jeudi 19 avril 2018

Merkel freine les ambitions européennes de Macron




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Fragilisée politiquement, la chancelière allemande ne veut pas d’une réforme en profondeur de la zone euro.
LE MONDE | 18.04.2018 à 11h02 | Par Thomas Wieder (Berlin, correspondant)
Emmanuel Macron et Angela Merkel, à Bruxelles, le 23 février 2018.
Quand Emmanuel Macron s’était rendu à Berlin au lendemain de sa prise de fonction, le 15 mai 2017, Angela Merkel l’avait accueilli en citant l’écrivain allemand Hermann Hesse : « Au début de toute chose, il y a un charme », avait-elle déclaré à ses côtés, face à la presse. « Mais le charme ne dure que si les résultats sont là », avait-elle aussitôt prévenu.
Un an plus tard, la chancelière allemande n’a pas à se plaindre de la politique du président français. Outre-Rhin, les réformes qu’il a mises en œuvre sont considérées comme positives par la coalition de Mme Merkel ainsi que par les milieux économiques. Pourtant, le charme s’est dissipé. M. Macron devrait en faire le constat en se rendant, jeudi 19 avril, à Berlin, où son volontarisme sur les dossiers européens suscite de vives réticences.
A priori, le programme du nouveau gouvernement allemand devrait pourtant convenir au président français. Intitulé « Un nouvel élan pour l’Europe », le contrat de coalition, laborieusement scellé entre les conservateurs (CDU-CSU) et les sociaux-démocrates (SPD), entre en résonance avec l’ambition de M. Macron de « refonder » celle-ci.
La réalité est plus prosaïque. Un mois après sa réélection pour un quatrième mandat, la chancelière semble en effet avoir abandonné toute hardiesse réformatrice sur le front européen. Face à M. Macron, « Mme Merkel est-elle en train de devenir Mme Non ? », s’interrogeait ainsi le Spiegel, lundi. Poser la question, c’est déjà y répondre.
Face au président français, « l’Allemagne est passée du tapis rouge aux lignes rouges », estime l’économiste Henrik Enderlein
Officiellement, bien sûr, il n’est pas question de renoncement. « Je pense que l’Allemagne peut apporter sa propre contribution et que nous trouverons d’ici [au Conseil européen de] juin des solutions conjointes avec la France », a déclaré la chancelière, mardi, ajoutant « attendre avec impatience » la visite de M. Macron.
Sur le fond, il est toutefois peu probable que cette rencontre se traduise par des avancées notables, à part peut-être sur l’union bancaire. A Berlin, Angela Merkel ne peut en effet ignorer les réserves de sa famille politique à l’égard des propositions françaises, notamment sur la création d’un budget de la zone euro. « Je ne pense pas que cela soit une bonne idée d’avoir un deuxième budget distinct de celui qui existe déjà pour l’Union européenne dans son ensemble », a ainsi déclaré, lundi, Annegret Kramp-Karrenbauer, secrétaire générale de la CDU et proche de la chancelière.
Avant son rendez-vous avec le président français, Mme Merkel a également tenu à rassurer son camp sur un autre sujet sensible. Lors d’une réunion du groupe CDU-CSU au Bundestag, mardi, elle a ainsi défendu l’idée que la transformation du Mécanisme européen de stabilité en Fonds monétaire européen (FME) ne pourrait se faire sans modification des traités, ce qui revient à l’enterrer. Un gage donné à l’aile conservatrice de sa majorité, opposée à l’idée d’un FME qui puisse aider des pays en difficulté sans les contraindre à de sérieuses réformes structurelles, comme l’envisage la Commission européenne, soutenue par la France.
Mais la CDU-CSU n’est pas la seule à freiner les ambitions européennes de M. Macron. Bien que social-démocrate, Olaf Scholz, le nouveau ministre des finances allemand, se montre lui aussi d’une grande prudence vis-à-vis des propositions de l’Elysée. « Les idées de M. Macron apportent un nouvel élan au projet européen dont nous avons besoin. Mais le président français sait aussi qu’elles ne pourront pas toutes être réalisées », a ainsi déclaré M. Scholz, dimanche, à la Frankfurter Allgemeine Zeitung. Pour Paris, celui-ci ne devrait pas être un interlocuteur beaucoup plus souple que son prédécesseur, Wolfgang Schäuble (CDU). Mardi, le ministre des finances a d’ailleurs annoncé qu’il maintenait à leurs postes les principaux conseillers de M. Schäuble.

