mardi 6 février 2018

histoire de la Corse


wikipédia à jour au 5 février 2018

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Située au cœur de la Méditerranée occidentale — à 170 kilomètres de Nice, une dizaine de kilomètres de la Sardaigne, 50 kilomètres de l'île d'Elbe (Toscane), 80 kilomètres des côtes toscanes, la Corse occupe une position stratégique au sein de l'espace géopolitique méditerranéen. Objet de convoitise des différentes puissances de Méditerranée, elle est longtemps demeurée dans les zones d'influence italo-toscane et carthaginoise, la langue corse en étant la plus vivante illustration. Véritable « montagne dans la mer » avec une arête centrale nord-sud sur toute sa longueur, résultat de la collision par rotation de la plaque corso-sarde (initialement lovée dans le golfe du Lion) et de la plaque italienne, l'intérieur de la Corse a été un lieu de refuge constant pour la population de l'île qui y a développé et maintenu une culture très ancienne.
Sa spécificité et son originalité sont le produit d'une histoire complexe. Avec ses 8 778 km2, elle est la quatrième île de la Méditerranée, derrière la Sicile, la Sardaigne et Chypre.

Sommaire

Préhistoire

Article détaillé : Préhistoire de la Corse.
Site préhistorique de la Coscia à Macinaggio, cap Corse
Considérées un temps comme les premiers indices de présence humaine en Corse1, les accumulations de bois de cervidés datées du Pléistocène supérieur sur le site de Macinaggio à l’est du Cap Corse sont aujourd'hui interprétées par certains archéologues comme des accumulations naturelles. L'occupation paléolithique de la Corse ne serait donc toujours pas attestée, même si elle reste possible, d'autant plus que des restes humains vieux d'environ 20 000 ans sont connus en Sardaigne.
Si l'on admet à la suite de certains préhistoriens que les populations paléolithiques s'implantaient de préférence dans les régions côtières, plus accessibles et exploitables, il est possible que des vestiges archéologiques de cette époque en Corse aient été submergés durant la transgression marine à la fin de la dernière glaciation : ces restes reposeraient désormais à faible profondeur au large de la Plaine orientale ou dans les Bouches de Bonifacio.

Mésolithique (-9000 -6000) et Néolithique (-5700 -2000)

Les traces des premières occupations humaines datent du IXe millénaire avant l'ère chrétienne, notamment sur le site dit A Teppa di U Lupinu à Santo-Pietro-di-Tenda (Haute-Corse)2. La présence de plusieurs groupes humains est attestée au VII-VIe millénaire, au nord comme au sud de l'île. Il s'agit de groupes de chasseurs-cueilleurs et certainement pêcheurs, se nourrissant entre autres du lapin-rat (un pika endémique) et également de coquillages. De cette époque ont été datés plusieurs sites et notamment celui de l’Araguinna Sennola, près de Bonifacio. Ce site, dont les fouilles ont commencé en 1966, a révélé un squelette féminin datant de -6500, surnommé la Dame de Bonifacio. À ce premier peuplement mésolithique, dont on suppose aujourd'hui qu'il s'agissait avant tout d'une fréquentation épisodique des zones côtières corses par des groupes en provenance du littoral italien3, succède une véritable colonisation de l'île avec la venue de communautés agropastorales néolithiques. L'arrivée de ces populations villageoises débute vers 5700 av. J.-C..
D. Binder et J. Guilaine font remarquer dans leur rapport Radiocarbone et processus de la néolithisation en Méditerranée centrale et occidentale que « dans la zone tyrrhénienne (Sardaigne, Corse, Latium, Toscane, Ligurie), les premiers horizons néolithiques dans la première moitié du VIe millénaire montrent généralement des styles céramiques structurés du Cardial et de l’Impressa ». La datation au carbone 14 a en effet donné de 5750 à 5350 av. J.-C., soit des dates contemporaines des autres sites italiens en Méditerranée.
Ce « Néolithique ancien cardial » a été identifié en divers endroits comme à Saint-Florent, Vizzavona ou Filitosa et à Aléria (site de Terrina). Le premier Néolithique en Corse appartient à la grande culture céramique de type Cardial ou Impressa (Gabriel Camps, 1988). Ce premier Néolithique est diffusé à travers toute l'île et a des caractéristiques très proches de la facies toscane méridionale, dite de Pienza. Gabriel Camps conclut : « C'est donc avec la Toscane voisine que la Corse présente [...] les plus grandes ressemblances », il insiste sur « la primauté des relations entre la Toscane et la Corse. » Cette primauté des relations remonte sans nul doute déjà au Mésolithique et explique les dernières découvertes qui permettent de conclure sur cette période, sur le premier peuplement de la Corse : dès le Néolithique, les Corses seraient une population venue de la péninsule italienne, dont la langue aurait été proche des parlers de Toscane et de Ligurie (sous-groupe dit tyrrhénien). Cette variante aurait été ensuite successivement influencée par la Sardaigne en ce qui concerne la Corse du Sud, par les Ibères pour toute la Corse, puis par les Ligures (ou Celto-Ligures) pour toute l'île mais surtout la Corse septentrionale.
Les anciens parlers en Corse, avant l'occupation romaine, avaient donc probablement un fonds commun proto-toscan (ou proto-étrusque) avec diverses influences de peuples méditerranéens (Ibères, Ligures, Celtes, Peuples de la mer) et ont ensuite été profondément romanisés. Ils ne constituent au plus qu'un lointain substrat au corse moderne (et sa variante du Nord de la Sardaigne, le gallurais) qui est une langue très proche du toscan archaïsant. L'interjection répandue Ajo ! en est sans doute un reliquat.
À partir de -5000 le peuplement de l’île s’intensifie avec l’arrivée de migrants vraisemblablement Ligures venus par cabotage par l’archipel toscan. Dès le VIe millénaire, ces nouveaux groupes néolithiques apportent avec eux les céréales et les animaux domestiques (le chien, les ovins, les caprins et les porcins) et pratiquent le défrichage, ce qui conduira à l'extinction d'une partie de la faune endémique. De nombreux échanges existent entre Corse et Sardaigne. Ils concernent l'approvisionnement des Néolithiques corses en obsidienne et silex sardes, roches utilisées pour confectionner de nombreux outils. Des influences continentales sont aussi décelables. Au IVe millénaire la production lithique et céramique de l'île s'inscrit dans le courant chasséen du Néolithique de l'ouest méditerranéen. À la fin du IVe millénaire, une métallurgie du cuivre local apparaît sur le site de Terrina. On peut dire qu'à cette époque existe une véritable société insulaire organisée en villages ayant entre eux un réseau d'échanges et où l'île entretient des rapports commerciaux constants avec ses voisins.
Les vestiges laissés par la Préhistoire en font en outre l'un des endroits privilégiés de l'Europe pour l'étude de cette période, et l'île représente aussi la plus grande concentration de statues-menhirs et menhirs de toute la Méditerranée. À noter aussi la présence d'une peinture rupestre sur la commune d'Olmeta, la grotta scritta, datant d'environ 2000 ans av. J.-C.
  • Les constructeurs de mégalithes
Casteddu d'Araghju, Corse du Sud
Article détaillé : Culture torréenne.
Alignement de menhirs de Renaghju, Corse du Sud
Érigées entre -1500 et -800, les statues-menhirs sculptées en bas-relief qui ont été retrouvées en divers endroits de l’île représentent des guerriers portant épées courtes, ceintures ou baudriers, et cuirasses. Ces statues semblent monter la garde dans l’attente d’éventuels envahisseurs, comme pour en conjurer la venue. Elles sont sans doute autant de conjurations contre cet ennemi que de victoires dans un premier temps remportées sur lui.
Il convient de préciser que la Méditerranée, à cette époque, connut un développement économique important, avec l'expansion du commerce des métaux. Cet essor a sans doute contribué au renforcement des inégalités et a favorisé les actes de piratage. Les populations se sont alors retrouvées contraintes de se protéger en édifiant des forteresses, à l'image des "castelli" de Corse ou des « nuraghes » (voir culture nuragique) de Sardaigne.

Proto-histoire

L'île était sans doute connue des Phéniciens, auxquels elle devrait son nom de Korsai, qui signifie « couvert de forêts »[citation nécessaire]. Les Phéniciens propagent dans leur sillage l'agriculture : la vigne et le vin, l'olivier et l'huile, le blé et le pain ; leur organisation de la cité et l'écriture. Ils exploitent et commercent dans le monde antique les mines de cuivre, de plomb, d'étain, d'argent et de fer.
Les Phéniciens sont parmi les meilleurs navigateurs de cette époque. Ce sont avant tout des commerçants, non des colons, ils ne s’installent qu’entre terre et mer, sur des îlots, dans des criques protégées, dans l’arrière-pays desquelles ils cultivent ce qui est nécessaire à l’alimentation de leurs comptoirs et au remplissage de leurs entrepôts pour le ravitaillement de leur navires. Malte, les îles Pélages, Utique et Motya en Sicile, Tharros et Nora dans le Sud-Ouest de la Sardaigne sont autant d’étapes sur leur route. Il n'est guère possible qu’ils aient ignoré les rivages corses, même s'il ne subsiste aucune trace de leur passage sur l’île. Les cités côtières étrusques et des ports comme Pyrgi ou Populonia, sont autant de comptoirs pour eux et, pour conserver de bons rapports avec le pays des Tyrréniens, sans doute jugent-ils préférable de leur laisser la prérogative du commerce avec l’île d’Elbe et la Corse dont ils trouvent les produits sur les marchés d’Étrurie.
Les Étrusques entreprennent réellement l'exploitation de la Corse. Ils se sont en effet tacitement partagé la domination de la Méditerranée occidentale avec les Carthaginois (voir Carthage) pour en contrôler le commerce. Aux Carthaginois reviennent la Sardaigne, l'Afrique du Nord et le sud de l'Espagne, aux Étrusques la Corse et le littoral gaulois.
  • Le monde tyrrhénien
Selon Servius (Aen. X, 172), mentionné par Mario Torelli dans son Histoire des Étrusques, il est fait allusion à la fondation de Populonia (du nom du dieu étrusque Fufluns -Bacchus-), grand port et principal centre métallurgique de l'Étrurie, par les Corses, chassés par la suite par les habitants de Volterra. Ceci suggère qu'avant la naissance de l'Étrurie, lors de la période de la culture de Villanova, la population corse et la population de l'Italie centrale face à la Corse doit être sensiblement la même, et que pour le moins ils entretiennent des rapports étroits et se connaissent bien.
Le même texte fait également allusion à une histoire de piraterie sarde et corse dans l'aire tyrrhénienne, et ce durant le premier âge de fer. La barque votive figure dans les bronzes sardes et semble assez populaire dans ces îles de la Méditerranée occidentale. Les échanges commerciaux entre l'Étrurie, la Sardaigne et la Corse semblent avoir été particulièrement intenses à cette période. Sur cette toile de fond viennent s'insérer les Phéniciens, probables médiateurs, et tirant les ficelles des relations commerciales de la région.
Le latrocinium (la piraterie) qui est relaté par les sources anciennes, n'est que l'autre facette du commerce maritime, et semble marquer les relations de deux entités qui s'affrontent régulièrement tout en continuant à commercer : d'une part la légendaire occupation corse de Populonia, et d'autre part la relative domination étrusque le long de la côte orientale de la Corse à l'époque historique.
Les sources écrites, principalement grecques, sont souvent contradictoires et, en en recomposant le puzzle de bribes éparses qu'elles forment, on parvient à situer la Corse et son histoire dans le monde méditerranéen et particulièrement sa place et son rôle en Méditerranée occidentale, mais on ne sait que relativement peu de chose sur la vie de sa population. C'est davantage grâce aux fouilles archéologiques effectuées dans l'île qu'on peut en avoir une idée plus précise.

