mardi 10 avril 2018

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Que contient le projet de loi sur la réforme de la SNCF, dont l’examen débute à l’Assemblée ?

Le « projet de loi pour un nouveau pacte ferroviaire » est débattu à l’Assemblée nationale de lundi à jeudi soir. Trois cents amendements ont déjà été déposés.
LE MONDE | 09.04.2018 à 14h05 • Mis à jour le 09.04.2018 à 15h58
C’est un débat parlementaire qui risque de virer au bras de fer : lundi 9 avril doit débuter à partir de 16 heures l’examen des 8 articles du « projet de loi pour un nouveau pacte ferroviaire » à l’Assemblée nationale, au quatrième jour d’une grève toujours très suivie par les personnels indispensables pour faire rouler les trains – ils sont 43 % de grévistes lundi.
L’intersyndicale CGT-UNSA-SUD-CFDT, mécontente du résultat des dernières réunions au ministère des transports, réclame une « autre réforme ferroviaire », notamment sur l’organisation de la production, la concurrence et les « droits sociaux des cheminots ». Des députés, principalement issus des rangs communistes et de La France insoumise (LFI), vont se faire le relais de certaines de ces revendications. Plus de 300 amendements ont déjà été déposés.

Fin du statut de cheminot, transformation en société anonyme… le contenu du projet de loi

  • Disparition du statut de cheminot pour les nouveaux embauchés
Ce qu’on désigne par le « statut de cheminot » est une série de prérogatives désignée sous l’appellation « statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel ». Elle prévoit notamment l’absence de licenciement pour raisons économiques (ce qui signifie une garantie d’emploi « à vie », sauf en cas de faute grave) ou encore une hausse de rémunération automatique et un déroulé de carrière garanti à condition de se former.
La réforme prévoit de « modifier le cadre de la négociation sociale d’entreprise, ainsi que les conditions de recrutement et de gestion des emplois des salariés du groupe public ferroviaire », autrement dit la disparition du statut de cheminot pour les nouveaux embauchés.
En 2016, 25 % des effectifs de la SNCF avaient été embauchés au « cadre permanent », c’est-à-dire au statut, tandis que près de 11 % étaient des « contractuels », soit des salariés sous contrat privé. C’est le cas, entre autres, de tous les cheminots entrés à la SNCF après 30 ans, âge limite pour être embauché au statut.
  • Transformation de la SNCF en société anonyme par actions
La SNCF est actuellement constituée de trois établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC) : l’EPIC de tête, le groupe SNCF, et ses deux EPIC filles, SNCF Mobilités (qui fait rouler les trains) et SNCF Réseau (qui s’occupe des voies).
Tous trois vont être transformés « en une seule société nationale à capitaux publics, détenue à 100 % par l’Etat et dont les titres seront incessibles. Cette société détiendra intégralement deux filiales, sociétés nationales : SNCF Mobilités et SNCF Réseau ». Le schéma prévu est donc celui d’une société holding : la SNCF, dont l’actionnaire sera l’Etat, laquelle holding sera actionnaire de SNCF Mobilités et de SNCF Réseau.
  • Calendrier de l’ouverture à la concurrence
Validée sous le précédent quinquennat, l’ouverture à la concurrence est en fait une transposition dans la loi française d’une directive européenne de décembre 2016, qui précise les conditions de la mise en place de cette libéralisation des « services nationaux de transport de voyageurs » dans l’Union européenne (après l’ouverture à la concurrence des services de fret en 2007 et celle des transports internationaux de voyageurs en 2010).
L’exposé des motifs de la loi rappelle que cette transposition doit être effectuée avant « la date du 25 décembre 2018 fixée par la directive (UE) 2016/2370 », afin d’« assurer l’ouverture à la concurrence des services ferroviaires […] dès la fin de l’année 2020 ».

