Jamal Khashoggi
(en arabe :
جمال
خاشقجي (Jamāl
Khāshuqjī) [ ʒaˈmaːl
χaːˈʃoɡʒi]),
né le 13 octobre 1958 à Médine
(Arabie
saoudite) et mort assassiné
le 2 octobre 2018 au consulat
d'Arabie
saoudite à Istanbul
(Turquie)1,
est un journaliste
saoudien2,
ayant notamment été directeur général de la chaîne Al-Arab
News3.
Il a également été rédacteur au journal saoudien Al
Watan, qu'il a transformé en
plateforme progressiste4.
Des années 1980 aux années 2000, il a régulièrement servi le
prince Turki
ben Fayçal, ancien directeur des services de renseignement
saoudiens5.
Initialement proche du pouvoir saoudien, il
entre en dissidence
à partir de 2017, à la suite de l'avènement de Mohammed
ben Salmane au statut de prince héritier et de dirigeant de
fait du pays. Il fuit l'Arabie saoudite en septembre 2017. Il
déclare alors que le gouvernement saoudien l'a « banni de
Twitter »6
et écrit ensuite des articles de presse critiques vis-à-vis du
régime saoudien. Extrêmement critique à l'égard du prince
héritier, Mohammed ben Salmane, et du roi Salmane
ben Abdelaziz Al Saoud7,
Khashoggi s'oppose fermement à l'intervention
au Yémen8.
Khashoggi entre dans
le consulat d'Arabie saoudite en Turquie le 2 octobre 2018 et y est
assassiné par un commando saoudien. Le prince héritier est
soupçonné d'avoir commandité l'opération. Après avoir
initialement nié sa mort, affirmant que Khashoggi avait quitté le
consulat vivant, l'Arabie saoudite finit par reconnaître le 20
octobre que Jamal Khashoggi a été tué à l'intérieur du
consulat9,
mais donne successivement plusieurs versions contradictoires des
circonstances de son décès avant d'admettre que le meurtre était
prémédité, tout en épargnant le prince héritier.
Le 26 février
2021, dans un rapport rendu public à la demande du président Joe
Biden, la direction
du renseignement américain accuse Mohammed ben Salmane d’avoir
« approuvé » l’opération contre Jamal Khashoggi10.
Biographie
Famille et
jeunesse
Jamal Khashoggi naît le 13 octobre 195811
dans une famille de Kayseri
aux origines ottomanes2.
Il est issu d'une grande famille de la ville portuaire de Djeddah
très liée à la famille royale. Son grand-père, Mohammed
Khashoggi, qui a épousé une Saoudienne12,
était par ailleurs le médecin personnel du roi Ibn
Séoud, le fondateur du royaume
d'Arabie saoudite13.
Il est le neveu14
d'Adnan
Khashoggi, qui était considéré comme l'homme le plus riche du
monde au début des années
1980 grâce aux ventes
d'armes15,
et le cousin germain de Dodi
Al-Fayed, tué à Paris dans un accident de voiture aux côtés
de Diana,
princesse de Galles16.
À la fin des années
1970, comme beaucoup de jeunes Saoudiens, il soutient la
résistance
afghane contre les Soviétiques, tout comme le pouvoir saoudien
de l'époque et la CIA.
Il se rend lui-même en Afghanistan,
et pose à l'époque en photo avec une kalachnikov :
ses amis assurent cependant qu'il aurait peu combattu et que, bien
qu'étant un musulman conservateur, il n'avait rien d'un extrémiste.
C'est également en Afghanistan qu'il réalise ses premières
interviews d'Oussama
ben Laden, un autre jeune Saoudien originaire de Djeddah, qui
combat alors les Soviétiques : les familles Khashoggi et ben
Laden sont par ailleurs amies de longue date. Dans l'édition de mai
1988 de l'hebdomadaire saoudien Al Majalla, il publie ainsi un
long reportage à la gloire de ces jihadistes d'Afghanistan5
qu'il a côtoyés sur place. Il entretient à partir de là des
relations personnelles avec Oussama ben Laden, et, à ce titre,
organise en 1993 à Khartoum au Soudan sa première interview par un
journaliste occidental, le reporter britannique Robert
Fisk5,
comme celui-ci l'a raconté17.
Après son passage dans ce pays, il étudie aux États-Unis
puis, de retour en Arabie saoudite, rejoint les Frères
musulmans, courant mal vu à Riyad18.
Carrière de journaliste
Jamal Khashoggi en 2010.
Diplômé en administration de l'université
d'État d'Indiana (1982), Jamal Khashoggi commence sa carrière
en tant que directeur régional de la librairie Tihama Bookstores de
1983 à 198419.
Il débute ensuite une carrière de journaliste
dans différents quotidiens et hebdomadaires saoudiens,
dont Saudi
Gazette2,
avant d'être nommé rédacteur en chef de Al Madina, en 199220.
De 1991 à 1999, il est correspondant à l'étranger (Afghanistan,
Algérie, Koweït, Soudan), puis devient rédacteur en chef adjoint
de Arab News,
le principal journal en anglais d'Arabie saoudite
(1999-2003)[réf. nécessaire].
Outre son travail de journaliste, il entretient des liens avec les
services de renseignements saoudiens, dont le chef, le prince Turki
ben Fayçal, le considère longtemps comme un protégé. Dans les
années
1990, il est chargé par les services secrets de contacter
Oussama ben
Laden pour le persuader de renoncer à la clandestinité et de
rentrer au pays. Il échoue cependant à convaincre son ami18.