Antiquité

Les Phéniciens, venus de Tyr, commercent avec la Corse, mais ne s’y arrêtent pas.
Les Grecs de Phocée essaiment en Méditerranée occidentale et fondent vers 600 av. J.-C. une nouvelle Phocée (Marseille), puis, vers 565 av. J.-C. Alalia, sur la côte orientale corse. Quand on dit qu'ils fondent, ce n'est pas le terme exact : les Phocéens avaient pour habitude de fonder un comptoir commercial dans une ville déjà existante. Aussi bien à Phocée/Marseille qu'à Alalia, ils ont trouvé des populations regroupées en agglomération et ayant déjà des productions. Pour preuve, la rapidité avec laquelle les habitants d'Alalia ont maîtrisé les techniques de poterie des Phocéens (un siècle plus tard, ils produisaient des céramiques semblables, ce qui s'explique si l'on se souvient de la présence de Terrina - qui a donné son nom au Terrinien - se trouvant dans le périmètre de la cité d'Alalia).
Chassés d’Asie Mineure par les Perses en 546 av. J.-C., les Phocéens se réfugient dans leurs comptoirs. Ils contrastent avec la population locale. Ils construisent une cité en dur, introduisent la vigne, l’olivier et le blé, enseignent l’écriture, exploitent les gisements d’argent, de fer et de plomb, tandis que les autochtones se replient sur les hauteurs, le maquis et la forêt pour y vivre de l’agriculture, de la récolte du miel et surtout de l’élevage (chèvres essentiellement). Cependant, le commerce existe entre les deux.
Après l’invasion de l’île d’Elbe, les Étrusques, venus de Toscane, s’allient aux Carthaginois, héritiers des Phéniciens et maîtres des rivages nord-africains et de la Sardaigne. En 535 av. J.-C., leurs flottes affrontent celle des Phocéens au large d’Alalia. Après cette bataille, une partie des Phocéens émigre pour fonder Élée. La population du comptoir devient largement cosmopolite, et les trois peuples y cohabitent.
Cependant, en 453 av. J.-C., les Syracusains débarquent sur l’île et chassent les Étrusques (ce qui n'est pas le cas à Alalia qui demeure opulente et cosmopolite). Ils aménagent un port dans un golfe du sud de la plaine orientale : Port Syracusain (Porto-Vecchio). Plus tard, vers 280 av. J.-C., les Carthaginois reviennent prendre la place des Syracusains. Bientôt chassés par les Romains, ceux-ci sont seuls maîtres de l'île et de sa plus grande ville, Alalia, ils déciment alors la Corse en détruisant nombre d’arbres fruitiers et de plantes comestibles, et en interdisant toute agriculture.
Au Ier siècle av. J.-C., le géographe grec Strabon décrira la Corse et sa population en ces termes4 :
« L'île de Cyrnos, que les Romains nomment Corsica, est un pays affreux à habiter, vu la nature âpre du sol et le manque presque absolu de routes praticables qui fait que les populations, confinées dans les montagnes et réduites à vivre de brigandages, sont plus sauvages que des bêtes fauves. C'est ce qu'on peut, du reste, vérifier sans quitter Rome, car il arrive souvent que les généraux romains font des descentes dans l'île, attaquent à l'improviste quelques-unes des forteresses de ces barbares et enlèvent ainsi un grand nombre d'esclaves ; on peut alors observer de près la physionomie étrange de ces hommes farouches comme les bêtes des bois ou abrutis comme les bestiaux, qui ne supportent pas de vivre dans la servitude, ou qui, s'ils se résignent à ne pas mourir, lassent par leur apathie et leur insensibilité les maîtres qui les ont achetés, jusqu'à leur faire regretter le peu d'argent qu'ils leur ont coûté. »
— Strabon, Géographie.

La population locale

Selon Ptolémée, la Corse était habitée par douze nations qui, pour la plupart autochtones, n'ont subi l'influence romaine que dans de faibles proportions5 :
  • Les Vanacini, la plus connue de ces nations, occupaient tout le Cap Corse ;
  • Les Cilebenses (lire les Nibolensii), occupaient l'ancien pays du Nebbio ;
  • Les Mariani (leur territoire répondait aux anciens pays de Marana et de Muriani), étaient des colons romains ;
  • Les Licnini établis au Sud des Cilebenses et à l'Ouest des Mariani occupaient le bassin moyen du Golo ;
  • Les Opini (leur territoire embrassait l'ancienne pieve d'Opino), demeuraient entre les colons de Mariana et ceux d'Aléria ;
  • Les Syrbi constituaient une nation établie dans les bassins du Fiumorbo ;
  • Les Comasini étaient établis dans le bassin de la Solenzara ;
  • Les Subasani occupaient le Sud de l'île ;
  • les Titiani installés dans la vallée du Rizzanese ;
  • Les Tarrabeni s'étendaient le long du Taravo ;
  • les Balaconi s'étendaient le long de la rivière de Prunelli ;
  • Les Cervini habitaient les vallées de la Gravona, du Liamone et de la rivière de Sagone.
« Nous n'avons aucun renseignement sur les nations qui peuplaient la Balagne et le haut bassin du Tavignano. Il est permis de conjecturer que, du temps de Ptolémée, la Balagne était déjà romanisée et que les indigènes avaient cherché un refuge dans le Niolo »5.

Époque romaine

Lors de la Première guerre punique, par l'intermédiaire de Lucius Cornelius Scipio, la puissance émergente de Rome conquiert Alalia rebaptisée Aleria et chasse les Carthaginois. Les affrontements débutent en -259 avec le débarquement des troupes romaines du consul Lucius Cornelius Scipion. C'est à partir de 238 av. J.-C. que se développe un premier projet colonial. Mais il ne prendra forme que sur le littoral oriental et dans les piémonts qui entourent Aleria, centre militaire fondateur de la politique de Rome. En -227, la Corse est réunie à la Sardaigne dans la province romaine de la Corse-Sardaigne, et la capitale du nouveau territoire administratif devient Cagliari. Plus tard, Auguste l'érige en province impériale, son procurateur vivant à Alalia, devenue Aleria. En tant que colonie de peuplement, des terres corses sont données aux vétérans de l’armée (notamment à Mariana, près de Bastia). De la conquête romaine, la Corse garde sa langue romane dérivée du latin, quelques routes et ponts, des stations thermales (ex. Orezza et Speloncato), des ports et des villes. La Corse exporte granite, minerais, huile d'olive, miel, liège, etc. Certains Corses, à même d’acquérir la citoyenneté, émigrent parfois pour servir dans les administrations romaines ou l’armée. C’est une province calme qui se christianise aux premiers siècles apr. J.-C., non sans martyres (sainte Dévote à la fin du IIIe siècle, sainte Julie vers 450, sainte Restitude, etc.)

Les divisions politiques de l'île

Au dire de Pline5, les Romains divisèrent l'île en 33 civitates, une civitas étant une commune étrangère : cité, municipe ou colonie, elle se composait, en dehors de la ville quand il y en avait une, d'un territoire plus ou moins étendu. Ce territoire renfermait des vici, bourgs, des pagi, villages, des castella ou oppida, réduits fortifiés, des fermes et des grandes propriétés, fundi, villæ et prædia6. Cette dernière expression s'est conservée et, sous le nom de presa, les Corses désignent la partie cultivée du territoire par opposition à la portion réservée au libre parcours.
Parmi les cités, municipes ou colonies indiquées par Pline on peut citer Bastia, Ajaccio, Bonifacio, Calvi, Saint-Florent, Centuri, L'Île-Rousse, Porto-Vecchio, Macinaggio, Nebbio rovinata, Mariana rovinata, Pino, Ponte d'Arco, Canari, Ostricone, Aleria rovinata, Casa Barbarica7, Sartène, Balagne, Girolata...

Moyen Âge

La Corse en 1482.
À la chute de Rome, les migrations de peuples « barbares » dans l'ouest et le sud de l’Europe n’épargnent pas la Corse. Les Vandales sont les premiers à arriver, depuis le sud de l’Espagne, en passant par le Maghreb, la Sicile et la Sardaigne. Ils dominent la totalité de l'île8.
Les Vandales sont chassés, en 533, par les Byzantins qui conquièrent et occupent l'ensemble du territoire jusqu'en 552 avant que les Ostrogoths ne s'aventurent dans l'île. Enfin les Lombards, venus des Alpes, qui n’occupent l’île que trois décennies, parviennent à codifier l’usage local de la « dette de sang », future « vendetta ».
À partir de 7049, les Sarrasins effectuent leurs premiers raids contre la Corse, qui dureront plus de cinq siècles.
Lorsque Charlemagne devient roi des Lombards, en 774, il confirme une partie de la donation de Quierzy que son père avait faite au pape Étienne II. La Corse entre alors dans l’obédience du Saint-Siège, sans effet réel et immédiat pour le successeur de celui-ci, Adrien Ier.
Les Sarrasins d’Espagne et d’Afrique du Nord (Maures, Berbères ou Arabes) multiplient les attaques sur les côtes corses et mettent les ports à sac, coupant l’île du continent durant près de trois siècles sans vraiment vouloir l’envahir[réf. nécessaire]. La population recule à nouveau dans les montagnes et fait appel au pape, supposé propriétaire de l’île. C’est la Marche de Toscane, déléguée par le pape, qui vient à son secours. Selon certains historiens, le blason et le drapeau à la tête de Maure tireraient leur origine de cette époque.
Ces luttes pourraient être à l’origine de la féodalité et de la noblesse en Corse. En effet, les déplacements de population dus aux invasions (émigration, repli dans les hauteurs) cloisonnent les Corses dans les hautes vallées. L’Église officialise ces « pièves » (pievi), regroupements de population plus ou moins isolés les uns des autres, et, vers l’an mil les seigneuries se constituent sous l’autorité du pape : la gestion insulaire est déléguée à un comte (le premier selon la tradition est le légendaire Ugo Colonna, à l’origine de la noblesse corse), qui nomme des juges locaux. Les seigneurs dressent de petits châteaux ou donjons, assurent la paix et la justice, prélèvent une redevance (accattu). Les vassaux sont surtout liés à leur suzerain par des liens d’amitié et de parenté (clienti) même si la pyramide féodale tend à s’imposer. Certains comtes s’arrogent les droits et privilèges des comtes carolingiens, comme Arrigo Bel Messere, installé dans son « palais » de Poghju-di-Venacu. La disparition de ce dernier marque l’émiettement du pouvoir féodal.

La féodalité en Corse

Article détaillé : Liste des Comtes de Corse.

Époque pisane et génoise

La tour génoise de Porto.
En raison des rivalités que connaît la Corse au XIe siècle, le pape accorde à l’évêque de Pise l’investiture des évêques corses et les Pisans commencent deux siècles de domination sur l’île. Sous le gouvernement des juges et des seigneurs pisans, des constructions sont édifiées (églises, ponts, etc.). Mais Pise perd la protection pontificale et des rivalités internes l’affaiblissent. Gênes entre alors en conflit contre son ancien allié dans la lutte contre les Sarrasins. En 1284, à la bataille navale de Meloria, la flotte pisane est détruite. Plusieurs campagnes de Gênes (1289-1290) lui rallient les féodaux, alors que les Pisans renoncent à la Corse. La trêve signée par Pise en juillet 1299 accorde la domination totale de l’île par Gênes. Celle-ci devient génoise pour six siècles, en dépit du Saint-Siège, qui tente en 1297 de confier la direction de la Corse à la maison d’Aragon (Royaume de Sardaigne et de Corse). Les Génois doivent cependant défendre leur nouvelle conquête face aux menaces des Sarrasins (les tours qui ceinturent l’île sont construites plus tard dans ce but), des Aragonais, installés en Sardaigne, des Français, pour qui la Corse est un avant-poste contre l’Espagne. Mais Gênes fonde sa conquête sur sa puissance bancaire.
Gênes partage l’île en dix provinces, elles-mêmes divisées en pièves (les soixante-six pièves reprises du système féodal). Les Génois construisent (urbanisation : Bastia devient siège du gouverneur, ponts, routes, etc.), développent les vergers, importent de Corse vins, huile d'olive, bois, huîtres, poix, mais imposent lourdement la Corse et s’assurent la quasi-exclusivité du commerce avec l’île. La langue et certains usages (religieux notamment) corses sont grandement influencés par l’occupant.
En 1297, le pape Boniface VIII tente de réaffirmer son autorité sur la Corse et la Sardaigne en y investissant Jacques II, roi d’Aragon, et en 1305, le pape Clément V renouvelle cette tentative. Les Aragonais ne s’attaquent qu’à la Sardaigne pisane, dans un premier temps. Les Génois, craignant de voir la Corse envahie, s’allient aux Pisans pour lutter contre les Aragonais en Sardaigne. Mais bientôt Jacques II renonce à ses droits sur la Corse en échange de la paix en Sardaigne, et s’y installe. Cependant, en 1346, les troupes du roi d’Aragon Pierre IV débarquent vers Bonifacio, et une guerre éclate entre les Génois et les Aragonais et leurs alliés vénitiens. Gênes sort victorieuse du conflit mais doit alors faire face à la montée de la puissance de la noblesse corse.
La rivalité entre les féodaux corses, les clans génois et le pape Eugène IV se conclut en 1453 par la cession du gouvernement de l’île à une banque, l’Office de Saint Georges. L’Office bâtit de nouvelles tours sur le littoral ainsi que des villes fortifiées : Ajaccio (1492), Porto-Vecchio (1539).
Bataille des Corses avec les Génois.
En 1553, les Corses, menés par Sampiero Corso, alliés aux Français et aux Turcs d'Alger, entament une révolution qui prend Gênes par surprise. Bastia tombe en quelques heures, Corte se rend sans combattre, Saint-Florent et Ajaccio ouvrent leur porte aux révolutionnaires. Bonifacio et Calvi, peuplées de Ligures fidèles aux Génois, résistent à l’abri de leur citadelle. La première tombe, la seconde n’est jamais conquise. L’amiral génois Andrea Doria contre-attaque avec une armada face aux Français qui ont dégarni la Corse après la victoire et le retrait de leurs alliés turcs. Le général français de Thermes voit les villes tomber tour à tour : Bastia tient huit jours, Saint-Florent résiste trois mois. Sampiero récupère Corte et Vescovato. La Guerre de Corse s’enlise en guerre d’usure : de Thermes et Sampiero sont écartés par la France au profit du général Giordanno Orsini. Le moral des Corses révoltés est entretenu par une suite de guérillas, malgré des représailles jusqu’à la trêve de Vaucelles (5 février 1556), quand Henri II de France rend à Gênes certaines places fortes. Les Génois ne reprennent possession de l’île tout entière qu’avec le traité du Cateau-Cambrésis (3 avril 1559).
L’Office de Saint Georges, qui reprend le commandement de la Corse, impose une série de mesures jugées dictatoriales. La révolte du peuple corse repart lors du débarquement de Sampiero, aidé par Catherine de Médicis, au golfe de Valinco (12 juin 1564). Les insurgés reconquièrent l’intérieur de l’île, laissant les villes côtières aux Génois. Malgré les renforts envoyés rapidement, Gênes n’inflige aucune défaite décisive à Sampiero. Des villages sont détruits, Cervione brûlé, mais Corte se rend aux insurgés. La République doit faire appel aux Espagnols pour reprendre certaines places (1566), tandis que les renforts envoyés par la France à Sampiero s’avèrent inefficaces. Après nombre de trahisons et de désertions dans les rangs insurgés, Sampiero est tué près de Cauro (guet-apens d’Eccica-Suarella, 17 janvier 1567). Son fils de 18 ans ne continue la lutte que deux ans avant de s’exiler en France (1er avril 1569).
La République de Gênes exploite le Royaume de Corse comme une colonie, moyennant des droits à payer à l’Office de Saint Georges. L’administration est réorganisée autour de paroisses démocratiques, une crise ravage l’économie, Calvi et Bonifacio bénéficient de franchises et d’exemption pour leur fidélité aux Ligures, le gouverneur de la colonie instaure un système juridique corrompu. Les Statuts (décembre 1571) garantissent un minimum de justice et le Syndicat défend, pour un temps, les autochtones. Le maquis devient le refuge des condamnés par contumace, mais l’insécurité est réduite par une redevance sur le port d’armes. Les impôts comme le commerce sont iniques et les Génois se réservent des monopoles. Après 1638, une nouvelle politique économique est alors instaurée : plantation d’arbres et de vignes, accroissement du cheptel, etc. mais aucun Corse ne peut accéder à la propriété. Les bergers corses sont chassés peu à peu des plaines, les autochtones grondent. En 1729 éclate la guerre d’Indépendance.