Plus de 300 amendements déjà déposés

Les huit articles du projet de loi, déjà passés en commission, ont suscité de nombreux dépôts d’amendement.
Communistes et « insoumis » (LFI) ont déposé une série d’amendements contre la transformation juridique de la SNCF et pour le maintien du statut pour les nouveaux embauchés. « La libéralisation des services de transports repose sur les prétendues vertus d’un lien théorique entre ouverture à la concurrence, baisse des prix et amélioration du service, expliquent des députés LFI dans l’un de ces amendements. [Or] cette logique [d’ouverture à la concurrence aboutira] inéluctablement à un abandon des lignes jugées non rentables par les opérateurs privés. Sans parler d’une dérégulation des prix »
Des députés communistes posent aussi la question de la dette de la SNCF, grande absente du projet de loi :
« Le gouvernement considère que la transformation de la SNCF en SA [société anonyme] à capitaux publics permettrait d’éviter un endettement insoutenable en lui imposant des limites plus strictes, identiques aux grandes entreprises de droit commun. […] [Mais] le passage en SA, même contrôlée par l’Etat, dégraderait en outre la notation financière de la SNCF, renchérissant ses charges financières (environ 1,5 milliard d’euros versés aux banques annuellement) et l’exposant davantage au risque d’une remontée durable des taux – surtout SNCF Réseau et ses 46,6 milliards de dette. »
Les socialistes, eux, ne s’opposent pas à l’ouverture à la concurrence, qui avait été validée sous le quinquennat précédent. Ils défendront cependant des amendements contre la modification du statut des cheminots et de l’entreprise.
La droite, elle, est en position inconfortable, soutenant le fond de la réforme, mais déplorant qu’elle ne touche pas les retraites des cheminots ou ne garantisse pas « la survie des petites lignes ». Le groupe LR, partagé, devrait in fine décider de voter pour ou s’abstenir.
L’adoption définitive du projet de loi est souhaitée avant l’été par le gouvernement.

Notre sélection d’articles pour comprendre la réforme de la SNCF

Retrouvez les publications du Monde.fr concernant le « projet de loi pour un nouveau pacte ferroviaire » présenté par le gouvernement, et ses conséquences :
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Vos réactions (42)
DIRAC M 09/04/2018 – 23h54
Pour éclairer les commentateurs abusés par les médias, appliquer aujourd’hui la convention collective en vigueur chez Renault à tous les cheminots serait charges salariales insupportables pour la SNCF. Ce statut de privilégiés privilégi d’abord l’entreprise, en incapacité d’organiser de façon optimale en ressources humaines son fonctionnement.
 
Donnez moi l’espoir d’y croire à ça 09/04/2018 – 21h41
En écoutant Benoît Simian, ex PS, maire (PS) d’une commune de gironde Ludon-Medoc, ex cadre SNCF, passé avec armes et bagages au service de Macron, on comprend pourquoi le PS a sombré corps et biens et pourquoi la SNCF a des problèmes liés à la qualité de ses élites. Une montagne de poncifs et un abîme de tout ce qui n’en sont pas (les poncifs). La réalité dépasse la fiction. Il y France quelque chose pour nous éviter d’aller dans le mur avec ce genre de pilote. (sources France info cesoir)
 
rantanplan 09/04/2018 – 18h50
Il faut absolument faire lire cet article aux cheminots – il est évident, quand on les entend parler, qu’ils n’ont pas la moindre idée de ce que comporte la réforme. ..
 
travailleur 09/04/2018 – 18h04
Oui à la fin des statuts pour les futurs salariés, oui à la concurrence, les parlementaires doivent voter cette loi, on est les champions en France pour les grèves à répétition, et les usagers en ont assez
 
Hytanic 09/04/2018 – 18h32
C’est sûr que dans le privé, le droit de grève est très relatif. A ce niveau là vous serez tranquille.
 