Khashoggi prend ensuite ses distances avec ben Laden qui bascule dans
le terrorisme
contre l'Occident21 ;
en 2011, à la mort de ben Laden, il écrit à propos de ce dernier
« Tu étais magnifique et plein de bravoure aux beaux jours de
l'Afghanistan, avant que tu succombes à la haine et à la
passion18. »
Avec les années, Khashoggi se fait le promoteur de la démocratie
dans le monde arabe, critiquant les pouvoirs corrompus et plaidant
pour un accroissement de la participation politique, y compris au
sein des monarchies du Golfe18.
En 2003, il est très brièvement rédacteur
en chef d'Al-Watan
mais, jugé trop progressiste,
il est licencié par le ministre saoudien de l'Information après
avoir publié plusieurs commentaires à propos de l'influence du
pouvoir religieux en Arabie saoudite22.
Il s'exile quelque temps à Londres,
puis, au cours des années suivantes, il devient un conseiller très
proche de Turki Al-Faycal2
et un adversaire de Mohammed
ben Salmane13.
En
2007, il est à nouveau nommé à la tête de la rédaction de
Al-Watan. Il quitte le journal en 2010 après avoir critiqué
les salafistes23
et est nommé directeur de Al-Arab
News à Bahreïn,
collaborant aussi à différents médias internationaux comme
commentateur politique spécialiste du Moyen-Orient2.
Demeuré en lien avec
les Frères
musulmans — ce qu'il reconnaît ou nie en fonction de ses
interlocuteurs —[réf. nécessaire]Jamal
Khashoggi soutient en 2011 les printemps
arabes en jouant la carte de l'islam
politique. Mais l'échec de ces révolutions vient s'ajouter à
la liste de ses déceptions, après les dérives du « djihad »
afghan et de ben Laden18.
Il compte
parmi les journalistes chargés de défendre la politique du royaume
saoudien auprès de la presse étrangère. Il présente notamment la
guerre
menée par l'Arabie saoudite au Yémen comme étant dirigée
contre l’Iran,
qu’il compare à l’Allemagne
nazie24,25.
Disgrâce et exil
Initialement
proche de Mohammed ben Salmane, en qui il voit au départ un
réformateur, il rompt peu après avec lui26.
En décembre 2016, Khashoggi est puni par son pays pour avoir
ouvertement critiqué Donald
Trump et il lui est interdit d'exercer son métier27.
En septembre 2017, il s'exile aux
États-Unis,
où il tient une chronique au Washington
Post. Il s'oppose alors de plus en plus ouvertement au prince
héritier, Mohammed ben Salmane28.
À la fin de sa vie, il souffre de
diabète
et d'hypertension29.
Assassinat
Article détaillé : Assassinat
de Jamal Khashoggi.
Cette section est trop longue. Elle pourrait gagner à être
raccourcie ou répartie en plusieurs sous-sections.
Il est
également possible que sa longueur crée un déséquilibre dans
l'article, au point d'en compromettre la neutralité
en accordant à un aspect du sujet une
importance disproportionnée.
Faits
Le 2 octobre 2018, Jamal Khashoggi, à la demande de l'ambassade
d'Arabie saoudite à Washington
D.C.30,
entre au consulat d'Arabie saoudite à Istanbul
pour obtenir un certificat de célibat nécessaire à son remariage,
prévu pour le lendemain31,
avec sa fiancée une journaliste turque, Hatice
Cengiz, rencontrée peu auparavant32.
Le journaliste s'était rendu une première fois au consulat le 28
septembre pour obtenir l'attestation de divorce indispensable à son
remariage33,34.
Il y rencontre alors un diplomate, qui l'adresse à un autre
interlocuteur. Celui-ci s'avère être membre des services de
renseignement saoudiens. Il indique à Jamal Khashoggi que le
consulat n'est pas en mesure de lui fournir le document
immédiatement, mais qu'il peut venir le récupérer la semaine
suivante35.
Selon la
police turque, le 2 octobre, Jamal Khashoggi y est séquestré,
torturé et
assassiné par
des forces
spéciales saoudiennes, puis son corps est démembré et
transporté hors du consulat en direction d'un autre pays36,37.
Khashoggi dénonçait depuis un certain temps la politique conduite
par le prince Mohammed
ben Salmane dans le royaume et le désastre de la guerre
du Yémen38,39.
Dans son édition du 5 octobre, The
Washington Post laisse une colonne blanche sous la photo de
Khashoggi et le titre A Missing Voice40.
Le 8 octobre, le gouvernement turc demande aux Saoudiens
l'autorisation de fouiller le consulat41.
Le jour même, le président turc, Recep
Tayyip Erdoğan, appelle les autorités saoudiennes à prouver
que le journaliste a bien quitté le consulat comme ils
l'affirment38.
Le 9 octobre, la Turquie est autorisée à fouiller le consulat,
tandis que la chaîne de radio-télévision
turque TRT World affirme que les autorités turques soupçonnent
que des individus entrés dans l'ambassade au moment de la
disparition auraient emporté avec eux les images de
vidéosurveillance42,
que les autorités saoudiennes affirment ne pas posséder43.
Le 12 octobre, The
New York Times affirme que le commando du consulat
transportait une scie à os44.
The
Washington Post ajoute pour sa part que la Turquie possède
des enregistrements audio et vidéo qui prouvent que le journaliste a
été interrogé, torturé, assassiné puis démembré45.
Le journaliste porterait également sur lui une montre
connectée, qui aurait enregistré une dispute46,
ce qui serait corroboré par l'enregistrement47.