« Retour à la réalité »

Face à M. Macron, « l’Allemagne est passée du tapis rouge aux lignes rouges », reconnaît Henrik Enderlein, directeur de l’Institut Jacques Delors, à Berlin. Proche du SPD, cet économiste allemand écouté à l’Elysée estime toutefois que la « fin de la lune de miel » entre le président et la chancelière ne marquera pas un coup d’arrêt dans leur volonté commune de faire avancer l’Europe. « Le processus prendra sans doute plus de temps que ce que certains espéraient. De ce point de vue, la feuille de route qui sera présentée par la France et l’Allemagne au Conseil européen de juin sera davantage un point de départ qu’un point d’arrivée », prédit M. Enderlein.
« Si on peut avoir l’impression que les choses sont plus compliquées qu’il y a un an entre Paris et Berlin, c’est parce qu’on n’entre que maintenant dans le vif du débat, avec la mise en place d’un nouveau gouvernement à Berlin », explique Joachim Bitterlich, ancien conseiller aux affaires européennes du chancelier Helmut Kohl. Chercheur à la Fondation Konrad-Adenauer, proche de la CDU, Olaf Wientzek refuse lui aussi de céder au désenchantement, estimant que la situation actuelle n’est au fond qu’un « retour à la réalité » après plusieurs mois d’« attentes un peu exagérées » des deux côtés du Rhin.
Vos réactions (30)
No Country For Old Men 20/04/2018 - 06h48
Avec NDDL et la SNCF sur les bras il est difficile de faire le malin à Berlin.
 
andy Hier
Je suis généralement d'accord avec E. Macron : remise en ordre et en route de la France, réforme de l'éducation, réformes des statuts, etc. Il est "européen", -- je ne sais pas exactement ce que ça veut dire, mais va pour l'Europe. En revanche, l'idée de budget européen (lire : les Allemands paient pour les autres) n'est pas réaliste. La monnaie unique est un non-sens à tous égards. Mais pour l'instant notre président ne veut rien comprendre au concept de monnaie commune et monnaies propres.
 
jim Hier
Cela ne va pas faire plaisir dans ces colonnes ; Macron fait beaucoup de vent sur l'Europe mais visiblement même Merkel n'est pas d'accord alors là, c'est énorme !
 
Araucarias Hier
Décidément un alignement des cycles politiques Franco-Allemand semble relever de la mission impossible. Un jeu de plus en plus hasardeux. Ce qui menacerait, serait une accélération ? C'est plutôt de l'inverse, qu'il y aurai un vrai risque de tourbillon, historique.
 
Futurity Hier
Merkel depuis les élections du 24 septembre a les ailes coupées. Une alliance de gouvernement qui tient par une ficelle. Une opposition intérieure grandissante. Merkel a rempilé presque contrainte. Ce gouvernement allemand n’ira pas à son terme. En face Macron fraîchement élu, est impatient. Il s’agite et pense prendre la direction de l’Europe. Celle qu’il veut façonner selon ses promesses. Macron surestime son pouvoir de séduction et sous-estime les réalités géopolitiques de l’Europe et du Monde
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« Macron se heurte en Europe à des résistances qui menacent de bloquer son programme »