PHILIPPE VALLET 09/04/2018 – 17h24
Question : Après l’ouverture du fret à la concurrence en 2007, des transports internationaux de voyageurs en 2010, la France doit décliner la politique européenne de l’ouverture des autres lignes. Bien. Les transports ferroviaires (au moins pour la partie électrifiée du réseau) sont clef pour réduire les émissions de GES des transports de marchandises et de passagers. En quoi transformer l’EPIC SNCF Réseau en SA SNCF Réseau va-t-il aider à augmenter la part du ferroviaire dans les transports ?
 
ID24 09/04/2018 – 22h02
Le déblocage du statut des cheminots, entre autre, qui plombe la compétitivité. Les syndicats ont tout fait pour que le développement du Frêt périclite car ils refusent la concurrence. Ils ont gagné au détriment de l’économie et de la pollution du pays.
 
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lepoint.fr

SNCF : les députés approuvent le changement de statut

Le trafic reprend ce mardi. La « société nationale à capitaux publics » et ses filiales seront soumises aux dispositions relatives aux sociétés anonymes.

Source AFP
Publié le 10/04/2018 à 07:06 | Le Point.fr
La gare de l'Est, à Paris, le 4 avril 2018.
La gare de l'Est, à Paris, le 4 avril 2018.
© CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP/ CHRISTOPHE ARCHAMBAULT
La nouvelle organisation de la SNCF en « société nationale à capitaux publics » a été approuvée par les députés lundi 9 avril, au quatrième jour d'une grève toujours très suivie des cheminots et avant une reprise « progressive » du trafic prévue mardi. Au grand dam de la gauche de la gauche, les députés ont donné leur aval par 74 voix contre 20 à un amendement du gouvernement qui prévoit qu'à compter du 1er janvier 2020, « la société nationale à capitaux publics SNCF et ses filiales constituent un groupe public unifié ». Celui-ci sera soumis « aux dispositions du code de commerce relatives aux sociétés anonymes » et aura un capital « intégralement détenu par l'État ».
D'autres amendements qui restaient à examiner dans le cadre des débats en première lecture sur le texte doivent autoriser le gouvernement à prendre par voie d'ordonnance dans un délai de 12 mois des mesures pour « fixer les conditions de création du groupe public » et ses « conditions de fonctionnement », notamment en matière de gouvernance. À l'ouverture des discussions, la ministre des Transports Élisabeth Borne avait défendu globalement une réforme « impérative » et plaidé pour un débat « délesté des fantasmes et des contre-vérités qui le polluent », notamment sur le changement de statut qui n'est pas une privatisation. Vantant une réforme « pour les usagers », elle avait aussi récusé toute volonté du gouvernement de « passer en force ».
Mais à l'unisson des syndicats, les Insoumis et communistes n'ont eu de cesse de monter au créneau contre la réforme, y compris en recourant à des débats de procédure avec des rappels au règlement. Ils ont accusé respectivement le gouvernement de « vouloir porter à la ceinture le scalp » des cheminots ou de bâtir la réforme « sur des contre-vérités ». Sur le statut de l'entreprise, « le modèle de ce gouvernement, c'est (Margaret) Thatcher relookée », a notamment commenté le communiste Sébastien Jumel, tandis que pour l'Insoumis Loïc Prud'homme « c'est un premier pas vers la privatisation ».