Les guerres des nationaux corses

La Corse en 1794 (carte anglaise).

Émeutes de 1729

En 1715, Gênes accepte la proposition faite par les Corses demandant le désarmement. En effet, afin de pouvoir se défendre contre les bandits qui écument les villages, ils avaient demandé à pouvoir porter une arme, ce que Gênes accorda de façon intéressée : il fallait payer une taxe pour le port d'arme et les armes étaient vendues par les marchands génois. Si du côté des bandits, cette mesure a porté ses fruits, car les tribunaux des Génois sont corrompus, les affaires de meurtre ne sont jugées qu'au bout de plusieurs années, ce qui a poussé certains à se faire justice par eux-mêmes (la vendetta, qui est un phénomène plus général, en Méditerranée, avant le XIXe siècle). Si le désarmement porte ses fruits, la République Génoise, afin de compenser la perte de revenus des armes, a créé un impôt nouveau appelé les Due Seini, dû pour chaque feu. Il a une durée prévue de dix ans et doit donc cesser en 1725. Hélas, il ne cesse pas à la date dite. Aux impôts et taxes classiques, s'ajoutent des taxes demandées par les représentants de Gênes (certaines servant à payer des dépenses personnelles, comme les frais d'aumônier du représentant génois à Corte).
La récolte de 1728 a été désastreuse et les Corses ont demandé que Gênes tienne compte de cet élément. La République de Gênes consent à ramener, pour cette année 1729, l'impôt des Due Seini à la moitié. Mais, comme toujours, les représentants génois dans l'île n'en font qu'à leur tête, le gouverneur en tête, comptant sans doute détourner la partie supplémentaire réclamée. En effet, ils vont dans les villages réclamer les Due Seini, alors que tous savent que c'est le double de ce qui est dû. Les émeutes spontanées de 1729 éclatent à la suite de l'incident de Bustanico, quand un lieutenant de la République vient prélever cet impôt.
Elles se cristallisent sur le refus de l'impôt, mais les causes profondes sont multiples : la pression fiscale en général, taille et gabelle jugées excessives pour le contexte économique de crise ; mais aussi les abus des percepteurs génois envers les Corses ; et enfin, l'insécurité exacerbée par la disette, due à des bandits isolés ou à des bandes audacieuses. Cette troisième raison entraîne la demande de rétablissement du port d'armes, dans un souci traditionnel en Corse d'assurer soi-même sa propre sécurité et de se faire sa propre justice. Gênes interprète cette revendication comme un refus de payer l'impôt de deux seini, d'autant que le rapport qu'en fait le gouverneur omet de mentionner la façon dont il a contrevenu à ce qui était décidé.
Les premières émeutes démarrent en novembre 1729, dans la région du Boziu. La rébellion s'étend par la suite à la Castagniccia, la Casinca, puis le Niolo. Saint-Florent et Algajola sont alors attaquées, Bastia mise à sac en février 1730, et en décembre de cette même année, lors de la consulte de Saint-Pancrate, la Corse élit ses généraux : Luiggi Giafferi, Andrea Ceccaldi et l'abbé Raffaelli. Hyacinthe Paoli, le père de Pascal les rejoint début 1730. Gênes fait alors appel aux troupes de l'empereur Charles VI du Saint-Empire. Cette intervention impériale de 1731 est repoussée une première fois, car les Génois ont voulu économiser sur le nombre de soldats impériaux envoyés en Corse. Mais quelques semaines plus tard, de puissants renforts viennent à bout des rebelles. En juin 1733, le représentant du Saint-Empire négocie un accord qui accorde au Corses certaines concessions garanties par l'Empereur, mais que les Génois ne respecteront pas sitôt les troupes de Charles VI ayant quitté l'île. La rébellion reprend quelques mois plus tard.
Le 30 janvier 1735 est adopté un règlement établissant la séparation définitive de la Corse d'avec Gênes, et contenant les bases d'une constitution, rédigée en grande partie par un avocat corse qui avait fait carrière à Gênes et qui était revenu dans l'île, Sébastien Costa. Par son premier article, la Consulte énonce :
« Au nom de la Très Sainte Trinité, le Père, le Fils et le Sainte-Esprit, de l'immaculée Conception de la Vierge Marie, sous la protection de la Sainte Mère Avocate, nous élisons, pour la protection de notre patrie et de tout le royaume l'Immaculée conception de la Vierge Marie, et de plus nous décidons que tous les armes et les drapeaux dans notre dit royaume, soient empreints de l'image de l'Immaculée Conception, que la veille et le jour de sa fête [8 décembre] soient célébrés dans tout le royaume avec la plus parfaite dévotion et les démonstrations les plus grandes, les salves de mousquetaires et canons, qui seront ordonnées par le Conseil suprême di royaume ».

Théodore de Neuhoff

Article détaillé : Théodore de Neuhoff.
Le 15 avril 1736, Théodore de Neuhoff, choisi par des partisans corses, est élu roi et promulgue des lois qui le rendent populaire. Il installe la capitale de l'île à Cervioni en Castagniccia. Cependant il ne parvient pas à s'imposer aux monarchies génoise, française, britannique. Dépité au bout de 7 mois, il repart sur le continent. Il tentera un retour en 1738 puis en 1743, avec les Britanniques, sans succès.

Les interventions des troupes de Louis XV

En 1737, par la convention de Versailles, les troupes de Louis XV s'engagent à intervenir en Corse si la République de Gênes en fait la demande. Le Saint-Empire et le royaume de France étaient des alliés de longue date en raison de l'importance de contrer les flottes ottomanes en Méditerranée et les actes de piraterie barbaresque.
Le Génois Gian Francesco II Brignole Sale, ancien chef de la junte chargé d'examiner les demandes des insurgés et ambassadeur de Gênes à Versailles, obtient de la France l'envoi d'un corps expéditionnaire de 8000 hommes sous les ordres du comte de Boissieux. 4000 iront en Corse et les autres attendront à Gênes, en cas de besoin. Dans les premiers temps, Boissieux va tenter de traiter avec ceux que Gênes nomme "les rebelles". Mais, comme il demande en préalable de déposer les armes et que les Corses n'ont aucune confiance dans la parole des Génois qu'ils savent uniquement intéressés par l'exploitation des richesses insulaires et la position stratégique de l'île dans la défense de la Superba Repubblica, ils rejettent ces conditions. Boissieux finit par se laisser manipuler par Mari, le nouveau gouverneur génois. Il est malade et, d'ailleurs, il mourra. Le marquis de Maillebois prend la suite et il se montre moins manipulable. Néanmoins, le traité le contraint à agir. Lors de la première intervention, de 1738 à 1741, les troupes de Maillebois, mais le chef d'expédition est un homme averti et il va obtenir de nombreux succès, bien que vaincu à Borgo le 13 décembre 1738. Maillebois obtient la reddition des insurgés en juillet 1740. S'ensuit le départ en exil des chefs de cette rébellion, notamment Giafferi et Hyacinthe Paoli, qui emmène avec lui son fils, Pascal. Dans le même temps, Maillebois ne veut pas partir de Corse sans que Gênes n'ait proposé des conditions de paix acceptables. L'affaire va durer des mois, car les propositions de la République sont inacceptables et scandalisent Maillebois. On veut pourchasser tous ceux qui ont combattu contre Gênes, etc. Maillebois écrira qu'en agissant ainsi, il ne doute pas que ce qui a amené les Corses à se révolter les pousse à nouveau à recommencer, si Gênes ne fait pas preuve de plus de sagesse.
En attendant, afin de soustraire aux représailles de Gênes les plus connus des Corses qui se sont révoltés par les armes, il forme un corps Royal-Corse où il prend tous ceux qui ont prouvé leur vaillance. Quand il devra partir, ils embarqueront avec lui. Un régiment semblable est formé par le royaume de Sardaigne. Maillebois laisse des instructions précises sur la façon d'administrer la Corse, de façon plus juste, afin d'éviter de nouveaux troubles. Mais, c'est inévitable car les Génois vont se montrer rapidement d'une totale injustice, plus occupés à faire leurs affaires qu'à s'occuper de celles de la Corse.
En 1745, une coalition anglo-austro-sarde, opposée aux Français, aux Espagnols et aux Génois dans la guerre de Succession d'Autriche s'empare de Bastia, avec l'aide de Rivarola, alors chef d'une faction corse pro-sarde. La deuxième intervention française de 1746 permit à Gênes de reprendre la ville, grâce à une discorde entre les chefs Rivarola, Gaffori et Matra. En 1748, Bastia est attaquée par la même coalition, appuyée par les insulaires, mais les assiégeants doivent se retirer avec la paix d'Aix-la-Chapelle.
À partir de 1748, l'île est administrée, pour le compte de Gênes, par le marquis de Cursay. En octobre 1752, les nationaux rejettent les règlements proposés par Cursay et adoptent un nouveau système de gouvernement sous le commandement de Gaffori. Cursay est renvoyé en décembre de la même année. Un an plus tard, Gaffori est assassiné. Il s'établit alors une régence présidée par Clémente Paoli, qui rappelle Pascal Paoli en Corse. Le 14 juillet 1755, ce dernier est élu général en chef de Corse à la consulte du couvent Saint-Antoine de Casabianca d'Ampugnani. En novembre, sa constitution est adoptée par une consulte de Corte : elle prévoit la séparation des pouvoirs et le vote des femmes. Considérée comme la première constitution démocratique des Temps Modernes, Jean-Jacques Rousseau, Voltaire, James Boswell et de nombreux penseurs des Lumières en présentent les mérites.

Pascal Paoli, général de la Corse

Pascal Paoli par Richard Cosway.
En 1757, les Matra, appuyés par Gênes, et Colonna de Bozzi, allié de la France, soulèvent une révolte. Pascal Paoli, alors élu « général de la Nation », les écrase. Il crée une marine qui lui permet de soumettre le Cap Corse en 1761 et de s'emparer de Capraia en 1767, mais échoue cependant dans sa tentative de prendre d'assaut les villes côtières génoises.
En 1756, les Français signent le traité de Compiègne qui accorde à Gênes des subsides et des troupes pour occuper Ajaccio, Calvi et Saint-Florent jusqu'en mars 1759. En 1758, Pascal Paoli fonde l'Île-Rousse. Quatre ans plus tard, il fait adopter le drapeau à la tête de Maure et crée une monnaie.
En 1763, les troupes de la république de Gênes débarquent dans l'île et mettent le siège, sans succès, devant Furiani. Le 6 août 1764 est signé le second traité de Compiègne. Les troupes françaises s'engagent alors à tenir garnison dans les trois villes déjà occupées ainsi qu'à Bastia et à Algajola pendant quatre ans. En 1765, Corte devient la capitale de la Corse, et une université y est créée.
Bien que Pascal Paoli continue à correspondre avec le duc de Choiseul dans l'espoir d'assurer l'indépendance de la Corse, le 5 mai 1768, par le traité de Versailles, Gênes cède à la France la souveraineté sur l'île.

