jeudi 26 avril 2012

ce que je pense des résultats et de la campagne du premier tour de notre élection présidentielle

Ce que je pense du résultat du premier tour de l’élection présidentielle
&
de la campagne qui y a mené




Il est possible et je crois très utile de s’attacher à des thèmes pour juger d’une campagne puis d’un exercice du pouvoir, de prendre parti pour une ou un candidat de préférence aux autres, et en même temps de rester objectif, c’est-à-dire d’essayer de comprendre et de juger du point de vue du pays et de l’Histoire. Hubert Beuve-Méry et sa signature : Sirius

Je l’essaie ici.

I – La campagne n’a pas été bonne.

Chacun des candidats joue pour son compte, prétend rassembler et écouter. Pour les électeurs et pour l’étranger qui observe, c’est la somme des campagnes, et l’impression produite par le « collectif » des candidats qui importent. Deux évidences de procédures et des lacunes thématiques – considérables.

Les procédures. Comment ne pas souhaiter qu’elles soient réformées d’ici la prochaine élection de même nature.

1° la candidature du président de la République à sa propre réélection doit ouvrir l’intérim de sa fonction, automatiquement et selon la Constitution (même si le résultat pourrait être obtenu par une démission à n’importe quel moment du mandat par le président en exercice soucieux de raviver le débat et de faire confirmer dans des conditions d’égalité parfaite sa légitimité et la préférence des Français pour lui ou pour elle, si nous avons enfin une femme à notre tête, ce que je crois bon pour notre image dans le monde et pour une ambiance plus collégiale, moins autoritaire dans l’exercice du pouvoir et la répartition des rôles publics). Un gouvernement de consensus serait formé par les partis représentés au Parlement. Le président par intérim – président du Sénat, selon la Constitution – veillerait à cette formation, à la neutralité des pouvoirs publics et des médias pendant la campagne. Ce délai, cette respiration pour le pays et pour la haute fonction publique, servirait à établir le bilan du mandat effectué par le sortant de nouveau candidat, donc à donner aux citoyens une vue non polémique du travail accompli. Il servirait aussi, puisque le gouvernement serait de consensus, à dessiner l’accord minimum sur les fondamentaux entre partis et candidats, en sorte que se préparerait déjà la rédaction et la votation d’un plan de développement économique et social d’une durée équivalent à celle des mandats présidentiel et législatif, tant qu’ils coincident (la restauration du commissariat général au plan tant pour la confection de ce genre de document que comme lieu de négociations sociales à moyen terme, et de combinaisons des projections et des investissements du public et du privé, est d’urgence surtout en période de « crise »).
Faute de cet intérim, le bilan du sortant est oublié au moins par celui-ci, et il y a quotidiennement un recel d’abus de fonctions : le sortant se drape dans le tricolore et invoque sans cesse sa dignité et son devoir pour éluder non seulement l’égalité des chances et de la présence en médias, mais même une réelle mise en jeu personnelle. Nous venons de le vivre en conclusion d’un quinquennat déjà consacré à la présence médiatique du président de la République plus qu’à un travail de fond, lequel suppose la rareté de l’intervention et la discrétion, la distinction surtout entre la communication et la réalisation.
2° l’accès aux listes et coordonnées électroniques nominatives des personnalités habilitées à présenter une candidature à l’élection présidentielle doit être libre et aisé pour tout candidat. J’ai testé cette accessibilité. Ce fut passionnant, et ce sera tranché en Conseil d’Etat, puisque j’ai demandé au ministre de l’Intérieur que ces listes, leur mise à jour et leur accessibilité soient confiées au Conseil constitutionnel : celui-ci n’est-il pas juge de la régularité et du nombre de ces présentations, dites « parrainages » (appellation inadéquate, car il ne s’agit en rien d’une caution morale ou politique).

Les lacunes. Elles sont, selon moi, évidentes.

Nous ne nous en sortirons que par un sursaut européen. La solidarité financière et la crédibilité de l’Union, et donc de chacun des Etats, suppose – dans le fonctionnement européen – la démocratie directe : élection du président de l’Union au suffrage direct de tous les citoyens, prérogative de celui-ci d’appeler au referendum pour les matières prévues par le traité. Celui-ci à refaire complètement donc : que le prochain Parlement européen soit élu aussi comme Assemblée constituante européenne. L’intergouvernementalité qui a caractérisé, loin des peuples, tous les ravaudages de textes puis de financements et de soutiens aux uns et aux autres, a manifestement fait fiasco.

