11 heures à 13 heures passées, 108 quai Louis Blériot, avec Michel JOBERT + A ma surprise, hier en début d’après-midi, le rendez-vous donné par ce matin, une voix d’homme sur la ligne 24 90, le 25 15 occupé. Je monte, Denise RAGOT là, peu changée, mieux même qu’il y a deux ans. Lui-même quitte le contre-jour, s’asseoit sur le canapé, faisant face à l’entrée, la moitié du siège pris par des piles de papiers, la table basse est triplée de volume par un arrangement au cordeau de livres et de revues, des tableaux, tous d’une totalité ombre, triste, des paysages, au mur, ou sur le dossier du canapé, l’alignement habituel des quatre tables de travail,, celle de Denise, la plus au fond, une qui était celle de SAINT-PAUL surchargée et masquant la baie, celle de mon ami, également encombrée, et celle qu’occupait la secrétaire métisse dont le nom m’échappe, également chargée. Autant l’antichambre, le vestibule et le bureau de MCM étaient tristes et sans vie, volontairement quittés de tout signe de vie et même de réapprêt depuis le moment où ils avaient été emménagés, trente ans auparavant, autant c’est ici surencombré, à croire que l’ancien ministre a dû céder des pièces dont il disposait ou même son appartement de Boulogne-Billancourt. C’est dans cet espace étonnant de surabondance d’objets, presque uniquement des livres et les cinq ou six tableaux, le petit blouson bleu marine posé sur le rebord de chaise tournant le dos au visiteur et face au jour et à celui qui travaille…que nous allons parler. D’abord lui sur le canapé, moi hésitant à prendre place à son côté puis comprenant qu’une chaise est possible, et ensuite lui à sa table et moi lui faisant face.
A-t-il dit un mot ? à mon arrivée, ou pendant le récit que je lui fais, peut-être une heure d’affilée, de mes activités, c’est-à-dire mes recherches sur MCM, les différents sites, l’ambiance que je vois des années 1930, la place de gouverneur de la Banque de France, les archives au Quai, à Nantes, les témoins sur lesquels je reviens après avoir raconté mes retrouvailles avec MoD, avec une Mauritanie totalement changée, mon moine, les récurrences toujours avec les mêmes gens à longueur de vie, mes correspondances avec Matignon-JOSPIN et l’Elysée-CHIRAC. Un peu la Bretagne, les chiens, les municipales à Surzur, ETHYS, mes tentatives à Bruxelles. Il ne réagit pas mais écoûte attentivement, indifférent au temps qui coule et à son propre silence. Rien ne vient ni ne viendra sur l’actualité, quelle qu’elle soit, les présidentielles, le Proche-Orient, l’Afghanistan, les partenaires habituels comme PLANCHET ou GUTMANN voire BALLADUR, ou en rebond de mon propre texte sur mes recherches, JARDIN ou MAYER ou RUEFF : il ne rebondit sur aucun nom, sinon sur les témoins dont à chaque fois il me demande l’âge, cela commence par celui de MoD, puis la vérification de celui de GILLET, la référence étant toujours 1911 et POMPIDOU qu’il évoque sans le « monsieur » flûté de naguère, GILLET avec lequel il n’a eu que de bons rapports, il tique à sa fortune personnelle, soutient à raison que TINE s’écrit sans S, il le croyait avoir été Ambassadeur à Tel Aviv, il est dans le Who’s who ? lit la biographie entière, semblant trouver considérable les postes occupés. On revient à GILLET et à ce qu’il savait du mariage de MCM ; je dois préciser les SCHWEISGUTH, évoquer la banque MIRABAUD toujours à la recherche d’un gendre, le bas bout de la table où MCM était toujours tenu en famille, la sensation qu’il n’avait eu jamais femme et enfants et réciproquement – Forcément, fait mon ami, ils ne l’ont vu que gâteux et on préféré effacer le souvenir, en tout cas ne pas le soutenir.