Face à l’opposition que ses ambitions réformatrices rencontrent en Europe, le président français cherche à réveiller l’esprit de la démocratie libérale, estime Sylvie Kauffmann, éditorialiste au « Monde ».
LE MONDE | 18.04.2018 à 11h33
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Emmanuel Macron, à Epinal, le 17 avril.
Chronique. Quand le moment est grave, en appeler à l’Histoire. Emmanuel Macron connaît cette ficelle de l’art oratoire politique et ne s’en est pas privé, mardi 17 avril, pour son premier discours devant le Parlement européen à Strasbourg. Le jeune président français ne veut pas, a-t-il dit, « appartenir à une génération de somnambules », « une génération qui aura oublié son propre passé ou qui refusera de voir les tourments de son propre présent ». Il veut « appartenir à une génération qui aura décidé fermement de défendre sa démocratie ».
La référence aux somnambules n’est évidemment pas innocente. Les Somnambules, été 1914 : comment l’Europe a marché vers la guerre (Flammarion), c’est le titre d’un livre de l’historien australien Christopher Clark, professeur à Cambridge, publié en 2013 à la veille du centenaire du début de la première guerre mondiale. Pour Clark, les causes de la Grande Guerre ne sont pas à rechercher seulement dans l’impérialisme paranoïaque germanique, mais aussi dans l’irresponsabilité des dirigeants des autres puissances européennes, qui sans vouloir la guerre, s’y laissèrent entraîner inexorablement, incapables de maîtriser l’instabilité d’une Europe déchirée par les tensions nationalistes.
Angela Merkel et son ministre des affaires étrangères de l’époque, Frank-Walter Steinmeier, ont dévoré cet ouvrage, qui a été un immense best-seller en Allemagne ; M. Steinmeier avait même invité l’auteur à débattre à Berlin. Cette version de l’histoire avait été moins appréciée à Paris. Et on peut imaginer sans peine que la référence aux somnambules, mardi à Strasbourg, ait aussi été une façon pour M. Macron, qui aime montrer qu’il n’est pas prisonnier de l’histoire des guerres européennes, de faire un signe à la chancelière allemande, qu’il doit retrouver jeudi à Berlin.

Déconvenues

Car le moment est grave aussi pour Emmanuel Macron. Un an après son élection, le président, qui a promis de transformer radicalement la France et l’Europe, se heurte, en France comme en Europe, à des résistances qui menacent de bloquer tout le sens de son programme. En France, c’est la « coagulation des mécontentements », pour reprendre son expression, qui oppose grèves et agitation à ses réformes lancées tous azimuts. En Europe, la magie des discours d’Athènes et de la Sorbonne, en septembre, est oubliée et la fascination pour un dirigeant français néophyte qui a osé faire campagne et gagner, en pleine vague populiste, sur un credo européen s’est évanouie derrière les déconvenues des scrutins successifs chez nos voisins d’Autriche, d’Allemagne et d’Italie.
Sur ce front-là aussi, la résistance s’est organisée. Il y a la résistance allemande, avec une chancelière qui doit, depuis les élections de septembre, tenir compte de son aile droite, fermement opposée aux propositions d’Emmanuel Macron sur la réforme de la zone euro. C’est l’obstacle le plus dur, celui, sans doute, qu’il n’avait pas prévu lorsqu’il a lancé son grand plan européen. Il y a la résistance de l’Europe du Nord, orchestrée par le premier ministre des Pays-Bas, Mark Rutte, qui vise, elle aussi, à freiner l’ambition intégrationniste du président français. M. Macron, pense-t-on à l’Elysée, pourrait avoir ouvert une percée dans cette alliance du Nord en recevant, lundi à Paris, les trois présidents des Etats baltes, tous trois membres de la zone euro.
Il y a l’inconnue de l’Italie, qui se cherche un gouvernement depuis le coup de tonnerre du scrutin du 4 mars. Et puis il y a les escarmouches de toutes sortes dans une Union à 28 où une ambition française est forcément suspecte. Avec, en première ligne, l’inquiétante évolution des démocraties illibérales en Europe centrale, face auxquelles Emmanuel Macron refuse d’être un somnambule.