La dette de la SNCF en question

Nouvelle Gauche a aussi affiché ses « divergences » sur la dette, les investissements ou encore le statut des cheminots, le nouveau patron du PS, Olivier Faure, prédisant au gouvernement qu'il va « rencontrer la colère » des Français. En défense, plusieurs élus LREM ont appelé la gauche à « sortir des caricatures » ou défendu le « courage » de la réforme, Laurianne Rossi, ex-employée du groupe ferroviaire, dénonçant ceux qui voudraient « figer le train de la SNCF dans un passé de carte postale ». LR, pour qui la réforme n'est pas assez « courageuse », a aussi dénoncé « un texte bâclé », critiquant à l'instar de la gauche la méthode avec des amendements du gouvernement « arrivés en catimini ». Le groupe de droite a aussi plaidé en vain pour inscrire dans la loi la sauvegarde des « petites lignes ».
Interpellée tout au long des débats sur « l'angle mort » de la dette du groupe ferroviaire, la ministre a assuré que le gouvernement y travaillait « sérieusement », affirmant qu'il s'agit « d'éviter qu'elle se reconstitue ». Peu avant l'ouverture des débats en première lecture, plusieurs centaines de cheminots et sympathisants s'étaient rassemblés non loin du Palais-Bourbon, pour défendre « l'avenir du service public ferroviaire ». « Cheminots en colère » ou « ça va péter ! », scandaient les manifestants, chasubles aux couleurs de leurs syndicats (CGT, Unsa, Sud, CFDT, FO) sur le dos. Environ 300 d'entre eux sont ensuite partis en manifestation sauvage vers la tour Eiffel avant de se disperser. Des rassemblements et défilés ont aussi eu lieu à Lyon, Lille ou Marseille.
LIRE aussi « Le fantôme de Bercy rôde en permanence autour de cette réforme »

Une réforme non « négociable » pour le gouvernement

Après une deuxième séquence de deux jours de grève, et un trafic resté « très perturbé » lundi, la SNCF prévoyait pour mardi une « reprise progressive » du trafic. La circulation des TGV sera normale, mais les lignes régionales (Transilien et TER) et Intercités resteront légèrement perturbées. Face au conflit, qui a déjà coûté « une centaine de millions d'euros » à la SNCF selon son patron Guillaume Pepy, le Premier ministre avait assuré dimanche que l'exécutif irait « jusqu'au bout » de son projet. Pour Édouard Philippe, les grandes lignes de la réforme ne sont « pas négociables », la discussion n'étant possible que sur ses « modalités ».
« Pour l'instant, on est face à un mur » et les cheminots n'ont « aucun » autre choix que la grève, a répliqué le leader de la CGT, Philippe Martinez. Son homologue de la CFDT, Laurent Berger, s'est inquiété d'une guerre des mots où « chacun montre ses muscles ». Avec la concertation, le ministère des Transports « a occupé le terrain pour jouer la montre et maintenant on est devant le fait accompli », a relevé Roger Dillenseger (Unsa-Ferroviaire). Le gouvernement « se limite à gagner du temps », jusqu'à ce que le passage à l'Assemblée soit terminé, a ajouté Érik Meyer (SUD-Rail). Resté discret jusqu'ici, le président Emmanuel Macron va entrer dans l'arène jeudi, dans le journal de 13 heures de TF1. Quelques heures avant le prochain épisode de grève.
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La réforme de la SNCF annonce-t-elle la disparition du service public ferroviaire ?