L'appareil, de type Apple
Watch, aurait été ainsi relié à son iPhone,
qu'il avait laissé à sa fiancée, mais dont certains
enregistrements auraient été supprimés après sa mort48.
Ces dernières informations ne seraient pas compatibles avec les
capacités techniques des produits Apple49.
Selon The
Guardian, les enregistrements pourraient en fait avoir été
recueillis grâce à des appareils de surveillance implantés dans le
consulat à l'insu du gouvernement saoudien50.
Le 13 octobre, Mevlüt
Çavuşoğlu, ministre turc des Affaires étrangères, demande à
Riyad d'autoriser
les enquêteurs à perquisitionner le consulat d'Arabie saoudite à
Istanbul. Une demande à laquelle les autorités saoudiennes ne
répondent pas immédiatement51,
avant finalement d'autoriser la fouille qui a lieu le 15 octobre52.
Les autorités turques souhaitent appliquer du luminol
sur les murs pour détecter d'éventuelles traces de sang, ce que
Riyad refuse53.
La police turque emporte alors des échantillons de la terre du
jardin du consulat54.
Elle découvre également que des parois du consulat ont été
fraîchement repeintes55.
Le 15 octobre,
CNN
affirme que le régime saoudien serait sur le point d'admettre la
mort du journaliste à la suite d'un interrogatoire qui aurait mal
tourné56.
Le jour même, le consul saoudien est limogé57.
Le dissident saoudien Omar
Abdulaziz (en)
affirme que son téléphone a été piraté alors qu'il aurait
discuté à plusieurs reprises avec Khashoggi de sujets sensibles58.
Un analyste turc affirme pour sa part que Khashoggi aurait prévenu
des membres des Frères
musulmans13
qu'ils étaient espionnés par le pouvoir saoudien59.
La police turque fouille la résidence du consul général
saoudien60,61
le 17 octobre62.
Le même jour, le consulat est fouillé à nouveau63.
Le 17 octobre, The New York Times rapporte qu'un proche du
prince héritier a participé à l'assassinat64.
Le Yeni Şafak, qui dit avoir eu accès à des
enregistrements, affirme que le journaliste a eu les doigts coupés
puis a été décapité64.
Pour sa part, le Middle East Eye, qui affirme avoir également
eu accès aux enregistrements, ajoute que le journaliste n'a pas été
interrogé mais torturé puis démembré vif tandis que son bourreau
— qui serait un médecin — écoutait de la
musique64,65.
Le 18 octobre, l'un des membres du commando décède, officiellement
dans un accident
de voiture66.
Par ailleurs, la presse du régime saoudien présente les membres du
commando comme de « simples touristes »67.
Pour sa part, le New York Times affirme que les autorités
saoudiennes comptent faire porter la responsabilité de l'opération
au général Ahmed
Assiri68
haut responsable du renseignement afin de dédouaner Mohammed ben
Salmane69.
Par ailleurs, la police turque procède à des fouilles dans la forêt
de Belgrad, à Marmara68.
Le 20 octobre, l'Arabie saoudite confirme la mort de Jamal Khashoggi
le 2 octobre dans le consulat d'Istanbul et limoge le général Ahmed
Assiri70
conseiller de haut rang à la cour royale ainsi que Saoud
al-Qahtani, responsable média et homme clé de l'entourage du
prince héritier69.
18 personnes sont arrêtées au même moment par le royaume :
les 15 personnes du commando arrivées de Riyad et 3 employés du
consulat71.
Ali Shihabi, proche des cercles du pouvoir saoudien, estime que la
mort a eu lieu par « étranglement et pas à une rixe à coups
de poing »72.
Les autorités saoudiennes affirment ne pas savoir ce qu'il est
advenu du corps, ajoutant qu'il a été confié à un « opérateur
local »73.
Le même jour, Ömer
Çelik, ministre des Affaires européennes du gouvernement turc,
fait la première déclaration officielle turque : « Nous
ne blâmons personne de manière préemptive mais nous n'autoriserons
pas non plus une dissimulation »74.
Le 21 octobre,
l'Arabie saoudite change de version et affirme que la mort aurait eu
lieu alors qu'une discussion visait à « négocier de façon
pacifique » le retour au pays de Jamal Khashoggi et aurait
« mal tourné »75.
Le jour même, Hatice Cengiz est placée sous protection policière76.
Le 22 octobre, le Yeni Şafak affirme que Mohammed ben Salmane
aurait parlé au téléphone avec Khashoggi, peu avant son exécution
et alors qu'il était détenu au consulat77.
Un des membres du commando a également quitté le consulat en
portant les habits de la victime78.
Le jour même, un véhicule diplomatique saoudien est retrouvé
abandonné sur un parking79.
Le 23 octobre,
Sky News affirme que des restes du corps auraient été
retrouvés dans le jardin du consulat80.
Le jour même, Reuters
affirme que Saoud al-Qahtani, conseiller de Mohammed ben Salmane,
aurait supervisé les opérations via Skype et aurait demandé aux
membres du commando de lui apporter la tête de Khashoggi81.
Le 25 octobre, l'Arabie saoudite admet
que le meurtre de Jamal Khashoggi était prémédité82.
Le 26 octobre,
le parquet turc lance une procédure d'extradition des 18 suspects
saoudiens83.
Le lendemain, Adel
al-Joubeir, ministre saoudien des Affaires étrangères, refuse
cette demande84.
Le 31 octobre,
le procureur général turc affirme que le journaliste a été
étranglé puis son corps démembré85.
