vendredi 24 novembre 2017

Emmanuel Macron était déjà devant les maires de France, le 22 Mars 2017 - alors en campagne



source En Marche

Discours Maires de France #AMF2017

22 mars 2017 - Retranscription du discours devant les Maires de France

Grand Oral devant les Maires de France

Intervention d’Emmanuel Macron
22 mars 2017
Mesdames et Messieurs les Maires et Président,
Je suis ravi d’être devant vous ce matin et d’avoir l’opportunité d’échanger, quelques jours après ce que nous avions fait devant les départements, cher Dominique, à peu près dans la même configuration et le même exercice. Je serai, je l’entendais en loge, peut-être moins vibrant parfois que mon ami Jean LASSALLE, pour qui j’ai beaucoup de sympathie et d’estime.
Je vais essayer de revenir sur plusieurs sujets qui concernent aussi votre quotidien, je sais qu’il y a beaucoup d’attentes parce que j’ai pu m’exprimer sur des sujets qui concernent directement votre quotidien et je veux ici lever toutes les questions, tous les doutes qui peuvent exister.
Je pense, et j’y reviendrai ensuite dans le fonctionnement, que prétendre à la plus haute fonction de l’État, c’est prétendre aussi travailler et renouveler la méthode de travail avec celles et ceux qui aujourd’hui font le quotidien de notre territoire, qui font le quotidien de l’action publique, de la responsabilité publique et du lien démocratique. C’est pour cela que le rendez-vous d’aujourd’hui avec les maires est particulièrement important pour moi. J’ai souvent dit, on m’a souvent reproché de ne pas être moi-même élu, je cherche à combler cette défaillance dans les semaines qui viennent, néanmoins je ne mésestime pas qu’il y a une catégorie d’élus qui, au quotidien, vit la responsabilité démocratique et la réalité de l’action et de ses exigences: ce sont les maires. Parce que vous êtes à portée de reproches ou de félicitations et que vous ne pouvez vous protéger derrière untel ou untel, même derrière vos services.
Aujourd’hui, où la classe politique est décriée, où il y a un doute, il faut bien le dire, sur l’action publique, pour moi, la nécessité d’un travail partenarial entre l’État, entre le président de la République, son gouvernement et les élus locaux et en particulier les maires, est plus importante encore qu’hier. C’est pour toutes ces raisons que je veux vraiment que la commune puisse demeurer l’échelon de référence de notre organisation institutionnelle et que je veux revenir sur un ensemble de points. Pour moi, la philosophie, l’ensemble de la démarche que je veux aujourd’hui vous proposer, c’est, pour le quinquennat à venir, ce que j’ai pu appeler un pacte girondin ou un pacte de liberté, ce que j’avais eu l’occasion de commencer à présenter devant les départements. Mon analyse est que les gouvernements de droite comme de gauche, durant ces dernières années, ont essayé de faire au mieux, je ne jette la pierre à personne, j’ai participé à un gouvernement mais personne n’a l’exclusif de la relation avec les maires. Tous ont essayé de partager la contrainte des finances publiques dont nous sommes les co-dépositaires ; je sais que vous avez eu à vivre parfois des décisions unilatérales sur les dotations, que ce soient des gels ou des baisses et ça, nous en partageons de manière très oecuménique les responsabilités parce que, de manière très oecuménique, nous en avons partagé les contraintes.
Ce pacte de liberté, c’est une manière de repenser la méthode et de retrouver un peu le sel de cette libre administration des collectivités territoriales qui est au fondement de notre République. Alors, je vais essayer de rentrer dans le détail et la chair de ce pacte. D’abord, il n’y a pas de liberté sans marge de manoeuvre dans les choix budgétaires et c’est d’abord la liberté financière des collectivités locales que nous assurerons. C’est pourquoi, dès l’automne 2017, une trajectoire quinquennale sera élaborée. Je veux le faire pour l’ensemble de la dépense publique parce que je pense que l’ensemble de la dépense publique a besoin de visibilité. C’est la même chose que je veux faire sur la part de l’État, c’est avoir une stratégie quinquennale plutôt qu’une régulation annuelle ou parfois infra-annuelle. Mais je veux aussi donner aux collectivités locales une parfaite visibilité sur cet ensemble. Ce qui a posé problème, ces dernières années, c’est les décisions prises à l’année l’année quand ce n’est pas semestre par semestre. Donc, permettre d’avoir des projets sur le long terme, de faire vivre ces projets, c’est donner de la visibilité et une stabilité.
