lundi 30 janvier 2012

Inquiétude & Certitudes - lundi 30 janvier 2012


Lundi 30 Janvier 2012

Prier… je prends les textes de la messe d’hier [1], puisqu’hier j’ai médité ceux d’aujourd’hui. Manière du Christ : il y a les paraboles, il y a les questions posées à l’auditoire ou au seul interlocuteur, il y a les miracles (des guérisons, une résurrection) généralement accomplis en fonction de la foi constatée mais souvent aussi – comme ici – pour seulement souligner son magistère en légitimité et pas seulement en contenu. On était frappé par son enseignement, car il enseignait en homme qui a autorité, et non pas comme les scribes. … Voilà un enseignement nouveau, proclamé avec autorité ! Jésus a tout pour déplaire à l’ « établissement » de son époque, mais pas forcément cependant pour séduire ses contemporains. Qu’enseignait-il précisément quand il est interrompu par un homme, tourmenté par un esprit mauvais, qui se mit à crier ? L’évangéliste ne le note pas. Comble, alors que l’identité du Christ est proclamée à l’improviste : le meilleur connaisseur de Dieu c’est Satan et contrairement à ce que nous vivons et ressentons si douloureusement, le mal est la meilleure et plus forte attestation de l’existence et de la toute-puissance divines… Jésus fait taire ce témoin improvisé. Ce dût être spectaculaire et paradoxal. Les évangélistes insistent : les signes importent autant que l’enseignement lui-même. Conditions d’écoute et même d’ouverture au don de la foi : frères, j’aimerais vous voir libre de tout souci. Texte célèbre et controversé de Paul, on croit y lire une mise en cause du mariage et une infériorité d’un état de vie par rapport à un autre. Foucauld le commente justement, lui qui, pourtant, fut tellement en quête d’une orientation et d’un discernement sur son état de vie. Je regarde autrement et vis combien sont compatible et même s’éclairent et se fortifient l’un l’autre, le souci de Dieu et l’état conjugal. Plaire au Seigneur… lui consacrer son corps et son esprit… c‘est le chemin pour être libres de tout souci, donc pas une recette ou un état de vie par lui-même, mais une orientation vers Dieu. Reste la double grandeur d’une vocation religieuse, sacerdotale au célibat (et à la pauvreté et à l’obéissance) : répondre à l’élection divine, faire humainement le choix et le pari pour un bien suprême, Dieu, et subordonner toute son existence humaine courante à la recherche de Dieu et à Son service. Supériorité, infériorité d’un état de vie ? non. Plan de Dieu sur chacun, appel. Une consécration, un pari tels ne peuvent être notre seul fait. Et à l’inverse, la vie « dans le monde » n’est pas tenable sans la grâce, c’est elle qui agence l’accaparement et la responsabilité de la vie de couple et de famille, les exercices professionnels, notre créativité pour qu’ils nous mènent – cependant – à Dieu « quand même ». Possible seulement par ce Christ, Dieu fait homme, donc à notre mesure humaine, à notre portée, en nos mains à son époque puisqu’il fut mis à mort, en nos mains aujourd’hui par les sacrements (celui de l’Eucharistie plus visiblement), mais qui a autorité : je mettrai dans sa bouche mes paroles, et il leur dira tout ce que je lui prescrirai. La parabole vaut pour la politique, d’autorité qu’une parole dépassant celui qui la profère et de fond que puissé à des références universelles, intimes au cœur de l’homme, du citoyen du téléspectateur… Aujourd’hui, écouterez-vous sa parole ? [2]


Copiant le commentaire assez long du rabbin Brahimi pour ce psaume XCV que chantent mes amis moines à chaque matine, j’ai conscience et bonheur de prier avec nos frères juifs. Je vais revenir aussi à ma lecture fréquente du Coran. Copier, c’est prier. Des vies monastiques avant Gutenberg n’eurent que cette prière : copier. Eugène Detape, mon si communicatif professeur de philosophie, à l’école Saint-Louis-de-Gonzague à Paris, disait : le génie est copieur. Le paradoxe n’est qu’apparent. Le génie, c’est d’abord l’invention du chemin, pas forcément le contenu-même de l’invention. Il se trouve que le commentaire de Claude Brahimi est exceptionnellement intéressant pour un chrétien puisque, faisant comprendre ce qu’est le sabbat, il dit avec une force ce que le chrétien enregistre machinalement : pourquoi il était si scandaleux pour les contemporains du Christ que Jésus intervienne, presque systématiquement pendant le sabbat, y compris pour le moment de sa mise au tombeau.


matin

Couriellé à Matignon le dispositif de mon message d’hier soir à l’Elysée, en le commentant et en l’ouvrant à des candidatures alternatives à celle du président sortant.