« L’illusion du nationalisme »

Alors pour reprendre son élan face à ces multiples obstacles, le président français en appelle à la base, aux fondamentaux, à ce qu’il appelle plus prosaïquement le « bottom up » : la démocratie. Plutôt que d’énumérer ses multiples propositions qui ont donné le tournis aux frileux, il a choisi de rappeler mardi, devant les députés européens, la profondeur et le caractère unique du « miracle européen », pour conjurer ces divisions dans lesquelles il voit réapparaître « une forme de guerre civile ». Les mots sont forts, volontairement, pour provoquer un choc. On retrouve le spectre des somnambules lorsqu’il dénonce « l’illusion mortifère du pouvoir fort, du nationalisme, de l’abandon des libertés » : elle menace la « démocratie libérale », qu’Emmanuel Macron revendique sans rougir.
Pour autant, comme il admettait dimanche à Paris « entendre la colère » des cheminots français, il juge nécessaire d’« entendre la colère des peuples d’Europe d’aujourd’hui ». Emmanuel Macron n’aime rien de mieux que convaincre ; cette colère, il voudrait donc qu’elle s’exprime clairement, pour pouvoir la contrer, la raisonner. Il a trouvé un cadre pour cela, les « consultations citoyennes », qui ont fait sourire ses partenaires européens au début ; il a fini par les convaincre de les organiser aussi chez eux, tous, même si la Pologne et la Hongrie limiteront ces réunions à l’enceinte de leurs Parlements. Il espère faire de ces forums, d’ici à octobre, un lieu où l’on « fait vivre le débat », où viendront aussi ceux qui ne croient pas en l’Europe.
Vos réactions (7)
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folamour 19/04/2018 - 20h53
Qui sont les somnambules ? Sylvie Kaufmann cite l'historien controversé Christopher Clark. Rappelons qu'avant lui, Herman Broch a écrit une trilogie portant le titre "Les Somnanbules" évoquant la période de l'empire allemand débouchant sur le désastre de 1918..Il n'y a pas que les historiens qui plaisent à Angela Merkel dans la vie.
 
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Ouh La 19/04/2018 - 11h20
Macron s’est fait moucher par un député belge en colère, exprimant aussi fort bien la colère des Français. Aucun écho dans Le Monde...
 
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Alors faisons a 10, ou 15, ou 18. Hier
Si on ne peut pas "Faire avec tous" , au moins faisons avec ceux qui ne sont pas bornés.
 
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LOUIS A Hier
Cet article donne le sentiment que le seul enjeu de ces débats initiés par Macron est le sort politique de Macron lui-même. Comme si les Européens vivaient sur une autre planète à l'abri des changements du monde. Qu'à cela ne tienne, les grandes puissances, et celles en devenir, se chargeront rapidement de ramener tout ce petit monde des pays européens à la réalité de la vacuité de leurs petits orgueils nationaux.
 
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Un naïf pressé.... Hier
Macron est un jeune naïf, il croit que la puissance de son verbe va aplanir toutes les contradictions. En fait son arrogance indispose, il ignore la réalité des rapports de force. Le climat social en France n'est pas au beau fixe. Il n'a pas compris que ses méthodes en sont pour beaucoup à l'origine.... Son et droite et gauche a vécu. Il a suffi de 11 mois pour le ranger au rang des accessoires. Maintenant sa précipitation conduit à la cacophonie.... Pauvre France, quel exemple pour l'Europe !!
 
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SARAH PY Hier
La France est le plus mauvais élève de l'Europe économique et comptable , elle est le meilleur de l'Europe stratégique , de défense , de l'Europe puissance . Qu'elle cultive ses talents pour parler environnement , migrations , transition énergétique , recherche ...; et oublie l'euro , le budget , les convergences , l'intendance qui suivra quand les Européens auront le sentiment qu'enfin l'on se soucie de l'avenir et de leur sécurité.
 
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Europe : Macron et Merkel rentrent dans le dur

Thibaut Madelin 19/04/2018
Emmanuel Macron et Angela Merkel veulent proposer d\'ici fin juin une feuille de route commune sur l\'avenir de l\'Union européenne. - ARIS OIKONOMOU / AFP

Le président de la République rend visite ce jeudi à la chancelière allemande à Berlin sur fond de discussions tendues sur l'avenir de la zone euro.

