidente :
Jean-Luc Mélenchon n’a pas été élu Président de la République,
il a même été éliminé au premier tour de l’élection
présidentielle. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)
Ah ça, ça fait mal !
Puis il a, à mot couvert, appelé à voter pour Emmanuel Macron au second tour : je ne remets pas en cause ce jugement de valeur. Mais, trois mois après, alors même que le Gouvernement ne s’est pas encore mis au travail et n’a pas pu faire ses preuves, il est compliqué de le censurer sans savoir ce qui sera fait. Malgré une campagne menée sous le slogan « Mélenchon à Matignon », vous êtes bien loin d’obtenir une majorité, même relative, dans cette assemblée.
C’était qui votre candidat ?
Le dépôt d’une motion de censure, décidée avant même la déclaration de Mme la Première ministre, donne à nos concitoyens un exemple déplorable. Au lieu de répondre aux préoccupations des Français, nous assistons à une pièce de théâtre ridicule qui ne vous met pas, qui ne nous met pas en valeur. J’espère que vous n’en serez pas récompensé ni, d’ailleurs, pour l’intégralité de votre œuvre.
L’UDI a fait moins de 1 % aux élections !
N’estimez-vous pas que nous devons donner l’exemple ? Ne
pensez-vous pas que ces pantomimes contribuent à discréditer le
mandat que vous ont confié les Français ?
Votre motion ne sera
votée que par les groupes de la NUPES : vous aurez ainsi réussi
indirectement à conforter le Gouvernement.
Les députés du
groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires que je
représente – il s’agit certes d’un petit groupe, comme vous le
dites très bien Mme Raquel Garrido – ont été élus contre des
candidats de l’ancienne majorité, contre des candidats de votre
union de groupes et contre des candidats du Rassemblement national.
Ils s’inscrivent dans l’opposition, mais refusent la
caporalisation et se présentent en hommes et en femmes libres.
Il est où Lagarde ?
Comment expliquer qu’après avoir dit que nous jugerions sur
pièce les engagements de la Première ministre, nous votions, une
semaine après, pour la renverser ?
Il revient à l’exécutif
de créer les conditions d’un meilleur travail au sein de la
majorité, et d’un meilleur travail avec l’opposition, sur le
fond et sur la forme. Il est de votre responsabilité d’organiser
cette nouvelle méthode de travail.
Eh oui, il serait temps de s’y employer !
Les premiers signaux envoyés ne nous rassurent pas forcément. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)
Ils vont finir par voter la censure !
Madame la Première ministre, vous avez parlé de coconstruction.
Au vu des premiers échanges que nous avons eus à l’Assemblée
nationale, permettez-moi de rester dubitatif.
Sur le fond, nous
avons de profonds désaccords avec la NUPES. Nous siégeons certes
dans l’opposition, mais dans une opposition constructive : nous
voterons les textes qui iront dans le bon sens, et nous nous
opposerons à ceux dont nous estimerons qu’ils ne servent pas
l’intérêt des Françaises et des Français. Or, à l’analyser
de près, le contre-projet de la NUPES ne nous incite guère à nous
prononcer en sa faveur. Je ne me retrouve pas dans le programme que
présentent les auteurs de la motion de censure – je note
d’ailleurs qu’il reprend largement les propositions du candidat
de La France insoumise à l’élection présidentielle, accentuant
la « mélenchonisation » de la gauche. Je ne crois pas en une
économie administrée par l’État : votre programme est
inapplicable et serait la ruine de la France.
La Première ministre va pourtant nationaliser EDF !
Je ne me retrouve pas non plus dans votre logique de lutte des classes qui oppose les entrepreneurs et les salariés.
Il va y avoir de la planification !
Je ne parle pas ici des grands groupes qui pratiquent l’optimisation fiscale : lors de la précédente législature, notre groupe parlementaire a d’ailleurs demandé qu’une commission d’enquête parlementaire soit consacrée à cette pratique, et plus encore à la fraude, qu’elle soit fiscale ou sociale.
Vous êtes dans la contradiction totale !
Je ne vise pas non plus les hommes et les femmes qui ont fait le choix d’entreprendre, tous ces dirigeants de très petites entreprises (TPE), de petites et moyennes entreprises (PME) et de petites et moyennes industries (PMI) qui prennent des risques et qui contribuent à la vitalité de nos territoires.
Il a raison !
Au-delà de votre programme économique, je ne me retrouve pas non plus dans vos positions concernant les questions régaliennes, et il me paraît irresponsable d’affirmer que la police tue. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN et sur plusieurs bancs du groupe LR.) Heureusement, nous pouvons nous accorder sur certains points ; je pense notamment à la déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés, dont j’espère qu’elle sera défendue prochainement et votée unanimement, sans posture partisane…
Qui était dans la posture ? Dites-le donc ! Un peu d’audace !
…dans le seul intérêt des Français – car, ne l’oublions pas, c’est par eux et pour eux que nous avons été élus.