Cette trajectoire reposera sur trois piliers. Le premier pilier, c’est un changement de méthode concernant la maîtrise des dépenses publiques locales. Vous le savez, je suis fermement décidé à mettre l’accent sur l’efficacité de la dépense publique, il y a des grands progrès à faire dans ce domaine et c’est vital, à la fois pour le pouvoir d’achat des Français mais aussi pour le dynamisme de l’économie française donc je ne vais pas ici venir vous dire qu’on ne fera pas d’économies dans les cinq années à venir, la trajectoire que j’ai présentée il y a quelques semaines consiste à réaliser 60 milliards d’euros d’économie sur la durée du quinquennat. Mais cet effort, je veux qu’il soit partagé de manière équitable entre les différentes administrations publiques et donc, à cet égard, que les collectivités locales puissent s’engager à faire 10 milliards d’euros d’économie sur cinq ans. C’est-à-dire... je vais y revenir... je vous mentirais, et quiconque d’ailleurs prétend faire des économies, vous dirait “on ne va pas mettre à contribution, pour faire des économies, les collectivités territoriales” vous mentirait. Parce que ça voudrait dire qu’on va le faire sur le social ou l’hôte.
En revanche, ce qu’il faut changer, c’est la méthode. On ne l’a fait, sur ces sept dernières années maintenant, que par des baisses ou des gels de dotations. Ce qui ne semble pas être la bonne méthode. Il ne s’agira pas, à cet égard, de baisser de façon unilatérale les dotations aux collectivités locales, j’ai dit la même chose devant les départements. Je sais que d’autres candidats s’engagent, dans leur plan d’effort, à baisser les dotations - je crois que ce qui avait été dit aux départements, c’était de l’ordre de 7 milliards d’euros. Je ne propose pas, pour ma part, de baisser les dotations mais nous sommes les co-dépositaires de la dépense publique et donc, je souhaite que vous vous engagiez dans une trajectoire de baisse de vos dépenses de fonctionnement, mais qui ne passe pas … mais je pourrais vous dire de la même façon que c’est fait pour l’État, mais je vous dis juste, on ne va pas se renvoyer la balle parce qu’à la fin des fins, il y a un juge qui est le concitoyen. On ne peut pas vouloir…
On me reproche, vous savez, parfois, surtout ces derniers jours, d’être d’accord avec tout le monde. On ne va peut-être pas être d’accord là-dessus, aujourd’hui, mais je suis d’accord, avec raison, lorsque les gens disent quelque chose de sensé, y compris quand ils ne sont pas de mon camp politique, ce qui me semble être d’ailleurs la noblesse de la vie démocratique. Mais je ne vais pas vous mentir et d’ailleurs, quiconque peut vous dire aujourd’hui qu’on ne fera pas d’effort en dépense publique côté État comme côté collectivités territoriales ou sociales ne vous dit pas la vérité.
Je ne vous dis pas que je baisserai les dotations, je m’engage à ne pas baisser les dotations, mais je demande à ce qu’il y ait un effort sur le quinquennat et donc un effort pluriannuel pour baisser les dépenses du côté des collectivités territoriales. Ce n’est pas uniquement le bloc communal dont il s’agit, c’est l’ensemble des catégories de collectivités territoriales, c’est pour moi une méthode qui favorise, justement, la bonne gestion et la responsabilité partagée. Dans notre relation, nous avons deux options, soyons responsables, il y a une option, où je viens vous dire “il faut faire des efforts, je baisse vos dotations”, c’est la première option. Elle a été retenue par d’autres candidats que moi. Je pense que c’est unilatéral et c’est aveugle.
Il y a une autre option qui est de vous dire “on ne fait pas d’effort du tout”. Je pense que c’est irresponsable. Ou, plus exactement, que c’est un mensonge, parce que le temps viendra où, de toute façon, s’engageant par ailleurs à augmenter les dépenses publiques ou à baisser les impôts, on viendra vous revoir, c’est sûr, ça fait quand même quelques quinquennats qu’on vous le fait.
