samedi 28 avril 2012

François Bayrou interroge les deux candidats du 6 Mai - la réponse de chacun

François Bayrou a adressé, mercredi 25 avril, une lettre
aux candidats du deuxième tour de l'élection présidentielle.
" Vous participez au second tour de l’élection présidentielle. Il me paraît normal de vous rappeler ce qui a été essentiel pour les plus de trois millions d’électeurs qui m’ont apporté leur suffrage au premier tour.
Le premier élément crucial pour eux et pour moi aura été la vérité sur la situation du pays, la prise en compte de la réalité des faits.
Je ne crois nullement que la crise financière soit derrière nous. Je pense au contraire que la crise est devant nous, et qu’elle sera très dure. Je pense que les déficits, commerciaux et budgétaires, qui s’accumulent pour notre pays menacent à court terme notre modèle social et que la multiplication des promesses non financées aggravera encore ce risque.
Et parce que nous allons vivre ces moments difficiles, l’attitude personnelle des gouvernants comptera beaucoup. C’est une question de valeurs, personnelles autant que politiques. Depuis des années, c’est la violence des attitudes et des mots, la guerre d’un camp contre l’autre, la complaisance à l’égard des extrêmes qui caractérisent notre pays. Le refus de la violence perpétuelle dans la vie politique, les valeurs de respect des sensibilités différentes, la reconnaissance du pluralisme, la recherche de l’équilibre, sont la condition nécessaire à l’esprit d’unité nationale dont nous aurons besoin face à la crise.
C’est ainsi, et seulement ainsi, par la vérité et l’unité que la France pourra regarder en face les conditions de son redressement. Et d’abord de son redressement financier. Or la recherche de l’équilibre des finances publiques n’est obtenue dans vos deux projets que par l’affichage d’une croissance impossible à court terme. Je vous demande instamment de réfléchir à ce péril et d’envisager des mesures crédibles pour l’écarter s’il est encore temps.
Pour moi, la décision constitutionnelle, inscrite dans le traité européen, de renoncer pour l’avenir aux facilités du déficit, du moins en période de croissance, la « règle d’or », doit s’imposer à tous les pays qui ont l’euro en partage. Non pas pour faire plaisir aux « marchés », ou à « Bruxelles », mais parce que c’est le seul moyen d’éviter pour la France et les Français, particulièrement pour les plus fragiles, la catastrophe sociale qui s’annonce.
La France s’est construite depuis la guerre autour du modèle social né du Conseil National de la Résistance. Nous y tenons, non pas comme à une tradition, mais comme à notre principale aspiration nationale. Nous le regardons non pas comme notre passé, mais comme notre avenir. Nous savons qu’il devra se réformer, mais dans la justice et la solidarité. Or c’est dans le concret de la vie de tous les jours que justice et solidarité risquent d’être menacées.
La sauvegarde de notre modèle social et de services publics impose de restaurer et de développer fortement notre appareil de production. La France est, Grande-Bretagne exceptée, le seul des grands pays européens qui connaisse l’effondrement de son commerce extérieur. Ce n’est pas viable. Pourtant, nous avons d’immenses marges de progression, et donc de création d’emplois durables, de ressources pour les familles.
C’est là que va se gagner ou se perdre le combat de notre avenir national, en particulier dans la recherche de stratégies nationales de production, filière par filière. Une évolution de la démocratie sociale dans l’entreprise est aussi un élément crucial de ce redressement. La représentation des salariés, avec droit de vote, au conseil d’administration des grandes entreprises, sera un signe déterminant en ce sens.
La crise de l’éducation en France est un enjeu du même ordre. La situation de l’école, notamment à l’école primaire et au collège, ne peut être acceptée. Des centaines de milliers d’enfants voient leur avenir barré faute de se voir garantir les acquis nécessaires, maîtrise de l’écrit, du chiffre, de la langue. Faute de consacrer à ces fondamentaux le temps scolaire indispensable, les inégalités sociales se perpétuent et s’aggravent dans cet échec. Ce combat national oblige à un nouveau contrat entre l’école et la nation, qui touchera à la question des pratiques, de l’organisation, du développement de l'alternance et de l’apprentissage, aussi bien que des moyens.
La moralisation de la vie publique, le changement des pratiques du monde politique représentent une attente des citoyens dont vous ne pouvez ignorer la gravité. L’interdiction du cumul des mandats pour les députés, la diminution du nombre des parlementaires, le renforcement de la parité hommes femmes, le changement de loi électorale pour assurer la représentation des grands courants d’opinion, en tout cas de ceux qui atteignent 5 % des suffrages, à l’Assemblée nationale, au sens le plus large la garantie du pluralisme, la consécration de l’indépendance de la justice, le renforcement de l’indépendance des médias, l’assainissement du financement de la vie politique, la lutte contre la corruption et la prise illégale d’intérêts, tout cela est urgent. Les deux partis que vous représentez ont souvent pris des engagements, mais jamais ils ne sont allés plus loin. Je crois que cette moralisation est vitale pour que la confiance revienne entre citoyens et élus. Seule la voie référendaire permettra de les imposer à un monde politique qui n’a guère envie de voir changer les règles d’un jeu qui lui convient.
L’Europe a été durement attaquée pendant cette campagne. On lui a fait porter tour à tour la responsabilité de l’immigration et celle de l’absence de croissance. Je veux vous dire que pour nous, il est impossible d’envisager notre avenir national sans projet européen. L’Europe n’est pas seulement notre horizon : le jour où elle existera vraiment, elle sera notre seule arme politique et économique efficace dans la tourmente mondiale. L’Europe souffre aujourd’hui d’absence de gouvernance, de transparence et de lisibilité. Ce n’est pas avec moins d’Europe que la France s’en sortira ! C’est avec une Europe plus forte, plus solidaire, plus lisible, donc plus communautaire. Dans cette perspective, les renforcements de la zone euro, comme de l'espace Schengen, sont une étape prioritaire.
Des millions de Français partagent ces valeurs et ces préoccupations. Ils seront, je n’en doute pas, attentifs aux orientations qui seront les vôtres sur ces questions durant la campagne du deuxième tour.
Je vous prie de croire à l’assurance de mes sentiments cordiaux. "