Vous êtes dans la posture !
Sans surprise, votre motion de censure sera largement rejetée ; nous ne participerons pas au vote. Son rejet permettra au moins, je l’espère, de nous mettre au travail dans l’intérêt des Français. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LIOT.)
Que de contradictions !
La parole est à Mme Aurore Bergé, pour une durée maximale de cinquante minutes.
Cinquante minutes, comment est-ce possible ?
C’est la répartition proportionnelle, cher collègue ! (Sourires.)
Merci pour votre enthousiasme, monsieur le député !
L’avantage d’être dans la majorité c’est qu’on ne partage pas le temps de parole !
« Le déni de réalité va tuer la démocratie ». Mais quelle est la réalité ? Nous examinons aujourd’hui une motion de censure, et non une motion de défiance. Si nous sommes ici, c’est parce que l’autoproclamé « tribun du peuple » – selon ses propres termes –, qui ne siège même pas à l’Assemblée, en a décidé ainsi (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES) : il vous a intimé l’ordre, madame la présidente et messieurs les présidents de l’opposition de gauche,…
Il vous manque vraiment !
…de transformer nos débats en une affaire de procédure grâce au dépôt d’une motion de censure. Il vous met même en garde, vous, ses alliés politiques : il vous « en coûtera très cher » de ne pas suivre ses directives. La réalité, c’est qu’en bon démocrate, le tribun du peuple n’accepte le résultat des urnes que lorsqu’il lui est favorable. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem. – Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) Par quatre fois, pourtant, les Français lui ont dit non ; à deux élections présidentielles consécutives, il a été éliminé dès le premier tour de scrutin ; à deux élections législatives consécutives, il n’a pas obtenu la cohabitation tant espérée. Le naufrage aux législatives, c’est le vôtre : les Français ont dit non, non, et encore non. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.) Alors oui, monsieur Mélenchon, vous avez raison d’affirmer que le déni de réalité va tuer la démocratie ; mais la seule anomalie démocratique, c’est de refuser le verdict des Français. Nous avons un président fort (Protestations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES), le premier président qui ait été réélu en dehors d’une période de cohabitation (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.) Réélire le président : tel a été le choix des Français. Leur choix fut aussi de se doter d’un gouvernement en mesure d’agir, sous la direction de la Première ministre – laquelle n’aura perdu ni son calme ni sa détermination, malgré vos vociférations. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.) Permettez-moi de vous rappeler que l’hémicycle est – et doit rester – le cœur battant de la vie parlementaire et politique ; il n’est ni un campus, ni une ZAD – zone à défendre –, et nous ne le laisserons pas le devenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur plusieurs bancs du groupe Dem. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Ah bravo !
La démocratie, enfin, c’est celle qui a renouvelé et rénové l’Assemblée, et qui lui offre l’occasion historique d’être un parlement fort, capable de compromis politiques sans jamais se compromettre. Penchons-nous justement sur les compromissions dont vous ne cessez de nous accuser. Qui déclare dans une interview : « Pourquoi la NUPES est-elle seule à voter une motion de censure, quand c’est le seul choix fidèle au vote des électeurs ? » C’est votre tribun du peuple, encore lui – toujours lui ! – qui appelle ainsi les voix du Rassemblement national à soutenir votre motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Mme Danièle Obono s’exclame.) Le porte-parole de la NUPES ne disait pas autre chose hier soir dans une interview, en affirmant : « Nous n’avons pas inscrit dans la motion de censure le SMIC à 1 500 euros pour que le Rassemblement national puisse la voter. » (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.)
Tout le monde nous réclame !
Voilà ce que vous êtes, et voilà avec qui vous souhaitez vous allier. Votre lune de miel, les Français en payeraient l’addition ! Je le dis et je le répète : pour la majorité, c’est non ; les compromis, oui ; la compromission, jamais, ni avec l’extrême droite, ni avec l’extrême gauche. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe FI.)
Et nous alors ?
Nous suivons une ligne claire et responsable : ni dette, ni impôts
supplémentaires.
Nous voici donc contraints de reprendre un
débat que les Français ont déjà tranché avec clarté et
constance. Pourtant, nos concitoyens attendent autre chose de nous
que des motions de procédure et de posture. Plutôt qu’une
après-midi de discours, ils attendent des actes qui les protègent
contre l’inflation, contre le dérèglement climatique ou contre
l’insécurité.
L’État a été condamné deux fois pour inaction climatique !
Les Français apprécieront votre sens des priorités et l’instrumentalisation de l’Assemblée à laquelle vous vous livrez.
Ils vous ont sanctionnés !
Les plus modestes d’entre eux, ceux pour qui nous devons agir
sans attendre, l’apprécieront sûrement plus encore.