Le jour même, la presse turque révèle que des employés
consulaires auraient détruit des documents le lendemain de
l'assassinat86.
Le 1er novembre, citant un
responsable turc anonyme, The New York Times affirme que le
corps aurait pu être dissout dans de l'acide87.
Le 5 novembre,
des responsables turcs et le quotidien Sabah
révèlent qu'une équipe de nettoyage de deux personnes, dont un
chimiste, aurait détruit les preuves entre le 12 et le 17 octobre88.
La police turque ne recevra finalement la permission d'investiguer le
consulat avec l'accord des autorités saoudiennes que les 15 et 16
octobre, et la résidence du consul que le 17 octobre89.
Le 8 novembre,
une source policière révèle que de l'acide
fluorhydrique a été utilisé pour dissoudre le corps90.
Le 10 novembre, Sabah affirme que le corps dissout aurait été
jeté dans les canalisations91.
Le 13
novembre, The Daily Sabah affirme que le commando transportait
des scalpels, des ciseaux, des instruments servant à donner des
chocs électriques92,
des agrafeuses, des seringues dans leurs bagages tandis que The
New York Times affirme que des sources du renseignement américain
estiment que l'un des membres du commando téléphone à une
personne, en lui demandant de prévenir son « patron »,
qui serait MBS, du succès de l'opération93.
Le 15 novembre, le parquet saoudien affirme que le journaliste a été
drogué avant d'être tué94.
Dédouanant le prince héritier de tout rôle, le procureur général
saoudien requiert la peine de mort à l'encontre de cinq accusés
(dont les noms ne sont pas communiqués)95.
La diplomatie turque juge les explications « insuffisantes »96.
Le 16 novembre, selon le quotidien turc
Hürriyet,
un journal proche du pouvoir turc, il existe des enregistrements qui
contredisent les conclusions de la justice saoudienne. Notamment 15
minutes de conversations avant le meurtre démontrant la
préméditation, et des appels téléphoniques internationaux passés
par le commando97.
Le 17 novembre, The
Washington Post affirme que la CIA
a conclu que le prince héritier saoudien Mohammed
ben Salmane Al Saoud était le commanditaire de l'assassinat du
journaliste Jamal Khashoggi à Istanbul98.
La CIA est parvenue à ces conclusions en se fondant sur le
renseignement, notamment des appels téléphoniques entre le frère
du prince héritier, Khaled ben Salmane, ambassadeur d'Arabie
saoudite aux États-Unis, et Jamal Khashoggi99,100.
Le 21 novembre, le journal turc
Hürriyet
affirme que la CIA posséderait un enregistrement qui montre que le
prince héritier aurait demandé à « faire taire » le
journaliste101.
Le 22 novembre, Régis
Le Sommier, directeur adjoint de Paris
Match, affirme avoir eu accès à des photos extraites de
l'enregistrement qui montreraient le corps sur un chariot élévateur
pendant son démembrement102.
Le 27 novembre, The Washington Post
avance que l'équipe de frappe saoudienne qui a assassiné Jamal
Khashoggi fait partie d'une force d'action rapide dirigée par la
cour du royaume ; celle-ci est déjà constituée depuis 18 mois
pour chasser et kidnapper les dissidents du royaume à l'étranger et
en Arabie saoudite103.
Nombreux sont ceux qui restent détenus dans les prisons secrètes du
royaume pour y être interrogés.
Le 5
décembre, un procureur turc émet deux mandats d’arrêt contre
deux responsables saoudiens, proches de Mohammed ben Salmane, Ahmed
Assiri et Saud al-Qahtani impliqués dans le meurtre de
l'éditorialiste saoudien104,105.
Le 26 janvier 2019, l'ONU
ouvre une enquête sur l'assassinat du journaliste dont les
conclusions et préconisations seront présentées au Conseil
des droits de l'homme de l'ONU lors de la session de juin
2019106.
Le 28 janvier, la rapporteure
spéciale des Nations unies, Agnès
Callamard, arrive en Turquie107.
Le 7 février, elle accuse des officiels saoudiens d'avoir commis
l'assassinat108.
Le 14 février, les médias turcs
révèlent qu'un complice turc aurait aidé à se débarrasser du
corps, qui aurait été brûlé109.
Le 15 mars, l'Arabie saoudite rejette
des appels internationaux à une enquête internationale110.
Le 18 mars,
The New York Times révèle que le chef du commando aurait
réclamé une « prime de performance » à ses
supérieurs111.
Le prince héritier aurait également avalisé une campagne
d'enlèvement, de torture et d'assassinat d'opposants112.
Le 28 mars, Callamard recommande à
l'Arabie saoudite des procès publics pour les accusés pour des
raisons de transparence113.
Le 29 mars,
le Washington Post révèle que les membres du commando
saoudien qui a exécuté Jamel Khashoggi avaient participé à une
formation aux États-Unis114,115.
Le 2 avril, The
Washington Post révèle que le régime saoudien aurait
indemnisé la famille du journaliste sous forme de maisons et de
plusieurs millions de dollars116.
Le 4 avril,
on apprend que des diplomates français, américains, britanniques,
russes et turcs assistent aux procès117.
Assiri a comparu mais pas Qahtani118.
Le 19 avril,
deux personnes accusées d'espionnage au profit des Émirats arabes
unis et de complicité dans l'assassinat sont arrêtés en
Turquie119.
L'un d'eux se suicide le 29 avril en prison120.