Tout un symbole. En plein débat sur la future architecture de la zone euro, Angela Merkel reçoit ce jeudi Emmanuel Macron sur le chantier du Forum Humboldt, au Château de Berlin. Si elle ne partage pas le lyrisme de son invité, la chancelière allemande maîtrise tout autant le registre des symboles.L'explorateur allemand Alexander von Humboldt, dont la mère était d'origine française et huguenote, appelait la France sa «  seconde patrie »....

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Réformes de la zone euro : pourquoi la réunion entre Macron et Merkel à Berlin est cruciale

Emmanuel Macron tente, jeudi à Berlin, de relancer ses projets de refondation de l’Europe post-Brexit, lors d’une rencontre avec Angela Merkel.
LE MONDE | 19.04.2018 à 14h14 • Mis à jour le 19.04.2018 à 14h47 | Par Cécile Ducourtieux (Bruxelles, bureau européen)
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Angela Merkel et Emmanuel Macron, jeudi 19 avril à Berlin.
La réunion à Berlin entre le président Emmanuel Macron et la chancelière Angela Merkel, jeudi 19 avril à Berlin, doit permettre au président français de tester la volonté allemande de soutenir son projet de réforme de la zone euro : un budget substantiel pour les dix-neuf pays partageant la monnaie unique, un « super-ministre » des finances pour l’Eurozone.
Ce projet, il l’a défendu avec constance depuis la course à la présidentielle, et il a de nouveau plaidé pour mardi, au Parlement européen de Strasbourg. Déjà en campagne pour les européennes de mai 2019, le chef de l’Etat français a promis pour juin une « feuille de route » commune avec Berlin. Un échec constituerait un très gros revers : elle décrédibiliserait sa stratégie qui a consisté jusqu’à présent à parier sur la relance du couple franco-allemand. Et mettrait à mal sa stature de réformateur, dans l’Hexagone comme ailleurs en Europe.

Que réclame la France ?

Emmanuel Macron a été très explicite mardi : il s’agit avant tout de « parachever les engagements pris pour l’Union bancaire ». Cela fait au moins trois ans que les dirigeants de l’Union hésitent à muscler son « fonds de résolution », financé par le secteur bancaire européen, et censé venir en aide à un établissement en cas de défaillance.
Un consensus est à portée de main à l’Eurogroupe, pour que le Mécanisme européen de stabilité (MES), ce fonds constitué en urgence pendant la crise financière, vienne en soutien. La commission a aussi proposé, dès 2015, une assurance des dépôts européenne, pour qu’aucun épargnant de l’Union ne perde ses économies en cas de faillite d’une banque. La France soutient cette réforme.
Le président français tient aussi à un budget de la zone euro. « Aucun espace monétaire au monde ne fonctionne sans capacité budgétaire qui permet la convergence et la stabilisation en cas de crise », a t-il rappelé à Strasbourg. « On doit aller vers plus de solidarité au sein de l’union [monétaire] », a ajouté le chef de l’Etat.
A Berlin, il pourrait plaider pour utiliser les 500 milliards d’euros de capacité de prêts du MES, en grande partie inutilisés à mesure que les pays européens en difficulté sortent la tête de l’eau (la Grèce devrait en finir avec son troisième plan d’aide en août 2018). Cette capacité budgétaire pourrait servir, en cas de choc asymétrique dans un pays membre, à y relancer l’investissement afin de limiter les divergences économiques entre Etats membres.
A Strasbourg, le président français n’a en revanche pas réclamé de ministre des finances pour la zone euro, ni de Parlement spécifique, même s’il a relevé : « On a sans doute besoin d’une représentation de parlementaires sur la zone euro car on aura besoin d’un contrôle démocratique. » De fait, ces deux idées, surtout celle d’un Parlement de la zone euro, ont été fortement critiquées, non seulement par Berlin, mais par une partie des pays du Nord de la zone euro (Finlande, Pays-Bas). Aujourd’hui, à Bruxelles, elles ne sont même plus discutées au niveau technique.

Qu’est ce qui bloque à Berlin ?

