mercredi 11 novembre 2015

projet de lettre au président de la République - par la poste


le mercredi 11 Novembre 2015



Soyez attentifs, vous qui dominez les foules,
qui vous vantez de la multitude de vos peuples. 
Car la domination vous a été donnée par le Seigneur,et le pouvoir, par le Très-Haut, lui qui examinera votre conduite et scrutera vos intentions.
Au petit, par pitié, on pardonne,
mais les puissants seront jugés avec puissance.
Le Maître de l’univers ne reculera devant personne, la grandeur ne lui en impose pas ;
car les petits comme les grands, c’est lui qui les a faits :
il prend soin de tous pareillement.
Les puissants seront soumis à une enquête rigoureuse.

du livre de la Sagesse VI 1 à 11,
lu aux messes précédant ce matin le salut à nos morts en toutes guerres.







dans un an, les dés auront roulé, les candidats dit principaux auront été investis : vous, votre prédécesseur, Marie Le Pen, et tout sera donc en scène pour la dixième élection présidentielle. Pour la première fois dans l’histoire de notre République, les mêmes que cinq ans auparavant. Vous-même et votre prédécesseur, candidats sans vraies primaires (les primaires dans un parti ou parmi des sympathisants sont-elles un discernement de personnalité, de fidélité à un programme préétabli ?) avez la même certitude : l’autre sera le repoussoir, votre bilan selon votre prédécesseur auquel vous répliquerez par le Mali et la conférence sur le climat. Vous et lui en mutuel faire valoir pour aller au second tour, et le second grâce à Marie Le Pen sera une formalité. Voire… car le seul changement serait – non de politique – mais de vie institutionnelle, politique, publique, ce qui pourrait produire, pourra produire un changement d’orientation dans nos politiques publiques et un retour à la démocratie au moins parlementaire.

L’élection de Marine Le Pen ne pourra s’assortir d’une révision du mode d’élection de l’Assemblée nationale, et donc d’une application intégrale de la représentation proportionnelle. Seule de nature à donner au Front national une majorité au moins relative au Palais Bourbon. Cette révision devrait être faite par l’Assemblée nationale sortante, par votre majorité, elle est donc impossible. Marine Le Pen à l’Elysée, sans majorité parlementaire, inaugurera les chrysanthèmes, parlera beaucoup, mais quoi ? un programme de gouvernement consensuel, le nom d’un Premier ministre faisant consensus parmi les partis traditionnellement et toujours représentés dans la nouvelle Assemblée, se discutera entre les députés. Ils seront imposés à l’Elysée. Un mandat présidentiel et une législature commenceront où il faudra constamment négocier, c’est-à-dire vraiment discuter et tenir les uns des autres, et donc – enfin – de l’opinion publique et des Français. Discuter entre groupess parlementaires, discuter entre la majorité, sans doute d’union nationale, et le gouvernement, discuter entre Premier ministre et présidente de la République. La dissolution n’avancera en rien les « affaires » de l’Elysée, car la représentation proportionnelle continuera d’être refusée par cette nouvelle majorité, qui ne sera nouvelle que par – enfin – son goût pour l’union nationale et le consensus.

Ces perspectives ne m’intéressent pas. Elles ne sont pas dites aux Français de crainte que cela augmente encore leur propension à voter pour la candidate du Front national. Obstinément, deux réformes qui obligeraient la « classe politique » à vraiment intéresser les Français : 1° une participation minimum à tout scrutin pour qu’il soit valable, et 2° le vote blanc, comptant en tant que tel comme une participation, sont refusés depuis des décennies. Ce refus est un des éléments de plus conduisant au vote pour Marine Le Pen.

Mais ce soir d’anniversaire de notre grande victoire, l’armistice de 1918 : Clemenceau, Foch, Pétain, Poincaré, nos alliés, nos troupes, l’ensemble de notre peuple, continue de nous donner une leçon simple – à difficultés et détresses égales, un homme, une personnalité, une femme peuvent tout changer et faire qu’un pays l’emporte contre tout ce qui paraît impérieux, bloqué, incontournable. Changer et faire parce le peuple est suscité. Clemenceau, de Gaulle assurément, mais l’autorité morale pendant trente ans propre à Pierre Mendès France quoiqu’il n’ait exercé le pouvoir (limité par les institutions d’alors) que sept mois : vous êtes né au moment des débats parlementaires sur la C.E.D., nous assurent par leur exemple – que cette voie-là est la seule du changement. Le caractère d’un homme d’Etat, sa vision, son charisme mobilisateur.

L’élection présidentielle – dans sa forme décidée en 1962 – vous donnait en Mai 2012 l’aura et les prérogatives – automatiquement – que durent, quant à eux, conquérir les exemples que je viens d’évoquer. Chance pour la France, chance pour vous, chance pour la gauche et selon une politique résolue, de thèmes consensuels, occasion forte pour que l’opposition de droite revienne à des programmes dignes de ses origines diverses dont aucune n’est assimilables aux discours et aux corruptions qui ont caractérisé l’exercice présidentiel de votre prédécesseur.

