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L'affaire du Crédit lyonnais1,2,3,4 est une affaire politico-financière française des années 1990. Le montant des pertes, qui s'élèvent à plus de 130 milliards de francs, en fait l'un des plus grands scandales financiers de l'Histoire, au même titre que le scandale du Panama, un siècle plus tôt. Cette affaire a touché principalement, et dans un premier temps, plusieurs filiales du Crédit lyonnais, à savoir : Crédit Lyonnais Bank Nederland (CLBN), Société de Banque Occidentale (SdBO), International Bankers SA (IBSA) et Altus Finance.
Sommaire
Chronologie des faits
- novembre 1988 : alors que la gauche revient au pouvoir, Pierre Bérégovoy nomme Jean-Yves Haberer au poste de président5 ; le Crédit lyonnais devient le premier réseau bancaire européen à la suite de multiples acquisitions ;
- 1990 : le financier italien Giancarlo Parretti via Pathé Communication Corporation rachète la MGM avec le soutien de deux filiales du Crédit lyonnais, la Crédit Lyonnais Bank Nederland et la Société de Banque Occidentale, pour un montant de 1,3 milliard de dollars ;
- 1991 : faillite de la MGM puis de la SASEA et d'Executive Life ;
- 1992 : ralentissement de l'activité économique en France où l'immobilier connaît une crise qui affecte les positions d'Altus Finance ; le Crédit lyonnais enregistre ses premières pertes qui s'élèvent à 1,8 milliard de francs ;
- 1993 : nouveau bilan déficitaire pour le CL qui affiche des pertes historiques de 6,9 milliards de francs ; la valeur des participations industrielles du Crédit lyonnais passe à 52 milliards de francs, contre 9,7 milliards en 1988 ; son portefeuille immobilier totalise 100 milliards ;
- février 1993 : vente d'Adidas via la SdBO par Bernard Tapie, alors ministre ;
- 1er mai 1993 : mort de Pierre Bérégovoy ;
- novembre 1993 : Haberer est remplacé par Jean Peyrelevade ;
- 1994 : commission d'enquête parlementaire et premier plan de sauvetage du CL via la création de l'Omnium immobilier de gestion (OIG) ;
- mars 1995 : deuxième plan de sauvetage avec la création du Consortium de réalisation (CDR) ;
- 1996 : le ministre Jean Arthuis engage des poursuites judiciaires contre les anciens dirigeants du CL ;
- 5 mai 1996 : incendie du siège parisien du CL ;
- 1997 : les pertes du CDR sont évaluées par Bercy et Karel Van Miert à 100,2 milliards de francs ;
- 19 août 1997 : incendie du dépôt d'archives de la IBSA au Havre ;
- septembre 1998 : mise en examen de Jean-Yves Haberer et François Gille ;
- mars 1999 : le California Insurance Department intente un procès au CL, Jean Peyrelevade et Jean-François Hénin sont inculpés trois ans plus tard ;
- été 1999 : privatisation du CL ;
- novembre 2002 : vente des parts restantes de l'État dans le CL ; en décembre, le Crédit agricole fait une OPA sur le CL ;
- 2005 : le Crédit lyonnais devient LCL ;
- novembre 2013 : l'État emprunte 4,5 milliards d'euros pour solder la dette du CL6.
Une situation devenue incontrôlable
Le Crédit lyonnais (alors propriété de l'État), et plusieurs de ses filiales, sont au cœur d'une série d'enquêtes menées par la Commission bancaire française concernant des malversations qui conduisent le CL à la quasi-faillite en 1993 à cause d'investissements massifs (dont ceux opérés par le truchement d'une filiale aux Pays-Bas) dans la Metro-Goldwyn-Mayer.L'ombre de Pierre Bérégovoy, alors Ministre des Finances, plane sur cette affaire, car le juge Thierry Jean-Pierre, met en lumière en 1991 la persistance de découverts bancaires jugés « faramineux7 » accordés par la SDBO, la filiale du Crédit lyonnais, aux membres de la famille Bérégovoy. Apparaît ainsi un découvert de 199 737,20 francs au mois d’avril 1993. Puis, de nouveau, on trouve la trace de prêts d’argent aux membres de la famille Bérégovoy, notamment à sa fille Lise, de cadeaux à son épouse Gilberte, ainsi que des aides ponctuelles consenties à Pierre Bérégovoy entre 1986 et 19887.