Conquête, répression

En juillet 1768, à la suite du traité de Versailles, la France rachète à Gênes ses droits sur l'île. En fait, au départ, il s'agit seulement d'une délégation : la France est chargée d'administrer la Corse durant dix ans et de la pacifier. Gênes étant dans l'incapacité de rembourser à la France ses frais, l'île devient propriété de la France au bout de dix ans.
Cahier des doléances, demandes et représentations de l’ordre du Tiers-État de l’Isle de Corse, , Arrêté par l’assemblée générale de cet ordre. Convoquée à Bastia le 18 mai 1789 (Archives nationales de France).
Les troupes françaises occupent rapidement le cap Corse, et un mois plus tard le marquis de Chauvelin débarque avec de nombreuses troupes sous son commandement. Après un début de conquête à l'avantage des troupes françaises, les habitants reprennent les hostilités et forcent les Français à évacuer la Casinca qui conservent toutefois un poste avancé à Borgo où les Français sont vaincus en octobre. Mais, au printemps 1769 le comte de Vaux débarque avec 24 000 hommes et bat les Corses le 9 mai à Ponte Novu. Près d'un mois plus tard, les places fortes de Haute-Corse étant conquises, et voulant bloquer l'avancée française dans l'au-delà des monts, le général Paoli tient le discours suivant devant le peu de troupes qu'il lui reste :
« Enfin, mes braves compagnons, nous voici réduits aux dernières extrémités. Ce que n'ont pu une guerre de trente ans, la haine envenimée des Génois, et les forces de diverses puissances de l'Europe, la soif de l'or l'a produite. Nos malheureux concitoyens séduits et trompés par quelques chefs corrompus sont allés d'eux-mêmes au devant des fers qui les accablent. Notre heureux Gouvernement est renversé, nos amis sont morts ou prisonniers ; et à nous qui avons eu le malheur de vivre jusqu'à ce jour pour voir la ruine de notre pays, il ne nous reste que la triste alternative de la mort ou de l'esclavage. Ah! pourriez-vous vous résoudre, pour retarder de quelque peu ce moment extrême que nous devons tous subir, à devenir esclaves d'un peuple d'injustes oppresseurs ? Ah ! mes chers amis, rejetons loin de nous cette honteuse pensée : l'or ni les offres brillantes des Français n'ont pu m'éblouir, leurs armes ne m'aviliront point. Après l'honneur de vaincre, il n'est rien de plus grand qu'une mort glorieuse.
II ne nous reste donc qu'à nous faire un chemin de fer à la mer à travers nos ennemis pour aller attendre ailleurs des temps plus heureux, et conserver des vengeurs à la Patrie, ou à terminer notre honorable carrière en mourant glorieusement comme nous avons vécu. »
Pascal Paoli quitte la Corse le 13 juin 1769. Son départ met un terme à quarante années de révolte armée contre la République de Gênes.
En 1774, les habitants se révoltent, mais sont réprimés dans le Niolo. C'est le début d'une longue série d'amnisties (1776), dont Paoli, alors à Londres, refuse de profiter.
La Corse est gouvernée par Marbeuf et devient pays d'États. Les États de Corse, assemblés et composés de 23 députés de chacun des trois ordres, choisis par élection indirecte, se réunissent huit fois entre 1770 et 1785. L'assemblée n'a qu'un rôle consultatif : toute décision dépend des commissaires du roi, l'intendant et le commandant en chef. L'administration confie peu de postes aux Corses sauf dans les échelons subalternes de la magistrature. L'administration des communes reste toutefois aux mains des autochtones. L'ordre de la noblesse est créé, des titres sont accordés à plus de 80 familles (parmi lesquelles les Bonaparte). Les nobles ne bénéficient pas de privilèges féodaux, mais peuvent obtenir divers avantages : concessions de terres, places d'officiers dans des régiments formés pour les Corses, bourses pour leurs enfants dans les écoles du continent.
Les tentatives de développement agricole et industriel sont peu efficaces. Les impôts directs, perçus dès 1778 en nature, pèsent surtout sur les pauvres. Les premières routes sont construites (de Bastia à Saint-Florent, et de Bastia à Corte) et le plan Terrier est mis en œuvre. Les recensements démontrent un accroissement continu de la population. En 1789, alors que la Révolution éclate en France, l'Assemblée nationale, incitée par une lettre d'un comité patriotique de Bastia, décrète que la Corse est désormais partie intégrante de la monarchie française. Les Corses exilés sont alors autorisés à rentrer en France. Le 15 janvier 1790, la Corse devient un département avec Bastia comme chef-lieu et siège de l'unique évêché.

La Révolution et le royaume anglo-corse

En juillet 1790, les révolutionnaires français autorisent le retour de Pascal Paoli sur le territoire insulaire. En septembre, il est élu commandant en chef des gardes nationales corses, puis président du conseil général du département.
De 1791 à 1793, les 9 districts (Bastia, Oletta, L'Île-Rousse, La Porta-d'Ampugnani, Corte, Cervione, Tallano, Ajaccio et Vico) du département de la Corse fournirent 4 bataillons de volontaires nationaux :
En juin 1791, une émeute religieuse éclate à Bastia, après la déposition de l'évêque qui refuse de prêter serment à la Constitution civile du clergé. Paoli la réprime et, en 1792, transfère le chef-lieu à Corte, s'attirant ainsi l'hostilité des Jacobins corses, dont Christophe Saliceti et les frères Bonaparte.
Le 1er février 1793, la Convention décide d'envoyer trois commissaires (dont Saliceti) en Corse pour surveiller la conduite de Pascal Paoli. Le même mois, ce dernier est tenu pour responsable de l'échec d'une expédition contre la Sardaigne à laquelle participait Napoléon Bonaparte alors lieutenant-colonel en second au 2e bataillon de volontaires de la Corse. Le 2 avril, la Convention décrète son arrestation, ainsi que celle de Carlo Andrea Pozzo di Borgo : Lucien Bonaparte les accuse de despotisme. Face aux menaces des Paolistes, les commissaires en Corse depuis le 5 avril, hésitent cependant à exécuter l'ordre. Fin mai, une consulte à Corte condamne le gouvernement français et proclame Paoli « père de la Patrie. » Ses partisans s'imposent à Ajaccio et saccagent la maison Bonaparte. Avec l'appui de Napoléon Bonaparte, les commissaires tentent d'attaquer Ajaccio par la mer, ce qui se solde par un échec.
Le 11 juillet 1793, la Corse est divisée en deux départements, le Golo et le Liamone. Cette scission sera effective en 1796.
Pendant le même mois, la Convention met Paoli et Pozzo di Borgo hors la loi, alors que la milice Paolienne tient les troupes républicaines enfermées à Calvi, Saint-Florent et Bastia. Paoli cherche appui auprès des Britanniques qui envoient Sir Gilbert Elliot, accompagné de conseillers militaires, en janvier 1794. Bientôt, des forces britanniques assiègent et occupent Saint-Florent (février), Bastia (avril-mai), et Calvi (juin-août). Les patriotes et les députés, réunis en consulte à Corte le 10 juin 1794, proclament le Royaume Anglo-Corse, promulgue sa Constitution et élèvent Paoli au rang de Babbu di a Patria (« père de la Patrie »).
Pourtant, Sir Gilbert est désigné vice-roi, au mécontentement de Paoli. Ce dernier soulèvera alors une émeute en 1795 dirigée contre Sir Gilbert et Pozzo di Borgo. Mais il est rappelé en Grande-Bretagne où il s'exile le 13 octobre 1795. En avril 1796, des émeutes provoquées par le parti républicain éclatent, Sir Gilbert reçoit l'ordre d'évacuer la Corse. Des troupes de l'armée napoléonienne d'Italie occupent par la suite l'île sans rencontrer d'opposition.

Premier Empire

Portrait de Napoléon Bonaparte (Ingres), il est né le 15 août 1769 à Ajaccio et deviendra empereur des Français en 1804.
En 1796, l'organisation des départements du Golo et du Liamone créés trois ans auparavant est confiée à Christophe Saliceti.
En 1798, le clergé déclenche la Révolte de la Crocetta dans le nord de l'île. En décembre, une coalition de Corses exilés, royalistes, paolistes et pro-britanniques, suscitent un soulèvement au Fiumorbu avec l'appui de la Sardaigne et de la Russie. Les répressions sont sévères.
En 1801, Napoléon suspend la Constitution en Corse. Il y envoie Miot de Melito comme administrateur général. Celui-ci mettra en place des concessions fiscales, les Arrêtés Miot. Ensuite, le général Morand gouverne l'île avec une dureté extrême. Le Décret impérial mis en place en 1810 permet de nouveaux dégrèvements fiscaux. Puis l'île est réunie en un seul département, avec Ajaccio pour le chef-lieu. Le général Morand est alors remplacé par le général César Berthier, frère du futur maréchal Louis-Alexandre Berthier.
L'exil de Napoléon à l'île d'Elbe provoquera des réjouissances à Ajaccio. Bastia accueillera alors des troupes britanniques commandées par le général Montrésor. En mars et avril 1815, des agents de Napoléon envoyés de l'île d'Elbe réussissent à s'imposer en Corse. Durant les Cent-Jours, l'île est administrée par le Duc de Padoue. En février 1816 a lieu un dernier soulèvement bonapartiste, la guerre du Fiumorbo, mené par le Commandant Poli. Malgré leur importance et leur résolution, et après une farouche résistance, les partisans de Napoléon, pourtant invaincus, mais assurés de l'amnistie générale, quittent la Corse.

Second Empire

Sous le Second Empire, la famille Abbatucci originaire de village de Zicavo obtient tous les pouvoirs de Napoléon III pour ce qui concerne le développement économique de la Corse.
Jacques Pierre Abbatucci, ancien député de la Corse puis du Loiret sous la Monarchie de Juillet et ancien magistrat à la cour de cassation, est un proche de l’Empereur. Le dix août 1849, il est chargé officiellement par Louis Napoléon Bonaparte, alors Président de la République, d’un rapport sur les besoins de la Corse, et du suivi des dossiers relatifs à l’île auprès des différents ministères concernés, ce qui en fait le premier « Monsieur Corse » de l’histoire. Après le coup d'État du 2 décembre 1851, il est nommé garde des sceaux puis élevé à la dignité de Sénateur lors du retour de l'Empire. Il gardera ces titres jusqu'à sa mort en 1857. Conseiller officiel de l’Empereur, il préside le Conseil des ministres lors de ses absences, la fonction de premier ministre n'existant pas sous le second Empire. Ses fils Charles et Séverin seront députés de la Corse de 1849 à 1881 (de 1849 à 1851, et de 1872 à 1881 pour Charles ; de 1852 à 1871 pour Séverin).
On peut donc associer le nom des Abbatucci à une grande partie des immenses progrès réalisés en Corse sous le second Empire : la création de plus de 2 000 km de routes et l'exploitation des forêts, l’interdiction du port d’armes, l’interdiction du libre parcours du bétail, l’installation du télégraphe et du premier courrier maritime postal, l’assèchement de marais, la délimitation des forets domainiales et communales, la construction des palais de justice de Bastia et d'Ajaccio, la création du canal de la Gravona, le développement de l'industrie minière et du thermalisme, la création des comices agricoles et des pénitenciers agricoles de Casabianda, Casteluccio et Coti-Chiavari, l'aménagement des ports de Bastia et d'Ajaccio, l’institution d’un vice-rectorat, la création de l’école normale d’institutrices, l’ouverture d’une Caisse d’Epargne à Ajaccio, etc.

Époque contemporaine

Première Guerre mondiale

48 000 hommes sont mobilisés en Corse, outre les 9 000 hommes déjà sous les drapeaux au moment où le conflit éclate. Ce chiffre relativement élevé s'explique par un décret spécial à la Corse qui mobilise les pères de familles de plus de 3 enfants, affectés à la défense passive de l'île[réf. nécessaire].
C'est ainsi que, dans le Monde du 31 août 2000, Michel Rocard écrivit "Il faudrait tout de même se rappeler que, pendant la guerre de 1914-1918, on a mobilisé en Corse, ce qu'on n'a jamais osé faire sur le continent, jusqu'aux pères de six enfants"[réf. nécessaire].
De plus, l'île a le statut de « place forte », qui prévoit la mise sur le pied de guerre de l'armée territoriale et de sa réserve, qui comprennent de soldats plus âgés (37 ans au minimum et 48 ans au maximum). La mission de l'infanterie territoriale comprend en effet notamment la protection des côtes et places fortes, ainsi que le soutien aux autres troupes, mais non l'engagement en première ligne. Toutefois, dans la confusion des premiers mois de guerre, des centaines de soldats plus âgés sont engagés sur le front continental, ce qui engendre très tôt des protestations de la population et des élus insulaires.
Après la guerre, il sera longtemps affirmé que le nombre de tués aurait été de 30 000, voire 40 000. Ce chiffre élevé est tout à la fois dans l'intérêt des courants « jacobins », qui pensent ainsi démontrer l'engagement des corses pour le drapeau français, et des courants « nationalistes », qui affirment quant à eux que la France aurait réservé un sort défavorable aux soldats corses, en les exposant en première ligne.
Jean-Paul Pellegrinetti et Georges Ravis-Giordani estiment que le nombre de corses morts au cours de cette guerre est compris entre 10 000 et 12 000 soldats insulaires10. Le nombre officiel de corses nés dans l'île morts pour la France est de 9 751, d'après le site SGA-Mémoire des hommes qui recense les "morts pour la France".
Quoi qu'il en soit, en 1919, il n'y avait plus assez d'hommes valides en Corse pour reprendre les exploitations agricoles. Les tout jeunes n'ont pas eu le temps de recevoir la transmission des savoir-faire. C'est ainsi qu'ils sont devenus postiers et douaniers.
Parmi les combattants corses de la Marne, de Verdun et des autres batailles meurtrières, se sont illustrés : le 173e régiment de ligne "Aio Zitelli", le général Grossetti et les aviateurs Jean Casale et Jean-Paul Ambrogi.
L'arrivée irrégulière des bateaux entraîne de graves problèmes de ravitaillement : le pain, le sucre, le pétrole sont rationnés. La pénurie est aggravée par l'hébergement de 2 000 prisonniers de guerre allemands, cantonnés dans les couvents et pénitenciers, puis utilisés comme main-d'œuvre dans les campagnes. De plus, la Corse devient une terre d'asile pour les réfugiés (4 000 Serbes et Syriens). Les corses ont parfois le sentiment que les ravitaillements sont prioritairement accordées au réfugiés, au détriment des populations locales. Pour subvenir aux besoins de la population, les terres abandonnées à la friche sont remises en culture suivant les pratiques traditionnelles. En septembre 1918, la grippe espagnole ravage certains villages et oblige le préfet à prendre des mesures pour limiter l'épidémie (cercueil plombé, ensevelissement profond).
Le torpillage du navire le Balkan, fit 417 victimes, dont un certain nombre de permissionnaires corses.
L'armistice de 1918 est accueilli dans l'allégresse et l'anxiété du retour des blessés. Des souscriptions locales permettront d'élever dans chaque village des monuments en l'honneur des morts. En 1933, la Borne de la Terre sacrée est inaugurée à Ajaccio. Ces pertes humaines affecteront durablement la vitalité de l'île, ce qui accentuera le déclin économique.