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la réponse de François Hollande ne "sort" pas en copier-coller - je la recopierai.
elle est accessible sur francoishollande.fr

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LA FRANCE FORTE NICOLAS SARKOZY


Paris, le 27 avril 2012

Monsieur le Président,

Vous avez bien voulu me faire part des préoccupations prioritaires des électeurs qui ont porté leur
sulfrage sur votre nom dimanche dernier, et je vous en remercie,

Dans cette élection historique pour notre pays, le débat a besoin de clarté, et c'est donc bien volontiers
que je réponds à vos questions. Les deux projets qui se présentent à la décision des Français sont à ce
point différents dans les mesures qu'ils comportent et les valeurs qui les sous-tendent, qu'il est
fondamentalque chaque Français soit pleinement éclairé avant de faire son choix.

Avec un taux de participation de près de 80%, les Français ont prouvé qu'ils étaient parfaitement
conscients de l'importance des enjeux de ce scrutin. Avec plus de 30% des suffrages qui se sont porlés
sur des candidats dits protestataires, ils nous ont adressé un message d'inquiétude face à un monde en
plein bouleversement,

Au terme de quatre années de crise d'une intensité sans précédent, nos concitoyens se demandent
avec lucidité si la France est capable de conserver les grands équilibres de son modèle de société : des
seruices publics de grande qualité, mais qui exigent une gestion rigoureuse des finances publiques ; un
régime de protection sociale généreux, mais qui pèse exclusivement sur le coût du travail alors que la
compétition internationale devient de plus en plus rude ; une société ouverte et accueillante, mais qui
s'intenoge sur la préservation de son identité face à des phénomènes migratoires de plus en plus difficiles à maîtriser.