Liste des membres du commando saoudien
Les presses turque et américaine publient la liste des quinze
membres du commando saoudien accusé d'avoir perpétré
l'assassinat121,122,123 :
Maher Abdelaziz Mutreb (47 ans) (arabe :
ماهر
عبد العزيز مطرب) : agent de
Mohammed
ben Salmane, visible sur plusieurs photos avec ce dernier, il
serait le chef du commando124 ;
Salah
Mohammed Al-Tubaigy (47 ans) (arabe :
صلاح
محمد الطبيقي) : médecin
légiste, responsable de la médecine légale au département de
la sécurité générale d'Arabie saoudite, président de l'ordre
saoudien des médecins légistes et membre de l'association
saoudienne de médecine légale, celui qui aurait démembré le
journaliste ;
Abdelaziz Mohammed
Al-Hasawi (31 ans) (arabe :
عبد
العزيز محمد الحساوي) :
membre de la garde royale ;
Thaer Ghaleb Al-Harbi (39 ans) (arabe :
ثائر
غالب الحربي) : membre de la
garde royale, promu l'année passée au rang de lieutenant pour sa
bravoure dans la défense du palais du prince Mohammed
ben Nayef à Djeddah
125 ;
Mohammed Saad Al-Zahrani
(30 ans) (arabe :
محمد
سعد الزهراني) : membre de la
garde royale ;
Meshal Saad Al-Bostani (31 ans) (arabe :
مشعل
سعد البستاني) : membre de
l'armée de l'air, décédé dans un accident de voiture le 18
octobre66 ;
Naif Hassan Al-Arifi (32
ans) (arabe :
نايف
حسن العريفي) : membre des forces
spéciales ;
Moustapha Mohammed Al-Madani (57 ans) (arabe :
مصطفى
محمد المدني) : officier des
services
secrets, doublure physique de Jamal Khashoggi quittant le
consulat saoudien par la porte de derrière, habillé avec les
vêtements de Khashoggi, ses lunettes, portant une fausse barbe et
une paire de chaussures différentes. Le même homme est filmé à
la Mosquée
bleue afin d'essayer de montrer que Jamal Khashoggi aurait
quitté le consulat vivant126,127,128 ;
Mansûr Othmân
Abahussein (46 ans) (arabe :
منصور
عثمان أباحسين) : militaire,
membre des services secrets ;
Waleed Abdallah
Al-Shehri (38 ans) (arabe :
وليد
عبد الله الشهري) : membre de
l'armée de l'air ;
Tourki Moucharraf
Al-Shehri (36 ans) (arabe :
تركي
مشرف الشهري) : pas
d'information ;
Fahad Shabib Al-Balawi
(33 ans) (arabe :
فهد
شبيب البلوي) : membre de la
garde royale ;
Saïf Saad Al-Qahtani
(45 ans) (arabe :
سيف
سعد القحطاني) : agent de
Mohammed ben Salmane ;
Khaled Aedh Al-Taibi (30
ans) (arabe :
خالد
عايض الطيبي) : membre de la
garde royale ;
Bader Lafi Al-Otaibi (45 ans) (arabe :
بدر
لافي العتيبي) : pas
d'information.
Le 23
décembre 2019, cinq d'entre eux sont condamnés à mort129.
Le 7 septembre 2020, leur peine est commuée en vingt ans de
prison130.
Un total de huit personnes liées au meurtre ont été condamnées à
la prison. Leurs peines allant de 7 à 20 ans. L'Arabie saoudite n'a
pas divulgué leurs noms.
En décembre 2021, un ancien membre de
la Garde royale d’Arabie saoudite, Khalid al-Otaibi, soupçonné
d'implication dans le meurtre de Khashoggi, est arrêté à
l'aéroport Charles de Gaulle à Paris131.
Dans le consulat
Un enregistrement audio d'écoute
d'une durée de 15 minutes est réalisé au consulat, un quart
d'heure avant l'arrivée de Jamal Khashoggi dans l'établissement. Il
décrirait comment l'équipe saoudienne va procéder à l'exécution.
Celle-ci est minutieusement agencée. Chacun se voit rappeler sa
mission respective lors de la réunion préparatoire (origine :
renseignement turc)132.
«Nous lui dirons que nous allons l'emmener à Riyad. S'il refuse,
nous le tuerons ici et nous nous débarrasserons du corps »,
selon l'enregistrement des propos de Maher Mutreb à Muhammed
al-Tubaigy, deux des principaux responsables de
l'escouade[réf. nécessaire].
Un enregistrement audio d'écoute réalisé dans l'enceinte
diplomatique à l'arrivée de Jamal Khashoggi. Il témoigne que le
journaliste est appréhendé immédiatement après son entrée dans
l'édifice par 4 membres de l'unité A de l'équipe de choc. Une
querelle survient dans le département visas du consulat gravée
durant 7 minutes d'enregistrement. Le journaliste est alors conduit
par les assaillants vers l'unité B, qui l'attend dans le département
administratif ; des bruits de querelle verbale, de lutte
physique, de coups et de torture sont alors perceptibles dans la
suite de l'enregistrement d'une durée de 4 minutes. Jamal Khashoggi
est enfin conduit dans l'unité C, le bureau du consul, localisé au
deuxième étage. Il lui est demandé d'envoyer un message à son
fils Salah : "Mon fils, je suis à Istanbul. Ne t'inquiète
pas si tu ne reçois pas de mes nouvelles pendant quelque
temps".[réf. nécessaire]
Jamal Khashogi refuse. Les tueurs couvrent alors la tête de Jamal
Khashoggi d'un sac plastique jusqu'à ce qu'il décède quelques
minutes plus tard (première bande audio - origine :
renseignement turc)132,133.