Seconde Guerre mondiale

Le 30 novembre 1938, l'Italie fasciste prétend annexer Nice, la Savoie et la Corse. Le serment de Bastia du 4 décembre 1938, prononcé par Jean Baptiste Ferracci devant 20 000 personnes lui répond en réaffirmant l’attachement de la Corse à la France et le rejet de l’irrédentisme mussolinien : « Face au monde, de toute notre âme, sur nos gloires, sur nos tombes, sur nos berceaux, nous jurons de vivre et de mourir français ». Dès le lendemain des comités antifascistes sont créés à Ajaccio et Bastia. À Paris les étudiants corses défilent aux cris de « La Corse contre le fascisme ! », « À mort Mussolini ! ». Après la défaite et l'armistice du 22 juin 1940, la Corse est rattachée à la zone libre jusqu’en 1942. L'autorité du Régime de Vichy se met en place et la propagande irrédentiste s'amplifie.
En Allemagne, les prisonniers de guerre corses sont réunis au Stalag V-B, confiés aux Italiens.
Deux réseaux de résistance s'organisent :
  • le réseau représenté par la mission secrète Pearl Harbour arrivé d'Alger le 14 décembre 1942 par le sous-marin Casabianca avec ses premiers agents, Toussaint et Pierre Griffi, Laurent Preziosi, et leur chef de mission Roger de Saule. Ils assureront la coordination politique des différents groupes de résistance qui se fonderont dans le Front national (avec notamment ses premiers responsables, Arthur Giovoni, Jean Nicoli, Jules Mandoloni, André Giusti, Dominique Luchini dit Ribellu).
  • le réseau R2 Corse, en liaison avec les Français libres du général de Gaulle et dirigé par Fred Scamaroni. Dans sa tentative vaine d'unification des mouvements à son arrivée en janvier 1943, il sera ensuite capturé, torturé et se suicidera le 19 mars 1943.
L'unification militaire sera menée à bien par le second chef de la mission Pearl Harbour, Paulin Colonna d'Istria.
À la suite du débarquement américain en Afrique du Nord, l'Allemagne occupe le 11 novembre 1942 la zone libre, rompant l'armistice de 1940. Le même jour, les troupes italiennes occupent la Corse, à raison de 85 000 soldats pour 220 000 habitants. En juin 1943, s'y joindront 12 000 Allemands. Avec un occupant pour deux habitants, on réquisitionne, jusque dans le moindre village, des maisons et une partie du ravitaillement. Le 14 novembre, le préfet rappelle la souveraineté française et qualifie les troupes d'opération de troupes d'occupation.
Monument commémoratif sur la plage de Solaro (plaine orientale)
La contre-propagande active (tracts sur ronéo, journaux clandestins) apporte le soutien de la population, ce qui permet à certains patriotes de se cacher dans le maquis. À partir de décembre 1942, la résistance est aidée depuis Alger : de l'armement est acheminé par parachutage et par les missions du sous-marin Casabianca dirigé par le Commandant Jean l'Herminier. Attentats et coups de main contre les Italiens engendrent arrestations et exécutions (notamment Jules Mondoloni, Jean Nicoli, Pierre Griffi, etc.).
Article détaillé : Libération de la Corse.
Le 3 septembre 1943, un armistice, rendu public le 8, est signé entre l'Italie et les Anglo-Américains. Les Allemands se renforcent à Bastia pour assurer l'évacuation vers l'Italie de leurs troupes de Sardaigne, en remontant la Corse de Bonifacio à Bastia. Le 8 septembre 1943, les Corses se soulèvent. Le commandant Colonna d'Istria envoie un ultimatum au général Magli commandant les troupes d'occupation italiennes en Corse, le sommant de choisir son camp. Ce dernier, après quelques hésitations, choisira définitivement le camp des Alliés à partir du 11. Le Comité de libération occupe la préfecture d'Ajaccio et contraint le préfet de Vichy à signer le ralliement de la Corse au Comité français de la Libération nationale, le CFLN, sous la menace, un résistant lui ayant préalablement mis le canon de son arme dans la bouche. À Bastia, les Italiens ouvrent le feu contre des avions et des navires allemands. Le 9, les résistants corses, appuyés par les divisions italiennes Cremona et Friuli, neutralisent les éléments fascistes. À partir du 11, le général Giraud envoie de son propre chef des bataillons de choc commandés par Gambiez augmentés de renfort reposant sur plusieurs milliers de goumiers et tirailleurs marocains. Il en informe le CFLN qui est réservé sur cette initiative, craignant le noyautage de l'île par les communistes du mouvement Front national. Le 14 septembre, le nouveau préfet de Corse nommé par le CFLN, Charles Luizet, arrive sur l'île. Le 17, le général Henry Martin rencontre le général italien Magli à Corte afin de coordonner les mouvements des troupes alliées et italiennes. Le 21, Giraud arrive en Corse. Sartène est définitivement libérée le 22. Le 23, les troupes de choc et les patriotes atteignent Porto-Vecchio. Les troupes marocaines prennent le col de San Stefano le 30 septembre puis le col de Teghime le 3 octobre11. Ils rejoignent ensuite les patriotes pour harceler les troupes allemandes le long de la plaine orientale. Ces dernières détruisent ponts routiers et chemin de fer pour protéger leur retraite et, dans la nuit du 3 au 4 octobre, évacuent Bastia. À 5 heures du matin, le capitaine Then entre dans Bastia déjà libre, à la tête du 73e goum du 6e tabor.
Le 5 octobre, la Corse devient donc le premier département de France métropolitaine libéré, après le soulèvement de la population et par l'action conjointe des résistants corses, des Italiens et de quelques éléments de l'Armée d'Afrique, et sans intervention des Anglo-américains qui débarquent en Italie à la même époque. Le 8 octobre 1943 à Ajaccio, le général de Gaulle s'exclame : « La Corse a la fortune et l'honneur d'être le premier morceau libéré de la France ». L'île devient une base pour la poursuite des opérations en Italie puis pour le débarquement en Provence (août 1944) et aura un surnom, l'USS Corsica.
Nul ne nie la prépondérance du débarquement en Normandie, dans l'optique de la victoire finale, mais la libération de la Corse (surtout grâce aux opérations de harcèlement, permettant d'empêcher le rapatriement des matériels et des hommes en temps voulu sur le port de Bastia, ce qui contraignit les Allemands à brûler la quasi-totalité des véhicules dans les rues allant du port de commerce à la gare, et dévasta un quartier de la ville) empêcha les troupes allemandes de prendre à revers les Alliés en Italie.

Guerre d'Algérie

À partir de 1957, 15 000 à 20 000 rapatriés venus d'Afrique du Nord se sont installés en Corse, soit environ 9 % de la population autochtone. Les événements d'Aléria sont en partie liés à la présence de pied-noirs dont certains, pas forcément les plus nombreux, surent se rendre insupportables auprès des Corses, par des paroles méprisantes. Ceux-là sont partis et il reste des pieds-noirs qui, sans oublier leurs racines, se sont intégrés à la société corse. Ce qui insupporta les insulaires fut de se voir refuser des prêts, en vue de l'acquisition de terres, et de constater que l'on prêtait pour l'achat de ces mêmes terres à cette population nouvellement débarquée et qui, de par son ampleur, fut perçue comme un envahissement.

Événements d’Aléria

Durant le mois d'août 1975, lors du congrès de l'Action régionaliste corse (ARC) à Corte, les propos de son leader Edmond Simeoni inquiètent le préfet de Corse qui prévient le 17 août sa hiérarchie d'une prochaine action d'éclat du mouvement. Le choix des responsables politiques du mouvement se porte sur un site agricole, dans un contexte de soupçons d'escroquerie quant à la fabrication et la commercialisation du vin par les rapatriés d'Algérie12. Simeoni l'a promis aux militants les plus radicaux, dont Pierre Poggioli, Léo Battesti ou Alain Orsoni, récemment exclus de l'ARC, mais invités au congrès : rendez-vous à Aléria le 21 août13.
Le 21 août 1975, une douzaine d'hommes occupent la ferme d'un viticulteur pied-noir d'Aléria, Henri Depeille. Sous la direction d'Edmond Simeoni et de son frère Max, ils entendent dénoncer le régime fiscal et financier dérogatoire dont bénéficieraient les producteurs récemment arrivés, au détriment des producteurs insulaires de souche. Ils dénoncent également l'attribution de terres agricoles insulaires à ces agriculteurs au détriment des producteurs locaux, ainsi expropriés de la terre de leurs ancêtres. La principale dénonciation est celle de la chaptalisation qui devenue excessive permet de faire des vins qui ne méritent plus ce nom. Les militants renvoient la famille Depeille, et prennent en otage quatre travailleurs immigrés (en leur versant tout de même leur salaire de la journée)12. La cave Depeille a été choisie plutôt que celle d'Infantes à Borgo, parce que l'une n'est pas gardée et l'autre oui. Le premier groupe, armé de fusils de chasse, est rejoint par d'autres militants au cours de la journée, accompagnés d'armes de poing13 - et aussi au moins d'un fusil mitrailleur12. Le responsable militaire est Marcel Lorenzoni13.
Michel Poniatowski, ministre de l'Intérieur, alors premier représentant du gouvernement (le président Giscard d'Estaing et le premier ministre Chirac étant en vacances) annonce « un commando d’hommes armés de fusils mitrailleurs, et commandé par le docteur Edmond Simeoni, s’est emparé ce matin, avec des personnes à l’intérieur [...] ». Il mobilise en réaction 1 200 gendarmes mobiles, les CRS, des hélicoptères, une frégate de la marine nationale et même des blindés, principalement utilisés pour restreindre l'accès au site. La route nationale est barrée par les troupes des forces de l'ordre, qui empêchent d'autres militants de rejoindre les Simeoni. Seuls quelques dizaines d'hommes, gendarmes et CRS, cernent directement la cave, appuyés par des blindés de la gendarmerie12.
De leur côté, les militants exhibent les otages. L'assaut est donné le 22 août : un militant a le pied arraché par une grenade lacrymogène, deux gendarmes sont tués dans des circonstances non déterminées officiellement à ce jour. Afin de gagner du temps, le commando déguise certains de ses membres pour les faire passer pour touristes retenus en otage13. Afin d'éviter un drame plus important, Edmond Simeoni se rend le même jour avec certains de ses camarades. D'autres militants, refusant la reddition, réussissent à prendre la fuite par les vignes ou par la route13. Simeoni et ses amis sont libres toutefois de rentrer chez eux. Durant la nuit, de violents affrontements éclatent dans Bastia. La ville est alors sous état de couvre-feu et occupée par les blindés et les gendarmes mobiles. L'ARC est dissoute le 27 août, par décision du conseil des ministres ; dans l'émeute qui suit à nouveau à Bastia, un CRS est tué par un militant nationaliste. Edmond Simeoni est condamné en 1976 à cinq ans de prison, dont trois avec sursis ; ses compagnons à des peines plus légères ; Depeille et d'autres viticulteurs sont poursuivis pour infractions aux lois sur les sociétés et banqueroute. En mai de la même année, quelques semaines après la condamnation de Simeoni, des indépendantistes, dont d'anciens membres du commando d'Aléria, annoncent la création du Front de libération nationale corse, en lançant la première Nuit bleue corse : cette crise a marqué le point de départ du durcissement du nationalisme corse12, contrairement à ce qu'espérait Simeoni13.

Voir aussi

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Notes et références

  1. Bonifay 1998, p. 37 - 38
  2. Salotti 2008, p. 31
  3. Costa 2004, p. 215 – 216
  4. Strabon, Géographie [archive], livre V, chapitre II, 7.
  5. a, b et c Xavier Poli in La Corse dans l'Antiquité et dans le Haut Moyen Âge Librairie Albert Fontemoing Paris 1907 [archive]
  6. René Cagnat in Étude sur les cités romaines de la Tunisie, dans le Journal des Savants, année 1896, p. 406
  7. Bourg ou village qui était situé sur un cap qui porte son nom, capo di Casa Barbarica, à 9 lieues d'Ajaccio. Les Sarrazins s'étaient emparés du lieu et l'avaient fortifié. Ce lieu s'est appelée Domus Barbarica et Marianum ou promontorium Marianum.
  8. Philippe Pergola, Daniel Istria, S. P. P. Scalfati, Antoine-Marie Graziani, A. Venturini, 2013, Moyen-Âge, in Graziani A.-M. (dir.), Histoire de la Corse, volume 1 – Des origines à la veille des révolutions (occupations et adaptations), Éditions Alain Piazzola, Ajaccio, p. 213-491
  9. [1] [archive] Colonna de Cesari Rocca in Histoire de Corse - Ancienne Librairie Furne - Boivin & Cie, Éditeurs Paris 1916 - p. 35
  10. Jean-Paul Pellegrinetti et Georges Ravis-Giordani, "Les monuments aux morts de la première guerre mondiale en Corse", Cahiers de la Méditerranée, 81-2010, p. 239-251
  11. Domique Lormier, C'est nous les Africains, Calmann-Lévy, 2006, p. 171
  12. a, b, c, d et e Philippe Boggio, « Comment l'occupation d'Aléria en 1975 a mené à la création du FLNC », Slate,‎ 29 août 2015 (lire en ligne [archive]).
  13. a, b, c, d, e et f Christophe Forcari et Marc Pivois, « Aléria, mémoire violente de la Corse », Libération,‎ 20 août 2005 (lire en ligne [archive]).

