Le 24/06/2016 à 08:52, Bertrand Fessard de Foucault
a écrit :
Cher ami, Monsieur le Secrétaire
général,
rassurez-vous. L'inconnu va engendrer
l'inconnu. Depuis Maastricht qui n'était qu'une manière - et
sans doute la seule - d'empêcher l'Allemagne de faire cavalier
seul et d'aller probablement à la reconquête de toute l'Europe
centrale de l'Est en l'absence provisoire d'une Russie que
nous ne savions pas mettre du côté de la démocratie, plus rien
n'a été fait qui donne à l'ex-Communauté européenne (le bien
commun des Européens) le visage attirant d'un ensemble
solidaire, démocratique, visible exemplairement pour le reste
du monde. Dessein et souhait de quelques-uns ? résultat de
l'inertie des gouvernements accaparant les apparences du
fonctionnement de l'Union européenne, tout au contraire a été
fait pour détacher les opinions et l'âme des peuples de
l'ambition et de la séduction européennes. L'Angleterre a le
mérite de la franchise, et si nous ressuscitons, elle sera la
première à le voir et le reconnaître en redevenant
candidate...
Les manifestations contre un projet de
loi manifestement inspiré de l'extérieur et imposé en échange
d'une façon d'indulgence pour nos déficits publics (autant que
la soi-disant rationalisation ou mise à l'échelle de nos
régions) vont cesser, s'amenuisant à chaque fois. Aucune
motion de censure n'arrivera en Juillet. Tout sera disponible
pour un nouveau projet de loi et de nouvelles dogmatiques (la
concurrence fait la baisse des prix, la facilité de licencier
fait l'embauche), aussi impromptu que les précédents, rédigé à
huis-clos. Et évidemment, ce contre quoi la France a lutté
depuis Décembre 1958 - la grande zone de libre-échange - sera
avalisé dans le brouhaha de la campagne présidentielle. Le
Président gagnera la primaire puisque dans l'ex-parti
socialiste c'est le vide, et la présidentielle, aussi par
défaut, les abstentionnistes ne pesant rien puisqu'il n'y a
dans notre législation ni vote blanc ni quorum de
participation.
Tout va donc bien y compris pour
l'espérance, la mienne et celle des gens libres mentalement.
Car de tels reculs, de telles inerties - tant populaires
(manifestations, grèves générales, blocage des raffineries et
des autoroutes, soulèvement des étudiants sont d'antan et non
d'aujourd'hui) que gouvernementales, personne dans aucun des
Etats-membres ne s'est vraiment remué pour une révolution
européenne par la refonte démocratique de nos fonctionnements
et par l'énoncé d'une ambition collective mondiale...
n'édifient rien et accélèrent les nivellements. Depuis plus de
dix ans ans, je réclame à tous candidats et à tous
parlementaires, ainsi qu'à des chefs d'Etat ou de gouvernement
étrangers, l'élection au suffrage direct du président ou de la
présidente de l'Union : silence. La Grèce vend ses îles et ses
ports, la Crimée fait retour par la force à la Russie, et
peut-être l'Ukraine. Les Etats-Unis vont élire l'immobilisme
ou l'extrêmisme. Plus rien ni aucune crise n'est facteur de
réflexion pour l'avenir. Il n'y a que les producteurs
d'illusions, les faiseurs d'accord qui se croient de l'effet.
La cocotte-minute va donc bouillir.
Siffler, hurler. Elle explosera. Comment ? quand ? par quel
"incident" ? mais elle explosera. Je crois aux responsabilités
collectives. Hitler est bien moins la faute des Allemands que
celle de tous les Européens et les Américains des années 20 et
30. Le système esclavagiste et la jungle capitaliste entre
quelques-uns en Chine est notre responsabilité : les fabuleux
contrats, le rachat de toutes les vitrines en France. Nous
laissons faire, nous n'avons aucun contre-projet, nous donnons
tous les signes de la révérence, dos cassé devant le président
chinois ou l'héritier saoudien. Le projet de "loi Nutela" est
publiquement empêché par l'éventualité que nous y perdrions
cent ou cent cinquante Airbus. Le chantage à l'emploi est
devenu la gestion des ressources humaines en entreprises
grandes ou moyennes, et la justification de ce qui tient lieu
de politique étrangère.
La parole publique, les commentaires et
éditoriaux des journalistes de télévision ou des
hebdomadaires-magazines, naguère orientés et dirigés de façon
à mettre le gouvernement en débat, sont un tel fleuve d'une
telle médiocrité et d'un si incessant flux que c'est le
silence des idées, des enthousiasmes. Pas de jour où le
Président ne parle. S'entend-il ? A chacune des manifestations
contre le projet dit El Khomri - la dixième à Paris, la
vingtième à Rennes - le Président répond : j'irai jusqu'au
bout. Il ne peut mieux faire ressentir son engagement
personnel, mais vis-à-vis de qui ? et de quoi ? Et n'est-ce
pas au gouvernement seul, non au Président, de maintenir ou
d'amender un texte devant le Parlement ? et n'est-ce pas au
Parlement, et non au Président, de voter la loi ? Les
institutions ne valent plus aujourd'hui, les paroles non plus.
Demain se fait donc clandestinement. Les
tolérances d'aujourd'hui ne culpabilisent même plus, les
dirigeants ne sont plus même méprisés. Ce ne sont plus même
des décombres, il n'y a que le vide. Le Brexit et les
probables sécessions à suivre vis-à-vis de l'Union européenne
ou vis-à-vis de l'idéal démocratique - soit des Etats-membres,
les Scandinaves, soit les prises de pouvoir ou les votes
extrêmistes - ne sont plus même des révélateurs. Tout est à
nu.
Quant à nos évolutions personnelles... des
cabinets ministériels ou des grandes positions dans le
fonctionnement de l'Etat on va dans la banque, les fonds
d'investissement ou dans des présidences de grande distribution.
Des vies entières se gâchent dans la brigue politique, les
couples sont précaires, je reçois d'étudiants ou de collégiens
ce qui n'est pas même une confidence. Votre plus mauvais
souvenir ? la rencontre de mon père. Tel autre : je n'ai jamais
connu mon père, mais il paraît que je lui ressemble
(physiquement).
La France et la République ont-elles
encore une vague ressemblance à ce qu'elles étaient il n'y a
pas longtemps ?
Je crois profondément que la perte du
sens des solidarités, la successivité des couples pour chaque
personne, la fin de toute transmission d'une pratique
religieuse en pays chrétien et leur substitution par l'argent
chez les adultes et par le multimédia, l'écran miniature, la
fin des archives-papiers, la perte des mémoires collectives et
individuelles - même si chacune de ces disparitions et
diminutions se donne quelque apparence d'être remplacée - ont
engendré et approfondissent chaque jour davantage notre
stérilité collective.
Voeux de bonne journée. J'ai peine à
imaginer que ce soit passionnant ou en enthousiasmant, sauf
avarice mentale de se dire : après tout, nous tenons le bon
bout et nous sommes là pour longtemps
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1 commentaire:
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