----- Original Message -----
From:
Bertrand Fessard de Foucault
To:
Franck Robine - Matignon
Sent: Monday, January 30, 2012 8:23 AM
Subject:
ce que j'ai adressé hier soir à l'Elysée Fw: précécentes dates de candidature d'un président à sa réélection

Des primaires à l'U.M.P., possibles seulement pour un président sortant que si l'intérim trois mois avant le scrutin devient constitutionnel, auraient placé le président de la République derrière MM. François Fillon et Alain Juppé. Un vrai débat sur la manière aurait distingué le Premier ministre du Président, et sur le fond aurait montré que le ministre des Affaires étrangères, ancien Premier ministre, a des vues totalement différentes de celles du Président et de M. François Fillon.

Il est sans précédent que les commentateurs comme le pays considèrent comme très possible que le président sortant ne se représente pas... au vu des sondages, ou soit empêché de figurer au second. Ce "non-amour" ne tient pas tant à M. Sarkozy qu'à la tolérance pour ses comportements et sa manière, et à la révérence excessive pour la fonction présidentielle dans laquelle nous sommes entrés, avec en sus une imagination erronnée d'un titre et d'un rôle de "première dame de France" depuis Madame Chirac. La relation manquée entre le peuple et les gouvernants depuis Mai 2007 tient plus à une majorité présidentielle qui en a "rajouté" en culte de la personnalité - le courage (et maintenant la sincérité - et en mimétisme avec les thèses du Front national (les "propositions de loi" extrêmistes ou folles, les débats "solennels et nationaux" proposés par Jean-François Copé) qu'au seul Président livré à ses seuls génies, alors qu'il est déjà sans repères paternels ou familiaux... et sans mentor politique (l'affaire de Karachi le coupant décisivement d'Edouard Balladur). Le président sortant s'il avait été le ministre ou le Premier ministre d'un grand homme, aurait pu être un miracle d'énergie et d'une certaine gouaille pouvant parfois s'apparenter à un vrai sens de l'opinion (sauf pour ce qui le concerne lui-même). Cela n'a pas été sa chance, ni celle de notre pays. Hélas !

Encore, M. Sarkozy a-t-il une chance que n'eut pas le général de Gaulle : ni le Premier Ministre ni le ministre des Affaires étrangères n'ont fait leur déclaration de Rome ou de Genève, pour ouvrir franchement une alternative souhaitée certainement par la majorité sortante.

Bien amicalement.

Le débat quotidien entre Laurent Joffrin et Sylvie Pierre-Brossolette est très dur pour Sarkozy. Celui qui veut tout le temps changer, mais pourquoi, demande Joffrin. Trop tard et même contre-productif, selon Sylvie Pierre-Brossolette, toutes ces mesures devaient être prise en Août. La hausse de la TVA, forcément la hausse des prix, on a un quinquennat qui commence par défiscaliser les riches, et qui se termine en faisant payer absolument tout le monde. Conclusion pour les deux : l’exercive d’hier inutile, et certainement pas de nature à rassurer ou rameuter l’électorat présidentiel de 2007.

midi

Si j’ai bien entendu, dix sept millions de téléspectateurs pour la « prestation » présidentielle d’hier soir, en regard des cinq millions et quelques pour Hollande jeudi. Qu’attendait-on ? d’énormes surprises thématiques ? l’abdication ? les termes de la candidature ? Les commentaires deviennent plus favorables. On découpe les propos pourtant très minoritaires en volume et en temps dans l’émission, sur la candidature et contre Hollande. « Je ne me déroberai pas… l’arrogance… le caniveau… ». Courageux, on le disait déjà depuis quelques semaines, maintenant, c’est sincère et authentique. Entreprendrait-on le chef d’œuvre de rendre sympathique celui qui, manifestement, ne l’a pas été durant tout son mandat, et antipathique l’opposant socialiste ? Il est également noté que Schroeder, l’ancien chancelier allemand SPD, est devenu le modèle du président sortant. Lequel n’a eu que l’Allemagne à la bouche et en exemple, mais n’est-ce pas vexer Merkel qui a conçu une vive aversion pour celui qu’elle avait battu et qui semblait ne pas vouloir quitter la place, à une voix près…

Sommet à Bruxelles, cet après-midi : enfin sans pression, même si l’affaire grecque n’est toujours pas bouclée. On devrait y parler croissance et emploi. Exit le projet de traité de discipline budgétaire. L’Europe totalement absente des propos d’hier soir.