La bande son enregistre ensuite des bruits de scie qui confirment que
le corps du journaliste a été démembré134.
La transcription de l'enregistrement indique en clair qu'il ne s'agit
pas d'une tentative d'appréhender Jamal Khashoggi qui aurait mal
tourné, mais bien de l'exécution d'un plan prémédité pour
exécuter le journaliste, où Riyad est tenu informé à chaque étape
de son déroulement135.
Cet enregistrement audio d'une durée totale de 11 minutes sera suivi
d'un silence d'une heure et quart, au cours duquel les services de
renseignement turcs suspectent le recours à des brouilleurs
de fréquences par l'équipe de frappe saoudienne . On entend alors
trois fonctionnaires saoudiens descendre les escaliers, l’un d’eux
verrouiller la porte de l’unité A et l’autre effacer les images
de la caméra de sécurité avant de retirer les disques durs133.
L'enregistrement des appels internationaux donnés par l'équipe de
choc pendant le meurtre de Jamal Khashoggi afin de décrire le
déroulement durant l'opération très violente134 :
19 appels sont émis depuis le bureau du consul, le premier a lieu
seulement 13 minutes après l'entrée de Khashoggi dans l'enceinte
diplomatique. Il a pour origine Mutreb, le leader de l'équipe de
frappe du consulat. Celui-ci appelle Saoud
al-Qahtani en Arabie saoudite (seconde bande audio - origine :
renseignement turc)132.
Qahtani s'est servi du Centre d'études et de relations avec les
médias de la cour royale (CSMARC), le département des médias de la
cour, pour organiser le meurtre (origine : document CIA)136.
En Arabie
saoudite
La détection d'au moins onze messages envoyés par le prince
héritier Mohammed ben Salmane à son proche conseiller Saoud
al-Qahtani, qui supervise l'opération turque, dans les heures qui
précèdent et celles qui suivent l'assassinat (origine :
CIA)137.
La CIA déclare ignorer le contenu des messages, mais affirme avec un
degré de certitude « moyen à élevé » que le prince
« ciblait personnellement » Khashoggi et « a
probablement ordonné sa mort »138,139.
La suite de l'enquête révélera que les services de renseignement
saoudiens ont aussi procédé à des écoutes, dès les mois qui
précèdent l'assassinat de Jamal Khashoggi. Les messages privés de
l'opposant sur WhatsApp
devaient être lus en direct par les services de renseignement du
royaume. L'examen du téléphone portable du dissident saoudien Omar
Abdulaziz résident au Canada,
avec lequel Jamal Khashoggi a échangé durant l'année précédant
son élimination, montre qu'il a été piraté par un logiciel espion
de niveau militaire, c'est-à-dire considéré comme une arme en
raison de ses capacités très intrusives, dénommé Pegasus.
Ce logiciel espion est développé depuis 2010
par la société israélienne NSO
Group140.
Le mouchard informatique a été déployé à la demande du
gouvernement saoudien, affirme Bill Marczak, chercheur du Citizen
Lab de l'Université
de Toronto141,142.
Ce seront près de 400 messages échangés entre Omar Abdulaziz et
Jamal Khashoggi qui seront interceptés. À la lecture des messages,
Jamal Khashoggi débat sur un ton beaucoup moins retenu que lors de
ses interventions publiques. Mohammed ben Salmane y est décrit comme
une « bête », un « Pac-Man »
qui dévore tout sur son passage, y compris ses partisans. Le contenu
des échanges porté à la connaissance des services saoudiens
pourrait avoir été un mobile du meurtre, en particulier l'intention
du duo de créer un mouvement de protestation en ligne de la jeunesse
saoudienne, une « armée électronique ». Ce mouvement
devait faciliter la dénonciation sur les réseaux sociaux des
exactions, atteintes aux droits de l'homme du royaume, et contrer la
propagande d'État143,141.
Le programme du duo prévoyait l'envoi de cartes
SIM étrangères aux dissidents retournant en Arabie saoudite,
afin qu'ils puissent tweeter sans être repérés ; il devait
être assorti d'un soutien financier avec l'argent collecté auprès
de riches donateurs. Ils apprendront la mise au jour de leur plan par
les officiels saoudiens au début du mois d'août 2018, mais sans en
connaître l'origine de façon certaine. À cette époque, ils
témoignaient déjà de leur préoccupation141.
En 2017, l'Arabie saoudite aura dépensé 55 millions d'USD pour
l'utilisation du logiciel de cyberespionnage
selon des sources journalistiques israéliennes. Cette somme aura été
utilisée tant pour combattre l'extrémisme
que les dissidents du Royaume à l'image de Khashoggi140,144.
Réactions
Dessin de l'agence de presse iranienne
Fars news.
Les
réactions des pays occidentaux sont mesurées afin de préserver
leurs relations économiques et militaires avec le royaume
saoudien145.
Certains médias soulignent le contraste entre l'ampleur des
réactions des puissances occidentales dans l’affaire
Skripal, qui a conduit à la plus grande expulsion de diplomates
russes de l’Occident depuis la fin de la guerre froide et leur
retenue vis-à-vis de l'Arabie saoudite à propos du cas « plus
choquant et prouvable » du journaliste assassiné Jamal
Khashoggi146.
Le 12 octobre, Donald
Trump, le président américain, fait savoir qu'il estime que
l'Arabie
saoudite serait impliquée dans la disparition du journaliste. Il
annonce également que si cela est prouvé, les États-Unis
réagiraient en « infligeant un châtiment sévère » aux
autorités saoudiennes, mais exclut toute limitation des ventes
d’armes au royaume wahhabite147,148.
