mardi 6 février 2018

événements d'Aléria . août 1975


wikipédia à jour au 14 octobre 2016


image illustrant la Corse
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Les événements d'Aléria désignent l'occupation par des militants de l'Action régionaliste corse d'une cave viticole tenue par un pied-noir les 21 et 22 août 1975 à Aléria, en Corse. Engendrant une réponse musclée du gouvernement français, elle-même à l'origine de violentes émeutes en Corse, notamment à Bastia, ces événements sont considérés comme l'acte fondateur du nationalisme corse moderne.

Sommaire

Contexte

En 1957 est créée par l'État français la SOMIVAC (Société pour la Mise en Valeur de la Corse) qui aménage un vignoble dans la plaine orientale d'Aléria1. Elle attribue de nombreux lots de terrains aux nouveaux rapatriés d'Algérie : en 1964-1965, 75 % des terres sont distribuées aux pied-noirs2 dont quelques-uns plantent des cépages non sélectionnés, pratiquent la chaptalisation et vendent du vin frelaté. L'inculpation de grands négociants frauduleux provoque une campagne de presse qui aboutit au boycottage des vins corses, menaçant plus de 500 producteurs viticoles corses. Les nationalistes corses dénoncent ces colons producteurs détenant la majorité du vignoble corse, voulant le récupérer au profit de petits producteurs insulaires3.

Déroulement

Une révolte éclate le 21 août 1975, une trentaine d'hommes armés, dont Marcel Lorenzoni, Jean-Pierre Susini, Jacques Fieschi, Léo Battesti, Jacques Paoli, entraînés par Edmond Simeoni, occupent la ferme d'Henri Depeille, un viticulteur endetté d’Aléria d'origine pied-noir suspecté d'être mêlé à ce scandale financier. Le leader de l'Action régionaliste Corse (ARC4) fait connaître les raisons de ce coup de force en ces termes :
« Il s'agit de dévoiler le scandale des vins mettant en cause le propriétaire de la cave et plusieurs de ses amis négociants. Après avoir bénéficié de prêts exorbitants, les responsables des caves vinicoles ont mis sur pied une énorme escroquerie de plusieurs milliards d'anciens francs, au préjudice de petits viticulteurs. »
Le président et le Premier ministre étant en vacances, c'est le ministre de l'Intérieur Michel Poniatowski qui décide d'y déployer 1 200 gendarmes et CRS afin de donner l'assaut avec l’appui de blindés et de six hélicoptères Puma, et faire sortir de la cave ses occupants5.
Le vendredi 22 août, face à la médiatisation de l'affaire, des jeunes corses sympathisants accourent de toute l'île pour soutenir les occupants. L'assaut des forces de l'ordre débute à 16 heures et voit la reddition des occupants de la ferme Depeille, après une fusillade de 3 minutes qui fera deux morts parmi les forces de l'ordre (le maréchal des logis chef Michel Hugel et le gendarme Jean-Yves Giraud6) et un blessé grave (Pierrot Susini a le pied arraché) parmi les occupants. Les autonomistes quittent leur retranchement les armes à la main alors que de nouveaux renforts arrivent par hélicoptères. La foule tente alors de forcer les barrages, entonne l’hymne corse et finit par venir incendier les restes de la ferme et des bâtiments viticoles. Toute la nuit à Bastia ont lieu de violents affrontements7.

Conséquences

L’ARC est dissoute le 27 août par décision du Conseil des Ministres, ce qui donne lieu à de nouveaux affrontements armés à Bastia, qui se soldent par un mort et plusieurs blessés parmi les forces de l'ordre dépêchées du continent.
Plus tard, le viticulteur Depaille admettra en partie le bien fondé des exigences d'Edmond Siméoni et de ses camarades :
Leur revendication de la terre était légitime et l'émergence du nationalisme, normale.8
Le drame d’Aléria jette l’opprobre sur les finances et la politique locale, et portera même un grave préjudice aux vins corses. « Ces trois minutes qui ébranlèrent la Corse9 » marquent le point de départ de la radicalisation du nationalisme corse, marqué par la création du Front de libération nationale corse (FLNC) en 197610.

Postérité

Le 22 août 2014, une stèle de verre commémorative est inaugurée à proximité de l’endroit où s'est déroulé l'assaut11. Quelques jours plus tard la stèle est détériorée.
En septembre 2014, sort en librairie la bande dessinée Aléria 1975, réalisée par Frédéric Bertocchini et Michel Espinosa aux éditions DCL, grâce à de nombreux témoignages de ceux qui étaient présents lors des événements. Le second volume est publié au printemps 2015. Une édition intégrale voit également le jour en 2015.

Notes et références

Références

  1. Edmond Maestri, La décentralisation, Harmattan, 2003, p. 392
  2. Valérie Esclangon-Morin, Les rapatriés d'Afrique du Nord de 1956 à nos jours, Harmattan, 2007, p. 235-236
  3. Xavier Crettiez, La question corse, Éditions Complexe, 1999, p. 45
  4. Mouvement proche des agriculteurs et de la plaine orientale de l'île, né en 1965 du Comité d'Études et de Défense des Intérêts Corses(CEDIC).
  5. Jean Victor Angelini, Histoire secrète de la Corse, Albin Michel, 1977, p. 280
  6. Paul Silvani, Corse des années ardentes (1939-1976), Éditions Albatros, 1976, p. 231
  7. Daniel Arnaud, La Corse et l'idée républicaine, Éditions L'Harmattan, 2006, p. 85
  8. http://www.corsematin.com/article/corse/evenement-de-1975-deces-dhenri-depeille-proprietaire-de-la-cave-daleria [archive]
  9. Jean Victor Angelini, Histoire secrète de la Corse, Albin Michel, 1977, p. 281
  10. Thierry Vareilles, Encyclopédie du terrorisme international, Harmattan, 2001, p. 81
  11. « Corse : inauguration d’une stèle commémorant les évènements d’Aléria » [archive], sur liberation.fr, 23 août 2014
La dernière modification de cette page a été faite le 14 octobre 2016 à 14:24.

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