L’Allemagne de Merkel est sur la même position depuis des années : largement excédentaire, la première économie de la zone euro a toujours rechigné à « payer pour la Grèce » et à accepter des mécanismes de solidarité financière avec le reste de l’Eurozone. Mais Paris espérait qu’après les engagements enfin pris par la France pour respecter le pacte de stabilité et de croissance (le déficit public français est enfin repassé sous les 3 % du produit intérieur brut en 2017), Berlin prendrait conscience de la nécessité de bouger.
L’entourage du président Macron espérait aussi que la nomination d’Olaf Scholz, un social-démocrate, au poste de ministre des finances en remplacement du très orthodoxe Wolfgang Schaüble, changerait la donne. Or, le temps file mais l’ex-maire de Hambourg « est toujours dans la phase de découverte des dossiers », selon une source proche.
Par ailleurs, les conservateurs de la CDU et leurs alliés bavarois de la CSU montent au créneau ces derniers jours, pour refuser en bloc toute avancée sur la zone euro. « Ce sont des mini-Schaüble, qui veulent se placer dans la perspective de la succession de la chancelière » suggère une source haut placée au SPD. La question est de savoir si la chancelière, « Madame Non », comme l’a brocardé Udo Bullmann, chef de file des sociaux-démocrates au Parlement européen, sera assez forte pour imposer à son camp conservateur un accord avec le président Macron.
Selon le quotidien économique Handelsblatt, Angela Merkel aurait un plan pour réformer l’Eurogroupe, qui a fait office de gouvernement informel de l’Eurozone pendant la crise, en imposant en plus des ministres des finances, la présence régulière des ministres de l’économie. Une manœuvre de diversion par rapport à l’agenda français, alors que la CDU « va tenter de repousser indéfiniment » les réformes, selon une source au SPD ?

Changer de cheval de bataille ?

Anticipant un blocage sur la zone euro, certains commencent à suggérer au président Macron de changer de cheval de bataille. Pour l’eurodéputé Alain Lamassoure, un proche d’Alain Juppé qui a récemment claqué la porte des Républicains, « le Président doit faire un tri dans ses trop nombreux projets européens. Il doit se concentrer sur la sécurité intérieure et extérieure, car on ne va pas enflammer les 500 millions de citoyens de l’Union avec la garantie des dépôts européens ». De fait, Paris discute aussi avec Berlin de taxation du numérique, de fonds d’innovation de rupture et de convergence fiscale entre les deux pays. Mais en insistant sur la zone euro, mardi à Strasbourg, le président Macron a démontré qu’il n’entendait pas lâcher prise.
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Vos réactions (10)
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La Corrèze avant le Péloponnèse 19/04/2018 - 15h33
Catalogue de poncifs éculés comme le "très-orthodoxe-Docteur-Schäuble" : bref, le jour n'est pas encore venu où les journalistes du Monde comprendront qu'un ministre des finances allemand ressemble plus à Schäuble ou Eichel qu'à Varoufakis ou Cahuzac. Tant mieux pour l'Europe.
 
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La balance et le juge de paix... 19/04/2018 - 15h32
Macron ne va pas enflammer l'Europe avec son projet, Alain Lamassoure a raison. D'autant que le climat social en France n'apporte pas la preuve de l'efficacité de Macron pour réformer. Certains diront le contraire et verront dans les grèves un signe de succès.. mais le bilan comptable sur la balance commerciale est en Europe le juge de paix...
 
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AliBobo 19/04/2018 - 15h51
@la balance... : précisément le bilan comptable de la balance commerciale française est très clair : en 2017 on est sur un déficit commercial de 62 milliards, en 2016 : 48 milliards. Depuis plus de 50 ans on a connu seulement 5 à 7 ans de bilan positif. Donc si avec ça vous ne voulez pas faire de réformes, c'est à n'y rien comprendre. (pour mémoire Allemagne = + 220 milliards en 2014)
 
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Allegro ma non troppo 19/04/2018 - 15h27
" Le déficit public français est repassé sous les 3 % du produit intérieur brut en 2017 " Vous y allez bien vite, vous oubliez les 56 milliards de dettes que le gouvernement a planqué à la SNCF !! Il faudrait pas prendre l'Europe pour des naïfs, la France ne satisfait pas encore à la règle des 3% !!
 
