- La Rédaction, Mis à jour le 05 Décembre 2022 15:44
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SARKOZY. Le procès en appel de Nicolas Sarkozy pour corruption
et trafic d'influence s'est ouvert ce lundi 5 décembre 2022.
Déjà condamné en première instance, l'ancien président de la
République va-t-il aller en prison ?
Sommaire
Il conteste tout "avec la plus grande force", la culpabilité reconnue en première instance, comme la peine prononcée en mars 2021. C'est un Nicolas Sarkozy très remonté qui s'est présenté à la barre de la Cour d'appel de Paris, ce lundi 5 décembre 2022, pour l'ouverture d'un procès en appel dans lequel l'ancien président de la République a été condamné il y a un an et demi à trois ans de prison, dont un ferme, pour "corruption" et "trafic d'influence." L'ex-homme fort de la droite française avait été reconnu coupable d'avoir œuvré pour qu'un magistrat obtienne un poste désiré à Monaco en échange d'informations sur une enquête qui le visait (lire plus bas).
"Je n'ai jamais corrompu qui que ce soit. C'est une corruption étrange, sans argent, pas un centime pour qui que ce soit, sans avantage et sans victime. Personne n'a été lésé", s'est défendu Nicolas Sarkozy dans un propos liminaire. Avant même que le fond du dossier ne soit étudié, l'ex-chef d'Etat s'est présenté comme "un homme dont on a écouté 3500 conversations téléphoniques." Avant de poursuivre : "je demande à chacun de réfléchir à ce que cela représente comme violation de sa vie privée." Le prévenu a alors interrogé : "est ce que je suis un délinquant chevronné parce que j'utilise un portable avec mon avocat et mon ami comme le dit le tribunal de Paris ? Ou est-ce que c'est légitime comme le dit la cour d'appel d'Aix ?"
A la barre, Nicolas Sarkozy a donc non seulement contesté les chefs d'accusation retenus à son encontre mais, surtout le fait d'avoir été placé sur écoute lors de ses conversations avec son avocat. "Le PNF a indiqué que j'avais un comportement de délinquant chevronné. De délinquant chevronné ! De délinquant chevronné, madame ! Tout ça parce que j'avais utilisé un portable dédié. Depuis, la cour d'appel d'Aix a estimé que c'était tout à fait légitime...", a-t-il clamé, citant un arrêt rendu par la magistrate qui l'avait condamné en première instance dans cette affaire.
Nicolas Sarkozy encourt jusqu'à 10 ans de prison et un million d'euros d'amende. Si la peine initialement prononcée lui évitait un passage par la case prison, un séjour derrière les barreaux n'est pas totalement à exclure selon la décision que prendra la juridiction. Mais elle ne sera connue que dans plusieurs semaines, alors que le procès doit se dérouler jusqu'au 16 décembre.
Qu'est-ce que l'affaire "des écoutes" ?
L'affaire des "écoutes" a débuté à la fin de l'année 2013. A l'époque, la justice enquête sur les soupçons de financement libyen de la campagne présidentielle victorieuse de Nicolas Sarkozy en 2007. Les juges décident alors de mettre l'ancien président sur écoute, mais s'aperçoivent qu'il discute avec son avocat, Me Thierry Herzog, par le biais d'une autre ligne, via un deuxième téléphone avec une puce prépayée, ouverte sur le nom de Paul Bismuth. Cette ligne "occulte" est mise sur écoute en janvier 2014.
En analysant ces écoutes, les magistrats découvrent que les deux hommes semblent être au courant d'informations qui sont pourtant couvertes par le secret de l'instruction Au total, 19 conversations entre l'ancien chef d'Etat et son avocat sont recensées par les juges. Au cours de leurs échanges, ils évoquent à plusieurs reprises un contact du nom de "Gilbert" qui travaille à la Cour de cassation. Il s'agit de Me Gilbert Azibert, qui est alors premier avocat général auprès de la Cour de cassation.
A l'époque, la Cour de cassation doit rendre une décision attendue au sujet de la saisie des agendas présidentiels de Nicolas Sarkozy dans le cadre de l'affaire Bettencourt. L'ancien chef d'Etat est alors poursuivi pour "abus de faiblesse" sur Liliane Bettencourt, rappelle Franceinfo. Nicolas Sarkozy bénéficie finalement d'un non-lieu dans cette affaire, mais maintient son pourvoi en cassation afin que les informations contenues dans ses agendas présidentiels ne puissent réapparaître dans d'autres procédures judiciaires.
Lors d'une conversation entre Me Thierry Herzog et Nicolas Sarkozy, les deux hommes évoquent un service que l'ancien chef d'Etat pourrait rendre à Gilbert Azibert. "Il m'a parlé d'un truc sur Monaco", indique l'avocat à l'ancien président de la République. Ce "truc sur Monaco" est en fait un poste au Conseil d'Etat dans la principauté. La justice soupçonne donc Nicolas Sarkozy et Thierry Herzog d'avoir tenté d'obtenir des informations, voire d'avoir essayé d'influencer la décision de la Cour de cassation sur les agendas présidentiels, par le biais de Gilbert Azibert, en échange d'un poste honorifique pour l' ex-magistrat.
Nicolas Sarkozy condamné en première instance
En mars 2021, Nicolas Sarkozy a été condamné à trois ans de prison, dont un an ferme, dans l'affaire des "écoutes" pour "corruption et trafic d'influence" par le tribunal correctionnel de Paris. Il a par la suite fait appel de la décision. A l'époque, le tribunal avait estimé qu'un "pacte de corruption" avait été conclu entre Nicolas Sarkozy, Me Thierry Herzog et Gilbert Azibert. Christine Mée, présidente de la 32e chambre correctionnelle de Paris, avait alors déclaré que Nicolas Sarkozy s'était "servi de son statut d'ancien président pour gratifier un magistrat ayant servi son intérêt personnel" dans des déclarations rapportées par Le Monde.
Thierry Herzog a également été reconnu coupable de "corruption active" et de "violation du secret professionnel", et a été condamné à trois ans de prison dont deux avec sursis, assortis d'une interdiction d'exercer la profession d'avocat pendant cinq ans. Gilbert Azibert a de son côté été déclaré coupable de "corruption passive" et de "recel de violation du secret professionnel", et a été condamné lui aussi à trois ans de prison dont deux avec sursis. L'avocat comme le haut magistrat ont tous les deux fait appel de la condamnation.
Nicolas Sarkozy peut-il aller en prison ?
La condamnation de Nicolas Sarkozy en première instance a été une décision historique pour un ancien chef d'Etat. Le principal enjeu de ce procès en appel repose dans la lourdeur des peines qui pourraient être prononcées à l'encontre de Nicolas Sarkozy. En effet, la peine prononcée en 2021 contre l'ancien président de la République est, dans le cadre de la loi, aménageable. Il pourrait par exemple être placé sous surveillance électronique. Une disposition applicable pour toute peine en-deçà de deux ans de prison ferme. Au-delà, comme tout justiciable, Nicolas Sarkozy se retrouvera derrière les barreaux.
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