dimanche 31 juillet 2022

Charte 08 - Pékin ... circonstances

CHINE. La Charte 08 met le pouvoir chinois sur les dents

Une pétition intitulée Charte 08, en référence à la Charte 77 des dissidents tchèques, circule sur le Net chinois. Pékin, qui célèbre le 30e anniversaire du lancement des réformes par Deng Xiaoping, riposte par la prison.

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Le Temps

Publié le 18 décembre 2008 à 17h10 Photo

Des dizaines de personnes interpellées, plusieurs arrestations et un nouveau motif de crispation avec la communauté internationale pour Pékin. C’est le premier effet visible de la Charte 08, un manifeste signé par 303 intellectuels qui circule sous forme de pétition sur Internet depuis le 9 décembre [voir la traduction en français sur ce site]. En une semaine, le document a été soutenu par des milliers de Chinois [5 000 à compter du 17 décembre], dont certains membres du gouvernement, des dissidents et des ouvriers, des soldats et des étudiants, des chômeurs ou encore des Chinois d’outre-mer.

La Charte 08 se réfère à la Charte 77 lancée par la dissidence tchèque en 1977 pour faire pression sur le pouvoir afin qu’il respecte les droits de l’homme, et dont l’un des héros fut Václav Havel. Ce n’est pas la première fois qu’une pétition appelant à la démocratisation du régime et au respect des droits de l’homme est lancée sur Internet en Chine. Mais dans le climat actuel d’incertitude économique et de tensions sociales qui explose partout dans le pays, cette action soutenue par un large éventail de personnalités de la société civile inquiète un régime qui pensait être au faîte de sa gloire avec la célébration des Jeux olympiques il y a tout juste quatre mois.

Sa première réaction a été de détenir plusieurs auteurs de la charte, dont Liu Xiaobo, l’un des très rares intellectuels chinois à revendiquer le titre de dissident. Celui-ci a déjà fait plusieurs séjours en prison, notamment après les manifestations démocratiques de 1989. Il a été arrêté le 8 décembre à 23 heures lorsqu’une dizaine d’agents de la sécurité ont fait irruption dans sa maison à Pékin. Son avocat, Mo Shaoping, également signataire de la charte, craint qu’il ne soit accusé d‘ “incitation à la subversion du pouvoir d’Etat”, un crime passible de plusieurs années de prison. C’est sous ce chef d’accusation que l’activiste Hu Jia a été condamné début 2008 à trois ans et demi de prison. [Le 17 décembre, à Bruxelles, le président du Parlement européen a remis à un représentant de Hu Jia le prix Sakharov (qui lui avait été décerné en octobre).]

La Charte 08 a été rédigée à l’occasion du 60e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Mais les signataires ont également d’autres références historiques en tête. On célèbre en ce moment même le trentième anniversaire du lancement de la politique de réforme et d’ouverture par Deng Xiaoping [le 18 décembre 1978, lors du 3e plénum du XIe Congrès du Parti communiste chinois]. Les “quatre modernisations” promises à l’époque ont apporté un enrichissement spectaculaire au pays. Mais, note la charte, aujourd’hui comme en 1979, il manque la modernisation essentielle, la cinquième, celle du pouvoir politique sans laquelle les disparités, l’injustice et les privations de libertés resteront le trait de caractère de ce régime. [Le dissident Wei Jingsheng, qui avait demandé publiquement la “cinquième modernisation, la démocratie”, a passé dix-huit ans de sa vie en prison.]

La sécurité chinoise est à cran. Après une relative ouverture pour les Jeux olympiques, la police vient à nouveau de bloquer de nombreux sites Internet étrangers (dont celui de la BBC en chinois) ainsi que hongkongais et taïwanais. Elle tente également de filtrer la diffusion de la Charte 08, dont l’écho en Chine, en dehors des réseaux contestataires habituels, pourrait demeurer limité. Alors que les plus hauts dirigeants expriment publiquement leur inquiétude face aux difficultés à venir, la collusion de ces commémorations pourrait être autant de prétextes pour qu’éclate la colère des laissés-pour-compte du miracle économique chinois. “Je suis optimiste, a expliqué l’un des signataires, Wang Kejian, un professeur cité par le journal australien The Age. Le temps des réformes politiques est venu, car, après trente ans de réformes économiques, celles-ci sont dans l’impasse. Dans le même temps, le pouvoir de la société civile s’est renforcé.” Ce à quoi Ai Weiwei, le célèbre artiste qui a participé au design du stade olympique, répond sur son blog : “La démocratie est un luxe et son prix est le sang.”

Frédéric Koller

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