| 23/11/2017, 16:30 | 752 mots
Patrick Drahi célèbre, le 22 juin dernier, l'introduction à
Wall Street d'Altice USA. A gauche, Dexter Goei, le patron de cette filiale et
désormais DG d'Altice. (Crédits : Reuters) Après avoir introduit à Wall Street
sa filiale, Altice USA, avec l’ambition de jouer un rôle dans la consolidation
du câble outre-Atlantique, Patrick Drahi, en proie à une forte défiance des
investisseurs, a dû mettre un terme à ses perspectives de fusions et
acquisitions.
Ce jeudi 17 septembre 2015, Patrick Drahi est à New York. Le
milliardaire, fondateur et propriétaire d'Altice, est l'invité de marque d'une
grande conférence de la banque d'affaires américaine Goldman Sachs. Loin du marasme et des fortes inquiétudes qui pèsent aujourd'hui
sur le groupe, il y reçoit un accueil de « rock star »,
rapporte l'AFP. La dépêche publiée par l'agence de presse illustre à
merveille l'aura et la confiance dont Patrick Drahi bénéficie alors dans
certains cercles financiers, quand bien même l'endettement faramineux du groupe
préoccupe déjà bon nombre d'observateurs. Extrait :« Une vingtaine de minutes avant l'entrée en scène de l'homme d'affaires, la salle est comble, écrit l'agencier. Plus aucun siège de libre. Au fond, des participants sont contraints de rester debout. Les journalistes des grands médias new-yorkais (New York Times, Wall Street Journal, Bloomberg...) ont tous pris place aux premiers rangs, ordinateur posé sur les genoux pour certains, prêts à boire les mots du milliardaire français. Depuis Jean-Marie Messier, aucun patron français n'avait suscité autant d'intérêt au sein de la communauté financière américaine. »
Un empire à crédit
A ce moment-là, Patrick Drahi paraît, pour certains, inarrêtable. Après avoir consolidé le marché du câble en France, puis son rachat de SFR en 2014, ce fils de professeurs de mathématiques, parti de rien, continue d'étendre son empire à crédit dans les télécoms et les médias de l'autre côté de l'Atlantique. Après avoir mis la main sur Suddenlink pour plus de 9 milliards de dollars, le magnat des télécoms et des médias venait de boucler le rachat de son second câblo-opérateur aux Etats-Unis, Cablevision, pour 17,7 milliards de dollars. Avec cette énième emplette, Altice devenait rien de moins que le quatrième acteur américain du câble.Patrick Drahi ne le cache pas : alors que dans l'Hexagone, les possibilités de grandir davantage sont limitées, les Etats-Unis offrent a contrario de belles perspectives. Fin 2016, il déclarait ainsi à la commission des affaires économiques du Sénat :
« Pour vous donner des ordres de grandeurs, en France, on a en valeur à peu près 30% du marché des télécoms. C'est un marché de l'ordre de 40 milliards d'euros, et on en fait 11 milliards. Et aux Etats-Unis, nous allons faire un peu plus de 9 milliards de dollars, mais nous n'aurons que 2% du marché... »
« Doubler de taille aux Etats-Unis »
C'est d'ailleurs avec l'ambition de grossir outre-Atlantique que Patrick Drahi a introduit, en juin dernier, ses activités américaines à Wall Street, sous la bannière d'Altice USA. Trois mois plus tard, Dexter Goei, son patron, affichait la couleur :« Nous voulons doubler de taille aux Etats-Unis au cours des cinq prochaines années. Nous sommes ouverts aux opportunités d'acquisitions. »
Mais cette perspective, Patrick Drahi doit aujourd'hui la mettre de côté. Les difficultés de SFR, qui a perdu environ 2,5 millions d'abonnés depuis son rachat, ont provoqué un effondrement d'Altice à la Bourse d'Amsterdam ces trois dernières semaines. Il faut dire que l'opérateur au carré rouge pèse aujourd'hui près de la moitié du chiffre d'affaires du groupe, contre un gros tiers pour Altice USA. Face à cette défiance des marchés, Patrick Drahi s'est montré catégorique : désormais, priorité au désendettement et à la relance commerciale de SFR. Fini les rêves d'emplettes mirobolantes au pays de l'Oncle Sam. Celles-ci, dans le meilleur des cas, attendront.
Malgré des résultats jusqu'à présent honorables, Altice USA subit le contrecoup des mauvais résultats de SFR, qui a entraîné le plongeon boursier de sa maison-mère. Depuis le début du mois, le cours de la filiale américaine a dégringolé près de 22%, à 19,54 euros. Selon l'agence Reuters, près de 50 fonds spéculatifs ont vendu pour plus d'un demi-milliard de dollars d'action Altice USA au troisième trimestre « sur fond d'inquiétudes sur l'endettement du câblo-opérateur et de sa maison-mère ». Un associé d'un de ces fonds, qui a cédé la totalité de ses parts, ne cache pas son inquiétude : « Le problème avec une entreprise vraiment endettée est que le matelas n'est pas très épais en cas de pépin. Les gens prennent peur quand les graphes commencent à partir du mauvais côté, ils quittent le navire très vite. » Dans certains milieux financiers, la confiance se perd rapidement.
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