Il y a une troisième option qui est celle de partager la responsabilité, qui est de dire “quand on regarde la dépense publique, il y a la sphère État, il y a la sphère sociale et il y a la sphère collectivités territoriales”. Je propose qu’on ait un pacte de confiance et que ce soit géré en responsabilité. C’est pour cela que je veux changer de méthode, proposer aux collectivités une stratégie construite, concertée, qui leur donnera de la visibilité et des marges de manoeuvre, je vais y revenir, pour mieux piloter leur budget, faire porter les efforts sur les dépenses de fonctionnement au lieu de renoncer, comme on l’a vécu ces dernières années, à des dépenses d’avenir. C’est concrètement ce qui s’est passé quand, in fine, on décide de baisser de manière unilatérale la dotation. C’est quand même comme ça que ça finit.
Je pourrais, aujourd’hui, dans un propos d’estrade, en campagne, vous faire plaisir, vous dire “je ne vous demanderai pas d’effort”, puis je reviens gentiment dans deux ans, je fais comme on a toujours fait, je viens vous baisser la dotation et vous régulerez sur vos investissements. On peut continuer cette chorégraphie, si elle est plus simple de manière collective ; je pense qu’elle est irresponsable. Pour ma part, je souhaite qu’on ait cette méthode et qu’on la fasse vivre de manière démocratique, par une conférence des territoires où je réunirai, tous les six mois - et je demanderai au Premier ministre d’en faire le suivi -, l’ensemble des collectivités territoriales, autour, d’ailleurs, de leurs associations, pour faire le suivi, justement, de ces efforts, avec une évaluation indépendante qui sera faite. Je pense que c’est une culture de la responsabilité partagée et de l’évaluation qui vaut beaucoup mieux qu’une culture unilatérale de la gestion par la dotation ou la promesse intenable.
Un mot, dans le cadre de ce premier pilier également, pour une dimension qui vous est chère, celle de l’équité - je sais qu’il y a des débats sur ces points et je souhaite les poursuivre avec les collectivités territoriales. Notre but doit être que les ressources qui leur sont affectées tiennent justement bien compte des dépenses, des charges et des efforts, en particulier de l’effort fiscal. Pour moi, cette conférence territoriale, conférence des territoires, qui se réunira tous les six mois, elle aura aussi pour charge d’évaluer la nature des charges qui sont parfois reportées sur les communes. Je pense à ce qui s’est passé sur la carte d’identité. Comme aujourd’hui il n’y a pas de suivi dans la relation, et il n’y a pas de suivi avec une évaluation partagée, on peut transférer des compétences. Et ça, c’est du coût caché. Et vous le savez très bien. Donc, il faut pouvoir, là aussi, avoir une évaluation dans le temps, partagée et suivie.
Le second pilier de l’aspect financier de ce pacte, c’est un engagement fort pour l’investissement. Et pour moi, c’est le complément d’un engagement à ne pas baisser de manière unilatérale les dotations. Parce que le sacrifié des dernières années, ce fut l’investissement public. Les dernières années ont été marquées par un recul sans précédent des dépenses d’équipement, de l’ordre de 25% pour le bloc communal. Alors on le sait, il y a des dispositifs - comme le fonds de soutien à l’investissement local doté de 1,2 milliard d’euros par an - qui ont permis de freiner cette baisse, mais ils ne sont pas à l’échelle. Pour susciter, dès 2018, un choc d’investissement dans nos territoires, j’ai donc décidé, dans la trajectoire budgétaire que je porte, que sur les cinquante milliards d’euros du plan d’investissement que nous mettrons en œuvre durant le mandat, dix milliards d’euros puissent bénéficier aux collectivités locales. Sur la transition énergétique, sur la numérisation de l’administration, sur la santé, les transports et équipements locaux. Et là aussi, avec du pragmatisme.