Les Français ont exprimé un besoin non pas de murs, mais de frontières : frontières géographiques, pour rester un ays accueillant, mais à un rythme compatible avec nos capacités d'intégration ;
frontières culturelles, pour rester une société ouvefie, mais qui ne renonce pas aux valeurs essentielles
de son identité et de sa cohésion nationale ; frontières économiques, pour participer au libre-échange,
mais sans mettre en péril nos emplois ; frontières éthiques, pour réalfirmer quelques règles simples,
mais importantes de la vie commune, en particulier les valeurs d'autorité, de responsabilité, de mérite,
de travail,.

Nous avons un mode de vie et une identité. Nous avons des valeurs. Nous avons des racines
intellectuelles et philosophiques qui mettent I'homme, la famille, la justice, la civilisation au centre de de l’action publique. Au cours des années récentes, une certaine course à la mondialisation, à la
libéralisation des échanges, à la financiarisation de l'économie, à la suppression des frontières, y
compris par I'Europe, a pu donner le sentiment de reléguer l'humain au second plan. Tel est, je crois,
I'inquiétude que ressentent beaucoup de nos compatriotes,

Vous évoquez dans votre lettre I'héritage du Conseil National de la Résistance, Comme vous le savez,
cette plate-forme politique, née d'une des périodes les plus dramatiques de notre histoire, m'est chère.
Elle nous donne une leçon dont la force traverse les âges : une nation qui veut préseruer I'essentiel de
ses valeurs doit avoir le courage de se réformer.

Il fallait avoir Ie courage de réformer les retraites si nous voulions garder notre système par réparlition, ll
fallait avoir le courage de réformer l'université si nous voulions rester une grande nation de savoir, de
sciences et de pensée. ll fallait avoir le courage de réformer I'hôpital si nous voulions continuer à
soigner avec un très haut niveau de qualité sans mettre en péril le financement de l'assurance-maladie.
Il fallait avoir le courage de rendre nos administrations plus efficientes si nous voulions garder nos
services publics protecteurs tout en retrouvant la maîtrise de nos linances publiques.

Comme vous, je reconnais les efforls des Français dans la crise. Comme vous, je ne leur dissimule rien
de ce qu'il reste à faire. Mais je veux également leur faire parlager ma conviction la plus totale, que
notre pays peut s'en sortir, qu'il peut rester une grande puissance industrielle, qu'il a toutes les cartes
en main pour rester maître de son destin. Je veux tracer avec les Français un chemin d'effort, de
confiance et d'espérance.

Si les Français m’accordent leur suffrage, ej vous confirme mon intention d’inscrire dans notre
Constitution une règle d’or qui empêchera les générations actuelles de s'endetter sur le dos des
générations futures. Comme vous le savez, j'ai déjà soumis ce texte au Parlement, mais les résultats du
scrutin ne m'ont pas permis de pouvoir convoquer le Congrès à fin d'adoption de cette règle. Cette
situation devrait-elle se produire à nouveau après l'élection présidentielle, je soumettrai alors au
référendum I'adoption de la règle d'or,

J'ai présenté un projet présidentiel appuyé sur un chiffrage extrêmement précis et rigoureux, ll prévoit
le retour à l'équilibre des finances publiques en 2016. Ce retour à l'équilibre représente un effort de 115
Md€, auxquels s'ajoutent les mesures que j'ai annoncées durant la campagne, dont le coût s'élève à 9,5
Md€, soit au total 124,5 Md€. lls seront obtenus pour les deux tiers par un effort de réduction des
dépenses publiques et pour un tiers par une augmentation des recettes, sans aucun impôt nouveau sur
les ménages, Les économies que j'envisage sont les mêmes que celles que propose la Cour des Comptes, en particulier la réduction des effectifs de fonctionnaires de l’Etat et des collectivités
territoriales, à l'exception des enseignants du primaire, la baisse des dépenses de fonctionnement des
administrations, la maîtrise de Ia croissance des dépenses d'assurance-maladie, ou encore le gel des
transferts de I'Etat aux collectivités territoriales,

Cet effort repose sur une hypothèse de croissance moyenne de 1,7% entre 2012 et 2016, variant de 0,7% en 2012 à 2% enlre 2014 et 2016, Je rappelle qu'avant la crise de 2008, la croissance moyenne
de la France ces 20 dernières années a été de 2% chaque année. ll s'agit donc d'une hypothèse à la
fois crédible et raisonnable, Au demeurant, si la croissance devait être plus faible que prévu, j'aiveillé à
ce que le budget de I'Etat comporte une réserue de 6 Md€ par an pour faire face à un tel aléa.