On était allé auparavant jusqu’à SAUVAGNARGUES ce qu’il avait écouté avec plus d’intérêt, puis FRANCOIS-PONCET. SOUTOU qu’il ne relève pas sur l’Europe politique du début des années 1960, la C.E.D., le peu de densité et de justesse des papiers d’ALPHAND, et ainsi à MENDES. Celui-ci gaulliste manifestement à l’automne de 1954, avec les relevailles de JUIN, l’entretien avec de DG et la mission confiée à MCM. L’accueil aussi de CHEYSSON, sa relation avec ADENAUER. Il a sur la langue Georges BORIS et ne commence qu’alors à parler. Manifestement, l’influence de longue date, bien avant cette époque et MENDES fut son chéri, non le contraire. Par qui étaient faites les notes ? interroge-t-il. BORIS, c’étaient les deux tiers de MENDES, sans BORIS MENDES était très diminué. Quand celui-ci fut mort – je donne l’année ce qu’il laisse passer, pour continuer – MENDES faiblit, complètement et tourna au système. Ce qui l’empêcha d’accepter la Cinquième République et le retour de DG, fais-je. Oui, BORIS certainement l’aurait convaincu de faire le bout de chemin. Il avait certainement beaucoup vécu, le faisait sentir d’un mot, mais il frappait par l’évidente intelligence et surtout parce qu’ayant beaucoup de pouvoir, sinon le pouvoir-même, il restait discret et en retrait. La sensation qu’on avait et gardait cependant que c’était lui l’homme important. C’est celle qu’il eut à la délégation française au Conseil Economique et Social. – Au début des Nations-Unies ? – C’étaient les commencements certes, exactement quand ABELIN était secrétaire d’Etat au Budget, c’était le directeur de la DREE de l’époque… - CLAPPIER, et BORIS était là… J’avais aussi évoqué KOGEVE à propos des bureaux d’illustres que j’occupais après ceux-là quai Branly, KOGEVE et son aura demeurée à Bruxelles des années après sa disparition et SCHWEISGUTH donc. BORIS, juif, BETTENCOURT et le lobby juif. Et nous sommes sur une lettre du 11 écoulé d’un Maurice BUTTIN, frère d’un condisciple de son propre frère au Maroc, ledit condisciple étant celui qui l’a édifié sur MCM à propos de PUCHEU. Le traquenard de Meknès, précise-t-il. Nous sommes à nouveau sur la ligne de notre déjeuner de Juillet 1999 : BEAUMARCHAIS serait même dans le coup, il a quitté la France à peu près en même temps. MCM avait beaucoup à se faire pardonner ; c’était cela DG de prendre certains qui avaient fait des boullettes et comme cela il savait pouvoir toujours les manipuler. Voyons, il était à Matignon, les affaires civiles et c’était JUIN qui avait les affaires militaires. On est me semble-t-il en pleine légende sans le moindre fondement, mais mon ami y tient, grommelle jusqu’à ce que Denise R. retrouve le dossier d’Henri BUTTIN à partir de la lettre du frère annotée sur la lâcheté des Etats arabes, l’oubli français de ce qu’est une occupation étrangère et les probable souvenirs d’enfance nègre de Colin POWEL. Au total, le voici qui s’excuse presque : vous comprenez pourquoi je n’ai pas pu vous répondre ou vous accompagner à propos de… Je ne comprends toujours pas qu’il juge MCM sur cette affaire, comme si la période 1958-1969 n’avait pas été suffisante, dans l’entourage de POMPIDOU pour détester le seul rival continu, et qu’il soit tellement sensible au comportement de mon homme à propos d’un autre homme encore bien davantage de Vichy, le ministre de l’Intérieur listant les otages de Chateaubriant.
Mon portable en panne, je n’avais pu communiquer à temps avec Edith. Nous l’aurions probablement amené à déjeuner ensemble. Il me fait constater par le dossier BUTTIN ou par une réflexion par devers lui : tout çà (sa mémoire ou les noms, tels noms) m’est sorti tout doucement, qu’il ne peut plus rien traiter convenablement. Mais je ne le trouve pas vieilli vraiment : le visage s’est davantage ridé mais cette rugosité marquée des sillons n’est pas nouvelle, quelques fils gris ou blancs sur les chevaux qui demeurent plantés de la même manière, raides et bruns ; quant au caractère, d’aspérités difficiles, il n’a pas empiré. On peut en prendre l’habitude, car il n’est pas rancunier (rancune il est vrai parce qu’on n’a pas correspondu aussitôt à l’attente qu’il avait d’une adresse postale, d’une réflexion intelligente ou d’une manifestation de personnalité émancipée de a tension que son impatience aurait pu provoquer…), l’ambiance change d’instant en instant et l’humeur en fait n’est pas le raport qu’il a avec autrui ; au contraire, c’est implicitement de chaleur, d’attention, de compassion et de lucidité qu’il s’agit. C’est un homme qui appelle à être attentif encore plus vis-à-vis de soi-même que vis-à-vis de lui pour devenir plus performant, plus énergique, plus réaliste.
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