Sur les transports, je ne propose pas un grand plan d’infrastructures de plusieurs centaines de milliards d’euros parce qu’on ne les fait pas. Je propose qu’il y ait - et la conférence, d’ailleurs, sera saisie sur ce point - des investissements publics, dont j’ai d’ailleurs détaillé devant les Travaux publics les tenants et les aboutissants, qu’il y ait une série d’investissements qui soient faits, pour que toutes les communes puissent être reliées de manière pertinente à la zone économique d’intérêt ou la métropole qui leur permet, justement, un juste développement. On a besoin d’un projet de mobilité adapté au XXIe siècle, et pas de grandes infrastructures en proposant la même chose pour tout le monde. Parce que ça, on le sait, c’est une promesse qui est devenue intenable. La question c’est : à tel endroit la “deux fois deux voies”, à tel autre l’accès autoroutier, à tel autre la gare ou l’aéroport de proximité. Donc c’est ce projet d’aménagement que je souhaite porter, qui est plus raisonnable en termes de finances publiques, mais, en même temps, qui est raisonnable aussi en termes de délais d’exécution.
Ensuite, sur le plan de la santé, dans ce plan d’investissement, il y a le doublement des maisons de santé, que je porte dans mon projet, et il y a, enfin, la numérisation. J’ai pu, en tant que ministre, porter le sujet de la numérisation avec beaucoup, d’ailleurs, d’entre vous, en essayant de modifier nos textes de lois, parfois, pour améliorer, justement, la couverture. Je sais qu’aujourd’hui elle n’est pas satisfaisante, en particulier dans le monde rural. Pourquoi ? Parce que les opérateurs ne sont pas encore suffisamment intéressés au développement. Les départements ont joué un rôle important pour développer, en particulier, les fameux RIP et consolider ces derniers. Mais on a encore aujourd’hui des opérateurs qui ne jouent pas le jeu. Et donc mon souhait, que ce soit pour les centres-bourgs ou les autres zones prioritaires - parce qu’on le sait bien, même quand le centre est couvert, si le reste de la commune n’est pas couvert, on n’a pas une situation satisfaisante -, eh bien qu’on donne dix-huit mois aux opérateurs pour s’engager fermement et achever les déploiements, sinon l’État prendra la main. Et c’est dans la part de ce plan d’investissement.
Le troisième pilier de cette liberté financière retrouvée, c’est l’autonomie fiscale. Et je tiens à évoquer à ce stade une mesure qui, je le sais, a donné lieu à beaucoup de débats, à beaucoup de commentaires, parfois enthousiastes, dans cette auguste assemblée, qui est l’exonération de la taxe d’habitation pour 80 % des ménages. Alors sur …
(Sifflements)
Non, moi, je viens et je vous respecte, je vous demande simplement la même chose. On peut être en désaccord, mais moi, je fais partie des décideurs politiques qui refusent de faire siffler leurs opposants aux meetings. Je ne viens pas devant les maires de France pour me faire siffler, je vous le dis très franchement. Je viens ici pour vous expliquer pourquoi et comment. Parce que si les candidats à l’élection présidentielle ne sont là que pour servir les arguments qui plaisent aux audiences devant lesquelles ils se rendent, ils ont le choix, soit comme le font certains, de ne pas s’y rendre et d’envoyer des représentants, soit faire plaisir à tout le monde et au final, on ne fait plus grand-chose.
(Applaudissements)
Pourquoi la taxe d’habitation ? Parce que c’est un impôt qui est injuste socialement. Il ne prend pas suffisamment en compte les capacités contributives de nos concitoyens, et on le sait. C’est donc un impôt qui, aujourd’hui, pèse le plus, en relatif, sur les classes moyennes. C’est démontré, prouvé, vérifiable. Et c’est un impôt qui est injuste sur le plan territorial. Il pèse plus sur les villes moyennes, sur les villes-centres, sur la ruralité. C’est la réalité de cette situation. Donc décider de plutôt exonérer 80 % de nos concitoyens sur cet impôt qu’aller alléger des tranches marginales supérieures de l’impôt sur le revenu ou autre chose, c’est une décision politique, mais c’est plus juste. A ce titre, je veux insister sur les modalités, justement… Comment voulez-vous qu’on procède, Monsieur le Président ? Que je termine ou que je réponde aux questions ? Ce sera retranché de mes réponses aux questions. Alors, sur ce volet-là, comment je compte, justement, faire ?