Article détaillé : Affaire
Urba.
Début 1994, un premier rapport parlementaire dénonce le système des avances
et prêts à risques, notamment dans le domaine immobilier, qui anticipaient la
plus-value envisagée sur ces opérations immobilières. L'affaire du Crédit
lyonnais a mis en valeur certaines des causes financières de la crise
du logement.Le 5 mai 1996, alors qu'une plainte du Ministre des finances Jean Arthuis vise Jean-Yves Haberer, président du Crédit Lyonnais, et Jean-Claude Trichet, directeur du Trésor, le siège central parisien du Crédit Lyonnais est ravagé par un incendie qui soulève de nombreux doutes quant à son caractère accidentel, notamment en raison des multiples départs d'incendies durant cette nuit-là. Le Crédit lyonnais sauve toutefois ses activités de marché grâce à une salle de marché de secours prête à fonctionner.
Un an plus tard, le 19 août 1997, les archives de la filiale IBSA sont détruites dans un entrepôt situé dans le port autonome du Havre lors d'un incendie jugé inexplicable8.
Article détaillé : OIG (Crédit Lyonnais).
Dès 1994, l'Omnium Immobilier de Gestion (OIG) est créé
pour reprendre un ensemble d'actifs compromis du Groupe Crédit lyonnais en
difficulté, en particulier 41 milliards de francs de crédits immobiliers dont
le remboursement est rendu aléatoire par la crise que connaît le marché immobilier depuis le début des années
1990. Ce portefeuille de créances est alors garanti par l'État français à
hauteur de 12,4 milliards de francs9.
Articles détaillés : Consortium de réalisation et Établissement
public de financement et de restructuration.
L'OIG a une existence courte, le premier plan de sauvetage du Crédit
lyonnais se révèle rapidement insuffisant et, dès 1995, un second plan
plus vaste (environ 120 milliards de francs) doit
être mis en place au travers du Consortium de réalisation (CDR), une structure de cantonnement et de défaisance
qui reprend alors le portefeuille de l'OIG ainsi que pour 28,3
milliards d'euros d'actifs douteux et compromis du Groupe Crédit
Lyonnais. Le principe consiste à séparer les actifs et créances compromis de la
partie considérée comme saine. Les créances douteuses sont logées dans la
filiale CDR, et cette dernière est ensuite cédée à un établissement d'État, l'EPFR,
créé pour l'occasion. À l'issue de cette opération, le Crédit Lyonnais se
retrouve amaigri mais avec un portefeuille assaini. De son côté, l'État
récupère un ensemble d'actifs et de créances posant problème.
Article détaillé : Affaire Executive Life.
En 2005, le Consortium de réalisation (CDR), héritier
du passif de la banque, accepte de payer 525 millions
de dollars au département des Assurances de Californie
pour mettre fin aux poursuites judiciaires dans le cadre de l'affaire Executive Life. Cette compagnie
d'assurances américaine, au bord de la faillite, avait été rachetée dans les années
1990 par la MAAF grâce à un
financement du Crédit lyonnais, mais la justice américaine considère que la
mutuelle n'était qu'un prête-nom pour la banque. Or, à cette époque, il était
interdit pour une banque d'acquérir une compagnie d'assurance américaine.
Article détaillé : Affaire Tapie - Crédit lyonnais.