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.) Venons-en à
l’argument que vous invoquez : le Gouvernement devrait être
censuré pour ne pas avoir demandé de vote de confiance à
l’Assemblée. Si vous avez parfaitement le droit de déposer une
motion de censure, vous devez accepter que rien n’oblige le
Gouvernement à solliciter un vote de confiance – c’est son
droit, comme c’est le vôtre. Vous usez de votre droit, le
Gouvernement aussi ; il faut vous faut l’accepter : c’est aussi
cela, la Ve République et l’équilibre des pouvoirs.
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.) De nombreux
gouvernements n’ont d’ailleurs pas sollicité de vote de
confiance sous la Ve République. Georges Pompidou ne l’a
pas fait en 1966 et en 1967, et personne ne peut dire que les deux
gouvernements en question n’ont pas su faire face et agir : ils
sont à l’origine de la loi Neuwirth relative à la contraception,
ou encore des accords de Grenelle. N’ont-ils pas permis à la
France d’avancer ? De même, Michel Rocard n’a pas demandé de
vote de confiance en 1988, et personne ne peut nier que son
gouvernement a conduit des réformes profondes et durables –
j’espère que ce constat est encore partagé sur certains bancs à
gauche. Son gouvernement a créé le revenu minimum d’insertion
(RMI) et a instauré la contribution sociale généralisée (CSG).
N’était-il pas légitime pour mener des réformes ?
À vous
écouter, madame la présidente et messieurs les présidents des
groupes d’opposition de gauche, tous les gouvernements devraient
invariablement solliciter un vote de confiance.
C’est inscrit dans la Constitution !
Vous avez le droit de le proposer, à condition de mener le débat à son terme : rappelons que l’obligation du vote de confiance prévalait sous la IVe République, avec le succès que l’on sait. Mais peut-être n’êtes-vous pas tous favorables à un retour à la IVe République – comme au sujet du nucléaire, vos programmes ont nettement évolué ou se sont amplement contredits et reniés entre l’élection présidentielle et les élections législatives…
Un peu comme entre La République en marche et Renaissance !
Un retour à la IVe République, telle est pourtant la
logique que vous défendez, tous ensemble, par votre motion de
censure et par vos arguments.
Venons-en à votre projet, aux
solutions alternatives que vous proposez pour la France et à leurs
conséquences. Le plein-emploi est atteignable à la fin du
quinquennat, et avec lui, la capacité de s’affranchir des
assignations – qu’il s’agisse des inégalités sociales et
territoriales ou des discriminations, fondées notamment sur le genre
ou l’origine. Il n’est pas de politique de liberté et d’égalité
plus forte que celle qui mène un pays au plein emploi. Pour y
parvenir, nous avons besoin d’une économie en croissance, sans
augmentation des impôts ni de la dette. Telle est notre renaissance
: en finir définitivement avec le chômage de masse.
Bla bla bla !
Une renaissance depuis cinq ans !
Que proposez-vous ? Tout simplement d’y retourner. Votre programme a été analysé par des experts, y compris de gauche : les nouvelles charges que vous préconisez pour les entreprises suffiraient à provoquer un retour immédiat à un chômage à 10 % et une fuite des investissements étrangers,…
C’est faux !
…alors que ceux-ci atteignent des niveaux record, mis en lumière aujourd’hui encore par Choose France. Si l’on y ajoute vos autres mesures, c’est un véritable scénario à la grecque que vous promettez aux Français.
Vous, vous tuez les services publics !
Les services publics n’ont pas d’autre réalité que le financement qu’on leur accorde. On n’achète pas l’école, pas plus qu’on n’achète la santé : on les finance.
C’est là qu’interviennent McKinsey et les experts !
À un euro de financement correspond un euro de service public, et
ce financement provient de la richesse que l’on crée. Pour notre
part, nous disons la vérité aux Français : un monde où chacun
gagne au loto n’existe pas, et ce n’est que par le travail que
l’on crée de la richesse. (Applaudissements sur les bancs du
groupe RE.) Il faut donc travailler collectivement davantage, en
réduisant le chômage et en réformant les retraites, pour nous
doter des moyens de refonder l’école et de renforcer l’accès
universel aux soins dans tous les territoires.
Que proposez-vous
? Le contraire. Vous affirmez que nous travaillerons tous moins, mais
que nous serons collectivement plus riches. Vous ajoutez que nous
serons certes moins riches, mais que nous dépenserons comme si nous
l’étions davantage.
Absolument pas !
J’en viens à l’école. Que propose votre programme pour la refonder ? Une heure trente de classe autogérée par semaine en primaire ! Voilà une façon pour le moins originale de résoudre les problèmes de recrutement : une école sans professeur, il fallait y penser, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)
On a dédoublé les classes en réseau d’éducation prioritaire !
Quant à la santé, quels financements proposez-vous ? Vous promettez tout, tout à la fois, mais on ne soigne pas avec des promesses. (Exclamations continues sur plusieurs les bancs du groupe LFI-NUPES.) Nos engagements sont clairs : avant que la suppression du numerus clausus produise ses effets, nous devons agir sur tous les leviers pour mieux soigner, partout. Cela passera par de la prévention, par la diminution du temps administratif au profit du temps utile passé auprès des patients, par la montée en compétences de toutes les professions médicales, par l’attractivité renforcée des métiers de la santé, et encore par une offre de soins adaptée à chaque territoire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – Mme Ségolène Amiot s’exclame.)