Alors que les cheminots craignent une privatisation de la compagnie ferroviaire, le gouvernement préfère mettre en avant les éléments susceptibles d’améliorer la qualité du service public.
LE MONDE | 10.04.2018 à 12h46 • Mis à jour le 10.04.2018 à 14h06 | Par Éric Béziat
Le nouveau pacte ferroviaire menace-t-il la tradition du service public du train en France ? Alors que le projet de réforme est en cours d’examen à l’Assemblée nationale, le sujet est sensible et nombre de cheminots craignent une privatisation rampante conduisant à un effondrement de la qualité d’un service ferroviaire fourni au plus grand nombre.
  • Le projet de loi porte-t-il en germe la privatisation de la SNCF ?
« Cette réforme, c’est du Thatcher réactualisé ». « A part La Poste, toute entreprise publique qui a été transformée en société anonyme a fait l’objet d’une privatisation après. » Les députés de gauche ont mené l’offensive contre la réforme de la SNCF au premier jour de la discussion en séance à l’Assemblée nationale du projet de loi instaurant un nouveau pacte ferroviaire.
Leur cible : le choix du gouvernement de transformer les trois établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC), qui constituaient jusqu’ici la SNCF, en trois sociétés nationales par action. Incontestablement, cette transformation en société anonyme, dépendant désormais du code du commerce, est un passage obligé en cas d’ouverture du capital de la SNCF à des investisseurs privés.
« Vous agitez des peurs, leur a répondu la ministre des transports, Elisabeth Borne. En dehors du cas de la Grande-Bretagne, qui n’est pas notre modèle, aucune société de chemin de fer en Europe n’a été privatisée. » Le gouvernement a d’ailleurs fait inscrire dans la loi le caractère public de la nouvelle SNCF et rendu les parts de l’Etat incessible.
Ce garde-fou ne rassure pas les syndicats de cheminots, CFDT et UNSA Ferroviaire, qui avaient transmis aux groupes parlementaires des propositions d’amendement visant à conserver le statut d’EPIC. « On a vu ce qui s’est passé avec GDF, pourtant société nationale publique, complètement absorbée lors de la fusion avec Suez », dit un négociateur cheminot.
  • Au fait, qu’est-ce qu’un service public ?
Serait-ce pour autant une disparition du service public ? Revenons aux fondamentaux : si l’on en croit le site vie-publique.fr, le service public est à la fois une « mission, qui est une activité d’intérêt général », et « un mode d’organisation consistant, de façon directe ou indirecte, à faire prendre en charge ces activités d’intérêt général par des personnes publiques (Etat, collectivités territoriales, établissements publics) ou privées mais sous le contrôle d’une personne publique. »
Cette définition contredit l’idée partagée par de nombreux partisans du service public classique à la française selon lesquels un authentique service aux usagers ne peut être rendu que par une entité publique, en général en situation de monopole, avec des agents qui sont soit fonctionnaires, soit relèvent d’un statut équivalent.
Or, dans de nombreux cas aujourd’hui en France, des sociétés privées ou des associations se voient confier des missions de service public dans le cadre de délégations de service public ou de concessions. C’est le cas dans la distribution d’eau, la collecte des déchets, la restauration collective, la petite enfance…
On notera que l’une des caractéristiques du service public est que le plus grand nombre puisse y accéder puisqu’il relève de l’intérêt général. C’est pourquoi, les utilisateurs du service paient rarement son coût réel. La question d’un niveau de subvention suffisamment élevé pour que le service soit accessible à tous les usagers est donc également fondamentale.
  • La réforme ferroviaire remet-elle en cause cette notion de service public ?
Non martèle le gouvernement. La preuve, ce sont les moyens mis dans la régénération du réseau délaissé au cours des années 1990 et 2000. L’Etat affirme s’apprêter à investir 3,6 milliards d’euros par an pendant dix ans, soit la bagatelle de dix millions d’euros par jour. Un niveau historique, selon Elisabeth Borne.
Mais l’exécutif macronien va plus loin. Il avance que les grands axes de sa réforme – concurrence, transformation de la SNCF en société par action, fin du recrutement au statut des cheminots – sont des éléments susceptibles d’améliorer la qualité du service public ferroviaire.
En particulier, les partisans de la réforme mettent en avant l’arrivée de la concurrence comme un élément permettant de redynamiser le service public ferroviaire. « La concurrence permettra de diversifier les offres, les services et de proposer aux voyageurs davantage de petits prix, explique un texte envoyé récemment aux adhérents de La République en marche. La simple perspective de l’arrivée de la concurrence a d’ailleurs poussé la SNCF à créer les TGV OuiGo. Résultat ? Des voyageurs qui ne prenaient pas le train avant peuvent désormais profiter de ce service pour leurs déplacements. »
  • La concurrence est-elle antinomique avec un vrai service public ?
De leur côté, les opposants à la réforme mettent en avant les risques que fait peser au service public ferroviaire la libéralisation du marché du rail. Ils soulignent le fait que la logique des opérateurs privés est par nature financière et, partant, en contradiction potentielle avec l’intérêt général.
Les anti-pacte ferroviaire donnent en contre-exemple absolu le cas britannique, qui a vu la disparition de l’opérateur historique, et où la concurrence totale règne. Des prix en forte hausse, un endettement encore plus élevé qu’en France, une qualité de service par endroits fort dégradée. Résultat : plusieurs sondages récents outre-Manche montrent des Britanniques qui souhaitent en majorité une renationalisation du système.
Pourtant, en France, la concurrence existe dans le service public de transport, sans que cela ne semble déranger grand monde. Depuis plus de trente ans, les villes ou communautés d’agglomérations (sauf Paris) ont la possibilité de mettre en concurrence des entreprises de droit privé pour l’attribution des marchés de transport public urbain : tramway, métro, bus. C’est le cas à Lyon, à Bordeaux, à Lille, à Saint-Etienne, à Rouen, à Rennes… Et dans des dizaines d’autres villes – petites et grandes – de l’Hexagone.
Par ailleurs, le gouvernement, plutôt que l’exemple britannique, met en avant le modèle allemand, où la concurrence est légion dans les lignes régionales. L’offre de train y a nettement augmenté (50 % de trafic en plus depuis 1996) et la qualité de service s’est parfois améliorée (mais les avis divergent de ce point de vue), avec des prix qui, en revanche, ont peu baissé.
Mais, notent les opposants au gouvernement, ce qui fait la différence en Allemagne, ce n’est pas tant la modeste concurrence qui a laissé 60 % du marché à l’opérateur historique que l’effort financier de l’Etat. Ce dernier a repris la dette de l’opérateur historique dès le lancement de la réforme en 1994. Plus récemment, en 2016, un plan d’investissement massif de 28 milliards d’euros sur cinq ans (soit 5,6 milliards par an) a été lancé.
L’attention des länder à cette mise en concurrence est aussi un facteur de réussite pour le maintien d’un service public fort. Les régions n’hésitent pas à entrer au capital des compagnies ferroviaires et dressent des cahiers des charges d’une précision telle que d’éventuelles dérives de la part des opérateurs se font rares. Et si, finalement, en matière de service public, les détails comptaient au moins autant que les grands principes ?
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Vos réactions (38)
DIDIER WIEL 10/04/2018 - 16h40
https://www.monde-diplomatique.fr/2016/06/MISCHI/55775
 