Fin 1992, Bernard
Tapie devenu ministre souhaite vendre Adidas pour éviter
tout conflit d'intérêt et il confie un mandat de vente au Crédit lyonnais. Le Crédit lyonnais a effectué un montage opaque par
laquelle elle a revendu Adidas à une société écran offshore qu'elle contrôle
avec une option de revente avec plus value à Robert Louis-Dreyfus. De plus, le Crédit lyonnais a saisi les actions de la société
Bernard Tapie Finance que détenait Bernard Tapie et l'a mis en liquidation. Bernard
Tapie estima que le Crédit lyonnais l'avait berné par ce montage opaque qui ne
respectait pas les obligations du mandataire à exécuter le mandat de bonne foi
dans l'intérêt de son client, donc sans conflit d'intérêt. Il engage alors avec
le mandataire liquidateur de Bernard Tapie Finance et des actionnaires
minoritaires une longue procédure judiciaire qui s'est conclue en 2008 par la
décision d'un tribunal arbitral qui lui octroie 285 millions d'euros de
dommages et intérêts (dont 45 millions d'euros au titre du préjudice moral, ce
qui est un record en France), plus les intérêts. Une somme de 405 millions
d'euros non imposable a été versée peu après par l'État français qui a repris
les dettes du Crédit Lyonnais à Bernard
Tapie en exécution de cette sentence arbitrale. Les conditions de recours à
cette sentence arbitrale ont été très controversées au niveau politique et ont
fait l'objet de plusieurs recours en annulation devant les juridictions
administratives pour contester l'autorisation donnée par Christine
Lagarde, alors ministre des finances, de recourir à l'arbitrage plutôt que
la justice ordinaire. Tous ces recours devant les juridictions administratives
ont été rejetés. De plus, une instruction de la Cour de justice de la République,
compétente pour juger les ministres, vise Christine
Lagarde pour rechercher d'éventuelles infractions pénales qu'elle aurait
commises. Cette dernière est placée sous le statut de témoin assisté le 24 mai 201310.
Dans un autre volet pénal non ministériel de cette affaire, Pierre
Estoup, l'un des trois juges arbitral est mis
en examen pour escroquerie en bande organisée11.
L'arbitrage de 2008 est finalement annulé par la cour d'appel de Paris, le 17
février 201512.Bibliographie
- Jean Peyrelevade, Journal d'un sauvetage, Albin Michel, 2016 (ISBN 978-2-2263-2481-8)
Notes et références
- Le pari perdu du lyonnais [archive] - Guillaume Duval, Arte (voir archive)
- Comprendre l'affaire Tapie-Crédit Lyonnais [archive] - Jérôme Bouin et Damien Hypolite, Le Figaro, 9 juin 2011
- Combines et « tricheries » de l'État dans l'affaire du Crédit lyonnais [archive] - Libres.org, 26 août 2002
- Les protagonistes de l'affaire du Crédit lyonnais [archive] - Le Monde, 18 janvier 2006
- Jean-Yves Haberer, l'ancien PDG amateur d'art [archive] - Le Parisien, 6 janvier 2003
- L'exécutif veut clore l'affaire du Lyonnais [archive] - Guillaume Guichard, Le Figaro, 10 novembre 2013
- Jacques Follorou, Bérégovoy : Le dernier secret, Fayard, 2008 (ISBN 978-2-2136-3426-5) (voir aussi Bakchich, qui rend compte de cet ouvrage le 12 avril 2008 : « Quand des affairistes « tenaient » Pierre Bérégovoy » [archive] et le 13 avril « Exclusif : La descente aux enfers de Pierre Bérégovoy » [archive])
- Les incendies étaient criminels [archive] - Denis Demonpion et Jean-Loup Reverier, Le Point, 10 janvier 1998
- Proposition de résolution no 2298 de l'Assemblée nationale du 29 mars 2000.
- Lagarde : ce que signifie le statut de témoin assisté [archive] - Julie Reynié, RTL, 24 mai 2013
- Affaire Tapie : le juge arbitre Pierre Estoup mis en examen pour escroquerie en bande organisée [archive] - Guillaume Gaven, France Info, 29 mai 2013
- CA Paris (pôle 1 - chambre 1) arrêt du 17 février 2015 (13/13278) [archive] [PDF]
La dernière
modification de cette page a été faite le 19 octobre 2017 à 04:25.
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