Eh oui !
La transition écologique repose sur une question centrale :
comment sortir des énergies fossiles ? Comment décarboner ? La
France a la chance de posséder une source d’énergie qui le permet
: le nucléaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE. –
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) C’est pour
cela que nous devons développer et renforcer notre parc. Or vous
proposez tout simplement de nous passer du nucléaire : ce faisant,
vous mentez aux Français et vous mettez leur avenir en
péril.
Concernant votre politique agricole, vous ne cessez de
mettre en accusation ceux qui nous nourrissent, alors que notre
agriculture est la plus saine et la plus durable au monde. (Mêmes
mouvements.) Nous devrions nous en réjouir ! Sortez un instant des
territoires où vous êtes élus, et acceptez d’échanger avec les
agriculteurs : ils vous expliqueront concrètement comment ils
travaillent et combien ils ont progressé. Ils font la fierté de
notre pays. Nous les applaudissons, quand vous préférez les
conspuer ! (Mêmes mouvements.) Prenons deux mesures de votre
programme : vous proposez de ne plus utiliser aucun engrais ou
pesticide, et d’imposer une production agricole à 100 % bio. Mais
pour quelle production ? À l’avenir, comment pourrons-nous nourrir
les Français et exporter, alors que nous encourons un risque de
pénurie mondiale ? L’exemple que vous prônez est celui de la
déliquescence du Sri Lanka, ni plus, ni moins ! (Applaudissements
sur les bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe
LFI-NUPES.)
Exactement !
Ce sont des famines, des risques de pénurie et des habitants qui ne peuvent plus s’alimenter ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.) Puisque nous évoquons ceux que vous insultez, je l’affirme haut et fort : nous défendons notre police républicaine, et nous ne défilons pas avec des pancartes qui prétendent que la police tue. La police et la gendarmerie sont notre honneur, et nous les soutenons. (Mêmes mouvements.)
Vous n’avez pas honte !
Enfin, notre souveraineté passe par l’Europe, ne vous en déplaise – car c’est aussi elle qui nous protège. Vous proposez au contraire de l’abandonner, puisque désobéir aux traités européens, c’est sortir de l’Europe. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe RE.) Comment le Brexit est-il survenu ? Il est né le jour où le Royaume-Uni a décidé qu’il devait désobéir aux traités, ni plus ni moins. Telle est la réalité des faits. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Si la France avait désobéi, nous n’aurions pas eu la taxe carbone aux frontières ni la régulation des plateformes pour lutter contre la haine en ligne ; nous n’aurions pas eu non plus de consensus pour soutenir l’Ukraine contre l’agression russe. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.) Notre souveraineté – sur ce point aussi, vous vous rejoignez –, vous proposez de l’abandonner et, comme avec l’Ukraine, de la convertir en roubles. À l’extrême droite, vous êtes débiteurs de la Russie, qui n’est autre que votre banque (Protestations sur bancs du groupe RN) ; à l’extrême gauche, vous nous rêvez encore en satellite de l’ex-URSS ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)
Plusieurs députés du groupe RN.
Et Uber ? Et McKinsey ?
Je suis ravie de montrer à quel point les deux bords opposés de
cet hémicycle sont en réalité d’accord.
La réalité de
votre programme est claire : la démocratie à la cubaine, un
scénario économique à la grecque, la transition écologique du Sri
Lanka et la diplomatie russe ! (Applaudissements sur les bancs des
groupes RE et Dem. – Exclamations sur les bancs des groupes
LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.) Je ne doute pas que votre
tribun du peuple compense le bilan carbone de ses nombreux voyages
d’étude, mais ici, oui, nous croyons fermement à notre
démocratie, à notre indépendance et à l’affirmation de notre
souveraineté.
Au-delà de vos vociférations, cette motion de
censure a une vertu, et une seule : celle de rappeler, par votre vote
minoritaire, que Jean-Luc Mélenchon a perdu une fois encore la
présidentielle, que vous avez perdu une fois encore les législatives
et que si notre majorité est relative, vous êtes, quant à vous, en
minorité absolue. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.) Par
ce vote, nous tournons définitivement, et c’est heureux, la page
des élections, et nous nous engageons dans la seule voie qui compte,
celle qui consiste à travailler avec toutes les forces de l’arc
républicain pour les Français, pour améliorer leur quotidien.
C’est ce à quoi nous nous engageons ! (Les députés du groupe RE
se lèvent et applaudissent. – Les députés des groupes Dem et HOR
applaudissent également.)
La parole est à M. Alexandre Loubet.
Madame la Première ministre, chacun, ici, mesure la gravité de la situation de notre pays et la responsabilité qui incombe à votre gouvernement, mais aussi à chacun d’entre nous ici présents. Nous traversons déjà une crise sociale, économique et sécuritaire.