Des familles portent plainte pour « mise en danger de la vie d’autrui », celles des militaires tombés en embuscade le 8 Août 2008 en Afghanistan : pas de reconnaissance des crêtes, pas de matériel suffisant (canons et hélicoptères). Judiciarisation des guerres : nos interventions autour de Scebreniza, au Ruanda, en Côte d’Ivoire et maintenant en Afghanistan. Les populations censément protégées par nous, nos soldats tués : chacun se révolte. Argument secondaire mais portant pour cesser ces interventions sur « théâtre extérieur ».

[1] - Deutéronome XVIII 15 à 20 ; psaume XCV ; 1ère lettre aux Corinthiens VII 32 à 35 ; évangile selon saint Marc I 21 à 28


[2] - Le chabbat est essentiellement la prise de conscience que c’est Dieu qui a créé le monde. L‘homme juif s’efforcera alors, pour cette aison, de ne pas intervenir dans la nature de quelque manière que ce soit. Aussi pour « l’accuueil du chabbat » nos sages ont choisi ces six psaumes qui tous célèbrent Dieu, comme Roi créateur de l’univers. Psaume 95.3 : « … Dieu est un grand roi ». Psaume 96.10 : « … proclamez parmi les nations que Dieu règne ». Psaule 97.1 : « … que la terre se réjouisse : Dieu règne ». Psaume 98.6 : « … annoncez au son du chofar le roi Dieue ». Psaulme 99.1 : « … que tremblent les nations : Dieu règtne ». Psaume 29.10 : « … Dieu siège en roi sur le monde ». Comme si à l’approche du chabbat nous affirrmions avec plus de force que ces six jours de la semaine, temps du travail humain, sont soumis à l’autorité divine et annonçaient le chabbat dominé à l’évidence par Dieu, préfiguration de ce chabbat des temps messianiques où, avec Israël, l’humanité reconnaîtra la tutelle divine sur le monde selon la prophétie d’Isaïe 66.23 : « … de chabbat en chabbat toute créature viendra se prosterner devant Moi ». Vocation exaltante que celle du peuple d’Israël, tout entier tendu vers la louange de Dieu. Les premiers versets de ce psaume le disent avec un lyrisme incomparable : « Allons chanter Dieu, rocher de notre salut… car nous sommes le peuple de son pâturage, le troupeau de sa main ». Mais vocation difficile quand elle doit affronter les forces du mal, quand le « cœur s’endurcit », quand il met à « l’épreuve » Dieu comme dans le désert où Israël s’est comporté comme un « peuple au cœur égaré », « ignorant ses voies », transgressant sa vocation. Ainsi que nous l’avons dit dans notre introduction, le chabbat est le signe du rtègne de Dieu sur terre ; c’est à Israël de le dire le premier. Il ne faut pas qu’il trahisse sa vocation, garante de son salut ; selon le midrach chih’èr tov : Rabbi Lévy dit : « si Israël observait un seul chabbat selon les règles, il serait immédiatement sauvé ».. – Rabbin Claude BRAHAMI, op. cit.. Ce commentaire est décisif pour un chrétien parce qu’il lui fait comprendre que la prétention du Christ, appuyée par des miracles spectaculaires, d’être « le maître du sabbat » atteignait au cœur de leur foi et de leur pratique ses contemporains, et leurs autorités religieuses. Je ne l’avais pas perçu avec autant de force que celle produite par ces remarques, citations et réflexions. Ce qui – au passage – conforte mon intuition de plus en plus nette que prier avec des esprits et des âmes et des esprits religieux, quelle que soient leurs dogmes et obédiences, nous fait approfondir les nôtres, d’une certaine manière nous les rendent plus aigus et présents. Ainsi nos différences font notre communion.

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