Je note que le candidat socialiste, pour sa part, ne propose aucune mesure de réduction des dépenses
publiques, Au contraire, il les alourdit, décale à2017le retourà l'équilibre, soit une augmentation de 35
Mds€ de la dette publique, et retient une hypothèse de croissance pour financer son programme à partir
de 2015 que la France n'a atteinte que une fois en 30 ans (2,SIo).
Au-delà des hypothèses, ce sont tout simplement les résultats que nous avons obtenus au cours de ce

quinquennat en matière de dépenses publiques qui crédibilisent sans conteste ma démarche, En 2011,
nous avons ramené le déficit à5,2% du PIB au lieu des 5,7% prévus à I'origine, réalisant ainsi la plus
impoftante réduction du déficit public depuis 38 ans que la France est en déficit chaque année, La
croissance des dépenses publiques en 2011 a été la plus faible depuis 19ô0. Depuis deux ans, la
France respecte également l'ONDAM, ce qu'aucun gouvernement n'avait jamais réussi à faire jusqu'à
présent, et tout cela dans un contexte de crise.

Je n'opposerai pas la réduction des déficits et la croissance, La France a trop cédé, comme beaucoup
de pays en Europe, à la facilité consistant à penser qu'en l'absence de croissance, on pouvait s'abstenir
de rembourser les dettes. Ce temps est résolument derrière nous, Ce que j'essaye de faire depuis la
crise de 2008, c'est de trouver un chemin juste et raisonnable de redressement des finances pubiiques,
d'une part, de soutien à la croissance, d'autre part, par des réformes de compétitivité et des
investissements d'avenir, Cette stratégie a réussi puisque la France a à la fois réduit son déficit et est le
seul des grands pays occidentaux qui n'a pas eu un seul trimestre de récession depuis le deuxième
trimestre 2009. Toute autre est la situation de pays comme la Grèce, I'Espagne, le Porlugal ou I'ltalie,
obligés aujourd'hui de faire des efforts drastiques faute de les avoir faits auparavant.

Je partage votre préoccupation, la France doit être une grande terre de production, Sur ce sujet, une
exigence de vérité s'impose : le déclin de I'emploi industriel français remonte à la crise des années 70.
Ce sont 30 années de choix économiques et industriels qui ont paupérisé I'industrie française, qu'il
s'agisse du démantèlement au début des années 80 de filières industrielles entières, telles que la
sidérurgie, l'industrie automobile ou l'industrie navale, de la retraite à 60 ans en 1983, des 35 heures en
1998, de I'alourdissement constant de la liscalité sur les entreprises et du coût du travail, de
I'insuffisance d'investissements, d'innovation et de recherche ou encore du renoncement à entreprendre
les indispensables réformes.

Toutes ces faiblesses ont été une à une conigées au cours du quinquennat : crédit-impôt-recherche, pôles de compétitivité, suppreession de la taxe professionnelle, dééfiscalisation des hjeures supplémentaires pour donner du pouvoir d’achat aux salariés sans alourdir le coût du
travail, investissements d'avenir, fonds stratégique d'investissement, aide au financement des PME,..
Les résultats sont là, le déclin de I'emploi industriel est enrayé : en 2011, pour la première fois depuis
30 ans, nous n'avons globalement pas perdu d'emplois industriels.

lIl faut maintenant aller plus loin. Je propose une stratégie du double effort, c'est-à-dire un efforl en
France de compétitivité et de qualification, mais aussi un efforl en Europe pour mieux protéger I'emploi
industriel européen.