Vous n’avez trahi ni trompé personne. Nous ne vous connaissions pas. J’avais cherché, comme sans doute beaucoup de Français, à vous rencontrer personnellement dans les mois précédent votre accession au pouvoir suprême chez nous. Dès 2002, en ce qui me concerne. Nous ne vous connaissions pas, nous pensions que notre espérance vous contraindrait au meilleur de nous tous, au meilleur de vous-même.

Que de fois, j’ai développé une certaine manière et surtout un certain programme – très simples mais consensuels par nature puisque c’eût été la reprise, oui, du meilleur de notre expérience de la libération à ces décennies-ci – en vous l’écrivant, en sollicitant une entrevue périodique avec vous tête à tête, de quelques minutes au plus, en rencontrant un de vos conseillers, votre successeur à la mairie de Tulle, et auparavant votre secrétaire général, celui de vos deux premières années. J’ai cru qu’immanquablement l’examen de nos situations appellerait forcément planification et démocratie.

Le fixisme quinquennal, produit de la désastreuse diminution de la durée du mandat présidentiel suggérée par deux de vos lointains prédécesseurs et de la coincidence à quelques semaines près et dans un ordre chronologique malheureusement proposée par deux anciens Premiers ministres, pourtant de talent, auraû avoir comme avantage l’adoption d’un plan périodique : celui qui, de la Libération à la gauche selon Lionel Jospin, encadrait nos projets et nos négociations entre partenaires économiques, sociaux et institutionnels, d’autant que la crise financière appelle des projections concertées et pluri-annuelles. Cela n’a été pensé ni a fortiori proposé par personne, et pas par vous.

L’endettement national, la dépendance de notre budget de notre crédibilité pour la spéculation, et au lieu qu’il demeure entre nous par l’emprunt citoyen gagé éventuellement sur la nationalisation des entreprises en difficulté ou en faillite, au lieu qu’elles soient à l’encan et cédées à l’étranger, aurait pu aussi se résoudre par une entente entre les grands Etats débiteurs : le moratoire des dettes souveraines, comme en temps de guerre, ce qui eût asséché la spéculation et affranchi notamment les Etats-Unis d’une si dangereuse sujétion vis-à-vis de la Chine populaire, en fait totalitaire et spéculative. Cela n’a été imaginé par personne, et pas par vous, au moins selon toute apparence.

Je souffre que ces solutions – grandes, simples, nationales – n’aient pas été au moins examinées.

Nous sommes un pays qui ne propose plus au monde et à l’Union européenne une analyse indépendante et prophétique ni de l’évolution économique et morale en cours, ni de la mûe des relations internationales. De nouvelles formes d’Etat sont apparues : l’Etat islamique dont la situation au ban de la société mondiale rappelle celle de l’Union soviétique naissante avec laquelle il a fallu finalement vivre et même travailler. Un peuple divisé entre quatre Etats, chacun aujourd’hui précaire pour des raisons différentes mais très fortes : les Kurdes bouleverse la carte d’un des centres du monde par l’ancienneté des civilisations et par le berceau qu’il est des monothéismes caractérisant l’ « Occident ». Aucune réflexion ne semble avoir été menée, notre diplomatie et nos armées sont employées, quelle que soit leur grande qualité, à réagir et sans que les concertations entre alliés aient vraiment lieu. Nos traditions sont perdues, rien ne les remplace que des apparences ne pouvant plus longtemps tromper.

Ce que je ne vous pardonne pas est simple à caractériser. La démocratie vous ne la pratiquez pas, vous en ignorez la fécondité et vous ne vous apercevez toujours pas du gaspillage que ce refus de consulter, de concerter, de libérer et de légitimer des imaginations et des choix qui seraient le fait principalement des intéressés, atrophie le pays et – évidemment – génère l’abstention pour la suite. Vous avez même manqué ce que le 11-Janvier a signifié au monde et vous proposait dans un élan presque oublié aujourd’hui et pour lequel partis et pouvoirs publics n’était que bénéficiaire, mouvement spontané et autonome de la nation. En tant que telle, vieilles souches et nouveaux arrivés. Jacques Chirac, en 2002, manqua aussi une telle occasion, et je crois bien que tout ce qui suivit – en désaffection populaire pour la « politique » depuis – a pour origine cette cécité d’un soir.