Bibliographie

  • Antoine Laurent Serpentini (dir.), "Dictionnaire historique de la Corse", Ajaccio, Albiana, 2006.
  • Michel Vergé-Franceschi, Histoire de Corse, pays de la grandeur, Éditions du Félin, Paris, 2010
  • Michel Vergé-Franceschi, Pasquale Paoli, un corse des Lumières, Fayard, juin 2005
  • Antoine-Marie Graziani, Histoire de Gênes, Fayard, mars 2009
  • Antoine-Marie Graziani, Le Roi Thédodore, Tallandier, juin 2005
  • Antoine-Marie Graziani, Pascal Paoli, père de la patrie corse, Tallandier, mai 2004
  • (en) Julia Gasper, Theodore von Neuhoff, king of Corsica. The man behind the legend. University of Delaware Press, novembre 2012
  • Marc de Cursay, Corse, la fin des mythes, éditions Lharmattan, 2008, 306 p
  • Colonna de Cesari-Rocca et Louis Villat, Histoire de Corse - Ancienne Librairie Furne Paris Boivin & Cie Éd. 1916
  • Marc-Antonio Ceccaldi et Anton Pietro Filippini, Histoire de la Corse 1464-1560 - Édition bilingue français-italien - Traduction d'Antoine-Marie Graziani, 4 janvier 2007, Édition Alain Piazzola
  • Jean-Marie-Arrighi et Olivier Jehasse, Histoire de la Corse et des Corses, Colonna édition et Perrin, 2008
  • Daniel Arnaud, La Corse et l'idée républicaine, L'Harmattan, 2006
  • Toussaint Griffi et Laurent Preziosi, 1re mission en Corse occupée : avec le sous-marin Casabianca, Éditions L'Harmattan 1988
  • Francis Pomponi (dir.), Le Mémorial des Corses, 7 volumes, Le Mémorial des Corses, Ajaccio, 1981
  • D. Binder et J. Guilaine, Radiocarbone et processus de la néolithisation en Méditerranée centrale et occidentale, rapport
  • Histoire de la Corse, Collection « Que sais-je ? », PUF
  • René Santoni, Jacques Pierre Charles Abbatucci, de Zicavo aux arcanes du pouvoir sous le second Empire
  • Pierre Antonetti, Histoire de la Corse, Robert Laffont
  • Jean-Ange Galetti, Histoire illustrée de la Corse, Jeanne Lafitte
  • Jean-Victoir Angelini, Histoire secrète de la Corse, Albin Michel,
  • Janine Renucci, La Corse, Collection « Que sais je ? », PUF, Paris, 2001 (6e édition)
  • Laurent-Jacques Costa, Corse préhistorique, Éditions Errance, Paris, 2004
  • Laurent-Jacques Costa, Questions d'économie préhistorique. Modes de vie et échange en corse et en Sardaigne, Éditions du CRDP, Ajaccio, 2006
  • Laurent-Jacques Costa, Monuments préhistoriques de Corse, Éditions Errance, Paris, 2009
  • Charles de Peretti, La Corse face à Gênes, entre féodalité et modernité, Colonna édition, 2008
  • Desideriu Ramelet, Stuart of Corsica, l'origine dévoilée, éditions stuart of corsica, 2010
  • Stéphane Massiani (préf. Vice-Amiral d’Escadre (2e S) de Lachadenede, Membre de l’Académie du Var), La Corse … et ses merveilles, Ollioules, Grand Large Ėditions, 1985, 200 p.
  • [Bonifay et al. 1998] Eugène Bonifay, Yannis Bassiakos, Marie-Françoise Bonifay, Antoine Louchart, Cécile Mourer-Chauviré, Elisabeth Pereira, Yves Quinif et Michèle Salotti, « La grotte de la Coscia (Rogliano, Macinaggio) : Étude préliminaire d'un nouveau site du Pléistocène supérieur de Corse », Paléo, Société des amis du Musée national de préhistoire et de la recherche archéologique, no 10,‎ 1998, p. 17-41 (ISSN 1145-3370, lire en ligne [archive])
  • [Salotti et al. 2008] (en) Michelle Salotti, Antoine Louchart, Salvador Bailon, Sophie Lorenzo, Christine Oberlin, Marie-Madeleine Ottaviani-Spella, Elisabeth Pereira et Pascal Tramoni, « A Teppa di U Lupinu Cave (Corsica, France) – human presence since 8500 years BC, and the enigmatic origin of the earlier, late Pleistocene accumulation », Acta Zoologica Cracoviensia - Series A: Vertebrata, Institute of Systematics and Evolution of Animals, Polish Academy of Sciences, no 51,‎ 2008, p. 15-34 (ISSN 1895-3123, DOI 10.3409/azc.51a_1-2.15-34, lire en ligne [archive])
  • [Costa 2004] Laurent Jacques Costa, « Nouvelles données sur le Mésolithique des îles Tyrrhéniennes (Corse et Sardaigne) », Gallia Préhistoire, CNRS, no 46,‎ 2004, p. 211 – 230 (ISSN 0016-4127, lire en ligne [archive])

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Théodore de Neuhoff

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Théodore Ier
Théodore Ier, mezzotinte de Johann Jakob Haid, vers 1740.
Théodore Ier,
mezzotinte de Johann Jakob Haid, vers 1740.
Titre
13 avril 1736septembre 1738
(2 ans et 5 mois)
Couronnement
13 avril 1736,
dans le monastère de Valle-d'Alesani
Premier ministre
Sebastiano Costa, Grand Chancelier, Secrétaire d'Etat et Garde des Sceaux
Prédécesseur
Aucun
Successeur
Aucun
Biographie
Nom de naissance
Théodore Nicet Henri Etienne de Neuhoff
Date de naissance
Lieu de naissance
Date de décès
11 décembre 1756 (à 62 ans)
Lieu de décès
Père
Léopold Guillaume Ley von Pungelscheid, baron de Neuhoff
Mère
Maria-Catharina von Neyssen
Conjoint
Enfants
Pas d'enfant reconnu
Héritier
Aucun
Résidence
Ancien palais épiscopal de Cervione
Théodore Nicet Henri Étienne de Neuhoff, né le 27 août 1694 à Cologne et mort le 11 décembre 1756 à Londres, est un militaire, diplomate et homme politique originaire de Westphalie, élu roi constitutionnel des Corses le vendredi 13 avril 17361, sous le nom de Théodore Ier.

Sommaire

Problématique et contexte historique

Théodore de Neuhoff fait l'objet d'une bibliographie abondante, largement fantaisiste et le plus souvent à charge. Cette historiographie tend à placer le personnage en marge de l'histoire et à faire de son couronnement un événement pittoresque témoignant de l'immaturité des Corses.
Ce propos largement développé par le chanoine André Le Glay et abondamment repris depuis, fait l'impasse sur une double problématique exposée il y a près de quarante ans par Fernand Ettori. La première est qu’il était impossible de prêter « aux Corses une naïveté de sauvages éblouis par quelques canons de fusils et quelques bottes turques, tandis que les chefs s’émerveillent du vin de Tunis et des tasses de chocolat offertes par le baron » ; de même qu’il est difficile d’admettre que l’arrivée de Théodore en Corse ait été ce « miracle du ciel célébré par le bon chanoine Albertini, curé de Piedipartini2» et non le résultat d’une négociation préalable avec les chefs ; la seconde étant la nature des appuis dont il aurait pu disposer parmi les puissances de l’époque3.

Contexte insulaire

L'élection de Théodore de Neuhoff se situe dans le contexte général de la "Révolution de quarante ans" des Corses contre la République de Gênes (1729-1769). Son rôle politique se situe principalement dans la phase de la seconde insurrection (1734-1740). Il continue cependant à jouer un rôle dans la vie politique insulaire et dans les relations internationales jusqu'à la fin de la troisième phase vers 1748.
La révolution des Corses contre Gênes s'ouvre sur une émeute populaire antifiscale issue de la conjonction de problèmes agraires et de conflits interrégionaux4. Le déclencheur de la révolte fut la prolongation d'une taxe compensant la vente des patentes d'armes, les due Seini, qui devait en principe arriver à son terme cette même année. Mal vécue pour la charge qu'elle représentait dans un contexte de mauvaises récoltes, le prolongement de cette imposition revêtait en outre un caractère politique dans la mesure où l'abrogation de la vente des patentes d'armes, qui avait été demandé par les notables insulaires pour améliorer la sécurité, n'avait été obtenue qu'au prix de l'instauration de la dite taxe pour compenser la perte de revenu de la vente des patentes. Or, non seulement, cette mesure n'avait pas produit les effets escomptés mais les fonctionnaires génois continuaient à vendre des patentes d'armes et même les armes confisquées, faisant ainsi de cet impôt un symbole de l'incurie et de la malhonnêteté de l'administration génoise.
Les premières émeutes s'étendirent en novembre 1729, dans la région du Boziu, gagnent la Castagniccia où elle se transforment en insurrection armée à partir du soulèvement du Poggio de Tavagna (l'un des villages qui forment aujourd'hui la commune de Poggio-Mezzana) du 30 janvier 1730 dans laquelle sont impliqués des proches de Luigi Giafferi, principale figure de la chambre des représentants insulaires - les Nobles XII - qui censés seconder le gouverneur, avaient refusé d'approuver la prolongation des due seini. Saint-Florent et Algajola sont alors attaquées. Luigi Giafferi, Andrea Ceccaldi et l'abbé Raffaelli sont élus généraux de la Nation Corse, constituent une armée qui envahit la ville basse de Bastia, assiège la citadelle et provoque l'effondrement de la domination génoise dans l’intérieur de l'île.
Gênes fit alors appel aux troupes de l'empereur Charles VI, qui intervinrent - en accord avec la France et les principales puissances - pour rétablir l'autorité de la République de Gênes sur la base de concessions aux revendications insulaires. Les propositions génoises étant aux antipodes de celles formulées par les représentants des insurgées, les troupes autrichiennes entrèrent en campagne. À la suite d'échecs successifs, les troupes impériales reçurent un renfort massif placé sous la conduite le commandement du prince de Wurtemberg. Écrasés par une puissance largement supérieure, les chefs insulaires durent capituler et se rendre prince de Wurtemberg qui les remis aux Génois. En dépit de ce qui avait été convenu sous le sceau de la garantie impériale, les chefs furent emprisonnés dans la forteresse de Savone en octobre 1732. Libéré sous la pression de l'Empereur, ils prirent le chemin de l'exil en attendant le départ d'une nouvelle insurrection rendue inéluctable par l'entêtement des Génois à ne rien concéder, insurrection qui reprit effectivement au cours de l'année 1734.
C'est dans l'intervalle entre l’emprisonnement des chefs et la reprise de l’insurrection que Neuhoff, qui se trouve à Gênes, se passionne pour la cause insulaire et rentre en contact avec des Corses opposés à la République ligure.

Contexte international

La participation de Théodore de Neuhoff à la révolution corse de 1729-1769 se déroule sur fond des opérations militaires de la guerre de succession de Pologne (1733-1738), de la guerre de succession d’Autriche (1740-1748) en Italie et de la paix relative de 1738-1740, celles de la guerre de l'oreille de Jenkins, conflit maritime qui opposa la Grande-Bretagne à l’Espagne entre 1739 à 1748.
De 1736 à 1740, l’ensemble des puissances condamnent unanimement le couronnement de Théodore et la proclamation d'un royaume indépendant de Corse, comme une atteinte inacceptable aux droits de la République de Gênes. Mais il s'agit là d'une position de principe. Dans la réalité, l’évènement est reçu avec des arrières-pensées variables en fonctions des intérêts des uns et des autres. La perspective d’une Corse indépendante ouverte à leur commerce intéresse la Grande-Bretagne et les Provinces-Unies, la première y voyant en outre en la baie de Calvi une escale favorable face aux ports français de Toulon et Marseille. L’Empereur Charles VI et son gendre François de Lorraine, bien que l’Espagne soit alliée de la France, Philippe V, et surtout Elisabeth Farnese tient à garder de bons rapports avec les Corses au cas où l’opportunité d’attribuer la couronne de Corse à l’un des fils se présenterait. L’événement est enfin attentivement suivi par le Roi de Sardaigne de la maison de Savoie Charles-Emmanuel III, rival naturel de la République de Gênes pour ses débouchés maritimes et continentaux.
Ces arrière-pensées apparaissent au grand jour lors de la tentative de retour de Théodore en 1739 avec l'appui quasi officieux des Provinces-Unies, et la protection bienveillante du roi de Naples d'alors (le futur Charles III d'Espagne), et plus encore lors de la période 1742-1748 avec la tentative de retour de Théodore sur la flotte anglaise, puis l’intervention conjointe des troupes sardes et autrichiennes en Corse avec l’appui de la flotte britannique.
 Autant de raisons qui conduisirent la monarchie française à exiger et à faire en sorte que la Corse reste formellement sous la domination génoise.