Démocratique !
Nous n’avons pas besoin d’une crise de régime. C’est pourquoi les députés du Rassemblement national ne soutiendront pas cette motion de censure. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)
Vous faites une belle opposition !
Je veux m’adresser aux députés de l’extrême gauche NUPES : l’heure n’est pas aux basses manœuvres politiciennes (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES) mais à l’action au service des Français. Face aux difficultés des fins de mois qu’affrontent des dizaines de millions de nos compatriotes, nous nous apprêtons à examiner un projet de loi essentiel pour améliorer leur pouvoir d’achat. Même si ce texte n’est pas suffisant, nous devons le voter. (Sourires et exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)
Déjà complice !
Or, voter votre motion de censure reviendrait à priver les Français de ces mesures de soutien durant de nombreux mois…
Vous êtes une opposition en carton !
…et à enfoncer beaucoup d’entre eux dans une précarité extrême. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) En réalité, vous, députés de l’extrême gauche NUPES, vous vous moquez de défendre les Français. (Même mouvement.)
On n’a pas attendu que vous arriviez !
Votre agenda idéologique et la soif de pouvoir indécente de Jean-Luc Mélenchon…
Plusieurs députés du groupe LFI-NUPES.
Il n’est pas là.
…démontrent que vous méprisez le peuple. Vous voulez faire sauter les institutions, vous voulez l’anarchie, l’impuissance des pouvoirs publics et la violence de la rue ! Vous êtes les héritiers de cette extrême gauche qui ne veut pas gouverner, qui a toujours détesté les institutions de la Ve Répubique et qui veut la détruire. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Vous rêvez d’instaurer une improbable VIe République (« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES) et, en vous observant, il est facile de deviner à quoi elle ressemblerait. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Avec la NUPES, l’opposition ne serait pas respectée : vous refusez de serrer la main aux députés du Rassemblement national.
Oui ! (« C’est une honte ! » sur les bancs du groupe RN.)
Avec la NUPES, l’égalité entre les femmes et les hommes ne
serait qu’un lointain souvenir : vous militez pour le burkini et
vous vous soumettez au communautarisme ! (Applaudissements sur les
bancs du groupe RN. – Protestations sur plusieurs bancs du groupe
LFI-NUPES.) Avec la NUPES, l’insécurité se propagerait en toute
impunité : vous voulez vider les prisons et vous insultez, avec vos
amis Traoré, les forces de l’ordre.
Avec la NUPES,
l’immigration exploserait : vous voulez ouvrir les frontières et
régulariser tous les sans-papiers.
Ah ! Voilà !
Avec la NUPES, le matraquage fiscal s’amplifierait : vous
défendez un endettement insoutenable, à hauteur de centaines de
milliards d’euros supplémentaires.
Avec la NUPES, le
réchauffement climatique s’accélérerait (Applaudissements sur
les bancs du groupe RN. – Rires et exclamations sur les bancs des
groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES) : vous voulez
fermer les centrales nucléaires décarbonées mais vous n’avez
aucune alternative crédible non polluante pour les remplacer.
Votre
motion de censure n’a aucunement pour but de défendre la France et
les Français ; elle vise seulement à faire avancer votre projet de
déconstruction. Ne comptez donc pas sur les députés du
Rassemblement national pour paralyser la Ve République et
pour apporter le moindre soutien à votre dangereux projet, car il
aggraverait tous les maux dont souffrent déjà les Français.
(Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Quelle hypocrisie,
d’ailleurs, de vouloir faire sauter un gouvernement que vous avez
mis au pouvoir ! (Les députés du groupe RN se lèvent et
applaudissent. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES,
SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.) Car, en réalité, cette motion de
censure est une motion d’imposture : vous cherchez à faire oublier
votre appel à voter Emmanuel Macron dès le soir du premier tour de
l’élection présidentielle. (« Hou ! » sur les bancs du groupe
RN.)
Eh oui, c’est vous qui l’avez fait élire : vous êtes des bouffons !
Mais nous sommes là et, pendant cinq ans, nous serons là pour
rappeler que vous êtes responsables de la réélection d’Emmanuel
Macron ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Vous êtes et
vous resterez les responsables de la mise en place de ce
gouvernement. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC,
Écolo-NUPES et GDR-NUPES.) Vous êtes et vous resterez les
responsables du saccage social, de la retraite à 65 ans, du
démantèlement des services publics, des délocalisations, de
l’insécurité croissante et de l’explosion migratoire. (Mêmes
mouvements.) Vous, les Verts, qui avez appelé à voter pour Emmanuel
Macron, vous, les socialistes, qui avez appelé à voter pour
Emmanuel Macron, vous, les communistes, qui avez appelé à voter
pour Emmanuel Macron, vous, les Insoumis, qui avez appelé à voter
pour Emmanuel Macron, pouvez-vous vous regarder dans un miroir ? Vous
aurez beau huer et mal vous comporter dans cet hémicycle, nous
serons là pour rappeler que vous êtes et que vous resterez les
responsables de sa réélection. (Applaudissements sur les bancs du
groupe RN.) Une fausse opposition !