et l'emploi dans tout ça ! 10/04/2018 - 16h05
Est-ce qu'il pourrait être mené une enquête pour savoir combien d'emplois vont être créés par cette réforme, histoire de savoir sil elle présente un intérêt ou si c'est encore de la poudre aux yeux...?
 
DIDIER WIEL 10/04/2018 - 16h02
Les déclarations péremptoires qui nous révèlent qu'il n'est "pas nécessaire d'être fonctionnaire pour conduire un train" ne tiennent pas compte d'une réalité incontournable : aujourd'hui 75% d'entre eux sont en grève pour défendre ce statut pour leurs successeurs... et aucune société privée ne dispose à ce jour des conducteurs nécessaires pour faire leur travail.
 
Etienne 10/04/2018 - 15h36
Enfin un vrai travail de clarification des termes du débat. Enfin du vrai journalisme qui ne se laisse pas duper par les fantasmes idéologiques des uns et les manoeuvres rhétoriques des autres. Ces colonnes en ont bien besoin.
 
JEAN-FRANCOIS BERRET 10/04/2018 - 15h22
Très bon article, bravo, le Monde. C'est cela qu'on veut: des faits, une vision globale, des éléments pour se faire ses propres idées. Le problème sur la SNCF, comme sur beaucoup de sujets en France, tout est tellement polarisé. Cette polarisation nuit à l'analyse et à la réflexion, et ce sont ceux qui parlent le plus fort qui sen font entendre. C'est article lui prend un autre point de vue, et il a raison.
 

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