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Rico 19/04/2018 - 15h24
Macron, on l'aime ou pas, mais ca fait du bien de voir un président qui se bouge et qui a des projets autres que de se regarder le nombril, parler a la presse "en off" et étoffer son harem.
 
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AliBobo 19/04/2018 - 15h19
@europe écologie : votre approche est très simpliste. Le budget de la défense en France : 30 milliards, nettement moins que l’excédent commercial allemand. Main d’œuvre bon marché, c’est vrai (en partie) surtout dans le domaine agricole. Mais surtout une industrie puissante : 1er constructeur automobile mondial, grand producteur de machines outils (le parc français de machines outils est 10 ans plus âgé que le parc allemand) + Et surtout des relations sociales basées sur le compromis gagnant.
 

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A Berlin, Angela Merkel prépare Emmanuel Macron aux compromis

Lors de leur rencontre, jeudi 19 avril, la chancelière allemande et le président français ont évoqué leurs « points de départs différents » sur les chantiers européens.
LE MONDE | 19.04.2018 à 19h45 • Mis à jour le 20.04.2018 à 06h38 | Par Cécile Boutelet (Berlin, correspondance)
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Emmanuel Macron et Angela Merkel au Humboldt Forum, à Berlin, le 19 avril.
A la conférence de presse donnée par Emmanuel Macron et Angela Merkel à Berlin, jeudi 19 avril, il ne fallait pas s’appuyer sur les murs, sous peine de couvrir ses vêtements d’une fine poussière blanche.
Pour recevoir le président français, Mme Merkel avait choisi non pas la chancellerie mais un bâtiment encore en construction, le Humboldt Forum. Un lieu qui sera bientôt le lieu symbolique de la culture et de la science au cœur de la capitale allemande, a précisé la chancelière. « C’est un projet très européen. Nous espérons que sa construction sera terminée d’ici à la fin de l’année. »
En chantier. C’est bien l’image qu’il faut retenir de l’état actuel des négociations franco-allemandes après la rencontre entre les deux dirigeants. Le projet est bien là, mais nul ne sait si les parties s’entendront sur les détails.
Face aux ardeurs réformatrices de son homologue, Angela Merkel a opposé des termes extrêmement prudents. « Nous ne pouvons imposer nos valeurs et nos intérêts dans le monde que si nous travaillons ensemble à l’échelle européenne », a-t-elle déclaré, ajoutant qu’il y avait des « points de départs différents » et qu’il fallait « des débats ouverts » et « la capacité de faire des compromis ».

Résister aux « vents mauvais »

Aucune annonce officielle n’a été formulée jeudi, les deux partenaires ayant renvoyé au prochain sommet franco-allemand du 19 juin et au Conseil européen du 29 juin. Huit petites semaines pour trouver des points de convergence sur des sujets pourtant évoqués depuis septembre 2017 côté français.
M. Macron n’a pas relâché la pression sur son homologue, en rappelant l’urgence du moment. « Nous vivons à un moment de l’aventure européenne sans doute unique », a-t-il expliqué, en appelant à résister aux « vents mauvais » qui menacent « la souveraineté commune », à la fois à l’extérieur (en matière de sécurité, de commerce, de technologie et d’environnement), et en son propre sein, avec la montée des extrêmes et des idées nationalistes.
Interrogée sur la question de savoir si le « charme », qu’elle avait évoqué lors de sa première rencontre avec le président français, en citant l’écrivain Hermann Hesse, opérait toujours, Angela Merkel a répondu qu’à ce moment-là, elle ne se doutait pas que « les négociations pour former un gouvernement dureraient si longtemps ».