Si nous voulons restaurer notre tissu industriel tout en préservant notre régime de protection sociale,
hérité du Conseil National de la Résistance, il nous faut modifier le financement. La TVA anti-délocalisations permettra de réduire le coût du travail sans compromettre nos régimes sociaux, C'est
une ardente nécessité, L'élévation de la qualification des salariés, en pailiculier des chômeurs,
permettra pour sa part de positionner nos produits industriels sur des niveaux de gammes supérieurs
tout en répondant à une exigence de justice : l'argent de la formation doit aller à ceux qui en ont besoin.

C'est tout I'enjeu de la réforme de la formation professionnelle que je ferai avant la fin de l'année 2012,
et dont l’objectif peut se résumer ainsi : « une qualification pour chacun, un emploi pour tous »>, Le
développement des PME sera également fortement encouragé, en parrticulier, 20% des marchés
publics leurs seront réservés, mesure quifonctionne remarquablement bien aux Etats-Unis,

Parallèlement, dès mon élection, je proposerai à nos pafienaires européens la conclusion d'un pacte
européen de réciprocité, consistant à faire de la politique commerciale européenne un outil de
protection et de développement de I'emploi industriel en Europe, en l’absence de réciprocité, je
souhaite que les marchés publics, qui représentent pas moins de 15% du PlB, soient réservés aux
entreprises qui produisent en Europe.

J'estime que les produits importés qui rentrent en Europe doivent être davantage contrôlés car il n'est
pas acceptable que notre agriculture et notre industrie soient fragilisées par des importations qui ne
respectent pas nos normes.

Enfin, je demanderai que l'Europe soit beaucoup plus active dans la mobilisation de ses instruments de
délense commerciale et qu'un point régulier soit fait devant Ie Conseil européen lui-même : alors que le montant des importations en Europe est légèrement supérieur à celui des Etats-Unis, I'Union
européenne n'avait I'année dernière que 135 mesures antidumping en vigueur contre 245 aux Etats-
Unis,
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Vous évoquez dans votre courrier la question de la démocratie sociale et proposez que, dans les
grandes entreprises, trois représentants des salariés siègent au Conseil d'administration avec droit de vote. Je ne suis pas favorable à cette mesure, même si j’en compreds le sens. J’estime que l’entreprise appartenant aux af=ctionnaires, ceux-ci doivent pouvoir en assumer Ia direction avec la plénitude des pouvoirs. Je pense qu'une confusion dans les responsabilités ne pounait que nuire à la
confiance.

En revanche, je souhaite, comme vous je le crois, restaurer I'esprit de responsabilité qui doit présider à
la gestion des entreprises, J'ai été choqué comme tous les Français par les rémunérations exorbitantes
de certains dirigeants d'entreprise qui, ce faisant, ont trahi les vraies valeurs de l'entreprenariat français,

C’est pourquoi j’ai formulé un certain nombre de propositions relatives à l’encadrement de la rémunération des dirigeants d'entreprise, en pafticulier la présence de salariés dans les comités des
rémunérations. Je considère par ailleurs, vous le savez, que les règles de la répafiition de la valeur
ajoutée dans les entreprises doivent évoluer dans un sens plus favorable aux salariés. Je proposerai
des évolutions en ce sens si les Français me renouvellent leur confiance,

Je  partage votre analyse sur ce que vous appelez très justement la < crise de l'éducation ,. Ce n'est
pas en créant 60 000 postes de fonctionnaires qu’on la résoudra, mais en proposant à la nation un nouveau projet éducatif. Ce sera I'une de mes principales priorités.

Ce projet se fondera sur la revalorisation du savoir, de l’effort, et sur la considération que la société tout
entière doit aux enseignants. Nous n'accepterons plus qu'un seul écolier sorte de l'école primaire sans
savoir lire, écrire et compter. Pour cela, nous nous appuierons sur les programmes de 2008 tels qu'ils
ont été recentrés sur les savoirs fondamentaux, ainsi que sur une prise en charge systématique des
élèves fragiles, dès les premières difficultés repérées, J'engagerai une profonde réforme du collège, qui
doit mieux prendre en compte la diversité des élèves qu'il accueille, Les professeurs, mieux rémunérés,
y seront davantage présents en dehors des heures de cours, disponibles pour les élèves et leurs
lamilles. Je souhaite enfin développer massivement I'apprentissage, qui est la meilleure réponse au
problème de l'insertion professionnelle des jeunes. Désormais, tous les élèves en dernière année de
baccalauréat professionnel ou de CAP passeront 50% de leur temps en entreprise.