Le 15 octobre, celui-ci formule l'hypothèse de tueurs hors de
contrôle149.
Le 20 octobre, il dit juger les explications saoudiennes crédibles
et déclare « préférer que nous n'utilisions pas, comme
représailles, l'annulation de l'équivalent de 110 milliards de
dollars de travail, ce qui veut dire 600 000 emplois »150.
Le 16 octobre 2018 à Riyad,
rencontre entre le secrétaire
d'État américain Mike
Pompeo et le prince saoudien Mohammed
ben Salmane pour discuter du cas Khashoggi.
Plusieurs manifestations de
protestation ont lieu, notamment le 10 octobre devant l'ambassade
d'Arabie saoudite aux États-Unis151.
Le 23
octobre, le président turc, Recep
Tayyip Erdoğan, confirme l'essentiel des révélations de la
presse, ajoute que l'assassinat était « politique, était
planifié », et appelle à juger les coupables en Turquie152.
Le 24 octobre, le prince Mohammed ben Salmane qualifie les faits de
« crime haineux qui ne peut être justifié »153.
Le 26 octobre, Hatice Cengiz, la
fiancée de Khashoggi, appelle à punir les responsables154.
Avenue Khashoggi improvisée devant la Maison-Blanche.
Le 14 novembre, la Turquie réclame une enquête internationale155,
prérogative qui revient à l'un ou l'autre des deux pays. L'Arabie
saoudite refuse une telle enquête156.
Le 16 novembre, une prière funéraire rassemblant des dizaines de
milliers de fidèles a lieu en son honneur à Istanbul157.
Le 20 novembre 2018, Donald
Trump reconnait qu'il « se pourrait très bien que le
prince héritier ait eu connaissance de cet événement tragique –
peut-être et peut-être pas »158.
Cependant, un peu plus tard, il affirme que la CIA n'a « rien
trouvé d'absolument certain »159.
Il affirme que même si le prince héritier était au courant du
meurtre de Jamal Khashoggi, cela ne remettrait pas en cause
l'alliance entre Washington et Ryad. À la question d’un
journaliste qui lui demandait jeudi qui, selon lui, devrait être
tenu pour responsable de la mort de Khashoggi, il répond :
« Peut-être que le monde devrait être tenu pour responsable,
parce que le monde est un endroit féroce »160.
Le 23 novembre, le ministre turc des
Affaires étrangères, Mevlüt
Çavuşoğlu, accuse Trump de vouloir « fermer les yeux »
au sujet de l'affaire161.
Le 11 décembre, le magazine américain
Time
nomme personnalité
de l'année 2018 plusieurs journalistes tués ou emprisonnés
durant l'année 2018 dont Jamal Khashoggi162.
En Arabie saoudite, l’assassinat de
Jamal Khashoggi est peu évoqué, le pouvoir rappelant que le fait de
« répandre des rumeurs » et des « fake
news » est passible de cinq ans de prison. La
version officielle présente la disparition de Khashoggi comme étant
soit une opération de « l’État
profond » turc, soit un stratagème visant à salir la
réputation de la monarchie, soit encore une conspiration des Frères
musulmans163.
Le 30
décembre 2018, un livre est publié sur l'assassinat de Jamal
Khashoggi par deux journalistes turcs du Daily Sabah, intitulé
« Diplomatic Atrocity: The Dark Secrets of the Khashoggi
Murder »164,165.
En juin 2019, l'ONU
indique avoir des « preuves crédibles » impliquant le
prince héritier saoudien au meurtre de Jamal Khashoggi166.
Le rapport de l'ONU, mené par la Rapporteure
spécial des Nations unies Agnès Callamard, conclut à la
responsabilité de l'Arabie saoudite, en tant qu'État, dans
l'assassinat de Jamal Khashoggi, et appelle la communauté
internationale à mettre le prince héritier saoudien Mohamed Ben
Salman sous sanctions, en gelant notamment ses avoirs personnels à
l'étranger167.
Selon Agnès Callamard : « L'opération contre M.
Khashoggi doit être comprise en relation avec une campagne organisée
et coordonnée contre des journalistes, des femmes activistes, des
princes et des hommes d’affaires. Au minimum, le prince héritier a
cautionné ce comportement et permis la répétition et l’escalade
de ces crimes. Il n’a pris aucune mesure pour prévenir ou punir
les responsables. Le prince héritier a volontairement pris le risque
que d’autres crimes, tels que l’assassinat de M. Khashoggi,
soient commis, qu’il ait ou non ordonné directement le crime en
question »167.
Le 25 juin, celle-ci participe à une table ronde avec la fiancée du
journaliste et réclame une enquête internationale168.
Le 26 septembre 2019, la chaîne PBS
a dévoilé un extrait d'un documentaire dans lequel Mohammed
ben Salmane a, pour la première fois, assumé la responsabilité
du meurtre du journaliste Jamal Khashoggi en disant : « C'est
arrivé sous ma direction. J'assume toute la responsabilité, parce
que c'est arrivé sous ma direction ». Le documentaire complet
sera diffusé le 1er octobre, la veille du premier
anniversaire de la mort de Khashoggi, sur PBS169.
En hommage à Jamal Khashoggi, une
stèle a été installée en face du consulat saoudien d'Istanbul170.
Analyses
Selon la journaliste Christine
Ockrent, cet assassinat « porte la marque de MBS »,
ce qui concorderait avec son tempérament et ses méthodes
brutales171.