Les conservateurs allemands contre Macron

Un moment d’aveu pour évoquer la situation délicate dans laquelle elle se trouve : depuis plusieurs jours, les conservateurs de son parti (démocratie-chrétienne, CDU) font bloc contre les propositions du président français sur la réforme de la zone euro. Ils voient dans la création d’un budget de l’union monétaire le risque d’une perte de souveraineté.
Et ils se sont fortement distanciés du projet de transformer le mécanisme européen de stabilité (MES) en « Fonds monétaire européen », capable de soutenir les pays en crise sans dépendre du Fonds monétaire international (FMI), bien qu’il ait été proposé à l’origine par l’ancien ministre allemand des finances, Wolfgang Schäuble.
Et il ne faut pas attendre beaucoup de soutien du Parti social-démocrate (SPD), partenaire de coalition des conservateurs. Très affaibli par des mois de tergiversations autour de sa participation au gouvernement, le SPD a perdu ses ardeurs européennes d’antan. Leur meilleur avocat, Martin Schulz, a quitté le parti et ne siège pas au gouvernement. C’était lui qui avait insisté pour que la première partie du contrat de coalition soit consacrée à l’Europe.

« Mieux articuler responsabilité et solidarité »

Le ministère des finances est bien dirigé par un social-démocrate, Olaf Scholz, mais celui-ci s’est empressé de donner des gages aux conservateurs : il a réaffirmé dès son arrivée que le « zéro noir », l’équilibre budgétaire, serait assuré.
Selon le quotidien économique Handelsblatt, les principaux collaborateurs de son prédécesseur, Wolfgang Schäuble, seront maintenus en poste. C’est le cas en particulier de l’économiste Ludger Schuknecht, qui défend depuis des années l’idée que la politique ne peut rien faire pour lutter contre les excédents allemands.
Angela Merkel s’est dit néanmoins confiante d’arriver à trouver des solutions « adéquates ». Pour rester sur une ligne commune avec la chancelière, M. Macron a déclaré que, quel que soit l’instrument, la nécessité était de « mieux articuler responsabilité et solidarité » en Europe.
Un principe qu’il a habilement utilisé pour évoquer la réforme de la zone euro et celle de la politique vis-à-vis des réfugiés, priorité d’Angela Merkel. Des concessions sur l’un pourront-elles servir de monnaie d’échange pour obtenir des avancées sur l’autre ? Pour le grand projet réformateur européen macroniste, l’heure est aux compromis.
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Vos réactions (43)
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Jose Robles 20/04/2018 - 07h37
Poor lonesome president ! Ca renforce le repli pays par pays et le sentiment qu’on ne peut faire de reformes que dans le cadre des frontières nationales... La méthode Macron na aucun effet en Europe ! Paradoxalement ca renforce les populistes ce qui est un problème !
 
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a.w. 20/04/2018 - 07h31
Que de commentaires negatifs concernant Macron. Une tradition de beaucoup de Francais avec nos presidents successifs et les politiques de reforme. Une France Jacobine avec ses millions de fonctionnaires et assimiles ,syndicats politises,etc. Une France qui doit se reformer pour faire venir ceux qui ont des capitaux et non le contraire.On ne fait pas un pays attractif avec des ouvriers et une fiscalite qui fait fuir.La CGT apporte quoi par exemple depuis des decennies a contester en permanence.
 
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nimbus 20/04/2018 - 07h15
Comme bien souvent avec Macron il y a le grand show, en occurrence c'était le spectacle à l'Assemblée européenne, puis le retour sur Terre. Et quand on s'interroge sur les résultats concrets on voit que c'est très mince. Pas grave, le tout est de donner au public français l'impression d'un Président maitre du monde. Et la fuite en avant perpétuelle évite de laisser le temps à la réflexion. Qui, par exemple, se pose encore des questions sur la Syrie ? C'était l'épisode précédent du feuilleton.
 
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realiste 20/04/2018 - 06h40
Mr macron va obéir a ceux qui ont le capital ,c est le discourt qu il développe en France !!!
 
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Azutat Laure 20/04/2018 - 06h06
comme le suggère le titre les espoirs de notre jupiter semblent bien compromis !

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