1979…
2017… Le relation franco-vietnamienne. La frontière terrestre alors que la
guerre américaine d’Indochine est à peine terminée, et que, comme pendant la
française, la Chine a tant pesé, quoique sans jamais intervenir physiquement.
La mer et les domaines maritimes, maintenant, tandis que plus à l’est la partie
se joue aussi avec le Japon. La marine chinoise, jusques là beaucoup moins
dotée que les autres armes, va-t-elle d’un seul coup devenir l’une des plus
puissantes du monde, à l’échelle des finances, du commerce, de l’économie de
cette dictature ?
Il me
semble que ces observations dictées au téléphone, à un ultime retour à mon
affectation de Lisbonne, disent à peu près ce que nous vivons aujourd’hui, à
n’avoir pas compris à temps la Russie quand elle fut dépossédée (apparemment)
de l’imperium soviétique. Rendue par Poutine à son rang mondial, elle nous est
devenue hostile faute que nous existions. En l’espèce d’aujourd’hui, l’alliance
d’antan et l’inimitié qu’on n’avait pas sue pendant longtemps, vont-elles se
manifester de nouveau ?
Les
relations internationales ne se font pas par statu-quo mais par occasion saisie
d’un côté et lacune de l’autre. Même si la donne a changé en quarante ans, et
que certains acteurs sont nouvellement apparus. Mais les grands d’antan sont
toujours sur scène tandis que l’Arlésienne (l’Europe) s’annonce de moins en
moins.
mardi 3 Janvier 2017
La première chance depuis 1939
Franchissant ses frontières pour la première fois
depuis la guerre de Corée, la Chine apporte le meilleur commentaire à la
conférence de presse de M. Giscard d’Estaing. L’Europe est de l’Atlantique à
l’Oural. Les relations avec la Chine et avec l’Union soviétique ne peuvent, de
la part des Etats européens et singulièrement de la France, être de même
nature. L’intérêt européen est du côté de l’Union soviétique parce que la
sécurité de l’Occident et du Vieux Monde, est commandée par la sensibilité
soviétique à sa propre sécurité : idéologique à l’ouest, militaire à
l’est. Il est du côté de la Russie parce que la réunification du continent
dépend de Moscou, surtout si cette réunification se fait sans rouvrir le
dossier des frontières et de la partition de l’ancien Reich. Il est du côté de
Moscou parce que du raidissement ou de l’ouverture des gérontes qui y règnent –
mais sont maintenant acculés de tous côtés – dépendent le sort et la vie
quotidienne de nos frères de l’autre Europe.
Ce qui se passe en Indochine est évidemment le conflit
sino-soviétique. Chacun des autres points chauds du globe est le fait
d’enchaînements plus complexes où nous-mêmes avons notre part peccamineuse de
responsabilités. C’est donc par rapport à ce conflit sino-soviétique qu’il faut
situer réflexions et actions diplomatiques d’autant que l’instant y est
propice. Accumulant les hasards ou les dénouements heureux, les Etats-Unis sont
parvenus à être l’interlocuteur privilégié des plus grands ensembles
démographiques et économiques mondiaux. Ils ont chez eux ou à leur porte, ou
dans leur continent, les plus importantes réserves pétrolières. Ils médusent
toujours les Européens par leurs victoires de 1945, les Soviétiques par leur
potentiel nucléaire et leur niveau de vie, les Chinois par leur capacité
financière et prospective, le tiers-monde par leur omniprésence. Les Etats-Unis
pourtant ne peuvent plus ni diriger ni prévoir le monde qu’ils n’ont plus
l’initiative que, politiquement, ils n’ont pu trouver après Roosevelt et
Kennedy, ce mélange d’idéal et de cynisme qui flatte les cœurs et force les
situations.
La carte mondiale frémit, se déchire, se ravaude comme
jamais depuis trente ans et sans que les puissances de Yalta y puissent
grand-chose. A terme, celles-ci en seront plutôt victimes. L’Europe dépossédée
d’elle-même par la deuxième guerre mondiale peut ressusciter dans la nouvelle
donne qui, depuis 1973, se précise et s’accélère sur tous les plans. Mais
tandis que successivement ou conjointement, tiers-monde, Etats-Unis, Chine ont
les annonces et les levées plus révolutionnaires, l’Europe seule, qu’elle soit
occidentale ou moscovite, n’a jusqu’à présent rien répondu. Simplement parce
que, atlantique ou soviétique, elle a continué de se croire, en ces deux
moitiés, des destins et des intérêts opposés. La réponse aux défis et aux
imaginations des autres continents, c’est le dialogue puis l’alliance
intra-européenne.
La présidence française de la Communauté européenne
coincidant très a propos avec les voyages de M. Giscard d’Estaing au Mexique,
en Roumanie, en Union soviétique et au Souan, exactement les poins cardinaux de
l’horizon diplomatique actuel, s’illustrerait singulièrement en entamant
l’immense négociation avec l’Union soviétique, maintenant que le changement des
relations entre les Etats-Unis, la Chine, le Japon, modifie les conditions de
sa sécurité et que, immédiatement, Pékin semble en tirer partie. Le prix de la
sécurité soviétique, par une alliance structurée, économiquement,
diplomatiquement, - et militairement – devrait être la liberté de l’Europe
orientale. Et cet accord, qu’il faudra bien réaliser sur une génération au
moins pour mettre en œuvre le retournement de toutes les tendances depuis 1917,
devait déboucher sur une initiative nouvelle et formidable de l’ensemble du
continent pour que soit décidé et organisé de tout autre manière que, dans les optiques
coloniales ou d’affrontement de bloc à bloc, le désarmement et le commerce
mondiaux.
L’escalade en Indochine est l’occasion pour avoir,
dans le secret certes mais avec la plus grande précision et la plus grande
audace, ce dialogue avec Moscou. Une occasion qui ne s’était pas produite depuis
l’été 1939. Ne la manquons pas une nouvelle fois. Ce serait encore plus coûteux
que naguère et, comme naguère, la parole est à la France.
Le Monde . 21 Février 1979
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