Pour Karim Sader, spécialiste des pays
du Golfe, « cette affaire témoigne de la nervosité et de
l’agressivité du prince héritier ainsi que de la brutalité de
ses méthodes, et un tel excès de confiance ne peut venir que du
sentiment d’impunité que lui procure le blanc-seing
américain172 ».
Selon David Rigoulet-Roze, chercheur
associé à l'Institut
français d'analyse stratégique (IFAS), « les personnes
qui ont été destituées sont des gages qui sont donnés à
l'administration Trump pour proposer une version crédible. Ceux qui
sont formellement incriminés sont juste en dessous du prince
héritier »173.
D’après Daniel Shapiro, membre de
l'Institut israélien d'études stratégiques, l'assassinat de
Khashoggi serait « un désastre pour Israël ». Selon
lui, « ce meurtre, au-delà de son immoralité, montre le
manque de fiabilité de l'Arabie saoudite dirigée par MBS (Mohammed
ben Salmane) en tant que partenaire stratégique ». Il ajoute
qu’Israël est confrontée à une nouvelle réalité :
l'Arabie saoudite est devenue le maillon faible de la coalition
régionale anti-Iran en raison de l’impulsivité, de l’imprudence
et du manque de fiabilité du prince héritier, son dirigeant de
facto174.
Un grand
nombre de journaux rappellent les affaires embarrassantes qui jettent
une ombre sur la personnalité du prince ben Salmane, allant de la
guerre au Yémen à l’assassinat d’un journaliste, en passant par
la « prison dorée » du Ritz-Carlton, sans oublier la
détention du président du Conseil libanais Saad
Hariri175,176.
De nombreux journaux177,
comme le quotidien espagnol El
Mundo et l'écrivain et poète marocain Tahar
Ben Jelloun, font la comparaison entre la disparition de Jamal
Khashoggi et celle du Marocain Mehdi
Ben Barka, homme
politique marocain,
enlevé et disparu en 1965 dans des conditions très
mystérieuses178,179.
Le dissident saoudien Omar
Abdulaziz, réfugié au Canada et avec lequel Jamal Khashoggi a
correspondu régulièrement pendant une année, pense devoir la vie
sauve au fait d'avoir écouté le conseil de prudence de Jamal
Khashoggi. Faute de le respecter lui-même, il lui en coûtera la
vie141.
Au cours de la visite de deux émissaires du gouvernement saoudien au
Canada en mai
2018, Omar Abdulaziz rapporte que ceux-ci ont tenté de le persuader
de retourner au Royaume. Ils ont aussi insisté pour qu'il se rende à
l'ambassade saoudienne d'Ottawa
pour y récupérer des documents. Sur les remarques de Jamal
Khashoggi, il n'en fera rien : « ll m'a dit de ne pas y
aller et de ne les rencontrer que dans des lieux publics ». Le
2 octobre, Jamal Khashoggi franchissait la porte de son consulat
d'Istanbul pour un funeste destin.
Le 9 février 2019, l'opacité entretenue par les autorités
saoudiennes autour du procès devant une cour pénale à Riyad des 11
suspects du commando d'Istanbul fait craindre qu'elles se refusent à
éclaircir le scandale, et à mettre en place des mesures qui
empêcheraient une répétition de faits semblables180.
La date des audiences n'est pas divulguée, elles sont à huis-clos,
le bureau du procureur général ne publie pas de communiqué après
l'audience180.
Par ailleurs les noms des onze suspects dont cinq sont passibles de
la peine
capitale à la requête du procureur général saoudien n'ont
jamais été divulgués, ni même ceux de leurs avocats181.
On ignore si les suspects sont détenus durant leur procès et à
quel endroit ils seraient détenus.
Postérité
En 2020, un documentaire sur l'assassinat de Khashoggi et le rôle
joué par le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane a été
réalisé par un réalisateur et producteur oscarisé, Bryan
Fogel. Cependant, il a fallu huit mois à Fogel pour trouver un
service de streaming pour The
Dissident, qui a été diffusé par une société
indépendante.
Références
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au Yémen, "prison dorée", journaliste tué… les
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Maghreb, 15 octobre 2018 (lire
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« Jamal
Khashoggi case: All the latest updates » [archive],
sur www.aljazeera.com (consulté
le 9 février 2019).
Bibliographie
Voir aussi
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Articles connexes
Liens externes
Adnan Khashoggi
Homme d'affaires
Adnan
bin Mohammed bin Khalid Khashoggi, né le 25 juillet 1935 à La
Mecque et mort le 6 juin 2017 à Lambeth, est un homme d'affaires
saoudien d’origine turque et syrienne. Il a été célèbre pour
son style de vie flamboyant et ses contrats d'armement qui lui
rapportèrent de confortables commissions. Wikipédia
Date/Lieu
de naissance : 25 juillet 1935, La
Mecque, Arabie saoudite
Date
de décès : 6 juin 2017, Devonshire
Diagnostic Centre, Londres, Royaume-Uni
Épouse :
Soraya
Khashoggi (m. 1961–1974)
Enfants :
Nabila
Khashoggi, Omar
Khashoggi, Hussein
Khashoggi, Ali
Khashoggi, Khalid
Khashoggi, Mohammed
Khashoggi
Petit-enfant :
Spartan
Daggenhurst
Parents :
Muhammad
Khashoggi, Samiha
Ahmed
Films
The
One Percent
2006
Where
I Stand: The Han...
2008
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Samira
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