L’Europe est conduite par les gouvernements. Elle n’est pas incarnée par un président élu au suffrage direct des citoyens européens. Pas plus que votre prédécesseur, vous ne l’avez analysé ni proposé. La réforme régionale, le « redécoupage » des régions, ont été décidé sur un coin de table au lieu que soit saisie – s’il était vraiment urgent et nécessaire de faire ce changement – l’occasion de référendum département par département sur les associations ou sur la solitude devant faire les nouvelles régions ou en maintenir la plupart. De la même façon, une consultation des élus, puis directe des électeurs aurait pu déterminer les compétences locales sur un modèle non uniforme, non jacobin. Tout a été mené autoritairement avec l’idée fausse : la taille des Laender allemands, or la Sarre a la taille d’un département, et le Luxembourg pas plus grand est un Etat souverain. Nantes qui est bretonne et même la capitale historique des ducs de cette décisive province, reste toujours séparée des quatre autres départements. Non content de vous séparer du plus consciencieux, modeste jusqu’à l’humilité des Premiers ministres qu’ait connu notre République, loyal s’il en est puisqu’hormis un excellent documentaire dialogué par sa fille, Jean-Marc Ayrault se garde d’écrire ou de dire quoi que ce soit sur les deux premières années de votre mandat, vous l’avez renié à propos de sa bonne ville et de la région qu’il a demandée et souhaitée.

Ne faisant pas cas du peuple, vous avez amoindri – par une sorte de fatalité ou de contagion, je n’ose écrire : de la médiocrité, ce serait irrévérencieux – des personnalités politiques de premier plan et qui avant 2012 promettaient. Ségolène Royal, Michel Sapin sont devenus publiquement banaux, inférieurs à eux-mêmes et aux attentes. La première a multiplié les erreurs, les reculades devant les camionneurs (l’écotaxe) et son collègue de l’Economie (la promotion de l’autocar), devant les concessionnaires d’autoroutes, tant de contretemps dans le domaine que vous lui avez donné et pas de véritable examen de la possibilité d’exploiter le gaz de schiste, et le second si juste et clair depuis sa participation au gouvernement de Pierre Bérégovoy, a été amputé d’une grande partie des compétences qui doivent faire un ensemble pour la direction économique et budgétaire du pays. Il faut le discours, publié en brochure, de Varoufakis, pour avoir confirmation de ce que pense et souhaite votre ami et soutien de longue date, mais qu’il a en rien pu mettre en pratique depuis 2012.

Tout cela est beaucoup mais c’est de forme, cela se rattrape. Comme le temps perdu, si l’on est résolu. En revanche, la dilapidation de notre patrimoine industriel est une mise à nu du pays. Avec les fermetures de site, avec l’arrêt de grandes productions dont nous avions souvent été les prionniers ces cent cinquante dernières années, avec les délocalisations et les expatriations de la direction et de la stratégie de nos grandes entreprises, nous perdons aussi un savoir-faire acquis par plusieurs générarions d’ouvriers et d’ingénieurs. Si nous revenions à certaines activités, il nous faudra importer les brevets et les hommes et femmes de bonne pratique. Sans doute, ce processus lamentable et désastreux ne date pas de vous : le textile, l’imagerie médicale, nous les avons perdus depuis trois décennies, la sidérurgie nous l’avons vécu ultimement à votre premier automne ne dépendait plus de nous, mais il y a eu Alcatel, Alstom, Norbert Dentressangle, Lafarge… il y a maintenant Areva avec les prodromes de nos cessions de savoir à la signature du président de l’E.D.F. pas désavoué et même reconduit. Tandis que nous sommes maintenant importateur pour l’agro-alimentaire aussi : la filière porcine passée en Allemagne, et le vignoble racheté par l’étranger à l’instar de nos aéroports provinciaux…

Votre conversion changera la donne, vous fera réélire pour un vrai motif : les retrouvailles du pays avec son dirigeant. J’ai imaginé que vous la formuliez en intervenant improviste à la télévision, dès la fin d’une énième rediffusion du Dictateur de Chaplin. Aloÿs Hinkell a son substitut de hasard, le petit barbier, et au lieu des clameurs attendus à Nuremberg, ce sont les Béatitudes… un récit de fiction politique ou … le terrible cri d’une femme à Carmaux quand vous y êtes allé évoquer Jean Jaurès : « vous nous avez volé le socialisme ». Et ce faisant tout l’agencement de tous les mouvements politiques en France a glissé au simplisme par la médiocrité des débats de gestion et la passion des obsessions ethnologiques… Il est vrai que le peuple n’a plus réagi, bougé depuis exactement vingt ans. La soudaine explosion ? ou la mort lente, consentie, mutuellement administrée au sein d’un couple qui a perdu toute dialectique, les gouvernants et les gouvernés en, totale défiance les uns des autres.

N’ayant pu – selon toute apparence – vous convaincre du plus simple et du plus structurant pour la France et pour l’Europe, par la simple justesse de mes arguments, j’ambitionne d’avoir davantage d’autorité statistique pour faire accueillir ma morale. Ce ne sera contre personne et ce sera pour accueillir et porter les propos de beaucoup sinon tous. Car les Français savent proposer les remèdes à ce dont ils pâtissent – mais il ne leur est demandé, au mieux, que d’opiner sur des sujets et des solutions ne les intéressant pas et imposés. La participation ?

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