Je souhaite être très explicite avec vous et pleinement transparent. Un, l’État remboursera directement aux collectivités, à l’euro près, ce qui techniquement sont des dégrèvements de taxe d’habitation, sur la base des taux actuels. Deuxième point, les maires conserveront leurs pleins pouvoirs de taux. Avec un principe : les éventuelles augmentations ne seront pas prises en charge par l’État mais par les contribuables. Ce qui est normal. Donc, l’État couvre, à hauteur de dix milliards d’euros, au taux actuel, la taxe d’habitation pour ces 80 % d’habitants. Si le maire - parce que je garantis l’autonomie fiscale - décide de le ré-augmenter pour la totalité de ses habitants, ce sera perceptible par les habitants, l’allègement porté par l’État restera, mais la collectivité garde sa liberté. La Constitution garantit l’autonomie financière et fiscale des collectivités territoriales et nul ne pourra y porter atteinte. Et ce que je propose, c’est un suivi, par une instance indépendante, formée d’élus locaux, avec des maires, des magistrats de la Cour des comptes qui, justement, constatera, d’une part, l’intégralité de ces remboursements et d’autre part, la prise en compte de la dynamique des bases. Parce que là aussi, il faut pouvoir faire vivre dans le temps cette mesure d’exonération. Je souhaite d’ailleurs, que, dans le cadre de cette conférence des territoires et des échanges qu’il y a entre le gouvernement et les élus et les associations d’élus, il puisse y avoir, enfin, une rénovation en profondeur de cette fiscalité locale. Mais aujourd’hui, qui est la victime de cette non-rénovation? Parce que c’est aussi l’arlésienne, on le sait très bien. Cela fait des décennies qu’on parle de rénover les bases, de rénover les impôts. etc. Ce sont les contribuables.
Donc, je prends une décision qui est, en effet, en faveur des classes moyennes, je prends une mesure en responsabilité pour compenser les communes, les compenser de manière équitable, responsable et transparente. Avec un mécanisme de suivi indépendant où vous serez représentés comme cela ne s’est jamais fait. Et en partageant, d’ailleurs, toutes les hypothèses dans ce contexte-là, comme ça ne s’est jamais fait. Vous savez, rappelez-vous de la réforme de la taxe professionnelle ou de ce genre de réformes, je n’ai pas le sentiment que c’est des mécanismes avec ce niveau de responsabilité et de transparence qui vous ont alors été proposés. Ensuite, pour donner les moyens - et je finirai sur ce point, compte étant tenu du temps -, je veux aussi qu’il y ait des aspects législatifs et réglementaires dans ce pacte. C’est-à-dire que des moyens vous soient donnés pour avoir plus de flexibilité et plus de souplesse. D’abord, à l’égard des normes. Je veux un changement radical de méthode. Il y a un flux…
Philippe VANDEL : Attention, Monsieur MACRON. Il ne vous reste plus que 4 minutes 40. Temps total avec les questions.
Emmanuel MACRON : Je finis juste en deux secondes pour vous donner les latitudes. Je souhaite qu’il y ait, en matière normative, un allègement profond et un changement de méthode. Sur le flux législatif et réglementaire, je l’ai dit : moins de circulaires, plus de déconcentration, et donc qu’on donne la possibilité, justement, aux fonctionnaires d’État sur le terrain, d’adapter la norme au plus près. Aujourd’hui, on change des lois pour adapter la norme sur le terrain. La deuxième chose, sur la question du stock, c’est de donner au Conseil national de l’évaluation des normes plus de place, également sur ce point. Et puis, pour assouplir les contraintes de gestion des communes et intercommunalités, avoir cette méthode qui garantit, justement, d’avoir, dans le cadre de la conférence des territoires, une association plus fine, en particulier des communes et de l’ensemble des territoires. Je conclurai sur ce point pour pouvoir répondre.
PV : On va passer aux questions maintenant. Merci Monsieur MACRON, merci pour lui. Cela va presque être du speed dating maintenant. Vous avez en gros deux minutes par réponse. On va entendre le président de l’Association des maires de Val-de-Marne et maire d’Ivry-sur-Seine, c’est Monsieur Philippe BOUYSSOU.