Biographie

Ascendance et famille

Théodore Nicet Henri Étienne de Neuhoff est né à Cologne le 27 août 1694.
Du côté paternel, il est le fils de Léopold Guillaume Ley von Pungelscheid, baron de Neuhoff, capitaine dans le régiment de Prusse de l’électeur de Brandebourg, issue d'une famille de "bonne et ancienne noblesse" de Westphalie. Léopold est le frère du lieutenant-colonel impérial Friedrich Caspar Freiherr von Neuhoff, commandant la place de Rheinfelden5.
Du côté maternel, il est le fils de Maria-Catharina von Neyssen6, née au Luxembourg, fille d’un homme que l’évêque de Metz qualifie de « distingué en sa province »7. Parmi les membres de cette dernière famille, l'on relève les noms de sa sœur, Marguerite Felicite de Neyssen, épouse de Monsieur de Mathias, capitaine de cavalerie et commissaire d'artillerie au service de sa majesté catholique8, et de son neveu, Alexandre Maximilien de Neyssen (v.1693 † 1763), lieutenant-colonel d’infanterie, chevalier de Saint-Louis, capitaine des grenadiers du régiment de La Mark, pensionnaire du roi9.
Théodore Nicet Henri Étienne de Neuhoff est le frère de Marie Anne Élisabeth Charlotte de Neuhoff, née à Namur 28 février 1696, comtesse de Trévoux par son mariage avec André de Bellfeuillac comte de Trévoux, premier cornette des chevaux légers de Bretagne, conseiller au parlement de Metz. Théodore est le parrain du neveu issu du mariage de sa sœur avec le comte de Trévoux, Théodore Hyacinthe de Trévoux, aux côtés de sa marraine, dame Marie Hyacinthe Danois, épouse de Jean Philippe de Saillant, lieutenant général des armées du roi et gouverneur des trois évêchés de Metz Toul et Verdun et gouverneur de la ville et citadelle de Metz »10.

Jeunesse

Son père, le capitaine Léopold Guillaume Ley von Pungelscheid, baron de Neuhoff, meurt en 1695. Sa mère, Maria-Catharina von Neyssen, épouse en secondes noces, Jean-Baptiste-Benoist Marneau (ou de Marneau), trésorier provincial de l'extraordinaire des guerres au département de Metz directeur et receveur général des Fermes et gabelles au département de Metz et du Clermontois, fils de monsieur de Marneau, trésorier provincial des Évêchés, Le couple vit à Metz, où Marneau exerce sa charge au moins jusqu’en 1710.
Théodore aurait été placé dans sa première jeunesse auprès de son oncle paternel, le baron von Drost qui lui fait suivre une scolarité chez les jésuites de Munster.
Le couple Marneau étant proche de la duchesse d'Orléans dite princesse palatine qui se déclare leur "bonne amie" dans la correspondance qu'elle entretient avec eux, Théodore et sa sœur sont respectivement reçus comme page et demoiselle de compagnie au service de la duchesse.
Satisfaite de son protégé, la duchesse le fait entrer en 1712 au régiment La Mark-cavalerie11, dit "régiment de Courcillon"12, puis le 1er mai 1714, à l'issue de la guerre de succession d'Espagne, au service de l'électeur de Bavière, avec le grade de premier capitaine au régiment de cuirassiers de Tauffkirchen13.

Apprentissage politique et diplomatique

Cette première phase de la vie de Théodore de Neuhoff le met en contact avec le prétendant, Jacques François Stuart dont il épouse la cause. En 1715, il quitte le service de la Bavière pour participer à la tentative de rétablissement des Stuart, soutenue plus ou moins officieusement par l’Espagne et la France. Il s'embarque avec le prétendant, dit « chevalier de Saint-Georges », avec le rang de lieutenant-colonel, et débarque avec lui au nord d'Aberdeen. La défaite des Jacobites lors de la bataille de Sheriffmuir le ramène en France14.
Vers 1716 à 1718, cet engagement le conduit à entrer au service de la diplomatie suédoise au côté du baron Georg Heinrich von Görtz, premier ministre de Charles XII de Suède, alors en mission aux Provinces-Unies, où il négocie la paix auprès des différents pays dont la Russie, et prépare des accords avec l'Espagne et les jacobites écossais en faveur du rétablissement de la dynastie des Stuart.
Neuhoff se trouve en mission en Espagne auprès du cardinal Jules Alberoni, ministre de Philippe V qui soutient la cause Jacobite, lorsqu'à la mort de Charles XII, Görtz, tombé en disgrâce, est arrêté et décapité le 12 mars 1719. Alberoni le fait alors entrer au service de l'Espagne.
La défaite espagnole devant les puissances coalisées lors de la guerre de la Quadruple-Alliance entraine le renvoi du ministre en décembre 1719. Théodore de Neuhoff demeure cependant au service de l'Espagne sous les ordres du successeur d'Alberoni, le duc de Ripperda, dont la politique le met au contact des milieux de la diplomatie impériale.
Bien en cours à Madrid, Neuhoff a pour rang colonel. Il y épouse une dame de compagnie de la reine Elizabeth Farnèse, Doña Catalina Sarsfield, une réfugiée catholique irlandaise, fille de Lord Kilmallock et parente du Duc d’Ormonde, jacobite réfugié à Madrid. En 1720, Neuhoff se rend en permission à Paris pour y régler avec sa sœur, les détails de la succession de leur mère, décédée le 17 février 171615.
À Paris, il retrouve John Law, qu'il a connu dans les cercles jacobites, et avec lequel il spécule en compagnie de sa sœur et de son beau-père Marneau. La banqueroute de Law entraine un conflit d'intérêt que le régent Philippe d'Orléans arbitre en faveur de la comtesse de Trévoux et de Marneau. Pour échapper à la prise de corps, Neuhoff gagne les Provinces-Unies d'où il rejoint Madrid. La justice espagnole refuse la demande d'extradition du Régent et relaxe le baron de Neuhoff après l'avoir assigné à domicile en attente de sa décision. Bien que son activité au cours de la période de 1721 à 1731 demeure jusqu'à ce jour mal connue, on sait néanmoins qu'il a séjourné en Angleterre et il semble probable qu'il soit passé au service officieux de la diplomatie impériale.

Rencontre avec les chefs insurgés

En 1731-1733, dans le contexte de l'intervention autrichienne en Corse, de l'emprisonnement et de la libération des chefs insulaires, Neuhoff est à Gênes, vraisemblablement dans le cadre d'une mission dépêchée par le prince Eugène pour faire la lumière sur les tentatives de corruption des officiers autrichiens par les Génois. C'est au cours de cette période qu'il s'intéresse à la cause insulaire et entre en contact avec des Corses hostiles à Gênes.
Fin décembre 1733 - début janvier 1734, plusieurs rencontres réunissent Théodore et divers chefs insulaires, à Livourne. Ceux-ci jusqu'alors d'accord pour œuvrer à une souveraineté espagnole dans le respect des droits et prérogatives d'une représentation insulaire étaient alors confrontés au transfert des ambitions espagnoles de la Toscane promise à Don Carlos, vers Naples et la Sicile dont les troupes espagnoles entreprennent pour lui la conquête dans le cadre de la Guerre de succession de Pologne16.
Ces rencontres se concluent par un accord entre Neuhoff, Luigi Giafferi, Sebastiano Costa, Erasmo Orticoni et le capitaine Antonio Francesco Giappiconi - alors au service de l'Espagne, mais apparenté aux Corses de Venise proches de Giafferi - en faveur d'une solution indépendante. Ces rencontres sont aussitôt dénoncées auprès des Espagnols par Ceccaldi - indéfectiblement attaché à l'Espagne - et Aïtelli, qui se révélera être un provocateur génois, ces deux derniers ignorant toutefois le teneur réelle des accords avec Neuhoff17. Le contenu politique de ce projet est exposé dans le Disinganno interno alla guerra di Corsica, paru en 1736 18.

Élection et règne direct (15 avril-10 novembre 1736)

Neuhoff débarque à Aléria le 20 mars 1736. Le choix du lieu implique que Saverio Matra ait été associé au projet, car le débarquement eut été sans cela bien trop risqué, tant ce puissant chef de clan était maître incontesté des lieux. C’est sous la protection et avec l’aide de Matra, que Neuhoff met en scène son arrivée : magnificence, cadeaux aux spectateurs, courrier aux généraux.
L’arrivée de Théodore permet de rassembler pour la première fois les principaux clans insulaire sur un projet commun et un même chef.
Le dimanche 15 avril 1736, à Alesani, une assemblée largement représentative des deux versants des monts adopte la constitution rédigée par Costa qui institut le royaume indépendant de Corse et fait de Neuhoff un roi constitutionnel des Corses sous le nom de Théodore 1er.
Théodore prend lui-même le commandement de l’armée nationale, assisté de Giappiconi, nommé capitaine de la garde royale. Les généraux Luigi Giafferi, Giacinto Paoli et Luca d’Ornano partagent le premier rang de préséance. Le cabinet de la guerre est confié à Gian Pietro Gaffori à Simone Fabiani. La justice et plus généralement l’administration sont confiés à Sebastiano Costa, premier ministre de fait.
Le régime adopte tous les attributs de la souveraineté : lois souveraines, ordre de noblesse national, frappe d’une monnaie, constitution d’une armée, et projette de se doter d’une université.
Théodore déclare une guerre totale à la République de Gênes. Il établit l’hôtel de la monnaie, s’assure de la possession des ports d’Aléria et de Porto Vecchio, ordonne le siège de deux principales places génoises, Bastia et San Pellegrino, et marche en personne sur la Balagne. Le 2 juin, il rallie le Nebbio et établi son état-major à Patrimonio. Mais après de premiers succès la campagne s’enlise dans le siège de Calenzana et tourne au désastre à la suite de l’assassinat de Simone Fabiani. Cet échec réveille les rivalités insulaires et provoque la dislocation progressive du régime en dépit de l’échec des velléités d’offensive génoise. Malgré un bon accueil de ses partisans du sud de l’île, Théodore est contraint de partir à la recherche de moyens financiers et militaires. Ce qu’il fait le 10 novembre 1736 à Solenzara en confiant le pouvoir à un conseil de Régence.

Régence (novembre 1736 - décembre 1740)

Inquiète du risque de voir une Corse indépendante établir des accords militaires et commerciaux avec des puissances rivales à proximité des cotes de France, la monarchie française s'emploie à ce que la Corse demeure génoise. Mettant à profit la maladresse d’un complot de Charles VI visant à réunir la couronne de Corse à la Toscane revenue à son beau-fils François de Lorraine, le cardinal de Fleury obtient l’adhésion de l’Empereur au principe d’une intervention française. L’accord est signé le 12 juillet 1737 et les troupes françaises commandées par le comte de Boissieux débarquent le 6 février 1738.
Dans le même temps, Théodore préparait son retour depuis Amsterdam où il était arrivé depuis avril 1737 Théodore était à Amsterdam où il bénéficiait du soutien de l’opinion et de l’appui de de personnalités politiques, notamment de Lucas Boon, député de la province de Gueldre à la chambre fédérale, et de financiers notamment de Leendert de Neufville, et les frère Jabach, de Middelburg, issus d’une dynastie de banquiers allemands dont deux membres, Joseph et Gerhard Jabach, avaient financé des achats d’armes pour les insurgés corses dès 1734.
Contrairement aux espoirs génois, le comte de Boissieux privilégie le dialogue avec les Corses et s’entoure d’Orticoni et de Gaffori dans la recherche de la solution politique voulue par Versailles. Il s’ensuit une situation équivoque, où les représentants semblent jouer le jeu auprès du général français, tandis que les généraux exercent la régence auprès de la population.
En août 1738, le retour de Théodore à la tête d’une flottille conséquente accompagnée jusqu’à proximité des cotes de Corse par le Brederode, puissant vaisseau de guerre de l’amirauté de Hollande, ranime l’opposition à la France. Bien que le débarquement de Théodore, rendu difficile par la présence française, se solde par un échec, le « règlement » de rétablissement de la République convenu entre Gênes et Versailles est rejeté, et la tentative de l’imposer par la force est mis en échec par les troupes insulaire à Borgo le 14 décembre 1738.
Théodore est accueilli à Naples sous la protection du consul de Hollande avec l'assentiment du roi de Naples. Sous la pression française, Théodore est d'abord mis aux arrêts dans la forteresse de Gaeta avant d'être expulsé.
Portrait de Théodore réalisé d’après nature par ordre de Sa Majesté napolitaine, au cours de sa mise aux arrêts au château de Gaeta. Photocopie d’une copie de la gravure entrée au British Museum en 1881 et conservée sous la cote G,5.112
Le comte de Boissieux ne survit pas à sa défaite et meurt d’épuisement et de maladie. La monarchie française ne pouvant rester sur cette défaite envoie un puissant corps expéditionnaire commandé par le marquis de Maillebois. La région nord est rapidement conquise par les troupes françaises, et les généraux sont contraints à l’exil le 7 juillet 1739. Le Sud offre une âpre résistance sous la conduite de Johann Friedrich von Neuhoff, neveu de Théodore, Milanino Lusinchi et du prévôt de Zicavo. Les derniers résistants sont réduits fin de décembre 1740. Milanino Lusinchi est roué vif à Ajaccio. Johann Friedrich von Neuhoff réussit à s'enfuir et rentre au service du duc Toscane.