L'école est à mes yeux le moteur numéro un de la justice sociale, Beaucoup de choses ont été faites en
ce sens au cours des cinq dernières années, comme les études dirigées pour les u orphelins de 16
heures u, les internats d'excellence ou encore la présence de 30% de boursiers dans chaque classe
préparatoire, Mon ambition, je sais que vous la partagez, est que l'école continue sa double mission
d'instruction de nos jeunes générations et de concrétisation de l'égalité des chances,

*

En 2007, nous avons entrepris une importante modernisation de nos institutions. Depuis cinq ans, les
droits et la démocratie ont progressé dans notre pays, La révision constitutionnelle de 2008 a gravé dans le marbre de la Constitution, à l’initiative des parlementaires centristes, le pluralisme et
l'indépendance des médias. Nous avons considérablement étendu les pouvoirs du Parlement. La
question prioritaire de constitutionnalité est pour sa part la plus grande réforme en matière de libertés
publiques depuis 30 ans. Le CSM n'est plus présidé par le Président de la République et toutes les
nominations du parquet sont soumises à son avis. Depuis la réforme de cette institution, le
gouvernement a suivi tous les avis du CSM concernant le parquet et je suis prêt à reconnaître cet état
de fait dans la Constitution en prévoyant une procédure d'avis conforme.

Cette exigence d'exemplarité, je me la suis appliquée en ouvrant la Présidence de la République au
contrôle de la Cour des comptes, elle-même présidée par un ancien député de I'opposition. Le budget
de la Présidence de la République a été réduit de 20%.La présidence de la Commission des finances
de I'Assemblée a également été confiée à un député de I'opposition.

Avec le même souci de moralisation de la vie publique, le gouvernement a déposé un projet de loi
s'inspirant des conclusions du rapporl que j'avais commandé au Vice-président du Conseil d'Etat, M,
Jean-Marc Sauvé, sur la prévention des conflits d'intérêts des membres du gouvernement et des
collaborateurs de la Présidence de la République et des cabinets ministériels. ll sera inscrit à I'ordre du
jour dans les premières semaines de la prochaine législature. Les mesures qui pouvaient être mises en
æuvre sans loi I'ont été.

Cela ne nous dispense évidemment pas d’aller plus loin. Je souhaite, d'une part, interdire le cumul
d'une fonction ministérielle avec un mandat exécutif local. Je suis d'avis, d'autre part, que le nombre de
parlementaires doit être réduit. Je partage, par ailleuyrs, votre volonté
une dose de proportionnelle aux élections législatives. Le scrutin majoritaire majoritaire apporte une stabilité politique en garantissant des majorités franches pour gouverner, Mais il a aussi ses défauts. Personnellement, je ne trouve pas satisfaisant qu'un système électoral exclue de la Représentation Nationale des courants de pensée qui réalisent des scores significatifs à chaque scrutin, C'est pourquoi je suis favorable à une dose de proporlionnelle, qui aura en outre pour effet de favoriser la parité,
Vous souhaitez que cette moralisation de la vie publique soit soumise au référendum. L'expérience
prouve qu'au cours des années récentes, le Parlement a voté de nombreuses lois d'amélioration de
l'éthique de notre vie politique. Chacun sait par ailleyrs qu’un référendum peut difficilement être
organisé sur un trop grand nombre de mesures. Toutefois, et sous cette réserve, s'il venait à y avoir un
blocage sur ce sujet, je suis tout à fait disposé à saisir les Français par référendum des propositions
que vous avez formulées.

Je suis, vous le savez, un Européen convaincu, Tout au long de mon mandat, je me suis engagé de
toutes mes forces pour que l'Europe agisse, que ce soit pour réformer ses institutions après l'échec de
la Constitution européenne, en exerçant la responsabilité de la Présidence de I'Union européenne dans
une période cruciale, ou en faisant face à la crise des dettes souveraines.