Philippe BOUYSSOU : Eh bien, bonjour Monsieur MACRON. Je suis bien ennuyé parce que vous avez répondu aux questions avant que je ne vous les pose.
PV : Alors on passe à la suivante !
Philippe BOUYSSOU : Non, non, non, non. Je vais quand même les reformuler en apportant trois éléments de contexte. Premier élément de contexte : il y a une crise terrible dans le pays, tout le monde l’a dit depuis ce matin. Deuxième élément de contexte : je me réfère à un sondage, à une étude du Secours populaire, qui disait que 55% des Français ont peur, pour eux-mêmes et pour leurs enfants, de la pauvreté demain. Dans ce contexte-là, les collectivités locales et les communes sont en première ligne. On vient de subir une purge de plusieurs années entre 2015 et 2017. Vous étiez ministre de l’Économie pendant cette période qui a privé les collectivités locales de onze milliards d’euros de dotations de la part de l’État. Aujourd’hui, c’est peau de chagrin, on n’en a plus. Vous nous dites aujourd’hui que vous n’allez pas poursuivre sur cette voie en ne baissant plus les dotations - il ne reste plus rien à baisser, remarquez, comme ça, c’est réglé. Mais vous nous annoncez que vous allez vous en prendre à la taxe d’habitation. Je suis d’accord avec vous sur un point - je suis communiste donc c’est étonnant -, c’est que cette taxe, elle est profondément injuste, ça, c’est clair. Mais priver les communes aujourd’hui d’un des rares leviers d’autonomie fiscale qu’il leur reste... Première question: comment vous allez le compenser et où vous prenez l’argent - ailleurs, sans doute - pour compenser ce que représentent aujourd’hui ces onze milliards dans le budget des communes? Et dernier élément, et je m’en tiendrai là, ça a été long, je le suis peut-être un peu mais je vais me dépêcher… Deuxième élément, l’investissement public dont vous parlez: les communes et les collectivités locales, aujourd’hui, supportent 70% de l’investissement public dans ce pays. On a perdu 25% de ces investissements à cause du plan de purge que je viens d’évoquer. Et ça, c’est très mauvais pour l’économie, Monsieur MACRON, et très mauvais pour cette fameuse croissance que vous appelez de vos voeux. Voilà, c’était une fausse question, mais je l’ai posée quand même.
PV : On avait bien compris. Je rappelle que les questions ne doivent pas excéder une minute quinze, c’est pour le bien commun, le bien de tous. Emmanuel MACRON.
EM : Sur le plan investissement : je partage - c’est pour ça que j’ai prévu ce plan d’investissement. Sur la taxe d’habitation: je vous ai répondu parce je laisse l’autonomie de taux et je compense sur une année donnée et je prends en compte la dynamique des bases donc je réponds à votre question, sur ce point. Et sur le point du financement: c’est 10 milliards d’euros que je finance en trois tranches puisqu’on va le faire sur trois exercices budgétaires et je le finance sur les économies que nous faisons sur l’ensemble de la sphère publique. J’ai un plan: on fait 60 milliards d’économies, eh bien je réaffecte ça, pour partie, en baisse de déficit, pour partie, en baisse d’impôts - impôts sur les société et impôts sur les ménages - et donc, il y a 10 milliards d’impôts sur les ménages en moins qui passent par la taxe d’habitation. C’est un choix qui est fait, d’autres font d’autres choix qui consistent, par exemple, à passer par l’impôt sur le revenu, en totalité par l’ISF, moi, je n’en réforme que la moitié, ou d’autres. C’est une fiscalité comme une autre mais je la finance par les économies qui sont faites.
PV : Merci pour la réponse. Question suivante. La question suivante, elle est posée par Florence GATEL, vice-présidente de l’AMF, présidente de l’association des maires d’Ille-et-Vilaine et sénateur-maire de Chateaugiron. C’est à vous.