La réinvention du contrôle et du débat parlementaires est vitale. Le pouvoir exécutif doit être contrôlé, les grandes questions doivent être débattues, même si elles sont finalement décidées par referendum. Ces débats ne doivent pas être empêchés par la certitude que les jeux sont faits d’avance et pendant cinq ans. Considération du vote blanc, quorum pour la validité de tout scrutin, vote de conscience dans la plupart des cas aux Assemblées.

Planification et aménagement du territoire sont des institutions françaises, perdues de vue et de pratique : ce sont elles qui rendent l’Etat communicatif, qui contribuent à la rencontre efficace et documentée des partenaires sociaux entre eux et avec la puissance publique, qui assurent la solidarité entre régions, collectivités territoriales, font les libertés concrètes, garantissent la personnalité historique, géographique, mentale de chacun de nos composantes.

Cela n’a été nettement dit ni défendu par aucun des candidats.


II – Les résultats sont salubres


Le président sortant est sanctionné, pour la première fois un président sortant n’est pas le premier au premier tour, même si au second (Valéry Giscard d’Estaing) il est battu. La popularité de Nicolas Sarkozy au neuvième mois de son mandat est « tombée » au-dessous de 50% des sondés, et n’est jamais remontée au-dessus.

Il est sain que le même président sortant garde ses chances de réélection. Elles me semblent intactes. Un point et demi de différence avec son compétiteur principal. On prévoyait à l’automne jusqu’à dix points d’écart au premier tour. Ce qui oblige maintenant François Hollande à faire preuve d’un réel charisme, et Nicolas Sarkozy d’une véritable habileté. Le premier pour rassembler, y compris des électeurs qui lui sont hostiles à l’U.M.P. et au Front national. Le second pour se rallier les électeurs de Marine Le Pen et de François Bayrou. Cela devrait produire deux identifications. François Hollande, président de beaucoup plus que la gauche, qui n’obtient en gros que 44% des suffrages, et donc œcuménique, ce qui appelle une majorité parlementaire diversifiée, « plurielle ». Nicolas Sarkozy opérant de fait la fusion de l’U.M.P. consentante avec un parti d’extrême droite dont les thèses ont inspiré son propre exercice du pouvoir. Il est possible que cette fusion fasse renaître – très opportunément – un centre modéré et humaniste, européen et démocrate d’une part, et le mouvement du gaullisme social d’autre part. Les deux manquent au pays.

Le vote blanc que devrait recommander Marine Le Pen va donc être statistiquement considérable. Ce ne sera plus seulement, au second tour, la réflexion de quelques citoyens exigeants et scrupuleux, ne voulant en rien compromettre. Ce peut être massif, venir aussi des électeurs de François Bayrou. Argument de plus pour légiférer en sorte que ce vote soit désormais considéré comme exprimé et qu’il pèse par conséquent sur le culcul de la majorité.

Il est excellent que le Parti communiste, quel que soit son nom à l’avenir, réexiste et soit puissant.

Question et certitude.

Le prochain renouvellement de l’Assemblée nationale reflètera les résultats du premier tour de l’élection présidentielle. Je le souhaite. Ce qui suppose – à défaut d’une révision des lois électorales difficile à conclure en quelques jours, sous l’impulsion du nouveau président de la République, si c’est le cas – des ententes franches entre partis et une volonté des électeurs d’imposer leur premier choix, celui du 22 Avril.

Aussi bien les sondages sur les motivations du vote que l’échec relatif de Nicolas Sarkozy, montrent que les thèmes racistes de l’immigration de l’hostilité à l’Islam, voire la critique des aides sociales aux démuniss et aux chômeurs (sur lesquelles le président sortant voudrait une décision prochaine par referendum !) ne caractérisent aucun électorat de quelque candidat qu’il s’agisse. L’emploi et le pouvoir d’achat, le social et l’économique, dominent à juste titre.

Pour ma part, ce qui me fait choisir, même par défaut, est tout simple : la moralité de l’exercice du pouvoir, la recherche absolue de la justice autant en équité qu’en distributivité, le souci constant manifesté par celui qui va incarner la France pendant cinq ans de la grandeur de celle-ci et de l’honneur des Français.  

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