Ne vous en déplaise,
l’élection présidentielle et les élections législatives ont
confirmé que le Rassemblement national est bien la première force
d’opposition à la politique d’Emmanuel Macron. (Les députés du
groupe RN se lèvent et applaudissent de manière prolongée. – «
Non ! » sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et
GDR-NUPES.) Regardez ces bancs, car ils seront dignes du choix
démocratique qu’a fait le peuple.
La détresse sociale,
économique et sécuritaire des Français impose des réponses
urgentes. Cette détresse serait aggravée en cas de crise
institutionnelle. En ne votant pas pour votre motion de censure, les
députés du Rassemblement national prennent une décision
responsable : nous faisons passer le pays avant les partis, ce qui
n’est pas votre cas. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mais ne croyez pas pour autant que notre opposition faiblira face à
la politique d’Emmanuel Macron. (Exclamations sur les bancs du
groupe LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.) Ainsi, je
regrette, madame la Première ministre, que votre intervention, la
semaine dernière, ait été plus proche de la présentation du
rapport moral d’une administration froide et technocratique que du
discours de la Première ministre de la sixième puissance mondiale.
Je déplore également l’exercice d’autosatisfecit indécent
auquel nous avons assisté qui démontre la déconnexion des réalités
d’un gouvernement borné, décidé à ne rien changer.
(Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) En réalité, vos
actes contredisent vos promesses.
Les vôtres aussi !
Je vais prendre un exemple. Alors que vous n’avez que le mot « écologie » à la bouche, et c’est très bien, vous voilà contraints de relancer la centrale à charbon de Saint-Avold, dans ma circonscription, en Moselle, pour éviter une coupure massive d’électricité. Je salue, du reste, le dévouement des salariés de cette centrale, qui vont reprendre le travail pour assurer la sécurité de l’approvisionnement électrique du pays que vous avez mise à mal par la fermeture de Fessenheim, par cinq ans de tergiversation sur le nucléaire, par une politique énergétique inexistante et incohérente. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Dans la lignée des socialistes, vous avez sacrifié notre indépendance énergétique par pur clientélisme électoral.
Et comment va votre ami Poutine ?
Je pourrais multiplier les exemples qui démontrent votre double
langage, ce « en même temps » permanent qui dissimule des
non-décisions derrière la communication. Je pense à la
déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés, à
l’expulsion des étrangers condamnés ou à la tenue d’un
référendum lors du précédent quinquennat. Toutes ces mesures ont
été annoncées, mais rien, pour le moment, n’a été fait.
Je
pourrais multiplier les exemples qui démontrent votre double langage
et les trahisons masquées par votre communication : Alstom, Technip,
Lafarge, Alcatel ont été bradés tandis que McKinsey et Uber ont
été favorisés. Vous avez nommé ministre de la souveraineté
industrielle un partisan de l’abandon par la France de son siège
au Conseil de sécurité des Nations unies. On marche sur la tête
!
Par le cynisme et la technocratie qui vous caractérisent,
vous condamnez la France au déclin et les Français au
déclassement.
En refusant de baisser les taxes sur les
carburants, de supprimer la TVA sur les produits de première
nécessité ou, à tout le moins, de maintenir le rabais de 18
centimes sur le plein d’essence, vous condamnez les Français à
voir leur pouvoir d’achat chuter.
En refusant de maintenir les
services publics de proximité, de lutter contre les déserts
médicaux et d’investir autant dans nos campagnes que dans nos
banlieues, vous condamnez les Français de la ruralité à l’abandon.
Démagogie !
En refusant de préserver un système de retraite juste, de
réformer une fiscalité devenue opaque et confiscatoire, d’exonérer
de cotisations patronales les entreprises qui augmentent les
salaires, vous condamnez les Français à la précarité.
En
refusant de mener une politique de patriotisme économique qui défend
notre agriculture, nos TPE, nos PME, nos industries, vous condamnez
les Français à assister à l’affaiblissement de leur économie.
En
refusant de rouvrir des lits hospitaliers et de réintégrer des
milliers de soignants non vaccinés (Applaudissements sur les bancs
du groupe RN) …
Voilà le populisme !
…vous condamnez les Français – ne vous en déplaise, cher
monsieur – à subir des restrictions liberticides face au
covid-19.
En refusant de rompre avec le laxisme judiciaire,
d’expulser tous les délinquants étrangers et de dénoncer la
haine anti-flics des Traoré, vous condamnez les Français à
l’ensauvagement.
En refusant de pénaliser les idéologies
islamistes, de fermer les mosquées radicales ou d’expulser les
fichés S étrangers – en ce moment même, vous rapatriez en France
des djihadistes –…
Mais ce sont des enfants !
Des enfants français !