Françoise Gatel : Monsieur MACRON, bonjour, ma question ne sera pas longue et votre réponse pourra être très brève parce qu’elle pourrait consister en un oui ou un non. Je vous pose ma question: si nous considérons, comme nous le croyons, à l’AMF, que la commune est vraiment le socle de l’édifice républicain, indispensable à la cohésion sociale, et qui doit conjuguer à la fois de la proximité mais de l’efficacité au sein d’intercommunalités, de subsidiarité et non d’autorité, quelle est votre position sur le suffrage universel direct, qui pour nous, ressemble fort à un faire-part d’enterrement de la commune? Je vous remercie.
PV : Je dis un mot avant que le chronomètre soit déclenché : un modèle pour les autres personnes qui poseront des questions. Merci, bravo Madame !
EM : En même temps, la formulation rend compliquée une réponse strictement “oui” ou “non”. Mais je vais vous répondre: je suis favorable à garder le régime actuel d’élections pour les commune s, avec un fléchage vers l’intercommunalité. J’ai un point sur les métropoles: je pense que c’est très compliqué, sur les métropoles, pour le faire, et donc, sur les métropoles, je pense qu’il faut qu’on fasse davantage de la dentelle et du cas par cas parce que vous avez des situations métropolitaines où c’est quasiment impossible, sauf à avoir des assemblées ingouvernables. C’est la seule exception que je ferai. Voilà. Sinon, je suis pour maintenir le régime actuel.
PV : Vous aviez deux minutes vingt-trois à votre disposition, Monsieur MACRON.
EM : Vous voyez, on s’est rattrapé.
PV : Un mot de conclusion ?
EM : Un mot de conclusion -, parce que c’est important pour moi, j’ai moins évoqué ce sujet, pour essayer de laisser du temps aux questions -, dans les latitudes que je veux redonner aux gestionnaires locaux que sont, justement, les maires. Je l’ai évoqué pour les normes, de manière très rapide parce qu’on en était aux questions, quand je dis “construire la norme différemment”, ça veut dire aussi avoir un État plus déconcentré, avoir un mode de production de la norme qui est beaucoup plus dans l’interaction locale. Ça, c’est pour moi très important. Combien de fois j’ai vu des amendements à des textes de loi qui sont faits parce que vous faites remonter par votre député des propositions et la loi se met à traiter un cas particulier - du coup, elle devient inapplicable dans le reste du territoire. On a besoin d’avoir moins de lois - donc moi, je suis pour plus d’évaluation et moins de légifération, et, en même temps, pour une coproduction normative de terrain qui soit beaucoup plus forte. Et ça, c’est une discipline collective. C’est aussi pour cela que je veux renforcer les pouvoirs de la CNEC qui, pour moi, est très importante, et donner aussi plus de pouvoirs à ceux qui représentent localement l’État dans cette capacité à adapter, sur le terrain, la norme. Et la déconcentration, pour moi, elle accompagne cette simplification.
Ensuite, dans les flexibilités que je veux donner, et c’est le dernier point sur lequel je voulais insister, il y a un point très important: je veux redonner des capacités à décider sur le terrain, par rapport à certaines grandes règles. C’est pour ça que je veux redonner aux maires la possibilité de choisir par rapport à la réforme des rythmes scolaires et donc donner la capacité d’en sortir, si ça n’est pas pertinent au niveau de la commune, et donner la capacité également de gérer différemment la fonction publique territoriale. Aujourd’hui, on le sait bien, quand on décide d’augmenter d’un point la fonction publique hospitalière, on tire les trois fonctions publiques. Eh bien, il faut les gérer de manière séparée: la fonction publique d’État, la fonction publique hospitalière, la fonction publique locale, elles ne doivent pas, à mes yeux, répondre aux mêmes règles, aux mêmes dynamiques, et là, l’ensemble des collectivités doit en définir bien davantage les modalités. Ça, c’est aussi un principe de flexibilité qui permet d’accompagner ce pacte de confiance que je veux faire. Donc oui, je demande des efforts, j’en ai conscience, mais je ne les demande plus de manière unilatérale, verticale, d’en haut, je les demande de manière partagée, dans la durée, avec de l’évaluation plutôt que de la décision unilatérale et avec des moyens de faire, en face.
PV : Merci beaucoup, Emmanuel MACRON.
EM : Merci à vous.

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