Nouvelles tentatives de retour (novembre 1742-1744)

Loin de renoncer, Théodore recherche des appuis auprès de l'Empire et de la Grande-Bretagne. La Guerre de Succession d'Autriche ranimant l'hostilité latente entre la France et l'Angleterre depuis 1740, il réussit à convaincre l'Angleterre de le soutenir dans une nouvelle tentative. En novembre 1742,il embarque sur le Revenger, vaisseau de guerre de l’amirauté britannique et fait escale à Villefranche, port de guerre du Royaume de Sardaigne. Le 7 janvier 1743,Théodore, le capitaine Barckley et le vice-amiral Mathews reçoivent à leur bord le général Breitwitz, commandant des troupes autrichiennes en Toscane.
Devancé par une proclamation le disant soutenu par la Grande-Bretagne et partisan de l'Impératrice Marie-Thérèse d'Autriche, Théodore parait devant la Balagne et Ajaccio, mais ne parvient pas à rallier un parti parmi les insulaires à nouveau insurgés sous la direction de Gaffori et est débarqué à Livourne le 17 mars 1743. Il s'efforce encore de jouer un rôle dans le projet de débarquement anglo-sarde en préparation, mais il est définitivement rejeté par les alliés austro-anglo-sardes en juin 1744.

Errance et fin dans la misère à Londres

Monument funéraire du Roi de Corse
Poursuivi par les sicaires génois et de plus en plus isolé, Théodore mène une vie d'errance qui le conduit à Londres en 1749 où il est emprisonné pour dettes jusqu’au 6 décembre 1756. Un succès de curiosité mondaine, ne lui épargne toutefois pas la misère. C'est dans le plus complet dénuement qu'il meurt le 11 décembre 1756 dans le quartier de Soho chez un artisan juif. Ses dernières relations londoniennes feront graver au cimetière de l'église Sainte-Anne à Westminster cette épitaphe due à Horace Walpole :
« Près d’ici est enterré Théodore, roi de Corse,
qui mourut dans cette paroisse le 11 décembre 1756
immédiatement après avoir quitté la Prison de King's Bench19
par le bénéfice du fait d’insolvabilité,
en conséquence de quoi il enregistra son royaume de Corse
pour l’usage de ses créanciers.
Le tombeau, ce grand maître, met au même niveau
Héros et mendiants, galériens et rois :
Mais Théodore fut instruit de cette morale avant que d’être mort.
Le destin prodigua ses leçons sur sa tête vivante.
Il lui accorda un royaume et lui refusa du pain. »
Il est à noter que le « près d'ici est enterré » signifie assez clairement que Théodore de Neuhoff a été mis en fosse commune. Un autre détail : la plaque de marbre que l'on voit ci-dessus est faite dans un marbre de très bonne qualité, ce qui signifie qu'elle fut placée après son absence d'enterrement décent. Certains historiens attribuent ce geste de miséricorde à Horace Walpole.
Contrairement à ce qui est affirmé par Le Glay, Théodore a plus amené à la Corse qu'il ne lui a pris. Pour ce faire, il fallait bien qu'il adhérât à la cause insulaire. Et les Corses finirent par se lasser de ses promesses non suivies d'effet qu'après plus de deux années. Dans ce laps de temps, bien qu'il ne fût pas dans l'île de Beauté, ils renouvelèrent leur confiance à plusieurs reprises.
Son action a contribué à obliger la République de Gênes à dépenser des millions pour garder la Corse ce qui accéléra sa perte. D'une certaine manière, il a tenu sa promesse de chasser les Génois de son royaume : ruinés par cette guerre contre les Corses, à force de faire venir des soldats de l'Empire, des Suisses et des soldats de Louis XV, Gênes a dû céder la Corse à son allié tant redouté, en paiement de ses dettes.

Littérature

Le roi Théodore est un des personnages du conte de Voltaire, Candide, où il est un des convives du souper de Venise, où six rois évoquent leur destinée. La sienne émeut Candide qui lui fait présent de diamants. Il y a d'ailleurs des points communs entre Candide qui est rejeté par le frère de Cunégonde, en raison de son origine modeste, et celle de Théodore qui fut déshérité par ses grands-parents en raison d'un nombre de quartiers de noblesse insuffisant du côté de sa mère.
Voici ce que dit Théodore dans (Candide, Chapitre XXVI sur Wikisource [archive]) : « Messieurs, dit-il, je ne suis pas si grand seigneur que vous ; mais enfin j’ai été roi tout comme un autre ; je suis Théodore ; on m’a élu roi en Corse ; on m’a appelé Votre Majesté, et à présent à peine m’appelle-t-on Monsieur ; j’ai fait frapper de la monnaie, et je ne possède pas un denier ; j’ai eu deux secrétaires d’état, et j’ai à peine un valet ; je me suis vu sur un trône, et j’ai longtemps été à Londres en prison sur la paille ; j’ai bien peur d’être traité de même ici, quoique je sois venu, comme Vos Majestés, passer le carnaval à Venise.»
Il est aussi le personnage principal de l'opéra héroïco-comique de Giovanni Paisiello Il re Teodoro in Venezia, créé à Vienne en 1784. L'opéra raconte les déboires du roi détrôné, caché sous un faux nom dans une auberge vénitienne par crainte de ses créanciers au moins autant que de ses ennemis politiques. À noter que dans cet opéra, (qui sera traduit en français par M. Moline, et joué devant le roi en 1786), son confident s'appelle Gafforio, tandis que, pour échapper à ses créanciers, il utilise le nom du comte Albert (celui qui le commandait en réalité quand il avait été capitaine des gardes bavarois)20 et qu'il a ses deux vers qui résument bien sa vie, en définitive (Acte I, scène I)21 :
Sans royaume et sans argent,
On est Roi bien tristement.

Divers

Des peintures murales, heureusement restaurées à l'identique par le propriétaire actuel Alexandre Gianninelli, artiste peintre et plasticien, (elles avaient disparu sous du papier peint XIXe) sont visibles à la Casa Theodora à Muro en Haute Corse22. Cette demeure (XVIe siècle, 1516) était celle de la famille Giuliani dont un représentant (Jean-Thomas Giuliani, lieutenant de Gaffory) aurait accueilli le roi Théodore en Balagne. Ces fresques représentent notamment les vaisseaux du roi Théodore face à L'Île-Rousse entre 1736 et 174023. La Casa Theodora est aujourd'hui un hôtel où vous pourrez séjourner pour admirer les peintures restaurées.

Bibliographie

  • Gasper, Julia, Theodore von Neuhoff, king of Corsica. The man behind the legend, University of Delaware, 2012.
  • Giappiconi, Thierry, De l’épopée vénitienne aux révolutions corses : Engagements militaires et combats politiques insulaires (XVe-XVIIIe siècle), Ajaccio, Albiana, 2018.
  • Gregorovius, Ferdinand, Corsica, 1854, trad. P. Lucciana.
  • Hauc, Jean-Claude, "Théodore de Neuhoff" in Aventuriers et libertins au siècle des Lumières, Paris, Les Éditions de Paris, 2009.
  • Olivesi, Claude, Les Seize Capitoli de la Constitution d’Alesani du 15 avril 1736, Cervioni, ADECEC, 1997.
  • Le Glay, André, Théodore de Neuhoff, roi de Corse, Monaco ; Paris, A. Picard et fils, 1907.
  • Luciani, Renée, Mémoires de Sébastien Costa, grand chancelier du roi Théodore. 1732-1736, Aix-en-Provence, Ed. Atalta ; Paris, A. et J. Picard, 1972-1975.
  • Marchetti, Pascal , Une mémoire pour la Corse, Paris, Flammarion, 1980.
  • Monti, Antoine Dominique La Grande Révolte des Corses contre Gênes, 1729-1769, Cervioni, ADECEC, 1979.
  • Nicolai, Jean-Basptiste Vive le roi de Corse, Ajaccio, Éditions Cyrnos et Méditerranée, 1979.Serpentini, Antoine-Laurent, Théodore de Neuhoff roi de Corse : un aventurier européen du XVIIIe siècle, Ajaccio, Albiana, 2012 (Collection Bibliothèque d'Histoire de la Corse).
  • Théodore de Neuhoff, roi de Corse, prince des chimères, catalogue de l'exposition du Musée de Bastia, mars 2013.
  • Vergé-Franceschi, Michel Pascal Paoli, un Corse des Lumières, chap. IV, Fayard juin 2005.

Romans

  • Néry, Gérard, Santa et le roi de Corse, roman, éd. Trévise, Paris, 1978.

Documentaires

  • Théodore Ier, roi des Corses, documentaire d'Anne de Giafferri, ADR Productions, 2013, 52 min

Notes et références

  1. (fr+it) Sebastiano Costa, Mémoires regardant le roi Théodore écrit de la main même de Sébastien Costa, ex Auditeur-Général de la Nation Corse en 1735 et ensuit grand chancelier et premier secrétaire d’État du dit Roi avec lequel il vécut et qu'il accompagna dans ses voyages., Paris, 1972, T.2, note 1, P. 95
  2. Sebastiano Costa, Mémoires, t. II, p. 18, pour la version italienne et 19 pour la traduction française
  3. Fernand Ettori, Le Mémorial des Corses, Ajaccio, Le Mémorial des Corses, 1979 (notice BnF no FRBNF34637041), p. 269, t. II "La Révolution corse, les Corses ses donnent un roi, Le roi Théodore".
  4. Francis Pomponi, Histoire de la Corse, Paris, Hachette, 1979, p. 231-242
  5. Service Historique de la Défense, Correspondance du ministère de la guerre, série 1. A, GR 1 A 2238, 1710 : Guerre d’Allemagne, juin, juillet, août. M. et L.R., 3e volume. N° 272. Copie d’une lettre écrite par M. le baron de Neuhoff, commandant de Rheinfelden le 17 août 1710 à M. du Fanton, de Basle (Bâle). N° 273. Copie d’une lettre écrite à M. le baron de Neuhoff  commandant de Rheinfelden  à   messieurs du canton de Bâle le 23 aout 1710.
  6. Acte de baptême dans la religion catholique du registre paroissial de l’église Saint-Michel de Trèves en date du 12 juin 1698. L’acte indique que Théodore a été initialement baptisé « par nécessité » par un prêtre calviniste, le 24 août 1694.[1] [archive] Cette date coïncide avec celle indiquée dans les pièces généalogiques du dossier consacré à Neuhoff par le cabinet d’Hozier.
  7. Bibliothèque nationale, département des manuscrits, Cabinet d’Hozier 254
  8. « Mairie de Moulins-Lès-Metz. Registre paroissial » [archive]
  9. Cabinet d’Hozier, Pièces originales 2103, BnF, département des manuscrits. Alexandre Maximin de Neyssen (v.1693 † 1763) fut inhumé le 11 mars 1763, à l’âge de 70 ans, dans la paroisse Saint-Marcel de Metz avec les titres de lieutenant-colonel d’infanterie, chevalier de Saint-Louis, capitaine des grenadiers du régiment de La Mark, pensionnaire du roi. Son enterrement fut célébré en présence d’Henri Marie Dupré de Geneste, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences de Metz, son neveu (Poirier, François-Jacques, 1899, p. 469).
  10. Archives départementales de la Moselle, Registre des baptêmes de Metz, paroisse de Sainte Ségolène. Cote : 9NUM/5E324/2 Image : 28, Acte du 7 mai 1714
  11. A.M.A.E. Lettre du comte de La Marck à Chauvelin du 8 juin 1736, Correspondance politique / Gênes Supplément, vol. 8. Microfilm 14333.).
  12. En hommage à son précédent colonel, Philippe-Egon, marquis de Courcillon , fils de Philippe de Courcillon, marquis de Dangeau) qui, fait colonel en 1704, avait été grièvement blessé et amputé d’une jambe à la bataille de Malplaquet. Gouverneur de Touraine à la suite de son père à partir de février 1710 (Table générale alphabétique et raisonné du journal historique de Verdun depuis 1697... t.3, Paris, Ganeau, 1759, p. 268)
  13. Protokollen des Hofkriegsrates, Signatur AV, Bund 113, fol. 435, Bayerisches Kriegsarchiv (Cité par J. Gasper, Theodore von Neuhoff, King of Corsica : The Man behind the Legend, Newark, University of Delaware Press, 2013)
  14. Bibliothèque nationale de France, département des manuscrits, Cabinet d’Hozier, dossiers bleus 487
  15. Archives départementales de la Moselle. Metz, registres des décès de la paroisse de Saint-Gorgon, février 1716 (image 267) Cote : 9NUM/5E318/2.
  16. Évelyne Luciani, Dominique Taddei, Les pères fondateurs de la nation corse, 1729-1733, Ajaccio, Albiana, 2009
  17. Thierry Giappiconi, De l'affirmation de la Nation à la première déclaration d'indépendance, 1731-1735 : actes des Deuxièmes Rencontres historiques d'Île-Rousse, 2011., Ajaccio, Albiana, 2012, p. Les Corses à Livourne (1733-1734)
  18. (it+fr) Curzio Tulliano, corso (pseud.), Disinganno interno alla guerra di Corsic, Ajaccio, La Marge, 1983
  19. King's Bench est le nom d'une prison et, de ce fait, ne doit pas être traduit par Ban du Roi.
  20. On a du mal à croire à une double coïncidence.
  21. Le roi Théodore à Venise (Gallica, BNF) [archive]
  22. http://www.a-casatheodora.com [archive]
  23. Les Mémoires de Sébastianu Costa.

Annexes

Articles connexes

Liens externes

La dernière modification de cette page a été faite le 5 février 2018 à 17:11.



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