…vous condamnez les Français à la soumission et à
l’obscurantisme.
En refusant de stopper la submersion
migratoire, légale comme illégale, qui met en péril le droit du
peuple français à la continuité historique, vous condamnez les
Français à la disparition.
En refusant de restaurer un État
fort, notre indépendance, notre souveraineté nationale,
diplomatique, énergétique, économique, industrielle, vous
condamnez les Français à la tiers-mondisation et la France à la
marginalisation. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Comme
ne cesse de l’affirmer Marine Le Pen,…
Plusieurs députés du groupe LFI-NUPES.
Elle n’est pas là !
…nous, les députés du Rassemblement national, avocats du peuple…
Et de l’Algérie française !
… nous sommes conscients de la responsabilité qui est la nôtre.
Les Français regardent les députés, quels que soient leur
engagement politique et les bancs sur lesquels ils siègent, et ils
attendent que nous répondions à leurs préoccupations.
Nous,
les députés du Rassemblement national, sommes déterminés à
concourir à l’effort national, mais nous veillerons en permanence
à répondre aux inquiétudes et aux attentes des Français ainsi
qu’à défendre l’intérêt de la France.
Alors, madame la
Première ministre, qu’attendez-vous pour appliquer les mesures que
je viens d’énumérer ? Au cours des cinq prochaines années, nous
nous opposerons à vos mesures nocives, mais nous n’hésiterons pas
à amender puis à voter les mesures qui iront dans le bon sens, à
l’instar du projet de loi sur le pouvoir d’achat. Nous voulons
faire avancer le pays et servir les Français.
Contrairement à
l’extrême gauche NUPES, nous serons fidèles à l’esprit
gaullien de la Ve République.
À l’Algérie française plutôt qu’à de Gaulle !
Nous serons une opposition digne, qui ne salira pas les
institutions de l’Assemblée nationale (Applaudissements sur les
bancs du groupe RN) ; une opposition ferme qui ne transigera pas avec
les valeurs de la République ; une opposition constructive qui ne
s’abaissera pas à faire de l’obstruction stérile. Notre refus
de voter cette motion de censure en témoigne.
Madame la
Première ministre, soyez bien consciente cependant, que si, pour les
raisons que je viens d’exposer, nous ne voterons pas aujourd’hui
la motion de censure, nous ne nous interdisons rien à l’avenir.
En
effet, nous n’hésiterons pas à recourir à cet outil que l’État
de droit donne à l’opposition si les intérêts des Français ou
ceux de la France venaient à être grandement menacés.
Le
groupe Rassemblement national…
Le groupe RN ne sert à rien !
…est fort des différentes sensibilités, origines et professions des quatre-vingt-neuf députés qui le composent. Il est à l’image du peuple français. Ce sont ces députés que le ministre Gérald Darmanin ose scandaleusement qualifier d’« ennemis ». (Huées sur plusieurs bancs du groupe RN.) Il devrait avoir honte ! Je regrette qu’il ne soit pas dans cet hémicycle car j’aurais aimé le lui dire. Ses postures sont basses et indignes d’un ministre ! C’est un honneur pour moi de siéger aux côtés des députés du Rassemblement national… (Applaudissements sur les bancs du groupe RN)
Pas pour nous !
… aux côtés de ces femmes et de ces hommes dont la modestie, les convictions et l’amour du pays forgent la détermination à rendre à la France sa grandeur et aux Français leur bonheur !
Et les valeurs d’extrême droite !
Madame la Première ministre, telle sera la ligne des députés de notre groupe présidé par Marine Le Pen. (« Elle est où ? » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) Au nom du peuple français, nous serons fiers de défendre cette « certaine idée de la France » à la tribune de l’Assemblée nationale. (Les députés du groupe RN se lèvent et applaudissent.)
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.
N’en déplaise à certains, Jean-Luc Mélenchon n’a pas été
nommé Premier ministre. (Exclamations sur les bancs du groupe
LFI-NUPES.) Pour parler franchement, c’est une bonne nouvelle, une
très bonne nouvelle ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe
RN.) En effet, cette fonction nécessite d’avoir, chevillée au
corps, la volonté de rassembler. Il faut rassembler un pays fracturé
par cinq années de politique trop souvent erratique, déconnectée
du réel et – il faut le dire – largement
inefficace.
Aujourd’hui, dignes héritiers de leur chef de
file, les députés de la NUPES s’allient pour proposer dans cet
hémicycle ce qu’ils savent faire le mieux : fracturer. Ils le font
au détour d’une motion de censure déposée contre votre
gouvernement, afin de mettre à genoux votre légitimité, madame le
Premier ministre.
Il s’agit donc d’une stratégie résolument
offensive – pour ne pas dire d’une stratégie de blocage qui vise
à nous faire obéir à un homme – vous voyez de qui je parle –,
alors que, comme l’a si bien formulé la philosophe Simone Weil, «
l’obéissance à un homme dont l’autorité n’est pas illuminée
de légitimité, c’est un cauchemar ».