Lorsque I'explosion de la zone eur0 menaçait, c'est l'entente franco-allemande qui a permis à I'Europe
de surmonter ce danger vital : dans l'urgence, I'Europe a mis en æuvre Ie principe de solidarité en
venant en aide à ceux de ses membres qui étaient menacés et en se dotant d'une véritable force de
frappe financière qui protègera les Européens contre la spéculation ; I'Europe a également établi le
gouvernement économique qui luifaisait défaut depuis Maastricht.

Je soutiendrai de toutes mes forces la mise en œuvre du traité sur la stabilité, la coordination et la
Gouvernance de la zone euro, qui était indispensable pour sauver notre monnaie de I'implosion et
certains de nos voisins européens de la faillite, et mobiliserai les outils que nous avons créés pour
renforcer la zone euro en développant notamment I'harmonisation des législations au seruice de la
croissance et de I'emploi,

Mais si les Français sont attachés à la construction européenne, qui a ramené la paix sur notre
continent, ma conviction est qu'ils attendent aujourd'hui plus de I'Europe : ils veulent qu'elle soit capable
de les protéger. Or, j’ai toujours pensé que I'on sert davantage la cause européenne en cherchant à en
corriger les défauts plutôt qu'en refusant de les voir,

C’est pour quoi je souhaite que le gouvernement économique de la zone euro fort du travail
d'assainissement des finances publiques des pays qui y adhèrent, engage un dialogue constructif avec
la BCE en faveur du soutien de la croissance, De même, comme indiqué ci-dessus, je souhaite que la
politique commerciale de I'Union européenne protège davantage l'emploi industriel en Europe, Enfin, je
pense que l'Europe doit entreprendre une réforme de I'espace Schengen, non pas pour remettre en
cause cet acquis fondamental que constitue la liberté de circulation en Europe, mais au contraire pour
ne pas le laisser être menacé par une situation aux frontières extérieures qui deviendrait intenable,
Ce n'est pas une petite préoccupation pour nos compatriotes que de se sentir protégés contre les trafics
de la criminalité organisée et une pression migratoire non maîtrisée. Les bases sur lesquelles I'espace
Schengen a été construit par 5 Etats en 1985 doivent impérativement être renforcées, dès lors que
Schengen compte désormais 26 Etats. Je propose donc que Schengen soit doté d'un gouvernement
politique, que des outils permettant d’aider les pays concernés à garder la maîtrise des frontières
extérieures de l'Europe soient mis en place, et qu'un pays qui, au mépris de ses engagements, ne
protègerait pas la partie de la frontière dont il a la charge, puisse être sanctionné ou suspendu. C'est
ainsi que, comme vous le souhaitez, nous renforcerons Schengen,

*

Monsieur le Président, à plusieurs reprises, au cours de de votre campagne, je vous ai entendu parler du
peuple, A Dunkerque, vous avez récusé I'usage des mots ( populiste n et u populisme , pour qualifier
ce qui est l'expression de I'angoisse d'une partie du peuple français de ne plus être entendu, de ne plus
ôtre pris en compte, Je me fais un devoir d'entendre la voix de tous les Français et de toutes les
Françaises qui se sont exprimés dimanche dernier et de trouver un point d'équilibre qui permette de
répondre aux inquiétudes et au besoin d'espérance des uns et des autres dans la situation qui est celle
de notre pays aujourd'hui.
La France vient de traverser une succession de crises extrêmement graves. Dans un monde et une
Europe encore très instables, elle dispose de tous les moyens requis pour s'en sortir à condition de faire
résolument le choix de l'assainissement de nos finances et des valeurs du travail et de la responsabilité.
C'est pour mettre en æuvre ce projet que j'appelle tous les Français qui mettent l'amour de notre patrie
au-dessus de toute considération partisane et de tout intérêt particulier à s'unir et à me rejoindre.

Je vous prie de croire, Monsieur le Président, en I'assurance de mes sentiments les meilleurs.

Nicolas SARKOZY

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