Si la tentation de se
pousser du col est grande et que la gauche y a succombé, il me
semble qu’il a une autre façon de servir la France et les
Français. Elle n’a rien de révolutionnaire et requiert simplement
la volonté de travailler tous ensemble au bien commun de notre pays
qui s’engage – c’est vrai – sur des chemins escarpés et même
périlleux. Au pied d’un mur d’inflation qui se dresse devant
nous chaque jour plus haut, face à un pouvoir d’achat en chute
libre et à un épuisement démocratique qui peut à tout instant
jeter nos compatriotes dans la rue pour réclamer leur dû, à
savoir, la justice sociale, la sécurité, un système sanitaire
résilient, une immigration contrôlée – et j’en passe.
Madame
le Premier ministre, ce dû vous oblige. Si je ne fais pas partie de
ceux qui contestent votre légitimité, je suis de ceux qui vont vous
demander des comptes, de ceux qui n’ont pas perçu dans votre
discours de politique générale le souffle de la renaissance
annoncée. C’était même plutôt tout l’inverse : une litanie de
vieilles recettes versées dans de vieux pots sur lesquels vous
faites à peine l’effort de changer les étiquettes.
Tout y
est passé, ou presque. Vous voulez renforcer la cohésion dans les
territoires ; cependant les collectivités locales, et les premières
d’entre elles, les communes, auront-elles enfin les coudées
franches pour rendre plus efficaces les politiques qui les concernent
au premier chef, qu’il s’agisse des quartiers prioritaires, de la
réhabilitation de nos centres-villes ou de l’évaluation des
valeurs locatives effectuées par l’administration fiscale ?
Vous
annoncez 15 000 places supplémentaires en prison ; cet engagement a
déjà été pris par Emmanuel Macron il y a cinq ans, or à peine
plus de 2 000 places ont été réellement construites. Pourquoi donc
vous croire aujourd’hui ?
Vous prônez une immigration
contrôlée ; là encore, comment ne pas applaudir ? En même temps,
comment ne pas se souvenir ? En cinq ans, les chiffres de
l’immigration ont explosé. L’an dernier, seules 9,3 % des
obligations de quitter le territoire français ont été exécutées,
en incluant les retours volontaires et spontanés.
Comment ne
pas se demander à quoi a servi le précédent quinquennat, quand
vous annoncez déjà de grandes réformes sur le climat, le plein
emploi, l’école, la santé, les territoires, l’insécurité, la
souveraineté nationale, autant de sujets déjà examinés,
manifestement en pure perte ? Alors, vous n’écoutiez personne,
vous refusiez systématiquement d’entendre vos oppositions sous le
seul prétexte que nous étions votre opposition !
L’individualisation de l’allocation aux adultes handicapés en
est l’exemple le plus criant : nous n’avons cessé de la réclamer
; vous n’avez cessé de la refuser ; vous acceptez désormais enfin
de la mettre en place. Que de temps perdu !
Au lieu de faire
preuve d’audace, d’imagination, au lieu de vous affranchir du
bavardage des uns et des autres, vous avez préféré tendre la main,
ou plutôt, le bout des doigts, à quelques présidents de groupes
parlementaires au mépris de la France insoumise et du Rassemblement
national. Comme si les députés de ces groupes n’étaient pas
légitimement élus, comme s’ils n’étaient pas assez
républicains ! C’est une nouvelle gifle infligée à leurs
électeurs qui, comme tous en France, rêvent simplement d’être
entendus et d’exister. (Applaudissements sur les bancs du groupe
RN.) Madame le Premier ministre, vous avez devant vous un hémicycle
profondément renouvelé qui porte la voix des Français dans leur
diversité, avec leurs inquiétudes, leurs besoins et leurs
impératifs. Nous sommes nombreux ici à vouloir rattraper le temps
perdu et répondre de toute urgence à leur appel.
Vous l’avez
compris : je ne voterai pas cette motion de censure.
Vous avez
devant vous un hémicycle à conquérir en faisant preuve de courage,
d’écoute et d’humilité. La balle est dans votre camp.
La discussion est close.
Je vais maintenant mettre aux voix
la motion de censure.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte
de l’Assemblée nationale.
Je rappelle que seuls les députés
favorables à la motion de censure participent au scrutin, et que le
vote se déroule dans les salles voisines de l’hémicycle.
Le
scrutin va être ouvert pour trente minutes : il sera donc clos à
dix-huit heures quarante.
Suspension et reprise de la séance
La séance est suspendue. (La séance, suspendue à dix-huit heures dix, est reprise à dix-huit heures quarante-cinq.)
La séance est reprise.
Voici le résultat du scrutin
:
Majorité requise pour l’adoption de la motion de censure,
soit la majorité absolue des membres composant l’Assemblée
289
Pour l’adoption 146
La majorité requise n’étant
pas atteinte, la motion de censure n’est pas adoptée.
(Applaudissements sur quelques bancs RE et RN.)
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